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Informations

» Auteur : Serekai - Voir le profil
» Créé le 29/04/2021 à 00:54
» Dernière mise à jour le 29/04/2021 à 00:54

» Mots-clés :   Aventure   Présence de personnages du jeu vidéo   Sinnoh

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Chapitre 30 : Dualité
La Tour Perdue se dressait à l’horizon, sa flèche de marbre fendant le ciel comme un pic abrupt, singeant à sa façon une des montagnes barrant en deux la région.

Cet endroit était assez sinistre, malgré la blancheur du marbre scintillant. Il s’agissait d’un mémorial pour les défunts et les pokémon perdus par les dresseurs. Du moins, pour ceux ayant conservé leurs pokémon et qui ne les avaient pas enterrés dans un autre endroit. Pour l’instant, c’était un lieu que je ne tenais pas spécialement à visiter … n’en ayant ni l’envie, ni l’utilité. J’avais enterré Châtaigne dans un bois, près d'un gros arbre ou se trouvait des nids, tandis que Vlad avait fini dans un trou creusé près d’une grotte. Je devais admettre avoir très peu pleuré à la mort de ce dernier, étant donné qu’il n’avait été dans mon équipe que trois heures. C’était peut être ignoble, mais je ne me sentais pas trop attachée à lui, alors la séparation n’en fut pas trop douloureuse. Du moins, pas autant que celle de Châtaigne.

- Ca s’appelle la sociopathie, ma chérie, me souffla l’infecte voix en moi.

Je la détestais. Je ne la haïssais pas juste parce qu’elle était dépourvue de morale, de barrière ou de filtre pour modérer sa cruauté. Je la détestais parce qu’elle était sincère et qu’elle me disait l’ignoble vérité sans prendre de gants.

- Les codes moraux, les émotions sont souvent un frein. Les seules dont on a besoin c’est celles qui te gardent en vie et te permettent d’anéantir tes ennemis : la peur et la haine.

- Ta gueule, soufflais-je, agacée.

En général, elle se taisait. Mais ici, la voix sembla gagner en assurance et poussa un ricanement distordu.

- Tu te mens à toi même. Tu finiras par admettre la vérité.

- Ta vérité, coupais-je en la mettant en sourdine un moment.

Au moins, elle obéissait encore. Ma deuxième personnalité désinhibée se taisait bien vite. J’aurais bien aimé l’enterrer une bonne fois pour toute, mais je suppose qu’il ne fallait pas trop en demander.

La tour se dressait devant moi, mais je ne voulais pas y pénétrer. J’avais l’impression que je n’y avais pas ma place. Elle était un lieu de repos et d’apaisement. Les âmes tourmentées y trouvaient un repos éternel, tandis que les cœurs attristés y trouvaient du réconfort.

Si ses abords étaient bien entretenus, les ronces avaient envahi d’autres parcelles. L’une d’elles était occupée par des ruines dont les murs d’enceinte étaient rongés par la pluie et envahis par la mousse. Une petite tour avait du s’élever ici, il y a longtemps, mais il ne restait que des ruines. Les moellons avaient du être récupérés, puisqu’il ne restait que des fondations et un pilier endommagé. Les dalles de fondation semblaient porter des encoches, comme pour porter quelque chose.

- Une ruine abandonnée. Je me demande pour qui ou pour quoi elle a été élevée à l'origine.

Aucune trace écrite n’était visible dans la pierre, aucun panneau moderne ne l'expliquait. Ma question n’avait pas de réponse et n’en eut pas davantage après que j’eus fait un second tour de la muraille ébréchée.

Il y a de nombreuses ruines ici, que les cartes répertoriaient avec soin. Pourtant, peu de détails n’étaient donnés sur cette tour. C’est comme si beaucoup de gens avaient souhaité l’effacer et ne voulaient pas en parler. Une sorte de vieux tabou entourait cette place, qui avait réussi à subsister et ne pas disparaître.

- Qui était enterré ici ? me demandais-je en regardant le dallage qui ressemblait à un mastaba.

Les rares kanjis gravés dans la pierre étaient trop endommagés pour être lisibles.

Cette personne avait eu droit à une large sépulture et pourtant … personne ne s’en souvenait aujourd’hui. A quoi cela servait de faire de grandes choses, si c’était pour que personne ne s’en souvienne ? A quoi tout cela rimait-il donc ? Quel était l'intérêt d'agir et de faire de grandes choses, si c'est pour que tout ce pourquoi on agit passe et disparaisse finalement ? A quoi cela sert-il de vivre, si la fin inéluctable était la disparition ?

- A rien, pauvre idiote, murmura la voix. Si tu savais ce qu’il avait fait, tu ne pourrais certainement pas rester de marbre devant ses actions.

- Parce que tu sais ce qu’il a fait ? la provoquais-je, acide.

- Quelle importance ? ricana t-elle. Tu l’as dit toi même. Il est oublié, malgré ses efforts. Sa gloire fut fugace, comme un météore brillant au firmament. On l’observe, on s’extasie devant lui. Quand il disparaît, on note son existence, mais rien de plus. Les témoins meurent, les actes couchés sur le papier finissent dans des livres poussiéreux, plus ou moins ressortis.

Elle touchait un point sensible. Je ne voulais pas être juste oubliée, n’être juste qu’une note de bas de page. J’avais de plus en plus cette peur en moi, cette crainte d’être effacée. Le concours et la gloire fugace qui s’en était suivie me pesaient et j’avais envie de retrouver l’éclat lumineux des flashs, les cris d’admiration de la foule et les vivats du monde qui se tournait vers moi.

C’était égoïste, mais j’avais adoré ça.

- Tu peux les retrouver, ces sensations. Tu peux faire en sorte d’être au firmament … mais comme une étoile et non un météore.

- Pourquoi tu es encore là ?

- Pour t’aider. Si tu veux rester comme une légende et ne pas t’effacer, tu dois marquer ce monde d’une façon jamais vue. Tu dois lui imposer ta marque.

Je voulus la gifler, mais ne parvins qu'à me rougir une joue.

- Ne sois pas ridicule, contrais-je. Est-ce que tu penses que ce serait un bienfait, que ce monde soit marqué par moi ?

- Par Liz Noyer … ou par beaucoup plus ? Tu peux être ce que tu veux.

- Une coordinatrice ? Une vedette du grand écran ? listais-je en pouffant de dédain. C’est encore plus éphémère que le titre de maître.

- Oh, il y a des maîtres qui règnent et font plus que leur rôle de figure de proue. Tu es une gemme brute, qui ne demande plus qu’à subir de dures épreuves pour être affinée, tailler et … briller.

- Je ne suis pas juste un trophée ! criais-je en la repoussant, fixant ses yeux ambrés dans un reflet d’une flaque d’eau, miroir souillé qui me dévoila son rictus de pure connasse.

Furieuse, je m’éloignai de ce lieu abandonné même par le ciel.

Je poursuivis ma route jusqu’à atteindre la prochaine ville. La ville de Bonville ressemblait presque à ces vieux bourgs du far-west américain. C’était un assemblage de maisons qui trônaient sur des buttes, alors que des ranchs plus ou moins dispersés occupaient les plaines vertes et fertiles, régulièrement arrosées par les pluies.

L’odeur d’herbe encore verte, malgré la sécheresse estivale, était encore plus entêtante. La tiédeur de septembre s’engouffrait dans mes manches, alors que je passais entre les clôtures gardant des troupeaux de Tauros, de Kangourex et de Lainergie. C’était assez amusant de voir ces magnifiques masses de muscles si paisibles. En parlant de muscles, plusieurs fermiers maniaient la fourche avec dextérité, remplissant des auges avec du foin. Leur tour de main était précis et je vis leurs muscles se contracter à chaque flexion.

Ils étaient forts et plaisants à voir. Je ne pus m’empêcher de m’approcher de cet homme bien charpenté et de son fils, à la musculature bien développée pour son âge.

- Bonjour ! les hélais-je en m’approchant. C’est un beau troupeau que vous avez ici !

- Salut voyageuse ! répondit l’homme à la belle barbe blonde et aux biceps développés. C’est rare de voir des visiteurs de votre genre s’intéresser à mes bêtes ! C’est un troupeau de 789 têtes, si vous voulez savoir.

- Cela doit demander du travail. Vous l’élevez depuis combien de temps ?

- Trente sept ans ! répondit instantanément le gaucho à la pelisse de cuir. J’ai hérité du troupeau de feu mon oncle.

Une femme aux larges hanches approcha, chevauchant un Bourrinos tenu par les rênes,

- Alors la troupe, que faites-vous donc ? s’exclama t-elle. Ce foin ne va pas se ramasser tout seul !

- Oui, mère ! soupira le plus jeune en se remettant rapidement au travail, risquant un coup d'œil nerveux derrière-lui.

- Nous avons une invitée, expliqua son époux en évitant le regard de faucon de la matrone.

Je l’observai, surprise, ne m’attendant pas à telle déclaration.

- Allons dresseuse, vous resterez bien ici pour cette nuit ! Je me doute que vous repartirez demain matin, mais vous pouvez passer au moins une nuit à la ferme. Je m’appelle Martin.

J’observai la ferme, resserrant la bretelle de mon sac.

- Je suis très honorée de votre hospitalité, me contentais-je de répondre, accompagnant ma réponse d’un sourire.

Le fils planta sa fourche dans le foin, avant de m’ouvrir la porte de l’enclos.

- Je m’appelle Timothé, se présenta t-il en me serrant la main. Je vais vous aider à monter vos affaires et … vous pourrez prendre une bonne douche et vous rafraîchir avant de nous rejoindre.

- Je vous remercie. Cela fait longtemps que vous travaillez à la ferme ?

- J’ai 16 ans et je participe aux tâches depuis mes 4 ans.

Je sifflais un peu, ébahie, avant de me faire rabrouer par le regard noir de la maîtresse de maison, qui marmonna quelque chose sur le mauvais sort.

- Pardon, c’est juste que je suis … admirative. Maman ne me laissait pas travailler dans son magasin, jugeant que j’étais trop maladroite.

- Et vous l’êtes ? ajouta t-il en m’adressant un coup d’œil par dessus son épaule, m’ouvrant la porte d’une petite chambre.

- Non ! Je vous le promets ! le rassurais-je précipitamment, alors que j’observais cette pièce au papier peint vert et assez vieillot.

Tandis que je butais contre le pied d’une commode, mon guide poussa un nouveau rire semblable à un aboiement.

- Faites attention à la vieille armoire, elle a le pied plus large que le corps. Aussi, prenez soin de ne pas trop faire bouger le lit, il a tendance à grincer.

- Merci du conseil, je vais éviter de démolir le mobilier de mes hôtes.

- C’est la chambre de ma sœur et elle serait bien énervée si quelqu'un abîmait son lit. On lui a dit de le changer depuis tout ce temps, mais elle a toujours refusé.

- Ou est-elle ? le questionnais-je. Elle ne s’énervera pas si je lui prends son lit ?

- Ne vous inquiétez pas, elle est actuellement en train de s’entraîner à Verchamps. Son obsession pour les pokémon poison la pousse à rechercher les spécimens les plus toxiques et les plus dangereux.

Je déglutis. Elle devait être charmante. J’imaginais une fana d’insectes avec des cages et des spécimens conservés dans du formol, ou une pro de la survie en milieu hostile avec un treillis. Une image de Lara Croft en mini short, pagayant dans les jungles de l’Asie du Sud-Est, entourée de Crocoribles et de Malamandres me vint en tête.

Le garçon me laissa prendre une petite douche, avant que je les rejoigne dans leur salon, qui était la plus grande pièce de la demeure. La plupart des meubles et le plancher étaient de bois, à l’exception de l’âtre qui était fait de pierres grises et liées entre elles par un ciment plus clair. Le salon était douillet, pourvu en plusieurs canapés et tables, tandis que des tableaux et des dessins couvraient le mur opposé à un grand vaisselier exposant des plats en porcelaine. Un tableau représentait un beau paysage lacustre, avec un saule au premier plan. Juste à côté, il y avait une autre toile, exposant un Limagma profitant d’un bain de soleil sur un lit de basalte noir.

- Vous êtes ravissante, ce soir ! me complimenta Martin.

J’avais décidé de mettre ma petite tenue de concours, celle des grandes occasions, en somme.

- Je vous remercie. Votre dame est d’une élégance indéniable, félicitais-je à mon tour en observant la maîtresse de maison, enveloppé d’une robe mêlant harmonieusement poncho et crinoline.

- Ce soir, je vous ai préparé un risotto de Gaulet au Moumouton, avec une sauce béchamel, annonça t-elle en plaçant la soupière au milieu, servant tout le monde.

L’ensemble des convives se régala. La viande était tendre, la sauce chaude et légèrement épaisse, nappant bien le riz cuit à point. Le repas fut rythmé par les anecdotes de tous et les discussions passionnées. Je repris deux à trois verres de vin, me sentant grisée, racontant un de mes combats en bafouillant, avant de laisser dériver la conversation.

- Faut placer les jambes de façon à lui bloquer les épaules, expliqua le père en abordant la façon de tenir un Moumouflon en place. Ensuite, on le saisit fermement par les cornes et on tire la tête en arrière. Comme ça, sa force est bloquée et il est impuissant. Il ne peut pas charger, car il est déstabilisé.

- Même les plus gros sont impuissants ainsi, affirma Timothé. Pourtant, les dieux savent que j’appréhende toujours un peu de les gérer.

- Une mauvaise expérience ? demandais-je au plus jeune, qui confirma et me conta une mésaventure avec un mâle dominant, vers ses six ans.

Le père donna une tape amicale dans le dos de son fils et reprit du fromage, accompagné d’un peu de vin. Je refusai de reprendre un dernier verre, sentant un léger tournis dans mon esprit. Finalement, le dîner se termina et je finis par aller me coucher, souhaitant la bonne nuit à ses hôtes.