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Derkomai's Mask de weivern



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» Auteur : weivern - Voir le profil
» Créé le 03/05/2022 à 22:33
» Dernière mise à jour le 18/06/2022 à 10:18

» Mots-clés :   Présence de personnages de l'animé   Présence de shippings   Présence de transformations ou de change   Romance

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Même l’adénium peut se flétrir
Le souvenir d’Adriane, celui-là même qui miroitait sur le sable en écoutant les bêtises de Serena, n’était qu’un moment anodin. Une cour de récréation, une amie avec qui elle s’était disputée – Solène, rapide comme un dynavolt, elle aurait même pu battre les garçons à la course mais… l’asthme c’était une vraie saleté.

- Non Serena, je ne suis pas perdue.

Une carte Braségali brillante, c’était parti de là. A leur âge, on se laissait guider par les émotions, on pouvait se le permettre quand les pieds et les poings n’étaient pas assez grands pour vraiment faire mal. Quoique son amie avait la précision et la vitesse d’un tygnon donc Adriane ne s’en était pas tirée à si bon compte.

- A ton avis ? Je n’ai pas pris cette boussole pour faire jolie !

La naissance d’une haine féroce, l’histoire tragique d’une amitié brisée… Pas vraiment, elles s’étaient réconciliées peu de temps après à grand renfort de câlins, de pleurs et de morve au nez. Puis elles étaient devenues rivales sans se priver de voyager ensemble une fois leurs dix ans atteints. Il y avait eu beaucoup d’évènements importants depuis et Solène aurait sans doute oubliée cette histoire si Adriane ne la lui rappelait pas à intervalle régulier. « Ça t’a vraiment marquée, » remarquait à chaque fois son amie, un peu honteuse de ne s’en souvenir qu’à travers les récits.

- Oui, une boussole ça ne peut indiquer que le nord. A moins que celle-ci aime faire des farces.

Ça l’avait marquée comme l’asthme marquait les bronches de Solène. Et en parler pour Adriane avait autant d’effet que le Salbutamol : ça faisait du bien sur le moment, mais ça ne soignait pas le fond du problème. Les crises revenaient, invariablement. En même temps, peut-être prenait-elle mal le traitement. Expirer lentement, inspirer, retenir sa respiration pendant cinq secondes, ou bien était-ce quinze ? Solène retenait sans mal tout le protocole alors qu’Adriane n’arrivait jamais à raconter toute l’histoire.

Il ne manquait pas grand-chose pourtant, juste un détail, un ridicule détail : « l’élévation lente et majestueuse du majeur ». Etrange qu’une gamine de son âge connaisse un tel geste, et pourtant elle le tenait de nul autre que son père.

Pas d’idées superflues, il était un homme respectable et intègre. Peut-être un peu trop fan du groupe Ixon qui s’exportait tout juste hors des frontières de Galar… Mais le hard rock, c’était bien sa seule excentricité. Ça et le fait de gratifier son vieux rival de ce geste d’amitié étrange. « Ce que c’est ? Ah… Des fois quand il me parle, ça gratouille dans ma main et mon doigt se lève tout seul. C’est… l’élévation lente et majestueuse du majeur à la stimulation ! » avait-il un jour expliqué.

Les gratouillis, Adriane aussi les avait ressentis et avec cette capacité fabuleuse que les enfants ont à imiter, elle se montra aussi brillante que son père. Sauf que la maîtresse en charge de la surveillance, ou le maton en charge des détenus au choix, ne manqua pas de le remarquer et d’en référer au grand-père venu la chercher.

Elle anticipa et craignit sa punition, d’autant plus inquiétante que le vieil homme ne prononça pas un seul mot sur le chemin du retour. Il demanda des explications, le père pâlit, bredouilla, fit une piètre tentative de gronder Adriane à laquelle elle répondit immédiatement par : « Mais tu le fais bien toi ! ». La suite elle ne la connaissait pas, elle ne pouvait que supposer en constatant que plus jamais son père n’avait fait ce geste. Ah et aussi, plus jamais il ne l’avait grondée ou n’avait dit que c’était sa faute… Il aurait dû. Parce qu’elle savait, parce qu’elle avait toujours su ce que geste signifiait. Mais ça avait toujours été son défaut, ne pas se sentir digne de sa fille, croire que tout était toujours de sa faute…

- Dra !

Le hurlement terrifié de Sacha résonna dans le désert. Il courut, la bouche emplie de flamme, sa queue soulevant le sable brulant. Serena tombait. Elle glissait dans un puit de sable qu’un kraknoix avait savamment préparé. Il claquait sa mâchoire au centre de son piège, Serena criait. Pas encore, pas encore, pas encore ! s’affolait le métamorphosé.

Par chance, la dresseuse n’était pas une proie intéressante pour le pokémon qui l’expulsa de sa tanière à grand renfort de Jet de Sable. Sacha tomba à genou, le sang pulsait encore dans ses tempes pendant que Serena recrachait le sable. Il tendit les bras, voulut la toucher, la serrer contre lui, il y renonça.

- On devrait faire une pause, proposa Adriane.
- Non ! s’écria la coordinatrice. Si on s’arrête maintenant on n’atteindra jamais Autéquia.

La championne ne protesta pas, suivant docilement les directives de la coordinatrice. De toute façon rien ne semblait être en mesure de l’arrêter. Ni la chaleur étouffante, ni les collines de sables qui s’étendaient à perte de vue, sans oublier l’eau dans les gourdes qui se réchauffait et brulait la gorge des malheureuses dresseuses.

- Il fera bientôt nuit, on devrait trouver un endroit où dormir, dit la championne.

Aucune réponse. Serena fonçait droit devant elle sans prendre en compte les conseils de son accompagnatrice. Ne l’avait-elle pas entendue, ou faisait-elle semblant de l’ignorer ? Si la coordinatrice voulait marcher jusqu’à tomber d’épuisement, la championne ne la retiendrait pas, en revanche… Au sommet des dunes, là où le soleil commençait à décliner, les épouvantails du désert s’éveillaient. Ils se réunissaient, appelaient de leurs cris stridents d’autres de leurs congénères. Eux, ils l’avaient remarqué. Eux, ils savaient. Eux, ils étaient prêts à ouvrir grand leurs bras pour accueillir ce reptile aux muscles affamés.

Le sable lestait ses chaussures, ses poumons s’encrassaient des grains chauds de silices. Adriane courait, attrapait l’épaule de Serena pour l’obliger à lui faire face.

- Maintenant tu arrêtes tes caprices ! On va s’arrêter, manger et attendre demain pour repartir.
- Le concours…
- Vous ne sortirez pas de ce désert si tu continues ! hurla la femme.

Serena serrait les dents. Ce n’était pas son épaule blessée qu’Adriane tenait et pourtant elle ressentait la même douleur que si la femme avait enfoncé ses doigts dans la plaie.

- Il est guéri, murmura la jeune fille. Et je lui donne ce que l’infirmière…
- Il les jette ! Exactement comme avant, exactement comme ce qu’il fait avec le reste de sa nourriture. Ce que Joëlle t’a donné n’y change rien !
- Tu mens… Tu… Tu avais dit que tu attendrais, que tu ne ferais rien pour…

Serena se dégagea, reprit sa marche sans chercher à répondre ou à se justifier. Un train lancé à toute vitesse qui ne pouvait même pas tomber en panne. Excédée, sans se soucier du cri du dragon qui la suppliait de s’arrêter, de ne pas la blesser, Adriane frappa.

Un violent coup de poing dans l’estomac au moment où Serena se retournait. La championne vit la terreur, peut-être même l’image d’Arthur s’imposa une brève seconde dans les yeux de la coordinatrice. Tant pis, les jointures de ses mains lui faisaient mal, mais au moins…

- On s’arrête. On s’arrête maintenant Serena.

La jeune dresseuse toussait, crachait, pliée en deux sur le sol, les larmes affluaient aux coins de ses yeux. Sacha s’agenouilla près d’elle, plaqua sa main sur le ventre de la jeune fille pour y diffuser un peu de chaleur. Il n’avait pas bougé, il avait réagi trop tard et encore une fois, c’était Serena qui souffrait.

Il releva la tête, ouvrit grand la gueule. C’était peut-être pour lui qu’elle avait frappé, peut-être même était-ce pour la meilleure raison du monde mais… Elle n’avait pas le droit, il n’y aurait jamais rien qui pourrait justifier ça !

Aucun torrent de feu ne ravagea le désert, aucun Lance-Flammes ne brûla la championne. Les flammèches maigrichonnes s’évanouirent sur les lèvres du monstre. Il ne pourrait rien de plus, pas dans son état, pas après une journée à marcher dans le désert, pas avec le peu de réserves qu’il lui restait.

Serena toussota, agrippa la main griffue du monstre, ses yeux embués par la douleur. Un instant elle crût revoir son gentil Reptincel, mais il n’était plus là, il ne serait plus jamais là.

" Ça va aller Serena, ça va aller, " répétait inlassablement Sacha.

- Quel gâchis, murmura Adriane.

Il fallut du temps à la coordinatrice pour reprendre quelques couleurs. Largement de quoi permettre à Adriane de monter le camp avec l’aide de Maganon et de préparer le repas.

- Tu dois manger Dracaufeu, essaya de nouveau Serena.

Il était trop inquiet à l’idée de laisser la jeune fille seule, même pour quelques secondes. Alors il préférait rester devant sa gamelle pleine, admettant que cette fois il ne pourrait pas s’en débarrasser discrètement.

- Juste une bouchée, tu les mangeais bien hier, supplia-t-elle.

Non. Il n’y avait jamais touché, mais cette fois Serena le voyait. Sacha renifla la crème, elle ressemblait à celle que lui achetait parfois sa mère. Il souffla, si au moins il avait une cuillère… Il lapa la surface. Pour faire plaisir à Serena, parce qu’il n’en pouvait plus de la voir avec ce regard souffrant. La crème était épaisse et gluante au point qu’il crut s’étouffer avec. Il s’empressa d’avaler, sentit la masse descendre lentement vers son estomac. Il allait vomir s’il en reprenait, c’était certain. Il poussa son plat. Ne t’inquiète pas pour moi, je mangerai demain, ou peut-être après-demain, de toute façon un jour de plus ou de moins ça ne change pas grand-chose.

- Ça ne sert à rien, je te l’ai déjà expliqué, rappela Adriane.

Serena serra ses poings, se saisissant de quelques grains de sables au passage.

- Tu n’as rien d’une championne, grinça-t-elle. Ceux que j’ai connu, ils encourageaient, aidaient, faisaient tout pour que pokémons et dresseurs se rapprochent.
- En as-tu déjà affronté ?
- J’ai vu suffisamment de combats.

Adriane adressa un sourire moqueur à la coordinatrice.

- On veut juste enseigner ce qu’on a soi-même appris. La manière de faire diffère, mais dans le fond on n’est pas si différent les uns des autres.
- Non… Jamais ils n’auraient…

Elle porta sa main à son ventre, s’exhorta de rassembler son courage.

- Je me débrouillerai pour traverser le désert, j’arriverai en temps et en heure à Autéquia. Alors je t’en prie, retourne à Vermilava, laisse-moi réparer les choses et… Je ne veux plus voyager avec toi.

Sacha écoutait attentivement. Les bons souvenirs qu’il avait de la championne lorsqu’il était dresseur ne pesaient plus très lourd. Maintenant, ce n’était plus que méfiance et crainte de ce qu’elle pourrait faire. Il ne voulait plus de son aide, même si la situation avec Serena ne s’améliorait pas, même si elle devait se détériorer.

Mais la championne ne prit pas en compte les supplications. Elle s’enfouit dans son sac de couchage en murmurant :

- Ça ne change rien au fait qu’il faut dormir maintenant.

Les étoiles apparaissaient petit à petit, comme si elles se divisaient dans le ciel. Sacha allongé sur le ventre, enroulé sur lui-même, veillait discrètement sur la jeune fille recroquevillée face au feu. Nymphali s’était déjà endormie et la coodinatrice ne tarderait pas à en faire de même vu comment elle piquait du nez.

Sacha attendit un peu, jusqu’à ce que la dresseuse pose sa tête sur ses bras croisés. Il écouta avec attention la respiration de son amie et lorsqu’elle fut parfaitement immobile, il se leva et l’allongea avec précaution avant de ramener une couverture sur elle. Il zyeuta du côté de la championne, il était le seul éveillé à présent, le seul à sentir cette bonne odeur de fleur et d’humidité qui régnait dans l’air.

Rester près de Serena était devenu oppressant et pesant. A chaque fois qu’elle le regardait, à chaque fois qu’elle lui parlait et encore cette fois lorsqu’Adriane avait frappé. Il n’espérait plus qu’elle s’excuse, il n’attendait même plus qu’elle comprenne, mais au moins…

" Au moins, arrête de croire que ça ne me fait rien quand tu es blessée. "

Il se leva, fit attention à ne pas renverser les sacs de sa queue ou de ses ailes, retint sa respiration en passant à côté du Maganon endormi. Il reviendrait avant qu’Adriane ne se réveille, mais en attendant… Ses pieds déprimaient le sable pendant qu’il s’éloignait. Le froid griffait son visage, mais le doux parfum du désert le rassurait et le poussait à continuer, à chercher un endroit plus calme où il pourrait se reposer.

Ils l’attendaient, avec leurs sourires troués et leurs épines en formes d’étoiles. Ils se feraient un plaisir de l’intégrer, de faire de lui une partie d’eux. Et peut-être dans quelques jours, ils inviteraient aussi la jeune humaine.

***
Une lueur rouge s’échappa du manteau de Serena accompagnée d’un « pop » bruyant et de crépitements diffus. Une sortie pas très discrète, mais pas suffisante pour réveiller les humains et pokémons épuisés. Négapi contempla un instant le paysage avant de remarquer les marques qu’un gros reptile avait laissé dans le sable.

" Je n’ai vraiment pas été bon, railla Négapi. Mais toi aussi, on pourrait même dire que tu as été aussi nul et inutile que moi. "

Il s’adressait aux empreintes, comme si d’une manière ou d’une autre elles étaient connectées au métamorphosé. Les épaules du lapin tremblèrent, la dernière fois qu’ils s’étaient parlés… Lui avait-il seulement parlé ? Ou bien s’était-il plaint à un miroir, un reflet distordu de lézard géant cracheur de feu qui pourtant lui ressemblait. Pitoyable, un reptile et un rongeur, ce n’était pourtant pas compliqué de faire la différence.

" Tu ne pouvais pas te contenter d’être un pokémon qui balaye ses adversaires en un coup avec moi derrière qui espère un jour te rattraper. Tu ne voulais pas rester un modèle à suivre, non, il fallait que tu… « Sans chercher à comprendre, ni même à voir ce qu'il se passait. » C’est bien ça que je t’ai dit non ? Sincèrement… si tu me piques mon truc, on va avoir du mal à s’en sortir "
" Tu parles tout seul maintenant ? "

En remarquant le sourire soulagé de son frère, Négapi ne put s’empêcher d’éprouver une pointe de culpabilité. Pas seulement une pointe en fait, c’était toute une lame qui le tranchait, une coupure bien nette qui le traversait de part en part.

" J’avais besoin de réfléchir. "

Une piètre justification.

" Ça fait du bien de te revoir. "

Et il ne trouvait que ça à dire ? Posipi pourrait au moins lui crier dessus, ça lui ferait une raison valable d’avoir voulu l’éviter. Et ça justifierait le fait qu’il s’éloignait en ce moment.

" Négapi. "

Il ne courrait pas, alors c’était simple pour son frère de le suivre.

" Négapi ! "

Le bleu souffla, s’assit dans le sable et attendit. Pas un mot de plus de la part de son frère qui vint s’assoir de telle sorte qu'ils restent dos à dos, incapable de voir le visage de l'autre.

" Tu avais déjà compris ? " demanda Négapi les yeux perdus dans le vague.
" Je pense... Les concours nous feront du bien. "
" Tu ne me l'as jamais dit. "
" Je pensais quand même la même chose que toi... plus ou moins. "
" Moins, n'est-ce pas ? "
" Mais je préférais le plus. Comme ça je pouvais rester proche de toi. »
" Ça aurait tenu ? "

Le rouge gratta sa joue, provoquant quelques étincelles au passage.

" Je ne pense pas. On aurait fini par se repousser. On avait déjà commencé à se repousser. "
" C'est pour ça que tu m'as laissé tranquille quand je me suis enfermé. Pourtant tu as pris un risque en m’amenant à Voltère. Tu savais ce qu’il dirait ? "
" Vu que je suis l’ainé c’est évident que… "
" Ne rêve pas, c'est moi l’aîné. "
" On ne le saura jamais finalement. "
" Sans doute... "

Négapi baissa ses oreilles avant de reprendre :

" Pandespiègle va pouvoir faire le prochain concours ? "
" Je ne pense pas avec son genou et lui-même doit l'avoir compris. "
" Il le supporte ? "
" Il faut bien. De toute façon Serena ne le laissera pas participer et encore moins Roussil. "
" C'était la seule qui avait encore les idées en place. Elle n'avait pas le choix. Je ne lui ai pas laissé le choix quand je me suis énervé parce que Nymphali... "
" Je me suis déjà occupé de rattraper ton erreur, " précisa Posipi.
" Hum… je devrais m’excuser, commença Négapi mais voyant le regard de son frère il s’empressa d’ajouter : Elle a l’air fatigué. "
" Elle essaye de calmer Serena, mais ça ne fonctionne pas vraiment et... Nymphali s'épuise. "
" De toute façon notre dresseuse, elle se sent responsable. Et Sacha n'aide pas ! "
" Il est maladroit. "
" Il est surtout fou d'elle ! " s’écria le lapin bleu.

Posipi étouffa un rire. Ce n'était pas faux.

" Combien on pari qu'à peine Sacha redevenu humain, ils auront un œuf ces deux-là. "
" Un œuf ? "
" Tu as raison, misons plutôt sur une dizaine d’œufs. "
" Ce n'était pas vraiment ça, mais... Les humains pondent des œufs ? Je n'en ai jamais vu. "
" Hum... Je vois mal comment ils pourraient faire autrement. On aura qu'à demander à Sacha ! "
" S'il est de meilleure humeur... D’ailleurs, où est-il ? "
" Dans sa pokéball je suppose " soupira Posipi.
" Sacha ? Dans une pokéball ? " répéta dubitatif le bleu.

Evidemment que ça n’allait pas et Posipi s’en rendit vite compte. Les deux frères se dépêchèrent de retourner au camp et observèrent les empreintes qui s’éloignaient.

" Il… Il devrait vite revenir, " essaya Posipi.

Mais aucun des deux n’y croyait et pour cause, le grand désert central d’Hoenn avait ses récits de gens et pokémons qui disparaissaient sans laisser de traces.

Nymphali ouvrit un œil, dérangée par les murmures des deux compères. Pour une fois que Serena dormait paisiblement, elle tenait à ce que cela se poursuive jusqu’au matin. Elle se dégagea de l’étreinte de sa dresseuse en rampant. D’abord surprise de voir le lapin bleu, elle ne tarda pas elle aussi à remarquer l’absence du faux-pokémon.

" Où est Sacha ? " demanda-t-elle.

Si jamais sa dresseuse se réveillait et qu’elle voyait qu’un certain reptile était absent, nul doute que le reste de la nuit serait partagé entre inquiétude et recherche du disparu.

" C’est tout le problème, grinça Négapi. Nymphali ? Qu’est-ce que tu fais ? Reviens ! "

Ses rubans ondulaient pendant qu’elle courrait, ses fines pattes rebondissaient sur le sol désagrégé, imprimant leurs formes à côté des empreintes que le type fée suivait. Elle s’étonnait que sur cette terre aride dénuée de toute végétation, elle sentait vibrer sur son museau les senteurs qui lui rappelaient son ancien chez elle.

Nymphali s’arrêta, le parfum était devenu si concentré qu’il lui piquait le nez et les yeux. Mais le vrai problème, c’était les empreintes du dragon qui n’allaient plus en ligne droite. Elles se chevauchaient sur une petite surface, réapparaissaient plus loin avec en leur épicentre une trace bien plus grande, elles dérivaient à droite et à gauche parfois nettes, parfois longilignes. Les oreilles du pokémon frémir, elle percevait des grognements et le bruit du sable qu’on balayait juste derrière la dune.

Elle déglutit, fit un pas en arrière avant de secouer la tête. Ce n’était pas le moment d’avoir peur, sa dresseuse n’hésiterait pas si elle était à sa place.

Ses pattes glissaient à chaque fois qu’elle avançait, la pente pourtant légère se révélant bien plus difficile à gravir qu’elle ne le pensait. Quand elle atteignit le sommet, elle remarqua en contrebas une petite flamme qui virevoltait dans tous les sens.

Un cercle parfait de cacturnes matérialisait Echo-Sphère et Dard-Nuée. Au centre, Sacha roulait pour éviter les attaques, s’écorchant sur les Picots qui se mêlaient aux grains de sable. Un enfant du désert rompit les rangs, sa vitesse nullement réfrénée par ses jambes rigides, son poing s’abattant comme une masse d’arme sur le sol, manquant de peu l’aile que le dragon avait essayé d’étendre. Sacha cracha ses flammes en retour, il n’y avait qu’à cette distance, presque à bout portant, qu’il pouvait espérer faire des dégâts. Le cacturne ne resta pas plus longtemps à proximité. Son rôle accompli, il recula pour rejoindre les rangs pendant que ses congénères projetaient une nouvelle salve d’attaques.

Toutefois, l’épouvantail ne s’attendait pas à ce que le vent souffle si fort cette nuit et encore moins qu’il soit capable de le faire tomber. Il se releva, le sable dégoulinait le long de son corps vert alors qu’il découvrait son véritable assaillant. Un pokémon qui lui rappelait vaguement un mentali sans en posséder les traits distinctifs. Gênant, son espèce aimait traquer les proies les plus faibles, celles que le désert achèverait même sans leur intervention. Il siffla, concerta ses frères et sœurs, mais il oublia d’écouter leur réponse quand le monstre inconnu passa devant lui. D’instinct, ses piquants s’allongèrent et il lança son bras vers le visage du type fée. Nymphali serra les dents pendant qu’une prémisse d’Abri se formait sans qu’elle sache s’il se solidifierait à temps.

Ils sont plus clairs que ceux de Serena. Nymphali dans ses bras, la pointe des piquants dans son flanc. Sacha s’étonnait que ce ne soit pas la dresseuse qui se soit jetée au milieu des cacturnes.

Le chasseur se contorsionnait, la moitié de son membre à l’intérieur de la barrière bleu alors que le reste de son corps restait bloqué à l’extérieur. Les yeux de Serena sont plus sombres. Le cacturne frappa de son bras libre l’étau qui le tenait, une fois, puis deux avant que la barrière ne cède et qu’il ne tombe en arrière.

Tant mieux, si ça avait été toi, si c’était toi qui étais venue… Je ne sais pas, je ne veux pas y penser.

L’épouvantail siffla à travers les trous qui perçaient son visage. Aucune réponse, ses congénères s’étaient déjà retirés. Une attaque seule… Impossible.

" Ils sont partis ? " osa demander Nymphali toute tremblante.

Sacha regarda autour de lui. Il ne restait plus rien des monstres, pas même une trace de pas.

" Qu’est-ce que tu es venue faire ici ? " souffla le faux pokémon en la posant.
" Je ne voulais pas que Serena… Et pourquoi tu t’es éloigné ? Tu imagines ce qu’il se serait passé si je n'étais pas arrivée à temps ? Ah ! Ce n’est pas le moment, on doit vite retrouver Serena pour qu’elle te soigne ! "

Sacha s’assit en crachant un peu de vapeur d’eau. Il appuya sur sa hanche, s’imaginant que la douleur qu’il ressentait n’était qu’un banal point de côté.

" Tu ne voulais pas que Serena remarque que j’étais parti ? De toute façon, elle était trop fatiguée pour… "
" Les cauchemars se fichent qu’elle soit fatiguée ! cria Nymphali. Si au moins tu restais à côté d’elle, si tu étais là à chaque fois qu’elle se réveille… Mais tu n’en fais qu’à ta tête et tu passes ton temps à l’inquiéter. "
" Alors qu’elle arrête, " murmura Sacha.

Le pelage de Nymphali se hérissa. Serena se faisait du souci pour lui, n’était-il pas capable de le comprendre ?

" Comment tu peux être aussi égoïste après tout ce qu’elle a fait ! "
" Ce qu’elle a fait… "

Il se releva, dominant le pokémon de toute sa hauteur. Nymphali se cambra, ses rubans vibrant d’une aura rosée.

" Elle t’a protégé, elle nous a tous protégés, elle s’est sacrifiée pour nous. Et même maintenant, si elle t’avait vu, elle n’aurait pas hésité… Elle est courageuse et… Je suis fière de dire qu’elle est ma dresseuse. "

Sacha ne répondit pas, il commença à marcher avec sa queue trainant dans le sol et sa main collée à son flanc.

" Je ne m’étais pas trompé finalement, c’était bien Serena, c’était vraiment Serena. "
" C’est mal de vouloir protéger ses amis ? C’est mal de penser aux autres ? C’est toi Sacha, c’est toi qui lui as appris tout ça et pourtant ça ne te suffit pas… Tu voudrais qu’elle fasse plus ? Dis-moi Sacha, dis-moi ce que le grand dresseur que tu étais aurait fait à sa place !? "
" Dis-moi ce que Serena aurait ressenti si elle avait été à ma place. "

Sa voix aurait pu disparaitre, absorbée par le sable, dévorée par les dunes, un murmure sans écho. Elle l’avait entendu.

Ils marchaient côte à côte. Le dragon faisait un pas quand Nymphali en faisait quatre, mais ses mouvements étaient bien plus fluides que ceux du gros monstre. Leur cadence s’équilibrait pour ainsi dire, si bien qu’aucun d’eux n’avait besoin de ralentir ou de se presser.

" Tu te rends compte ? Il n’y a presque que toi qui parviens à m’énerver, " soupira Nymphali.
" Presque ? "
" Posipi est… plus redoutable qu’il ne le fait croire, " répondit-elle évasive.

Un pas lent. Quatre pas rapides. Leurs empreintes s’alignaient derrière eux.

" Tu sais Nymphali… On aurait pu fuir là-haut, sur le volcan, " grinça Sacha en regardant la tâche qui noircissait son flanc.
" Tu lui reproches ce que tu fais toi-même… Tu ne trouves pas ça injuste ? "
" Elle va s’en vouloir en me voyant, elle passe son temps à s’en vouloir, tout ça je le sais bien mais… Moi aussi quand je vois son épaule, ça me fait mal, je n’arrête pas de regretter, d’essayer d’imaginer ce que je pourrais faire si je revenais à cet instant. J’en viens même à me dire… Célébi ou même Dialga, si je les retrouvais je suis sûr qu’ils accepteraient de m’y renvoyer. "
" Il y a des pokémons qui ont ce pouvoir ? "

Sacha eut un léger sourire. Il en avait vu des pokémons extraordinaires au cours de son aventure. Des êtres surpuissants capables de parcourir les dimensions, des créatures millénaires contrôlant les éléments, des monstres créés par les humains ayant gagné leur propre volonté. Mais en définitive, malgré toutes leurs capacités, ils étaient incapables d’entendre le simple souhait d’un garçon transformé en pokémon.

Sacha aurait préféré juste réveiller Adriane. Mais Serena était déjà debout en train d’enfiler ses chaussures quand ils arrivèrent.

- Qu’est-ce qui t’es arrivé !? s’épouvanta-t-elle.

Elle prit dans son sac de quoi soigner le monstre pendant qu’Adriane remarquait à son tour l’état misérable du dragon. La championne avait pourtant demandé à son Maganon de monter la garde pendant qu’ils se reposaient. Sauf que vu comment il dormait en ce moment, elle se doutait qu’il n’avait pas été très efficace.

- Ne bouge pas, prévint la jeune fille.

Sacha se recula brutalement en la voyant si proche de lui. Serena baissa la tête, crispa sa main sur la potion.

- Tu préfères que ce soit Adriane, constata-t-elle tristement.

Le métamorphosé prit une grande inspiration, réunissant tout son courage avant de s’assoir et de dévoiler ses blessures.

" Là-haut, tu as réfléchi, tu savais parfaitement ce que tu faisais… "

Serena approcha sa main tremblante, fit bien attention de ne pas trop toucher les écailles du monstre pendant qu’elle appliquait les gazes.

" Tu continues d’y réfléchir. Tu continues à réfléchir à ce que je veux sans jamais me le demander, sans même croire un seul instant que moi aussi, je m’en veux pour ce qu’il s’est passé, je m’en veux de ne pas avoir été à la hauteur. "

Elle rangeait ce qu’elle n’avait pas utilisé, tournant le dos au faux-pokémon qui effleurait de ses griffes les fins carrés de tissus qui collaient ses écailles.

Je m’en veux de rester en pensant que peut-être un jour, je ne te ferai plus souffrir.

Serena décida de ne pas retourner se coucher, préférant immédiatement repartir sans s’inquiéter de ce que penserait Adriane.

- Tu n’es pas obligée de nous accompagner, rappela la coordinatrice en enfilant son manteau plein de sable.
- J’y tiens.

A nouveau, le soleil tapait fort et le sable brulait les pieds des voyageurs. Paysage monotone de cactus et d’arbres morts, même les pokémons semblaient avoir déserté les lieux. Adriane fronça les sourcils. L’étrange brouillard qu’elle voyait au loin et qui masquait le ciel ne lui disait rien qui vaille.

- Dracaufeu, tu peux survoler la zone à la recherche d’un abri, demanda-t-elle.

Sacha s’exécuta. Depuis les airs, il pouvait mieux voir la tempête de sable qui s’approchait. Sa tête lui tourna un peu et il se dépêcha de retourner au sol, indiquant du doigt la direction d’un rocher qui pourrait leur servir d’abris.

Ils arrivèrent juste à temps. Les grains de sables sifflaient autour d’eux, essayant de les atteindre malgré l’épais mur de roche. Sacha avait fermé les yeux, profitant de cet arrêt imposé.

- Il a mangé ce matin ? demanda Adriane en haussant la voix.
- Oui, murmura Serena.

Une bouchée ou deux de ce qu’elle lui avait préparé, elle pouvait compter cela comme manger non ? La championne n’avait rien entendu à cause du vent qui sifflait, elle évalua d’un rapide coup d’œil l’état du monstre avant de dire :

- Il est fatigué, je ne pense pas qu’on va pouvoir continuer très longtemps.
- Il doit avoir soif, la coupa Serena.

La tempête faisait toujours rage dehors alors que le faux-pokémon refusait d’un signe de tête la gourde que lui tendait la jeune fille. Adriane observait la pauvre dresseuse qui ne savait pas quoi dire ou faire pour apaiser son monstre. Serena abandonna, s’éloigna pour consulter son navi-map et compter combien de temps le désert allait encore leur faire perdre.

***

Sacha grogna, sa flamme caudale flamba, ses ailes s’étendirent pour être certain que pas un seul des cheveux de la dresseuse n’était visible. Ce n’était pas un mirage.

Adriane posa sa main sur une de ses pokéballs, la bouche crispée, balayant du regard l’étendue de sable devant elle puis se tournant pour être certaine qu’il n’y avait rien d’autre que la coordinatrice derrière. Ça ne pouvait pas être un mirage, pas aussi près. Et si s’en était un, ce serait de très mauvais goût.

- Vous… Vous connaissez cette personne ? demanda Serena.

Ses deux accompagnateurs restèrent muets. La question n’avait pas de sens, comment pourraient-ils reconnaitre quelqu’un dont une partie du visage était masquée par les rebords d’une capuche.

- Non, en revanche je reconnais bien cet uniforme, grogna Adriane.

Rouge pâle, des petites cornes, une apparence svelte, leur nouvel ami se tenait bien droit au sommet de la dune. Et visiblement, le métamorphosé avait parfaitement compris le danger contrairement à sa dresseuse.

L’apparition dodelina de la tête puis, comme si on l’avait prise par surprise, s’enfuit en courant. Une proie trop belle pour la championne, un risque que l’ennemi appel ses congénères pour Sacha. Ils se lancèrent tous les deux à sa poursuite.

- Attendez-moi ! cria Serena.

Ils s’éloignaient sans l’écouter, ensemble, le dracaufeu et la championne. Serena courut, la douleur dans son épaule, ses pieds brûlants, mais ce serait bien pire de rester derrière.

Sacha pensait rattraper aisément le sbire. Depuis les airs, il n’aurait dû avoir aucun problème à l’intercepter, mais à chaque fois le brigand faisait un saut sur le côté. Un mouvement dont le métamorphosé n’arrivait pas à savoir s’il s’agissait de chance, d’instinct de survie, où d’une chose parfaitement calculée. En tous cas, le faux pokémon finissait toujours irrémédiablement le nez dans le sable. Et malheureusement, il venait tout juste d’épuiser sa dernière chance de l’avoir par cette voie.

Sacha se releva et secoua sa tête pour enlever le sable coincé entre ses écailles. Adriane et Serena ne tardèrent pas à le rejoindre, toutes les deux à bout de souffle.

- Où est-il ? demanda immédiatement la championne.

Il s’était approché suffisamment près pour savoir qu’« elle » serait un meilleur qualificatif. Mais il n’ennuierait pas la championne avec les détails et de toute façon elle devait déjà avoir trouvé réponse à sa question. Ces pierres qui devaient être aussi vieilles que la région, ces quelques colonnes encore debout et ce fronton aux bas-reliefs effacés. Les Ruines Désert, un endroit qui pourrait faire un excellent refuge.

- Tu peux m’attendre ici.

Adriane avait bien remarqué la pâleur de son accompagnatrice ainsi que ses jambes qui tremblaient. Toutefois elle se doutait déjà de la réponse.

- Je viens.

Evidemment, sinon ce serait un aveu de faiblesse. Une preuve pour le faux-pokémon qu’il y avait meilleure dresseuse.