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Informations

» Auteur : Serekai - Voir le profil
» Créé le 22/07/2020 à 12:22
» Dernière mise à jour le 09/09/2020 à 17:37

» Mots-clés :   Aventure   Présence de personnages du jeu vidéo   Sinnoh

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Chapitre 1 : Le retour du professeur Sorbier
Les rayons du soleil traversaient à peine les rideaux roses, rendant visibles d’épars grains de poussière flottant au milieu de la pièce à la tapisserie d'un rose magicarpe. Deux fines pattes de lumière dessinaient une ligne oblique sur le parquet verni, continuant jusqu’à titiller l’extrémité du nez de la jeune fille qui sommeillait. Elizabeth Noyer dormait encore, enveloppée dans une couette Skitty tant froissée et tant retournée, qu’elle ressemblait davantage à un marshmallow, qu’à une literie digne de ce nom.

Mon sommeil fut perturbé par le rayon pernicieux, qui s’étendit doucement et caressa ses paupières, me faisant gémir inconsciemment. Mon inconscient, qui aimait me jouer de petits tours dans mon sommeil, faisait en sorte que je ressemblais systématiquement à un Armulys le matin, engoncée dans mes draps légers.

Mon esprit embrumé entra doucement en phase de réveil et je levai une main, caressant mes sourcils noirs, massant mes paupières pour chasser cette désagréable sensation de picotement qui s’attardait autour de mes tempes. J’avais l’impression de chasser du sable qui s’était glissé dans mes yeux.

Avec la volonté d’un Parecool et l’élégance d’un Spinda, je me redressai au milieu de l’édredon défraîchi, m’attardant sur le motif en forme d’empreinte de pas, avant de le repousser d’un geste mou. Mes muscles me trahirent, comme chaque matin et je posai ma main gauche sur la table de chevet en noyer, m’en servant comme d’un appui pour me relever.

- Mon coeur, il faut te lever ! m’alpagua ma mère depuis le salon.

- Oui maman, la rassurais-je avec une voix encore apathique.

- Ton ami tourne comme un Medhyena en cage dans la rue, ajouta t-elle avec une pointe d'amusement.

Ah oui … lui.

Mon voisin.

Je n’avais pas envie d’y penser. Ce n'est pas que je ne l’aimais pas, mais je n’avais pas encore accumulé assez d’énergie pour réfléchir convenablement. Tant que je n’avais pas mangé, mon esprit tournait au ralenti. Je m’attardai quelques instants sur le guide officiel et le règlement de la ligue pokémon qui gisaient sur le tapis Bulbizarre au sol. Après quelques petites secondes de réflexion, je me souvins que j’avais posés ces livres sur ma table basse la veille, mais j’avais probablement dû les chasser d’un revers de main durant mon sommeil. Un rapide coup d’œil sur mon poignet gauche, orné d’une disgracieuse tache rouge sombre sous la peau, me confirma que j’avais raison. Le choc avec le coin du meuble ne m'avait même pas réveillée, mais un bleu allait rester quelques jours.

Comme chaque matin, je fis un long passage vers la salle de bain, pour prendre une douche matinale et chasser au passage la sueur et l’odeur de la nuit. Je n’étais pas une top modèle, ni même une obsédée de l’hygiène, mais j’appréciais mon petit confort et la sensation de propre sur mon corps. Au passage, le contact de l’eau me ramenait à la réalité, ce qui était très avantageux au vu de ma difficulté à émerger.

A peine sortie de la cabine de douche, j’ouvris les fenêtres pour aérer ma chambre et chasser l’humidité persistant dans la salle d’eau. J’en profitai pour étreindre mes cheveux noirs, les laissant retomber sur mes épaules, lisses et propres. D’un regard distrait, j’avisais l’armoire et je saisis une tenue simple. Je n’ai jamais aimé faire preuve de trop de sophistication, à l’exception des grandes occasions et des cérémonies. Je me contentais donc d’un ensemble classique, avec un petit débardeur violet et une jupe sombre.

Je descendis finalement dans le salon, gardant prise sur la rampe de métal cuivré. Maman était dans la cuisine, terminant son repassage, tout en regardant la télévision qui jouais le rôle de fond sonore pour lutter contre la solitude.

J’entendis juste la fin du programme à travers les enceintes.

« Voilà qui conclut l’interview du Professeur Sorbier, diffusée par Féli-TV sur le réseau national. A la prochaine fois, même heure, même chaîne. »

Je cessais bien vite de porter attention à la publicité pour croquettes enrichies, me concentrant sur ma mère, qui se retourna. Ses cheveux étaient ébouriffés par la vapeur de son fer à repasser, mais son teint fatigué devint subitement radieux.

- Bonjour mon petit coeur ! Je ...

A cet instant, on toqua à la porte. Tandis que Maman déposait son fer à repasser sur le support, je pris l’initiative d’aller ouvrir, pour ne pas qu’elle se dérange davantage.

- Ne te dérange pas, je peux le faire, lui dis-je en souriant.

Au passage, je l’embrassai sur la joue. J’aimais beaucoup ma mère, qui m’avait élevée depuis mon enfance. Elle avait toujours été là pour moi.

Mon visage avait une expression un peu niaise, alors que j’atteignais la porte peinte en vert sombre.

Au moment ou le verrou tomba, alors que j’avais à peine tourné la poignée ouvragée, la porte s’ouvrit à la volée, manquant de me faire tomber en arrière. Une tornade blonde entra dans le salon, passant en coup de vent.

- Hé Liz ! T’as vu à la télé ? s’écria le garçon blond qui venait de s’inviter.

Voilà.

C’était lui que je ne voulais pas voir de sitôt.

Lui, c’est Robin, mon voisin et ami ... mais également une masse d’énergie débordante, qui semblait saper toute ma vitalité, un peu comme un Fantominus drainant lentement l'énergie vitale d'une proie. J’aurais préféré manger un peu avant de passer quelques heures avec lui.

- Bonjour à toi aussi, répondis-je d’un ton qui se voulait moqueur, mais qui était juste fatigué.

- Le professeur Sorbier est revenu de son voyage ! s’extasia t-il. On devrait aller le voir ! C’est un grand spécialiste et il vit juste à côté, à Littorella ! Allez, je t’attends !

Puis, il fila comme une bourrasque, s’éloignant dans la rue.

- Si t’es en retard, tu me devras 100 000 pokédollars ! cria t-il en disparaissant derrière la devanture du magasin d’alimentation que maman tenait.

Je refermai la porte, encore sous le choc de ce qu’il venait de se produire. Ma cervelle était encore en phase de réveil et je n’étais pas prête à sortir le ventre vide. J’avais lu dans une revue scientifique que l’être humain possédait également des neurones dans les intestins ... c’était très probablement lié.

- Il ne tient pas en place, commenta ma mère, terminant sa corvée avant de se servir une tasse de café noir.

Je hochais de la tête, approuvant ses dires, avant de manger rapidement un petit déjeuner en sa compagnie. Bien que je voulais rejoindre Robin, j’avais envie de prendre mon temps et de remplir mon estomac. Je savais que flâner et profiter de ne rien faire serait un luxe en la compagnie de mon turbulent voisin.

Ce n’est qu’après vingt minutes, que je déposais le bol dans l’évier. Ma mère me dissuada de récurer la vaisselle, mais je le fis tout de même, avant de saisir mon sac et de quitter la maison.

- A tout à l’heure, maman ! la prévins-je en enfilant ma veste ornée d’un Zarbi cousu sur l’épaule. Je serais de retour avant 19 heures.

Alors que je fouillais la petite boîte à clés accroché dans l’entrée tapissée, mon regard se posa sur la photo encadrée, représentant mes parents tenant un bébé grassouillet dans leurs bras.

- Amuse-toi bien ma chérie ! me répondit-elle depuis la cuisine, alors qu’elle posait une pile de linge repassée sur la table. Fais bien attention à éviter les hautes herbes.

Je franchis la porte, la laissant claquer derrière moi. Maman rabâchait toujours ce sempiternel conseil élémentaire.

Comme si j’avais l’intention de lui désobéir. Une rencontre inopportune avec un Chenipotte m’avait servi de leçon des années plus tôt. Outre une gifle et une punition d’un mois, ma jambe gonflée de venin pendant deux semaines m’avait ôté toute envie de recommencer un acte aussi téméraire qu’inconscient.

Le village de Bonaugure se trouvait devant moi, avec ses cinq rues. C’était un petit coin perdu, du moins au premier abord. C’était un village calme, l’idéal pour fuir la précipitation et la ville. Quant on y vivait, on avait l’impression que rien ne changeait jamais, avec les mêmes têtes, les mêmes gens, juste guidés par l’incessant ballet des saisons.

La plupart des maisons étaient bâties avec le bois des robustes chênes entourant le village. Les bâtiments disposaient de soubassements de pierre, entourés de petits fossés de drainage qui menaient vers les jardins et les potagers. Il n’y avait que peu de diversité dans l’architecture, mais chaque famille avait peint ses volets et sa clôture d’une teinte différente, ce qui faisait que le bleu succédait au vert, puis au rouge criard. Ma mère avait choisi le vert pour notre maison. Je n’avais jamais vraiment remis en question ce choix, étant habituée à ce décor familier.

Mes pas me guidèrent dans la rue principale. Je saluais ma vieille voisine, occupée à soigner ses plants de tomate, qui me répondit d’un sourire ou il manquait deux dents. Robin habitait la troisième rue depuis chez moi, dans une maison au toit particulièrement pentu.

A peine mes doigts avaient agité la clochette de métal oxydé qui pendait sous le porche, que la porte bleue s’ouvrit à la volée.

- Kaboom ! T’as peur ?! cria Robin en surgissant comme un dingue, freinant sur le perron pour s’arrêter à quelques centimètres de mon visage, me permettant d’observer de près le duvet blond qui commençait à pousser au dessus de sa lèvre supérieure.

Je voyais à son regard océan qu’il attendait une réponse à sa surprise. Comment lui dire que les premières fois, oui, j’avais sursauté. Après huit ans à me faire régulièrement ce coup, beaucoup moins.

- Pas tellement, dis-je d'un ton badin. Tu me fais ce coup une fois sur deux, répondis-je calmement.

Cela n’eut pas le moindre effet sur son abondance d’énergie. Je ne réussis à le ralentir que le temps d’une seule tirade. La seconde d’après, il reprit son long monologue, avec la même exaltation que d’habitude. Je ne l’écoutais qu’à moitié, d’ailleurs.

- Allez, le professeur Sorbier est de retour ! Finit-il en répétant ce fait pour la troisième ou quatrième fois. Ca fait presque quatre ans qu’il était parti ! Il a sûrement un tas de pokémon rares à montrer !

Il sautillait et bondissait, excité à l’idée d’en découvrir plus que la faune locale. Bien sûr, nous avions passé des heures à regarder des spécimens exotiques sur le réseau international, mais les voir en vrai, c’était autre chose. C’était tentant, je devais bien l’avouer.

Je décidais de le suivre, ce n’est pas comme si j’avais autre chose à faire durant cette journée. Je comptais les jours avant la réception de mon dossier d’acceptation en tant que dresseuse et j’avais hâte de pouvoir commencer mon périple. En allant voir l’estimé professeur Sorbier, je ferais autre chose que relire encore et encore les mêmes pages de textes de lois, tout en regardant mon calendrier.

Robin et moi empruntâmes la route principale, celle qui menait hors du village en direction du lac. On l’avait foulée un nombre incalculable de fois, à force de toujours traîner ensemble. Le manque de personnes de notre âge nous avait rapprochés depuis l’enfance. On avait régulièrement été se baigner dans le lac près de la ville, c'était l'un des rares passe-temps pour des enfants de notre âge.

Enfin, nous n'étions plus des enfants. J'avais douze ans et j'avais hâte de pouvoir devenir une adulte en recevant mon pokémon et ma carte officielle.

Pour être honnête, la route 201 était plus un chemin de randonnée qu’une vraie route. Elle manquait d’entretien et, si le chemin du lac était débroussaillé, il n’en était pas de même pour le chemin de la côte. Je soupçonnais depuis longtemps qu’il s’agissait d’un stratagème pour nous permettre d’aller nous baigner, tout en nous empêchant d’aller trop loin.

Face aux herbes qui montaient jusqu’à la taille, l’appréhension me gagna.

- Robin, c’est peut-être pas une bonne idée, tentais-je avec un ton mal assuré. Littorella est loin et ...

Mon bafouillage hésitant n'avait rien d'éloquent.

- T’inquiète pas, contra t-il avec son grand sourire, ça va passer. Si on trace, les pokémon sauvages n’y verront que du feu !

Avec sa vitesse, c’était possible. Il pourrait filer comme le vent et … personne n’aime l’attaque tornade. Cependant, je n’avais ni son endurance, ni son énergie.

- Allez, j’y vais ! s’écria t-il en prenant son élan. Littorella, me voilà !

Il cria, à la fois de joie et de crainte, filant à toute vitesse devant moi. Il était prêt à fouler les herbages, lorsque une voix sèche s’éleva pour l’arrêter. Le blond fut si surpris d’être apostrophé, qu’il freina brusquement au point que je vis la poussière s’élever sous ses pieds. Je crus même discerner que ses semelles rougirent l’espace d’un instant.

Un vieil homme s’avança vers nous. Il avait l’air sévère, mais je le remerciais intérieurement d’avoir empêché Robin de faire une grave bêtise et d’avoir mis sa vie en danger.

L’homme à la barbe fournie m’était familier. Je me souvins l’avoir vu dans des revues et même pas plus tard que ce matin, dans l’épilogue du reportage diffusé à la télévision du salon.

- Merci professeur, soufflais-je, alors qu’il nous regardait avec son regard d’un vert sapin.

- Vous n’avez pas de pokémon, nota t-il en remarquant l’absence de ceintures à nos tailles.

Le couplet moralisateur tomba et je découvris un Robin tout penaud et tout timide, ne sachant pas quoi dire ou quoi faire. C’était un spectacle très inhabituel et je ne l’avais jamais vu ainsi, pas même la fois ou nous avions volé les cerises de sa voisine et que nous avions été pris sur le fait.

Le vieil homme sembla réfléchir intensément. Sa tempe dégarnie laissait voir un pli qui palpitait. Nous étions suspendus à ses lèvres, attendant désespérément qu’il parle au lieu de nous laisser dans l’expectative.

- Vous deux vous aimez les pokémon, n’est-ce pas ?

- Bien sûr ! Répondis-je la première. J’ai envoyé mon dossier de candidature pour devenir dresseuse il y a déjà trois mois, sans réponse.

La réponse de Robin fut du même acabit, sauf que cet olibrius sembla subitement réaliser une chose. Il fouilla dans son sac empli de papiers, de dessins, de carnets et autres objets encombrants, avant d’enfin dénicher une grosse enveloppe de papier kraft marron.

- J’ai oublié de l’envoyer, comprit-il avec une mine déconfite, présentant le dossier au professeur, qui le prit pour regarder l’adresse en détail.

La sensation de migraine revint en moi. Je me massai les paupières, comme je le faisais souvent. Ce tic nerveux ne me quittait pas et le professeur s’en rendit compte.

- Vous deux, vous êtes certains de vouloir devenir dresseurs ? Vous êtes deux irresponsables qui vous promenez dans des zones dangereuses et … pour être honnête, je crains ce que vous pourriez faire avec des pokémon.

- C’est pas de sa faute ! bondit mon camarade en me désignant du doigt. C’est moi qui ai fait la bêtise, c'est moi qui l'ai entraînée là-dedans et c’est toujours elle qui éponge.

Robin se sentit penaud, tandis que l’expression du vieil homme se fit un peu plus joviale.

- J’éponge parce que je le veux bien, tentais-je pour dédouaner mon comparse de toutes les responsabilités. J’arrive jamais à te retenir et ... au bout de huit ans, j'ai peu d'espoir.

L’universitaire sembla réfléchir un peu, avant qu’une étincelle ne pétilla dans ses yeux, comme une feuille reverdissant après une pluie revigorante.

- Je vois, se contenta t-il de dire. Je vais garder ceci, déclara t-il en tenant le dossier de Robin dans ses mains. Pouvez-vous me retrouver demain, ici-même ? Je viendrais vous chercher à neuf heures, alors ne soyez pas en retard.

Le vieil homme nous laissa seuls. Je ne savais pas de quoi il en retournait exactement, mais il n’avait pas l’intention de nous punir ou même de nous dénoncer auprès de nos parents. Il semblait même étrangement amusé par notre fougue. A vrai dire, la fait qu’il n’ait pas de colère ou de désapprobation lors de son départ fut une source de soulagement. J’étais même rassurée, puisque une telle sommité avait une influence indéniable auprès des instances de la Ligue Pokémon. Un avis défavorable émis de sa part pouvait parfois être suffisant pour clore prématurément une carrière de dresseur.