Pikachu
Pokébip Pokédex Espace Membre
Inscription

Faire face de Serekai



Retour à la liste des chapitres

Informations

» Auteur : Serekai - Voir le profil
» Créé le 22/02/2021 à 02:14
» Dernière mise à jour le 22/02/2021 à 02:14

» Mots-clés :   Aventure   Présence de personnages du jeu vidéo   Sinnoh

Si vous trouvez un contenu choquant cliquez ici :


Largeur      
Chapitre 26 : Concours de circonstances
La petite brise qui agitait mes cheveux n’aidait pas à apaiser mon esprit, alors que je jouais calmement avec mes deux index.

J’étais assise sur un banc, dans le grand square au nord de la ville, à proximité des bacs à sable détrempés par la pluie de la nuit dernière.

Boskara était à moitié endormi, profitant des rayons matinaux du soleil pour se réchauffer. Evoli était assis sur sa carapace, me regardant étrangement.

Je pris une série de petites baies kika cueillies sur le chemin, mettant quelques uns de ces fruits dans ma paume, les lui tendant.

L’animal se recula, méfiant, alors que Amazonas poussa un petit grondement, me faisant comprendre qu’il attendait sa part. A quelques mètres, Lucille somnolait dans la boue et je lui lançai une baie, qui tomba devant elle. L’invertébrée happa le fruit, tandis que Amazonas réclama encore, poussant un grondement un octave plus grave, m’incitant à lui tendre la main. D’un coup de langue, l’énorme goinfre avala toutes les baies, savourant les fruits.

- Vo ? gémit la petite Evoli, m’adressant un petit regard implorant.

- Alors maintenant, tu en veux ? La bouffe, je vous jure ...

Je mis quelques myrtilles dans ma main, la lui tendant. Étonnamment, elle avança et attrapa les fruits. D’un coup de museau expert, elle engloutit rapidement les fruits ronds, se retrouvant avec du jus noir sur le museau.

- Myrtille. Je vais t’appeler ainsi.

Elle me regarda, un peu intriguée.

J’avançai ma main et elle se recroquevilla, un peu apeurée. Doucement, je lui caressai le haut du crâne, essayant d’éviter de lui faire mal.

Elle ouvrit un œil, craintif, comme si elle se demandait pourquoi je ne la frappais pas.

- Je ne vais pas te blesser. Je ne te frapperais jamais.

Je ne sus pas si elle me fit confiance, mais j’allais essayer de faire en sorte que mes actes parlent plus que mes mots.

Myrtille sembla à peu près tolérer ma présence. Je la vis me regarder avec un peu de méfiance, mais elle n’était plus absolument hostile comme les deux jours derniers.

Fernando et Planck étaient un peu éloignés de toute cette agitation. Fernando s’était mis au sec, refusant de se mouiller les coussinets plus que nécessaire, attendant que je ne lui donne son repas, toujours avec cet air noble.

Dès qu’il eut son aile d’Etourmi, il se montra plus actif, mangeant à sa faim tout en me regardant pour que je lui donne le reste.

- J’ai vraiment l’air d’être un serviteur, murmurais-je en lui donnant un morceau de carcasse.

Il miaula, comme pour confirmer, avant de retourner manger.

Planck voleta, n’ayant pas besoin de se sustenter comme les autres organiques. Il n’y avait pas de bouche sur la façade de métal, il se nourrissait d’énergie dégagée par les minéraux et ajoutait de la matière qu’il drainait des filons de minerais enfouis entre des strates rocheuses.

Il se posa sur la tête de Montagne, qui me regardait avec colère. Non, ce n’était pas de la colère, c’était plutôt un mélange de déception et de trahison.

- J’aurais du te demander ton avis mon grand. Je n’y ai pas pensé ... j’ai été trop égoïste et focalisée sur moi-même. C’était ton corps et … je n’en suis pas propriétaire.

Le serpent de métal me regarda, faisant crisser ses dents, meulant un rocher avant de me cracher des gravillons dessus.

Je me couvris le visage, déçue, tout en comprenant sa réaction colérique. Je le méritais un peu, songeais-je.

Il gronda, me tournant ostensiblement la tête, regardant son reflet dans le plan d’eau.

Planck vola en tourbillonnant au-dessus de lui, alors que Lucille s’amusait à cracher des bulles d’eau en cercle, dessinant de petits anneaux aqueux. Les petits cercles étaient lentement soulevés par le pokémon acier, qui les traversait en tourbillonnant.

- Amazonas, peux-tu faire des cercles de feuilles ?

Mon grand pokémon hocha la tête, avant de se lever et de lancer quelques feuilles, ajoutant un peu de difficulté à Planck.

Myrtille se plaignit que son support bouge et sauta au sol, près de l’autre félin de l’équipe. Fernando et lui se lancèrent dans une conversation longue. Au vu du nombre de syllabes échangées, c’était Myrtille la plus loquace. Etrangement, le précieux fauve ne sembla pas ennuyé par la petite bavarde. Il était attentif et répondait calmement.

Qu’elle socialise avec le reste de l’équipe, pensais-je en les observant échanger. Myrtille devait être contente de pouvoir s’exprimer et se livrer. Elle devait probablement reconnaître le plus gros comme un supérieur, ce qui flattait l’ego de Luxio, qui gonflait son poil avec orgueil.

Après avoir longuement profité de la brise matinale, je décidai de partir, rappelant Montagne. Amazonas, Fernando et Lucille me firent un signe, pointant ma ceinture, me faisant comprendre qu’ils voulaient rentrer.

Planck se plaça à ma gauche, volant près de mon oreille, émettant un tout petit bourdonnement régulier. Je me penchai, m’abaissant au niveau de Myrtille. Cette dernière sauta sur ma jambe, enfonçant ses petites griffes dans ma salopette de jean, avant de monter sur mon épaule droite.

Elle se fit petite, recroquevillé en boule, silencieuse. J’entendis à peine un ronronnement venir d’elle, alors que je quittais le square paisible.

Quelques minutes après, je vis un Laporeille émerger depuis l’angle d’une rue formé par une boutique de chaussures et de vêtements de sport.

Le petit lapin trottait dans la rue. Un ruban autour du cou indiquait qu’il était dressé.

- Planck, arrête-le. Il doit appartenir à quelqu’un.

Archeomire obéit, usant de sa télékinésie pour le soulever d’une dizaine de centimètres au-dessus de la chaussée. Le lapin cria de surprise, alors qu’il trottait dans le vide.

Trente secondes plus tard, une femme ayant la trentaine arriva depuis le même angle de rue, s’arrêtant devant la scène.

- Merci de l’avoir arrêtée, haleta t-elle en rappelant le petit sacripant fuyard. Il a du mal a tenir en place.

Elle sourit, avant de me tendre la main et de se présenter. La femme aux cheveux couleur terre répondait au nom de Karine et était juge de concours. Elle me proposa même de passer à la salle de concours pour discuter et même tenter d’assister à un de ces duels de style sur scène.

C’était une idée intéressante et j’opinai de la tête, avant de partir manger.

Une heure plus tard, j’entrai dans la salle des concours. C’était un grand bâtiment moderne, avec un dôme soutenu par des poutres de métal. A l’intérieur, je fus entourée par de nombreux dresseurs bien habillés. Je faisais tâche avec ma salopette et mon haut quelconque.

Karine était dans un coin, discutant avec deux autres dames. La première était une splendide femme à la robe pourpre et scintillante d’étoiles. Ses cheveux violets formaient une coiffure sophistiquée, tandis que la seconde …

J’écarquillais les yeux face à la femme vêtue d’un élégant tailleur qui affinait son ventre, tandis que ses talons vernis scintillaient, reflétant ses cheveux bleutés et bien coiffés.

- Maman ? m’étranglais-je en la voyant, avançant vers cette personne qui me semblait presque étrangère.

La femme ravissante me sourit. Elle était si différente de la veuve que je connaissais, revêtue de son tablier et arborant une coupe simple. Elle semblait radieuse et épanouie, je ne l’avais pas vue aussi élégante et aussi lumineuse depuis des années.

- Ouah, ça te change ! complimentais-je en ayant du mal à réaliser que ma propre mère pouvait être si séduisante et distinguée.

Karine remarqua la ressemblance entre maman et moi, avant de sourire.

- Je me disais bien que tu me rappelais quelqu’un, dit-elle à demi mot. Si tu es la fille de Johanna, tu dois t’y connaître en concours !

- Je ne sais pas, concéda ma mère. Je n’ai guère eu l’occasion de l’entraîner. Mais elle semble bien se débrouiller par elle-même avec ses pokémon.

- Mais, maman … comment t’es venue jusqu’ici ? demandais-je en l’embrassant.

Elle me regarda avec un sourcil légèrement haussé, comme si la réponse était évidente. D’ailleurs, ses sourcils était bien plus fins et épilés que la dernière fois.

- Je suis venue avec Ritournelle, mon Rapasdepic. Tu sais que lui et moi, nous avons gagné pas mal de concours, quand j’étais jeune et pimpante.

- Ne te vieillis pas trop, darling, ajouta la femme à la robe pailletée, avant de se retourner vers moi. Quant à toi, jeune dresseuse, tu à l'air de quelqu'un qui veut se battre à l’arène.

Je hochais la tête, voyant son sourire.

- Eh bien, pas aujourd’hui, sweetie ! Je suis ici pour les concours, not pour me battre.

Elle était parfaitement à sa place ici. Sa robe tourbillonnait à chaque pas, ses pommettes légèrement ridées étaient cachées par du fond de teint sublimant son âge.

- Je suis Kimera, championne d’arène et … great fan de concours pokémon.

J’étais vraiment surprise que ma mère connaisse tant de monde.

- Ca fait un bail que je n’étais pas venue, expliqua ma mère, alors que je m’installais avec ses amies à la table que les dames occupaient. Je m’ennuyais alors j’ai décidé de prendre un peu de vacances. Je savais que tu serais à Unionpolis d’ici peu, alors je voulais te faire une surprise en prenant mes congés en ce moment.

- C’est très réussi, confirmais-je. Tu ne m’as pas beaucoup parlé de ta carrière de coordinatrice.

- Je l’ai mise de côté pour me consacrer à ma famille, contrairement à mes deux amies. D’ailleurs, tu te souviens de notre finale en 84 ? rappela t-elle à Karin.

La juge confirma, de même que Kimera.

- C’était lors de ma dernière année d’études supérieures, sourit la championne la plus âgée. On avait voulu finir en beauté et participer à un concours …

- Tu as gagné, rappela Karine. Johanna était en pom-pom girl et moi … j’étais un peu trop ivre.

- On a fini en garde à vue, avec nos conneries, rappela Johanna.

- Par les légendes, ma mère était une délinquante, soupirais-je en ne croyant pas ce que j’entendais.

Les femmes rirent.

- D’ailleurs, ta fille pourrait nous montrer si elle a hérité de tes talents, suggéra Karine.

- Ce serait une idée intéressante, me proposa maman en souriant. Mais il te faudrait une tenue plus seyante. Tu devrais virer cette salopette, ça fait un peu trop gamine.

- D’accord, d’accord, je m’inscris, acceptais-je en ne sachant pas trop dans quoi je m’engageais.

Karine sourit, décidant de s’occuper de toutes les formalités d’inscription pour le concours de ce soir. Après un rapide choix, tout fut finalisé. Maman se leva, prenant son petit sac.

- Allez, ma chérie ! gloussa t-elle comme une adolescente. On va faire les boutiques ensemble !

Les boutiques, avait-elle dit. Effectivement, nous avons parcouru les galeries marchandes de la capitale.

Durant des heures, je me trouvais à suivre maman, très dirigiste. Elle choisit des caracos élégants, des tenues confortables et qui changeraient un peu ma garde robe. T Shirts, jupes, pantalons … tout y passa. Un petit ensemble en cuir de Crocorible attira mon attention, mais le regard dissuasif de maman était très explicite.

Je me sentis un peu rabaissée et humiliée, comme si j’étais encore une enfant. Elle me changeait ma garde robe pour faire plus adulte, mais dans le même temps, continuait de me traiter comme une gamine. C’était un paradoxe des plus horripilants.

Elle me montra une joli robe d’un bleu céruléen, avec des liserés argentés sur les manches et au col.

- Elle est belle, admis-je, mais je trouve qu’il manque quelque chose.

Elle sembla du même avis. Peut-être qu’un accessoire de plus serait appréciable.

- Essayons-là avec une ceinture ou un corset.

Aussitôt dit, je me trouvai dans une cabine d’essayage. J’avais un peu changé depuis mon départ, perdant un peu de rondeurs enfantines et gagnant des muscles dans les cuisses.

La robe longue ressemblait à un ciel de nuit dégagé, avec des éclats opalins faisant penser à des comètes. Elle était légèrement trop large à la taille, mais ma mère revint avec un petit corselet argenté qui cacha élégamment ce défaut.

- Ca te va bien. Ca te donne un coté élégant. C’est une belle tenue de soirée.

- Mouais … mais ce soir, c’est un concours de robustesse, pas de grâce. Il me faudrait quelque chose qui soit plus … pas sauvage mais ... disons qui fasse moins stéréotypé.

- Je t’assure que c’est ce qu’il te faut. Les concurrents doivent faire bonne impression, sur l’élégance pour s’insérer dans le milieu du show-business. Kimera est spécialisée dans les concours de grâce, mais aussi d’intelligence.

Sa mère prit une petite photographie dans son portefeuille. Le papier jauni montrait Johanna avec vingt ans de moins, soulevant une coupe dorée ornée d’un ruban jaune.

- Concours de Hoenn, Masters de robustesse, sourit-elle avec fierté.

Je regardai la vieille image couverte par un étui plastifié pour la protéger.

- C’est toi ici ? hoquetais-je en voyant cette ado porter une longue robe, avec une traîne bleutée.

- Oui. Le thème était l’hiver.

- Ca te fait super-jeune et … putain, t’es belle.

- Ne jure pas, me rappela t-elle à l’ordre.

Je rougis, un peu comme une gamine prise en faute par ses parents. Quoi qu’il en soit, j’avais hâte d’être à ce soir. Il fallait juste que j’essaye de penser à des capacités me permettant de mettre en exergue la force physique de mon pokémon.

Cet achat n’était que la première étape. Vint ensuite la manucure, l’épilation de mes aisselles laissées en jachère et le passage chez le coiffeur, afin de couper mes pointes fourchues et de retravailler mes mèches sombres.

Après un repas léger à deux, maman et moi retournâmes à la salle de concours, pour nous préparer en coulisses. Je devais admettre que mon aspect était mirifique par rapport à mon allure quelconque du matin même.

Mes mèches doucement ondulées se balançaient doucement autour de mon visage. Je ne pouvais pas me ronger les ongles, mon vernis serait endommagé. Je me retins aussi de mordiller mes lèvres couvertes de maquillage, me rabattant sur l’intérieur de ma joue.

Le pire était l’attente. Tout ce que je pouvais faire, c’était attendre qu’on m’appelle.

Le chauffeur de salle fit une longue introduction, trop longue pour moi. La foule applaudissait, alors qu’il appelait les candidats. Un jeune homme vêtu d’un costume noir, une vieille dame avec une robe de tweed et un quadragénaire à la moustache longue comme ses favoris seraient mes adversaires.

Boskara était à mes côtés, un peu surpris et agacé de toute cette agitation et de ces spots lumineux. Les autres pokémon éclairés étaient un Mime Junior, un Manzai et un Pikachu. Le premier semblait déplacé dans cette compétition, mais mieux valait ne pas vendre la fourrure de l’Ursaring avant de l’avoir tué.

Voir la foule était impressionnant, mais une fois que l’on faisait abstraction du brouhaha scandé par des centaines de gorges, l’on se rappelait l’enjeu de la situation. La foule devait être éblouie, elle devait l’être autant que les spots nous éclairant. Il fallait que je leur montre quelque chose de beau et de puissant dans cet exercice.

- La première épreuve est celle de style ! introduisit le commentateur d’une voix enjouée. Nos candidats vont avoir cinq minutes pour préparer leur pokémon. Le thème sera … le naturel !

A ce moment, le rideau se baissa, ne nous laissant qu’une minute.

Je fouillai la trousse d’accessoires avec les autres candidats, une idée en tête. En fait, j’allais aller au plus simple. J’allais déposer un peu de poudre pour ocrer la carapace de Boskara, intensifiant l’aspect terreux de son dos, ajoutant un coté sol aride. Je mis quelques fausses feuilles sur sa tête, avant de dessiner un peu de lichens bleutés sur ses pattes.

Au final, Manzai se retrouva bariolé de strates de granit, Pikachu portait une fleur et un champignon. Quant à Mime Jr, il portait un nœud sophistiqué dans les cheveux. Pour le naturel, on repassera…

Les juges attribuèrent leurs votes et il sembla que mon pokémon l’emporta haut la main, suivi par le Manzai.

- Ils ne comprennent rien au style, marmonna le vieil homme à l’adresse de son petit compagnon psychique.

L’épreuve suivante fut celle de danse. Chaque dresseur devait faire une chorégraphie évoquant la robustesse.

Amazonas me regarda, avec l’air de me dire qu’il était souple comme un tronc et qu’il n’allait pas faire des bonds et des chorégraphies complexes.

Face à son regard, je lui proposais de réaliser quelques gestes simples, avec un rythme perceptible, mais ce ne fut pas des plus convaincants. La série de mouvements était très ridicule et peu organisée. Enfin, ce le fut toujours un peu plus que le Manzai qui se dandina en un rythme soporifique.

La dernière épreuve était celle dite de comédie. Les pokémon devaient être capables d’utiliser leurs capacités de façon créative.

Je réfléchis, cherchant comment montrer sa force de façon élégante, sans me contenter d’un bourrinage bête et méchant.

Après une bonne tergiversation, j’eus une petite idée. Je chuchotai une consigne à mon grand costaud, qui hocha la tête.

Manzai fit apparaître des rochers, dont les restes au sol étaient épars.

Lorsque ce fut mon tour, je donnai l’ordre à mon fidèle compagnon. Amazonas frappa au sol, dégageant les rocs en une onde circulaire. Ensuite, il projeta de nombreuses rafales de feuilles, traçant des sillons dans la poussière et les graviers, dessinant une spirale.

Les juges se concertèrent durant quelques minutes. Ensuite, sous les ovations de la foule, ils annoncèrent les résultats.

La prestation catastrophique du Mime Jr. expliqua sa dernière position. La troisième place fut occupée par le Manzai. Lorsque le juge annonça le second, je m’attendis à être nominée.

Pourtant, c’est le Pikachu qui occupa cette place.

Ce qui signifiait que … ce fut mon nom qui fut hurlé triomphalement par le juge.

J’avançai sous les projecteurs, éblouie par ces spots qui me donnaient chaud. Je ne m’attendais pas à ça, alors que la foule m’applaudissait, bien qu’il y avait des sifflets parmi les clameurs.

Je ne savais pas quoi dire, ni même si je devais dire quelque chose. Je fis un petit salut à la foule, un peu gênée de lui faire face, seule.

Heureusement, ma gêne fut de courte durée. Karine se dirigea vers moi, le pas assuré, avec un petit ruban qu’elle épingla sur ma robe.

Pour quelqu’un qui n’aspirait pas à être une coordinatrice pokémon, c’était un petit signe du destin.

Finalement, nous quittâmes les planches, laissant le public s’éloigner. Malgré tout, il y avait encore du monde dans la salle, plusieurs personnes chuchotant ou me souriant, me saluant de loin. Certains étaient déçus de ne pas pouvoir rester davantage, d’autres parlaient de « talent naturel, »

L’un des juges m’offrit un petit paquet, fait de kraft contenant une pierre orangée grossièrement emballée.

- C’est une des récompenses décernées à certains des dresseurs qui effleurent les scores maximaux. Cette pierre est tirée des carrières de marbre des îles du nord, elles ont une certaine valeur symbolique.

Avant même que je ne puisse le remercier, deux journalistes m’approchèrent, leurs micros tendus vers moi.

- Mademoiselle Noyer, vous avez remporté ce concours de Robustesse de niveau débutant, comment vous sentez-vous ? m’interrogea cet homme avec une boucle d’oreille assez laide.

Je reculai un peu, surprise par cette invasion de mon espace vital.

- Je … je ne sais pas trop. Surprise, mais contente, bien sur. Aussi …

- Comment avez-vous fait ? coupa t-il. Vous avez répété des chorégraphies ?

- En fait, pas du tout. C’est mon premier concours, j’en avais vu quelques uns mais … j’ai improvisé.

Rapidement, maman intervint, se plaçant devant la caméra.

- Je pense que cela suffit. Vous devriez avoir honte de lui sauter dessus sans crier gare.

J’étais bien contente qu’elle soit ici. J’étais toute chamboulée par la pression, angoissée face à la foule hurlante, encore troublée par l’entremêlement de la stupeur de la victoire, la satisfaction du triomphe, la solitude face à mes nouveaux fans qui ignoraient mon existence quelques heures avant et … l’insatiable appétits des journalistes pour ce qui fera vendre.

Me replier avec ma mère et ses amies dans une arrière salle fut une bénédiction. Je ne fis pas grand-chose, je sentis juste ma mère me prendre le poignet pour me sortir de là.

Lorsque je pus m’asseoir et reprendre mes esprits, mes jambes me semblaient presque liquides et glacées. Je ne savais pas vraiment comment m’exprimer.

- Tous ces gens, c’est … c’est fou …

- C’est ce qu’on appelle la gloire et la célébrité, déclara Johanna. Un jour on n’est rien, mais il suffit d’attirer l’attention d’un média pour se retrouver sur un piédestal aussi brillant qu’artificiel.

- C’est éprouvant, mais on ne peut s’en passer, poursuivit Karine. On n’existe que parce que les médias parlent de nous. On les déteste et on les fuit, mais en même temps, on en a besoin et on court après, en un abject paradoxe. Tu verras que la majeure partie des fans voudront tout savoir de toi, mais que si tu fais une erreur … ils sont prompts à jalouser et à renier ce qu’ils ont adoré.

- C’est pour ça que j’ai disparu des radars et arrêté les concours. Je ne fais plus vendre, je ne suis plus qu’une gloire passée, ajouta maman en étant presque satisfaite d’avoir disparu des cercles de compétition.

Kimera sembla approuver, avant de contempler le ruban épinglé à ma robe.

- Tu sais, si jamais tu deviens maître de la ligue, c’est toi qui focaliseras tous les regards, les passions et les jalousies. Cette pression de tout à l’heure ne sera rien par rapport à celle que tu subiras. A toi de t’endurcir pour ne pas te faire broyer par elle, car … on a rarement droit à une seconde chance.

C’était implacable, comme le monde que j’avais voulu défier sans vraiment en comprendre tous les tenants et les aboutissements.

- Si tu veux vraiment poursuivre sur cette voie, tu devras accepter la rançon du succès, conclut la championne. Enfin, à condition de parvenir à triompher de toutes épreuves. J’ai une réputation à défendre et je ne me laisserais pas vaincre facilement. Je t’attendrais à l’arène demain. La route pour devenir maître est un long chemin ardu.

Elle serait probablement pavée de sueur, de larmes et d’espoirs brisés, songeais-je. Il y a tant de personnes qui avaient la même aspiration, mais au bout de tous ces chemins, il n’y avait qu’un seul trône.

Ta route sera pavée de cadavres, Elizabeth Noyer, approuva alors cette petite voix en moi. Tu l’as d’ailleurs intronisée dans le sang, ne l’oublies jamais. La mort t’accompagnera et … tu pourrais bien être son héraut, avant de tomber dans ses bras glacés, comme tous les autres.