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Viendra la tempête de Ramius



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» Auteur : Ramius - Voir le profil
» Créé le 22/06/2022 à 15:14
» Dernière mise à jour le 22/06/2022 à 15:14

» Mots-clés :   Hoenn   Organisation criminelle   Présence de personnages du jeu vidéo   Présence de Pokémon inventés

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Chapitre 5 : Le capitaine perd la tête
Matthieu eut une moue mal assurée en voyant apparaître la pipe du capitaine, au bout de la table. Quelques regards discrets vinrent lui proposer le peu de soutien qu’ils pouvaient ; personne ne fit un geste. Mais le colosse était vieux jeu, parfois plus que le capitaine lui-même. Il n’y avait qu’un seul maître à bord, devant même les dieux. Alors il se leva, intentionnellement silencieux, avec une souplesse inattendue pour un corps si encombrant, et ouvrit la fenêtre du bout du mess.

L’arôme omniprésent de la mer vint souligner les remugles du tabac, les regards s’effacèrent derrière les masques, et Heyscold souffla un rond de fumée.

Pour certains, il allait trop loin. La course-poursuite qui avait occupé tout leur après-midi leur avait fait faire le tour du pod et récolter une moisson opulente de coups de semonce : Blizzards, Giclédo, et même un Tonnerre de défi. Impossible de dormir dans tout ça, et c’était un Matthieu fatigué qui s’était présenté au repas du soir « pour faire honneur au sens kalosien de la ripaille ! ». Maintenant les plats servis par Cédric étaient réduits à l’état de restes, et Heyscold avait pris la relève.

Une controverse faussement animée sur la météo émergea. Il pleuvait depuis des jours, un crachin opiniâtre et froid, fallait-il penser que le pod le maintenait ? Ou bien qu’un vol de Békipan s’étaient établi non loin, peut-être sur l’iceberg déserté ? Des idées préconçues, des nuages en forme de Camérupt ou tout à fait comme un Wailord. Une conversation vide et gênante, qui s’étirait parce qu’on attendait le conte du soir et qu’en bout de table, Sarah manifestait sa franche désapprobation en tenant le grappin au capitaine. Certains préféraient garder le silence, proposer de lui faire savoir qu’elle embêtait tout le monde. D’autres savaient qu’elle s’en moquait et faisaient leur possible pour sauver les apparences.

« Nan, je me demande seulement quand cette saleté d’Écayon a pris le temps de manger et ce qu’il a chassé, disait-elle. Il a tenu trente-cinq nœuds tout l’après-midi, bien assez pour éreinter n’importe quel Kalachnot. Et un Kalachnot a un profil un peu plus adapté à la nage rapide.

— Oh non. J’en ai déjà vu un, un vieux chef de meute, qui a fait trente nœuds de moyenne pendant trois jours, il nous a collé au train tout le temps de rentrer au port. Celui-là a bien failli avoir la peau de mon Tire-au-flanc V.

— Tu veux vraiment le calcul ? Trente-cinq nœuds, c’est un sixième de plus, mettons quinze pour cent. En nageant, il traverse une masse d’eau plus longue d’un sixième, et qui a une énergie cinétique relative supérieure du carré d’un sixième. Cent quinze pour cent au cube : environ cent cinquante pour cent. Sur trois jours, ton Kalachnot dépense donc quatre fois plus d’énergie que notre Écayon, en six fois plus de temps, pour deux résultats. D’une : il se crève de fatigue et vide la moitié de son gras. De deux : il est forcé de rester en surface et de respirer en permanence. Tu préfères quoi maintenant, le calcul pour déterminer les dommages que ton Kalachnot se serait infligé en accélérant d’un sixième, ou bien le volume de gras aérobie dont notre Écayon a besoin pour faire son affaire en apnée ?

— T’en as pas marre de courir après un Écayon géant ? Donne-lui un nom et qu’on n’en parle plus. Eh, vous autres ! Un nom pour la poiscaille ! »

Les rares à avoir écouté une partie des divagations de Sarah avaient compris qu’Heyscold était largué et se prirent au jeu avec malice.

« Shankha ! lança Morarji. Parce que Sarah nous noie de calculs avec !

— Non mais je te remercie !

— Pourquoi pas Damien ? proposa Patricia.

— Oh non, pas ça, réagit Cédric. On ne va pas l’humaniser, quand même !

— Haha, peut-être… T’as pas un ami d’enfance appelé Damien ? J’ai l’impression.

— Alors techniquement, non. Concrètement…

— On ne vous dérange pas, les tourtereaux ?

— Ou sinon, intervint Matthieu pour calmer le jeu. On pourrait l’appeler Médor. »

Un éclat de rire général suivit cette idée absurde, conduisant le colosse à s’appuyer en arrière dans sa chaise en croisant les bras derrière la tête. Il arborait un rictus satisfait. Puis Sarah posa un coude sur la table, intriguée par quelque chose.

« Oh, je crois que je sais, annonça-t-elle. Enfin, je te pique un peu l’idée Morarji…

— Ben voyons.

— … mais on pourrait l’appeler Kyogre. »

L’infirmier s’étouffa d’un rire discret, saisissant immédiatement le ridicule de l’affirmation. Heyscold fronça un sourcil désapprobateur. Et ce fut Arthur qui releva la contradiction.

« Ça me rappelle quelque chose, ce nom… C’est pas une vieille légende ? Un truc surnaturel ?

— Un vieux poisson divin, confirma Sarah. Si je me rappelle bien son histoire, il se met en tête de noyer le monde, mais un héros humain quelconque lui vole un joyau et le bestiau s’avère n’avoir aucun pouvoir. »

Le Topdresseur hocha la tête : ça se tenait. Avec un nom pareil, l’opératrice sonar vouait la poiscaille à mourir avant la fin de l’histoire.

« En plus, nota Morarji. Rien ne dit que le Kyogre du conte est immortel. Et s’il est mort… Un Spectre n’a pas besoin de respirer. »

D’autres têtes se hochèrent. Moyade, un autre Spectre, était connu pour ses Giclédo. D’un coup, l’étrangeté qui s’était installée doucement sur le navire se dissipa un peu. La proie qu’ils traquaient était, vraisemblablement, un simple Pokémon. Quelque chose qu’ils savaient pouvoir vaincre.

Et quand Heyscold l’énonça de cette voix si particulière, qui insistait légèrement sur les dommages que la mer lui avait infligés, tous surent qu’il allait raviver les superstitions. Il s’opposerait à Sarah, en réaction à son impolitesse bien intentionnée, et donc à tout l’équipage.

Mais il était le capitaine.

« Autrement dit, notre poiscaille est un Écayon mort-vivant tout ce qu’il y a de plus légal… Eh bien, vous avez raison sur ce point. Parce qu’il n’y a qu’un seul dieu dans l’océan, et c’est le Vieux Père des Monstres. »

Patricia se laissa aller en arrière dans sa chaise, Matthieu posa les coudes sur la table et avança la tête. Ludmila commença à imiter la mécanicienne, levant une botte vers la table, puis se ravisa. Cédric fronça légèrement les sourcils.

Puis Sarah releva le menton et, par défi, recula sa chaise pour poser ses propres pieds sur la table. Comme si tout allait bien.

« Oh, il y a bien longtemps qu’on n’a plus entendu parler du Vieux Père des Monstres. Vous voyez, il y a une malédiction qui n’épargne le grand âge de personne et surtout pas celui des dieux… les rhumatismes. »

Matthieu rejeta la tête en arrière, un rire à gorge déployée que personne ne suivit, et qui dura moins longtemps que d’habitude.

« Il dort, reposant dans les abysses les plus profondes depuis des siècles, peut-être des millénaires… Certains de ses enfants pouvaient bien se faire passer pour lui, il y a longtemps, mais ils sont tous morts depuis. Jusqu’au dernier.

» Beaucoup ont été connus… Le monstre du Loch Cùthlain, qui hantait les eaux non loin de Winscor, dans une région où on a retrouvé des noyés tous les ans… Son frère jumeau, un habitant des mers australes, celui dont la rage y a élevé des hauts-fonds et semé des épaves… Ou bien la drôle de bête qui a un jour levé un vent debout et une houle contraire sur l’Atlantique nord, au grand désespoir des pêcheurs de morues qui tentaient de survivre dans ces eaux… »

Depuis quelque temps, Cédric changeait d’expression régulièrement, cherchait quelque chose à dire. Des dépits discrets se succèdaient sur ses yeux. Heyscold occupait la place.

« Il y en avait un qu’on nomma Big Girder, un Kalachnot. Une quarantaine de navires, qu’il aurait coulé, et les quelques survivants des derniers juraient qu’une forêt de harpons avait poussé sur son dos et qu’il laissait derrière lui un sillage rosi de sang.

» Il y eut aussi une tortue, qui dévorait des navires au temps où les marins s’en remettaient à Zeus et Poséidon… Un héros, un demi-dieu, poursuivit et la chassa vers les abysses ; mais les écailles de sa carapace tombèrent de sa chair dans le combat et prirent vie, donnant naissance aux premiers Tortank, et nous nous traînons encore cette plaie aujourd’hui…

» Et puis il y a eu la Malédiction de Morgan. Un genre de Tentacruel, en plus moche et en plus gros, qui s’intéressait exclusivement aux capitaines. Si votre seul maître à bord voyait le monde en noir, remâchait ses remords, soupirait devant l’aventure… il valait mieux déserter ou rédiger votre testament, car la Malédiction le poursuivrait comme elle avait poursuivi le capitaine Morgan jusqu’au bout du monde. »

Les doigts de Morarji craquèrent alors qu’il les avançait sous son menton en posant ses coudes devant lui ; un sursaut agita la table.

« Mais toutes ces saletés sont mortes depuis longtemps. Et pourquoi ? Pourquoi, mes amis ?

— Parce qu’elles étaient moches, tenta Arthur.

— Les rhumatismes ? essaya Matthieu avec un sourire.

— Oh non. Oh, non… De leur avis à tous, leur géniteur était un sacré salopard. Alors vous pensez bien qu’ils ont été content quand il a commencé à roupiller sur les fonds marins, et peu importait qu’on prenne ses ronflements pour des séismes même à l’autre bout du globe.

» Mais le Vieux Père des Monstres est un peu somnambule sur les bords. Et puis il a faim, même quand il dort… Alors, un jour qu’il menaçait de se réveiller, Big Girder lui a dansé sous le nez et s’est fait boulotter, volontairement. »

Un frisson sensible longea la table.

« Les uns après les autres, ils se sont tous sacrifiés pour garder leur père endormi. Dévorés vivants, par altruisme, parce qu’ils le voulaient bien. Comme quoi on n’est pas toujours la copie conforme de ses parents ; il serait déçu de voir ça, le Vieux Père des Monstres…

» Et puis maintenant qu’il n’a plus aucun enfant en vie, j’imagine qu’il se remettra à frayer comme un porc quand il se réveillera. »

Un long jet de fumée échappa à Heyscold et atteignit la fenêtre ouverte, se disloquant avant d’avoir pu s’enfuir dans la nuit d’encre.

Ce ne fut pas Sarah qui claqua la porte la première. Ce fut Arthur, se levant silencieusement de table et emportant les assiettes à la cuisine, en prenant soin de ne pas croiser le regard de Matthieu. Ce dernier, s’il était affecté, ne laissa rien paraître, et personne n’envisagerait un seul instant de lui proposer de prendre son tour de garde nocturne pour lui permettre de rattraper son après-midi de sommeil en retard.

***
« Typique. Typique, putain.

— Blâme pas Heyscold, tu sais comment il est.

— Oui, oui, le théâtre, l’amour de la mer, le besoin viscéral de transformer son expédition en trip sous acide… Ça ne l’excuse en rien, Sarah. Tu sais aussi bien que moi que Matthieu est ici pour fuir la terre.

— Ouais et il est pas le seul, hmm ?

— … Certes.

— Le vrai problème, Arthur, c’est que tu n’es pas le capitaine. Arrête de te comporter comme tel et reste à ta place. »

Il ne dit rien, abaissant sa position sur le bastingage de proue : ses coudes vinrent appuyer sur la barre d’acier, ses poignets restèrent pendre au-dessus de l’étrave. Il ne savait pas adopter un langage corporel tendu ; il n’y avait que ses yeux pour dire qu’il n’était pas tout à fait aussi zen qu’il le semblait.

Sarah modifia son propre équilibre, posant une hanche contre le bastingage et croisant les bras. Une vague moue de défi sur le visage : ce qu’il était satisfaisant d’avoir poussé le Topdresseur à une réflexion assez intense pour creuser des rides sur son visage. Peut-être qu’elle n’était pas complètement perdue pour la carrière de psychologue, finalement.

C’était le lendemain, un jour aussi gris et informe que les précédents. L’océan ne changeait pas, imperméable aux tourments des humains sillonnant son large dos. Et pourtant les paroles rêches et monocordes de ses vagues figèrent progressivement les traits d’Arthur.

« Non, c’est vrai, admit-il. J’ai trop tendance à penser que toi et Matthieu êtes sous mes ordres. »

Un sourire malicieux vint souligner la fin de sa phrase ; il conclut avant que Sarah n’ait pu répondre.

« Ma vieille, il faut croire que tu n’es pas assez incontrôlable. »

La gifle partit toute seule et sans vraie conviction, par réflexe, mais Arthur ne se formalisa pas de son claquement sec. Venant de Sarah, c’était une sorte de preuve d’amitié.

« Matthieu se gèrera tout seul, posa Sarah. Apprends à faire pareil.

— Non, désolé. »

Elle le regarda d’abord d’un air interloqué, avant de comprendre que ce n’était pas une blague. Un soupir lui échappa ; ce qu’attendait Arthur.

« On n’avance pas, et je voudrais prendre un risque. J’aurais besoin de ton aide pour forcer la main de Heyscold, ou au moins l’aider un peu.

— C’est censé être ton métier, les risques, répliqua-t-elle. Pas le mien.

— Tu sais, si tu étais d’humeur, je te répondrais que ça impliquerait un ping sonar, donc ton métier.

— Ne me dis pas que tu comptes défier le Dominant du pod ! »

Mais son sourire espiègle disait exactement cela. Sarah lâcha un grommellement furibond, et s’accouda au bastingage. Un tapotement nerveux des doigts sur la barre d’acier, un geste qu’elle détestait voir interrompre aussi violemment qu’elle détestait l’entendre chez les autres. Arthur la laissa reprendre l’initiative quand elle le voudrait.

Pas bien longtemps. Avec l’expérience qu’ils avaient des Kalachnot, il ne leur fallait pas bien longtemps pour envisager les risques et les chances.

« On le bute, on les perd.

— Merci de ne pas suggérer que le pod nous courrait après. Mais je pense que c’est Kyogre.

— Oui, ça ne m’étonnerait qu’à moitié. Ils lui tournent autour à chaque fois qu’il plonge au fond ; ce connard y est encore, d’ailleurs. Ça n’explique pas pourquoi il ne poserait pas problème.

— J’ai repensé à ce que tu disais sur ce vieux Kalachnot dont parlait Heyscold…

— Tu veux dire refait les calculs ? »

Un gloussement vite partagé lui échappa. Heyscold n’avait pas été le seul à décrocher dès que l’opératrice sonar avait commencé à parler de géométrie et à invoquer des cubes et des carrés pour une explication concernant un Pokémon marin. Arthur n’avait rien contre les calculs foireux, du moment que c’était lui qui les faisait.

« Kyogre aura forcément l’endurance d’un Laggron. Ha ! Pour rester en apnée comme ça, je pense qu’on ne trouvera même pas d’exemple d’endurance qui tienne !

— Oui, enfin, ça reste un Spectre, hein.

— Hmmm. Ah oui. Enfin, il nous a tourné autour tout l’après-midi, surtout. On peut l’attirer hors du pod et l’isoler, c’est surtout ça que je veux dire. On peut s’arranger pour éviter les représailles et filer à la galaroise.

— Si ton équipe tient la marée…

— Eh, quand même. Je sais que mes gredins et moi ne tenons pas contre un pod entier, mais on s’entraîne quand même sur des Kalachnot. On peut faire passer un sale quart d’heure à un Écayon géant immortel. »

Sarah n’objecta pas. Elle garda le silence un moment, un peu plus longtemps cette fois-ci. Mais ce n’était pas comme si le choix était réaliste.

« Tu sais que je te fais confiance, soupira-t-elle finalement. Vas-y, qui on recrute.

— Ni Heyscold ni Matthieu…

— Logique.

— Et Patricia refuserait probablement.

— Cédric, Morarji, Ludmila et nous… Ça ferait encore une majorité. Ça pourra marcher. »

Il hocha la tête en silence. Dit comme ça, on se rapprochait un peu trop de la mutinerie. Sarah s’en rendit compte aussi, et chercha à modérer l’idée.

« Peut-être que Heyscold acceptera sans qu’on n’ait besoin de demander un vote.

— Espérons. »

***
Arthur n’avait pas coutume de se sentir mal à l’aise en présence de Matthieu ; pourtant, il déglutit avant de toquer à la porte de sa cabine. Il aurait bien aimé que ce ne soit pas nécessaire… mais il leur manquait un cinquième soutien, et il ne restait que lui d’envisageable. Et il était plus proche de lui que Sarah, ce qui adoucirait peut-être un peu la pilule.

C’était tout de même dérangeant de vouloir faire avaler ce genre de Séviper à Matthieu.

« Entrez ! »

Le Topdresseur déglutit silencieusement et ouvrit la porte avec un sourire.

« Ah, c’est toi. C’est un défi ?

— Nan, c’est un peu plus tordu que ça. »

Il n’y avait pas de chaise dans la cabine de Matthieu ; Arthur s’assit sur le bureau. Pas comme si quelqu’un allait protester ou même remarquer.

« Pour le dire sans tourner autour du pot, je voudrais forcer la main du capitaine. Un plan un peu risqué, avec des alternatives réalistes, et auquel on sera conduit de toute façon au bout du compte.

— Et tu veux pouvoir le sortir plus tôt avec un vote si Heyscold refuse. Fais voir la marchandise.

— Défier le Dominant.

— Ça marche !

— Tu pourrais au moins faire semblant de prendre le temps d’y réfléchir. »

Matthieu afficha une grimace pleine de dents, mais ne répondit pas immédiatement. Chacun ses problèmes à résoudre, apparemment. Arthur posa les coudes sur ses genoux et croisa les doigts.

« Tu sais, je ne suis pas Dresseur. Je sais, tu vas me dire que j’aime mes Pokémon ou je sais pas quoi, mais toi, t’as des qualifications. Si t’estimes qu’il faut prendre le risque d’énerver le pod, je te suis, et si Heyscold s’oppose, va pour une mutinerie.

— Ouais enfin tu pars chercher un peu loin, là. Heyscold est largement assez compétent pour ne pas mériter une mutinerie.

— Mais moins charismatique, pointa Matthieu. On pourrait presque te suivre jusqu’au bout du monde si tu le demandais à quelqu’un dans la rue. »

À l’exception d’au moins un membre d’équipage, songea le Topdresseur. Mais ce n’était pas ce qui l’ennuyait le plus avec cette pensée.

« Il va falloir se calmer un peu, là, protesta-t-il. T’es la deuxième personne aujourd’hui à me prêter foi et allégeance éternelle, avec Sarah.

— Pas de notre faute si tu fais un chef convainquant ! »

Arthur ne le relança pas. Le colosse avait l’air prêt à tenir ce genre de discours toute la matinée — et lui-même s’était spontanément mis dans l’état d’expectative d’un combat. Quelque chose n’allait pas et il avait besoin de rester seul avec ses pensées.

« Bon, en tout cas, merci de ton soutien. Et salut.

— Mais de rien ! »

Une fois dans la coursive, le Topdresseur s’autorisa à relâcher son attention et à laisser son esprit vagabonder. Le temps d’arriver à sa cabine, il se fixa sur ce concept de faire un bon chef. L’idée était dérangeante, contre-intuitive. Menaçante.

Et pourtant pas dénuée d’une certaine séduction.