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Jusqu'à ce que les dunes cessent de chanter de Ramius



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» Auteur : Ramius - Voir le profil
» Créé le 24/02/2021 à 10:41
» Dernière mise à jour le 19/06/2022 à 11:40

» Mots-clés :   Absence de poké balls   Aventure   Conte

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Chapitre 20 : Les Joyaux de la Couronne
La Démone adoucit sa course, l’incurva vers le creux des dunes et ralentit progressivement, sans hésiter. Elle s’améliorait, et Onis lui grattouilla le cou avec approbation quand la manœuvre fut terminée.

« Tu vois, dit-il doucement. Ça n’avait rien d’impossible. »

Le dragon renâcla, mais ne protesta pas plus loin.

« Attends-moi ici, demanda l’Apprenti. Je ne reviendrais pas avant la nuit, ne te fais pas voir. »

Un grognement assuré, cette fois-ci. C’était le quatrième signal qu’ils abordaient ensemble, et le Démon connaissait la méthode.

Onis le laissa fureter dans le sable, et entama une marche lente vers le village. La nuit était loin, et il voulait profiter du crépuscule pour réussir une approche discrète. Alors il avait demandé à son compagnon de ralentir longtemps avant de l’atteindre, aussi tôt qu’il l’avait osé. Il ne savait pas exactement quelle distance cela représentait, mais tant pis.

Il ne compta pas. Il maugréa seulement contre sa prudence excessive chaque fois qu’il franchissait une crête en jetant un coup d’œil discret dans la vallée suivante, excepté quand il atteignit enfin un petit village recroquevillé autour d’une poignée de Marcheurs — des Cactus-Rythme, comme on les appelait là d’où il venait. Il s’allongea dans le sable et observa en silence.

Sa conviction fut vite faite. Aucun enfant, et un Bossu flânant au soleil sans inquiéter personne… Ce n’étaient pas des monstres particulièrement agressifs, mais il fallait être inconscient pour en laisser un dans un village. Ou plutôt un laboratoire.

L’Apprenti ne tarda pas à se laisser discrètement glisser en arrière dans le sable. Il en avait assez vu et ne tenait pas à être lui-même repéré. La nuit tombait quand il rejoignit son Démon, assoupi à peu près dans la même position que le Bossu.

« Hey, lui lança-t-il. Viens. On a une cible à marquer. »

Le dragon bleu et ocre le regarda d’un air ennuyé. Les marquages devaient se faire de nuit, et comme tous ceux de son espèce, il craignait le froid nocturne. Mais il ne rechigna pas quand Onis s’agrippa à son dos et lui indiqua la direction du laboratoire. Ils franchirent une fois de plus la longue distance qui les séparait de leur cible ; mais cette fois-ci, l’Apprenti savait quand demander au prédateur de ralentir. Il avait compté les dunes au retour.

Le trajet passa vite, un Démon pouvait engloutir en quelques nutes ce qu’un humain traverserait en une journée.

Le laboratoire dormait, recroquevillé dans la nuit glaciale, quand ils l’atteignirent. Onis attendit en frissonnant que son Démon ait fini. Un marquage était une opération longue et inconfortable pour tout le monde.

Le prédateur s’approcha du laboratoire comme une proie se faufilant hors de son terrier. Il marchait sur ses pattes arrière, un peu malhabilement, en balayant légèrement le sable de sa queue pourtant lourde, pour effacer ses traces. Il avait tout d’une proie, et le geste de tueur consistant à marquer l’un des Marcheurs n’y changeait rien.

Après ce qui sembla une éternité à l’Apprenti, son Démon fut de retour à côté de lui, sur la crête de la dune. Il n’avait pas été repéré.

« T’as vu ça ? sourit Onis. Pour un premier marquage, tu t’en sors bien !»

Le dragon émit un bref ronron de remerciement, aussi faiblement qu’il put. Puis lui et son maître entamèrent le trajet fastidieux vers la crête de la dune suivante, toujours à pieds, avant de planter sa tente pour l’un, de s’enfouir dans le sable dans l’autre.

Le lendemain, ils partiraient aussi silencieusement qu’ils étaient venus, et avec un peu de chance personne ne remarquerait leur venue. Du moins jusqu’à ce que le Démon remonte la piste odorante que lui seul pouvait sentir…

***
La Forteresse était en vue depuis la veille.

Il ne restait plus qu’une bonne heure de course avant de l’atteindre, et il ne savait pas trop ce que cette vision lui inspirait. Autrefois, en voyant cet éperon orgueilleusement dressé vers le ciel, il n’avait pas vraiment cru à sa réalité. Maintenant ? Trop de souvenirs serpenteraient avec lui dans ces couloirs tortueux pour qu’il y voie encore la gloire ou la majesté. La Forteresse était un roc brut et sans forme, un écrin taillé pour convenir à la besogne douloureuse que ses Guerriers accomplissaient dans le désert. Onis s’était fait une raison, à force de contempler comme un voleur la paix des villages et l’agitation rigide des laboratoires — si peu qu’il en ait vus. La science provoquait le conflit. Elle n’avait pas sa place dans le désert. Il n’avait jamais remis cette idée en question et elle ne lui semblait que plus vraie maintenant.

Il restait convaincu de l’importance de l’Ordre. Il faisait partie de ces hommes et ces femmes qui patrouillaient dans un désert vaste comme le monde pour éliminer brigands, armées côtières et laboratoires de scientistes, et il se sentait encore honoré par cette tâche. Mais il n’avait pas imaginé que ce serait si dur.

Du moins… Il n’aurait pas su dire exactement ce que c’était. Avec un Démon pour l’épauler et une épée à son côté, il n’y avait pas vraiment grand-chose qui soit dur : ils avaient croisé leur lot de prédateurs en traversant le désert, y compris un autre Démon des Sables, mais rien ne pouvait s’opposer à eux trois ensemble. Pourtant l’Apprenti restait intimidé par une difficulté fantôme.

Peut-être était-ce, justement, de constater combien sa tâche était facile qui lui semblait contre-nature. De constater combien une vie humaine ne tenait qu’à un fil.

Il secoua la tête, imperceptiblement — le moindre mouvement était l’équivalent d’un séisme, sur le dos d’un Démon en pleine course. Il avait fait la part des choses depuis des semaines, à force d’écumer le désert en solitaire et de se présenter aux portes de multiples villages sans s’annoncer à un seul, comme le ferait le dieu qui prenait. Il avait une seule tâche à remplir, pour le bien de plus de gens que personne ne pourrait jamais en compter, et il l’accomplirait.

Il devait y avoir quelque chose de vrai dans les paroles de son maître. Lui-même ne se sentait pas la force de continuer de remplir cette seule tâche une fois qu’il aurait perdu le compte des gens qu’il aurait tués pour la paix. Et en même temps, Onis se disait que c’était cela qui le maintiendrait humain.

Le contrefort perlait à l’horizon quand il franchit la crête suivante, mille faisceaux de lumière étincelante transperçant le ciel bleu. Il plongea machinalement une main dans les fontes de son Démon, et ne tarda pas à protéger ses yeux à l’aide du bandeau de cuir qui l’aveuglerait le temps qu’il franchisse la Passe d’Acier.

***
Les mains parcheminées de Nerrion se saisirent fermement du lourd livre des Guerriers, et il l’ouvrit directement à la fin, là où les pages étaient encore presque intactes d’avoir été peu tournées. Il ne tarda pas à trouver les deux noms inscrits côte à côte, les deux noms inscrits ensemble à leur départ.

« Eh bien, Gorbak, tu es en retard. Tes deux Apprentis sont à la Forteresse, oui.

— Merci, Maître.

— Je t’en prie ! »

Le Guerrier les retrouva dans une salle d’entraînement non loin, à l’écart des six duellistes qui en occupaient le centre. Ils avaient profité d’avoir quelques heures de libre pour entrer en communion avec leurs épées, aussi Gorbak resta-t-il à côté de l’entrée et se fit-il discret. Soit ils le repéreraient grâce aux sens de l’épée, soit ils finiraient par ouvrir leurs propres yeux.

Il ne fut pas vraiment surpris quand cela arriva. Un lien avec une épée demandait des années pour se construire, et ses Apprentis n’avaient reçu les leurs que trois mois plus tôt. Sans doute pouvait-il s’estimer heureux qu’elles ne les aient pas dévorés : à ce stade, ils étaient sans doute acceptés par leurs lames. Dans le cas contraire, forcés de s’en séparer, ils seraient devenus des Maîtres de la Maison, et Gorbak doutait qu’aucun d’eux deux soit taillé pour cette vie-là. Une vie d’études et de connaissance, alors qu’ils étaient taillés pour la course et l’action ? Autant demander à un Démon des Sables de se changer en Arbre à contes.

Il s’approcha, sans prendre la peine de contourner ses siblings dont les épées volaient à travers la salle. Son Démon n’eut pas cette témérité, et plutôt que de pimenter les exercices d’escrime en y imposant sa présence, il longea prudemment les murs. Un duel de Guerrier était bien l’une des rares choses qu’un Démon n’aurait pas le culot d’aller renifler de près, à moins d’en avoir vu des dizaines ; et cela faisait partie de la façon dont les Guerriers savaient qui passait son temps dans le désert et qui en revenait fréquemment.

« Bonne chasse ? demanda-t-il en atteignant ses Apprentis.

— Non, commenta Aixed.

— Un laboratoire.

— Un aussi. Deux, c’est une bonne chasse. Moins de temps perdu. »

En ressortant de la salle, les Apprentis remarquèrent quelques sourires entendus sur les visages des duellistes. Gorbak veillait visiblement à entretenir un minimum sa réputation — et dire qu’ils avaient été encore plus laconiques que lui... Il devait déteindre.

Il les mena dans les hauteurs de la Forteresse, en direction des archives et des dortoirs des Maîtres. Ce que les Apprentis ne savaient pas, c’était que certaines salles servaient aussi aux Maîtres du Sable voulant s’appliquer à apprendre des vérités de la part d’invités ne souhaitant pas les divulguer. Comme les trois qui avait été emmenés du laboratoire qu’ils avaient démantelé un mois plus tôt.

Le Maître qui les avait interrogés, visiblement prévenu par son épée, les attendait sur le seuil d’une de ces salles, adossé à la roche.

« Vous devrez patienter un peu, leur annonça-t-il. J’ai demandé à Tahipik et Cara de nous rejoindre.

— Bien sûr, Maître Varsta, acquiesça Gorbak. Nous les attendrons. »

Trois Maîtres, représentant les trois Premiers Apprentis. C’était dire combien l’Ordre prenait ce Tograz au sérieux : il n’y avait pas de structure aux décisions plus fortes. Ce qui se dirait entre eux six ne pourrait pas être remis en question. Subitement, Onis et Aixed se sentirent nerveux.

La Maîtresse de Guerre et le Maître de la Maison finirent par arriver, à peu près en même temps. Ils entrèrent ; la salle taillée dans la pierre semblait moins grande que d’autres, avec six humains et cinq Démons à l’intérieur.

« Salut à toi, Gorbak Inal-Kouruk, entama Cara comme le rituel du tutoiement le lui permettait. Il est heureux que tes voyages t’aient si vite ramené parmi nous.

— Salut à toi, Cara Inal-Lucthvas. Le désert m’a accordé une bonne chasse.

— Et tes prises nous intriguent, enchaîna Varsta. J’ai recueilli la parole des scientistes que tu m’as amené, et nous devons nous attendre à des troubles importants. »

Pas un mot très imposant. Mais le rituel qui entourait les décisions de Trois Maîtres commandait de conserver un langage mesuré et calme, à l’image des Trois Apprentis originels d’Oghonek — tous trois tout en contradiction : le sage rejeté par son épée, l’acrobate sans jambes et le poseur de questions au grand cœur.

Des troubles importants pouvaient recouvrir n’importe quoi, d’une saison des tempêtes particulièrement mauvaise à une confrontation massive avec les côtiers.

« Voici ce que j’ai pu apprendre d’eux, se lança le Maître du Sable. Ils ne connaissent pas Tograz ; tous trois, et tous ceux avec qui ils travaillaient, ont été recrutés par une Guerrière portant une épée rouge, jaune et noire. Ils ne savaient presque rien d’elle, une ignorance brute qui m’incite à penser qu’elle a rectifié leurs mémoires. L’évidence laisse penser qu’il s’agit de la Renégate connue comme la Lame Noire.

— Il est vrai, affirma Cara. Les Maîtres ne connaissent pas d’autre femme correspondant à cette description.

— Non plus que les archives, assura Tahipik. Peut-être nous trompe-t-on, mais appeler cette femme la Lame Noire n’a rien d’absurde.

— Ainsi en parlerons-nous comme de la Lame Noire, conclut Varsta. Tu as déjà croisé son chemin, Gorbak Inal-Kouruk, et la prudence est donc de mise.

— Elle ne me quittera pas, Maîtres.

— Cela est bien. Parmi les connaissances des scientistes, était également leur objectif. Leur laboratoire avait pour but de créer des simulacres d’objets apparaissant dans les légendes associées au dieu qui donne.

— Ils les désignaient sous le nom de Gemmes, poursuivit le Maître de la Maison en récupérant la parole au vol. Dans les archives de notre Forteresse, on prétend que ce sont douze et douze Joyaux ornant la couronne du dieu. Douze et quatre n’ont de pouvoir qu’auprès de lui et par eux il communie avec le monde, mais huit lui permettent de partager sa force avec tout ce qui est. Il en est un pour chacune des formes de la vie : l’enfance, l’esprit, le bourdonnement, la patience, le remous, le tumulte, la mort et la mémoire. Il arrive qu’un voyageur, en trouvant un tombé dans le monde pendant le sommeil du dieu, soit béni par lui et vive une vie chanceuse.

— Tel est ce que tentaient d’obtenir les scientistes, reprit Varsta en remerciant l’explication d’un hochement de tête. Il existe un laboratoire où ils étudient un de ces Joyaux de Vie, et dont les découvertes sont transmises à tout le désert. Par plusieurs fois déjà, ils ont obtenu des succès. Ils sont parvenus à créer un artefact capable de permettre à un monstre d’entrer dans une seconde vie, de façon temporaire : tu l’as affronté, Gorbak Inal-Kouruk.

— Il n’avait plus rien de divin et j’ai pu le mettre en déroute. Cependant, un arsenal rempli de ces fausses Gemmes serait un danger pour le désert.

— Cela est juste, confirma Cara. Nous souhaitons mettre un terme à ces recherches, mais les scientistes qu’a interrogés Varsta ne connaissaient pas l’emplacement du laboratoire central. Nos informations s’arrêtent là : nous ne pouvons nous reposer que sur nos suppositions, et sur le talent de Gorbak à la traque.

— Mes Apprentis et moi avons sillonné le désert en remontant par les liens du sang les pistes menant au laboratoire que nous avons attaqué. Nous avons eu la chance d’en trouver deux autres, et quoiqu’aucun ne soit défendu comme on pourrait l’attendre du lieu où serait conservé un Joyau de Vie, tous deux abritent des monstres au côté desquels aucun humain n’a jamais marché.

— Vous attaquerez ces laboratoires, énonça la Maitresse de Guerre. Méfiez-vous cependant de tout ce que nous ne savons pas, car il y a un lien entre ce Tograz et la Lame Noire.

— Mais qui est le maître, et qui est le sous-fifre ? demanda Varsta.

— Aucun homme ressemblant à Tograz ne figure parmi les archives de notre Forteresse, pointa Tahipik.

— Résoudre cette énigme n’est pas moins important que défaire ces préparations, déclara Cara. Dussiez-vous croiser Tograz ou la Lame Noire dans le désert, vous devrez tout faire pour les capturer et les ramener intacts à l’Ordre.

— À cela, j’engage ma vie. »

Gorbak posa rapidement son regard sur ses Apprentis en prononçant ces mots ; après un temps d’hésitation, ils s’engagèrent à leur tour, bannissant la peur de leurs voix.

« Bien, résuma Varsta. Tograz doit être retrouvé au plus tôt, et la Lame Noire sans moins de hâte, et les laboratoires que tu as trouvés, Gorbak, te reviennent pour nous indiquer la voie de celui où ils cachent leur Joyau. Ainsi avons-nous parlé.

— Ainsi avons-nous parlé. », répéta Cara.

À sa suite, Gorbak et ses Apprentis validèrent le résumé donné par le Maître du Sable. Tahipik conclut, en tant que Maître de la Maison, ce qui rendait leurs engagements irrévocables. Quelques politesses plus tard, le Guerrier entraîna ses deux pupilles dans les couloirs, vers les profondeurs de la montagne et la Salle du Garde.

« Vous avez pris le temps de vous restaurer ? demanda-t-il.

— Euh, oui, répondit Aixed avec un temps d’hésitation devant cette inquiétude inhabituelle.

— Alors autant partir tout de suite. Il reste quelques heures avant la nuit. »

L’affirmation avait quelque chose de sinistre, qui résonnait un peu trop avec les seules paroles que les Apprentis avaient prononcés lors de la décision des Trois Maîtres. Gorbak s’en rendit compte, et prit le parti de les ménager. Ils avaient beau être jeunes, ils commençaient abruptement leur apprentissage.

« Ne prenez pas trop directement les paroles rituelles. À l’époque où elles ont été prononcées, elles montraient la voie aux premiers d’entre nous ; mais désormais ce ne sont plus que des vérités. Vous avec engagé vos vies dans l’Ordre chaque jour que vous avez passé dans la Forteresse, et avoir juré de traquer une Renégate ne change rien. Vous n’êtes pas censé vous entêter devant l’impossible : un combat perdu peut toujours être fui.

— Pour ça, il faut déjà le perdre, plaisanta Aixed. À trois, on peut toujours prendre l’ennemi à revers, ça nous donne quand même un sacré avantage ! »

Elle arracha un sourire à Onis et Gorbak. L’Apprentie se faisait de plus en plus à l’aise avec les faux proverbes qu’elle affectionnait, et ils passaient de mieux en mieux pour des vrais.

« Plus sérieusement, reprit-elle. Y en a-t-il un que nous devrions craindre plus entre Tograz et la Lame Noire ?

— Je n’ai jamais combattu la Lame Noire, énonça Gorbak en haussant les épaules. Avant aujourd’hui, je n’avais même pas la certitude absolue de son existence. Mais vous ne devriez pas la craindre. Méfiez-vous d’elle, et méfiez-vous-en une seconde fois parce que vous ignorez qui elle est.

» Tograz, en revanche… Il est moins dangereux par son épée que par les monstres auxquels il commande. Malheureusement pour lui, ils ont tous le même point faible. Qui est ?

— Ils fuient s’ils perdent leur chef de meute, réagit Onis. Et puisque ledit chef de meute peine à l’épée, j’imagine que vous pourriez nous en débarrasser sans grand problème ?

— Oui, confirma le Guerrier. Quand nous le rencontrerons, je ferai honneur à la fierté que mon maître avait pour son épée. Ceci dit… Plus longtemps vous pourrez occuper ses monstres, quels qu’ils soient, mieux ce sera. Pour l’instant, vous vous êtes beaucoup reposés sur vos Démons ; il faudra mettre l’accent sur votre relation avec vos épées.

— Je doute que nous puissions prendre le temps de pourchasser une meute de Chiens des Enfers n suivant la trace des laboratoires, releva une Aixed maussade.

— Ce serait difficile, oui. Heureusement, nos chers scientistes ont tout prévu. Demain ou après-demain, vous aurez un Bossu à affronter. »

Ils eurent le même réflexe de s’arrêter, figés de surprise, et de dévisager leur maître qui se retournait.

« Pas la peine de me faire ces yeux-là, s’amusa-t-il. Je ne comptais pas vous faire attaquer un tel monstre seuls : vous aurez bien sûr mon assistance, si vous en avez besoin.

— Chouette, grinça Aixed. Je suis parfaitement rassurée.

— Qui était-ce déjà, qui doutait que nous puissions perdre face à Tograz ?

— Ça, avec les deux semaines de traque que vous nous promettez. Ce serait une honte qu’on n’en sorte pas plus fort.

— Les liens les plus solides ne se forgent pas au combat, jeune Aixed, mais juste avant. Si tu demandais à ton épée d’éclairer ce couloir comme le fait la mienne, le ferait-elle ?

— Je suppose que… Eh bien, je n’ai qu’à lui demander ?

— Jolie réponse, apprécia le Guerrier. C’est d’avoir confiance en toi qui la rendra vraie. »

L’Apprentie fit la moue, mais posa tout de même doucement la main sur l’épée qui se balançait à son côté, retenue par une lanière de cuir. Sans attendre qu’elle réussisse ou non, tous trois se remirent en marche. Toute cette cérémonie de la décision des Trois Maîtres leur laissait un sentiment d’urgence rare et désagréable.