Projet Triple 3 de Ramius

Titre totalement inspiré par cet album. En plus la musique passe assez bien sur le combat !

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Volcaropod avait l’air un peu déconcerté, malgré son regard noir parfaitement investi dans le combat. Son langage corporel ne suivait pas : il glissait prudemment d’une racine sur une autre, laissant une trace cendrée.

Il n’avait guère l’habitude de se battre de nuit, et laissait d’ailleurs la flamme de sa coquille brûler plus vivement pour grapiller un peu de lumière en plus, malgré l’incendie qui démarrait joliment. Et surtout, il avait beaucoup trop peu d’indices sur son adversaire. Ce drôle de Pokémon à huit pattes ne ressemblait à rien de ce qu’il connaissait, et il n’avait aucune idée des attaques auxquelles s’attendre. Il surveillait quand même un assaut physique, comme toujours.

Auguste avait plutôt coutume d’envoyer Adèle contre les Araignées. L’Arcanin avait toujours fait du bon travail : elle était particulièrement vive, et la plupart des Araignées aimaient prendre leur temps. Excepté ces fonceuses de Mygavolt.

L’Abomination sifflait, toutes les quelques secondes, mais n’attaquait pas. Ça ressemblait plutôt à une tentative d’intimidation. À supposer que quoi que ce soit de sensé puisse lui passer par la tête, songea Auguste. Et quant à Volcaropod, lui aussi habitué à des combats brutaux et frénétiques, il commençait à perdre patience. Ce fut lui qui attaqua le premier.

Un Rebondifeu vint éclater sous les pattes de la chimère, projetant quelques brandons alentour ; il y avait maintenant de petits départs de feu un peu partout dans ce coin de forêt. L’incendie se développerait certainement de façon incontrôlable, mais on s’en soucierait plus tard.

En réponse, Canaima tira une Ball’Ombre, qui aurait atterrit dans un œil de l’Escargot s’il n’avait pas baissé la tête, pour la laisser poursuivre sur sa coquille. Le coup ne le fit même pas bouger du sol ; satisfait, il entama une salve de Rebondifeu.

Sa cible s’évapora soudainement dans l’air ; les Sbires avaient signalé ce comportement, c’était un genre de téléportation à retardement. Mais cette fois-ci, elle se matérialisa aussitôt devant Volcaropod pour tenter de lui planter ses chélicères dans les yeux. Ce dernier, n’étant pas au courant de cette attaque, s’était attendu dès le départ à ce qu’elle soit dangereuse et rapide ; il parvint à se tortiller assez vivement pour que le coup ricoche contre sa coquille. Auguste se félicita de l’entraînement de son Volcaropod et pesta contre ce Ciel Sombre mal connu ; pour l’instant, ses ordres ne servaient à rien.

Cette fois-ci, l’attaque de Canaima avait laissé une large craquelure sur la coquile de Volcaropod ; la chimère tenta immédiatement d’enchaîner, mais l’escargot avait pris les devants. En se servant de la fissure, il fit littéralement exploser sa carapace de pierre, envoyant des projections un peu partout et faisant reculer l’Abomination.

Le Volcaropod avait maintenant l’air d’un gros Limagma sans sourcils. Mais surtout, à cause des contrecoups de son Armurouillée et de son Exuviation, il était maintenant beaucoup plus rapide que son apparence ne le laissait penser.

Sans se formaliser, Canaima commença à mitrailler son adversaire de Ball’Ombre. Elle dût vite déchanter : il se déplaçait maintenant assez vite pour tout esquiver, grimpant agilement sur les irrégularités du sol et se permettant même de bondir jusqu’à une branche basse avec un air ravi, comme par jeu.

Et il ripostait ; pour deux Ball’Ombre qui tentaient de passer à travers ses défenses affaiblies, il envoyait une Déflagration dont l’explosion éclairait brillamment la forêt. Ses attaques, bien que puissantes, manquaient de la précision un peu meilleure de son adversaire : il n’arriva à la toucher que deux fois. Elle aussi faisait ce qu’elle pouvait pour esquiver. Mais face à un adversaire aussi raisonnablement lent, le gastéropode pensait avoir ses chances.

Auguste, lui, rongeait son frein. Il s’était prudemment écarté, malgré sa blouse désormais déployée en combinaison intégrale : il avait beau trimballer un morceau de Glacéternel avec lui, il y avait des limites à la température qu’il pouvait supporter. Mieux valait se mettre à l’écart de ces Déflagrations.

Et de son relatif éloignement, il voyait un peu mieux la situation. Le feu avait pris, maintenant ; mais la chimère semblait s’en soucier comme d’une guigne : elle n’évitait ni les braises projetées en l’air, ni les foyers qui attendaient ses pattes. Seules les Déflagrations semblaient la faire réagir.

Soudain, elle fit un bond inhabituellement leste pour en éviter une ; elle riposta, plus vite qu’avant ; elle se mit à tout faire deux fois plus vite. Le Champion jura : cette saleté devait être Lunatique. Pas étonnant qu’elle soit imprévisible.

Et, pris de court par la vitesse nouvelle de son adversaire, Volcaropod perdit l’avantage ; une Vibrobscur le força à esquiver en bondissant, et une Ball’Ombre le cueillit en l’air, de plein fouet.

D’autres auraient sans doute suivi après qu’il se soit abattu au sol, si Auguste ne l’avait pas tout de suite ramené. Ce qui attira l’attention de l’Abomination sur lui ; mais il envoyait déjà son Pokémon suivant. Une Feunard qui se réceptionna souplement sur le sol d’humus de la forêt.

Sans se soucier de la forêt qui se mettait à brûler avec de plus en plus de conviction autour d’elle, elle repéra son adversaire ; puis la toisa pendant juste assez longtemps pour que l’autre se rende compte de sa présence en recevant son mépris muet. Après quoi les deux Pokémon s’approchèrent, la chimère en ligne droite et le type Feu en zigzaguant entre les sous-bois embrasés.

Une Ball’Ombre ne tarda pas à voler, allant se perdre dans les buissons ; en réponse, la Feunard essaya une Vive-Attaque. Elle jaillit dans un éclair de fourrure beige, et passa au travers de la chimère pour atterrir dans un autre fourré. Auguste pesta. C’était l’inconvénient à laisser ses Pokémon en autonomie. Mais il n’y avait pas grand-chose d’autre qu’il pouvait faire ; contre un seul adversaire, une stratégie construite ne servirait pas mieux qu’un simple matraquage dans les règles. Ce pour quoi il se fiait plus à l’expérience de ses Pokémon qu’à la sienne.

Pendant que la chimère engageait un duel avec la Feunard qui tentait de rester dissimulée dans les fourrés en flammes, le Champion se demanda s’il ne ferait pas mieux de relâcher tous ses Pokémon. Il aurait ainsi bien plus de puissance de frappe immédiate, même s’ils risquaient de se gêner. Mais il craignait aussi une Explonuit ; Canaima semblait capable d’attaquer encore plus fort que ses propres Pokémon.

Il y avait aussi ce Ciel Sombre, qui semblait avoir des effets qu’il ne connaissait pas ; il pensait à cette téléportation accélérée. Et ne connaissant pas l’endurance de la chimère, il pouvait espérer qu’elle ne lui permette pas de vaincre six Pokémon reposés à la suite ; elle était encore si jeune ! Alors il n’en fit rien.

Dans l’incendie qui avait désormais gagné l’ensemble du sous-bois dans cette partie de la forêt, les deux Pokémon continuaient leurs escarmouches. Pour éviter de révéler sa position, Feunard utilisait son Rebondifeu plutôt que son Lance-Flammes. Auguste commençait à regretter de ne pas lui avoir appris Déflagration ; il s’était dit que l’abondance de cette attaque dans son équipe était suffisante. Au moins y avait-il de plus en plus de braises en suspension dans l’air, qui pouvaient sans doute gêner Canaima. Et puis les arbres prendraient feu plus tôt ; la quantité d’eau présente dans un arbre vivant limitait l’intensité des incendies.

Dans une situation pareille, le Champion n’avait aucune honte à souhaiter un incendie qui tuerait des centaines d’habitants de la forêt et laisserait des montagnes défigurées pour des années. Éliminer Canaima passait avant tout, et sa conscience de Rocket s’accommodait d’un désastre écologique.

Les Vive-Attaques de Feunard, qui la propulsaient d’un buisson à un autre, étaient de plus en plus imprécises, énervées. Elle s’agaçait de ne pas arriver à infliger de dégâts significatifs à son adversaire, et sans doute aussi de la nuit qui l’empêchait de dégainer son cher Lance-Soleil, solution miracle à tous les problèmes des types Feu. Auguste décida d’envoyer son Pyroli en renfort, à peu près au moment où la renarde perdait patience et lançait une Onde Folie.

L’attaque atteignit Canaima ; et immédiatement, elle déchaîna une succession de Vibrobscur qui parvinrent à plonger la forêt dans les ténèbres à nouveau, malgré la lueur intense du brasier qui avait envahi le sous-bois.

Elle se calma assez vite, heureusement ; mais quand la chaude lumière du feu repoussa les ténèbres pas très consistantes de l’attaque, le Champion vit Feunard étendue au sol, immobile. Trop proche de l’Abomination, elle n’avait pas pu échapper à sa fureur.

Pyroli, au contraire, se laissa tomber au sol depuis les branchages d’un arbre plus éloigné ; il était passé au travers de l’attaque presque sans dommages. Il fila discrètement auprès de sa compagne, alarmé par son état ; mais une fois qu’il l’eut vue respirer, il n’afficha plus que la détermination la plus meurtrière, fusillant du regard une Abomination qui ne savait plus où donner la tête.

Rassuré, Auguste rappela sa Pokémon inconsciente ; puis prit encore un peu d’écart, la chaleur du brasier commençant à passer au travers de sa blouse améliorée. Elle ne valait pas la combinaison ignifugée qu’il utilisait quand il devait aller se balader dans le volcan de Cramois’Île : la feuille d’hydroxyde de magnésium réfléchissante qui recouvrait cette dernière aurait semblé légèrement suspecte sur une blouse. Il espérait quand même que le morceau de Glacéternel qui assurait l’essentiel de sa protection n’allait pas fondre, n’ayant aucune envie de rejoindre la trop longue liste de Dresseurs de types Feu qui avaient finis brûlés.

Cette fois-ci, il n’y eut aucun temps mort avant le combat. L’Orbe Flamme que le Pyroli portait en collier en faisait peut-être un combattant redoutable en activant Cran et en le protégeant des statuts, mais elle lui imposait également de ne pas laisser le combat traîner en longueur.

Alors il attaqua bille-en-tête, en chargeant la chimère de plein fouet. Autour de lui, une aura rougeâtre indiquait la chaleur intense d’un Boutefeu ; mais malgré le Ciel Sombre qui se faisait encore sentir, elle était presque invisible dans le brasier qui avait pris assez d’assurance dans les buissons pour aller s’établir dans les feuilles des arbres. Quand l’attaque ne sembla pas affecter outre mesure l’Abomination, Auguste douta même de l’avoir bien vue.

Le petit Pokémon Feu bondit jusqu’à une branche d’arbre en surplomb, évitant ainsi une riposte (une Ball'Ombre, comme si la chimère s'en était rappelée après toutes ces Vibrobscurs). Il avait l’air déconcerté ; visiblement, lui aussi s’attendait aux dégâts d’un Boutefeu.

Auguste ne mit pas longtemps à comprendre : Lunatique devait avoir augmenté la défense physique de l’Abomination. Sacrée déveine, alors qu’elle avait déjà l’air de bien tenir les attaques spéciales…

Pendant que Pyroli restait dans les branchages à cause d’un barrage de Ball’Ombre, et ripostait avec son Lance-Flammes en attendant de pouvoir retourner au sol et essayer un nouveau Boutefeu, une pensée peu appréciable vint à l’esprit d’Auguste. Difficile de connaître exactement la force de la chimère, et encore plus avec Lunatique qui faussait tout. Mais vu tous les combats qu’elle avait menés, il y avait une préoccupation qui devenait importante.

Pouvait-elle évoluer ? Le Champion préférait ne pas envisager à quoi elle ressemblerait alors. Il se contenta d’espérer que si ça arrive, Canaima ait besoin d’un temps d’adaptation avant de contrôler pleinement son nouveau corps : ce serait une excellente chance de l’abattre. Et si ça ratait, alors elle serait sans doute inarrêtable.

La plupart des Pokémon évitaient d’évoluer en combat ; mais impossible de prévoir ce qui pouvait bien passer par la tête de celui-là. Alors le Champion rongea son frein, en voyant son Pyroli s’épuiser à cause de la brûlure.

Canaima finit par utiliser une fois de plus sa téléportation étrange ; Pyroli en tomba de sa branche de surprise, échappant du même coup à l’attaque. Alarmé par sa nature physique, il souffla une flamme minuscule et la garda posée sur son museau ; un Feu-Follet. Il le lança quand l’Abomination revint au sol à son tour — et toucha la cible ; le Champ Brûlant assurait à l’attaque de ne pas rater.

Rassuré quant aux attaques physiques, Pyroli put enfin lancer son Boutefeu. Mais l’Abomination, qui semblait se soucier autant de la brûlure que de l’incendie en cours (donc pas le moins du monde), disparut au moment où Pyroli s’élançait. Encore cette téléportation.

Les deux Pokémon se retrouvèrent avec leurs positions échangées, ayant tous deux raté leur attaque. Cela énerva passablement Pyroli, alors qu’il était déjà bien échaudé ; voyant que son adversaire semblait capable de lui tenir tête, il décida de jouer le tout pour le tout et entama un nouveau Boutefeu. En courant droit sur l’Abomination, il ne chercha même pas à éviter les Ball’Ombre censées l’arrêter.

Il avait choisi de l’engager au corps-à-corps ; aussi ne reprit-il pas sa distance de combat après le choc, mais resta-t-il presque collé à la chimère, sacrifiant sa défense pour lui infliger un maximum de dommages.

Il pouvait se le permettre, avec sa résistance qui en faisait presque un mur. Malgré son attitude résolument offensive, c’était en fait un combattant plutôt défensif, cherchant à faire tourner en bourrique quiconque voudrait l’empêcher de staller , comme on disait dans le jargon. Le contrecoup de ses Boutefeu et la brûlure l’affaiblissait à petit feu, mais il fallait tout de même frapper fort pour arriver à le mettre hors-combat.

L’Abomination, Auguste le savait, en était capable, et d’autant plus dans ce corps-à-corps furieux. Il s’y résigna, et se prépara à échanger Pyroli pour Dracaufeu.

Et le moment de le faire arriva. La dragonne eut un mouvement de recul en sortant de sa Ball, déconcertée par l’ampleur du brasier où le Champion l’avait lancée : seuls les troncs d’arbres demeuraient peu affectés, grâce à toute l’eau qu’ils contenaient ; mais celle-ci les quittait dans des torrents de fumée, et tout le reste brûlait, écorce comprise.

Auguste, qui devait fréquemment s’éloigner un peu plus loin du brasier, commençait à se demander s’il n’avait pas eu la main un peu lourde sur cette pauvre forêt. Mais il y avait peu de vent, limitant la gravité de l’incendie ; et puis celui-ci révélait maintenant toute son utilité. Une Dracaufeu ravie put prendre son envol entre les branches élaguées par les flammes : elle aurait le contrôle des airs, avec toute la place de manœuvrer à son aise.

Et puis le Champ Brûlant activait son Talent Brasier : elle n’avait pas besoin de subir l’influence de son Orbe Vie avant de pouvoir frapper à pleine puissance. Elle ne s’en priva pas : les Déflagrations commencèrent à pleuvoir sur Canaima, et autour d’elle.

Cette dernière perdit son adversaire de vue à cause de la fumée : malgré le déluge incendiaire qui lui pleuvait dessus, elle reporta donc son attention sur le seul autre être vivant resté dans les environs. Auguste. Il sentit un frisson glacial lui parcourir la nuque, et ce n’était pas à cause du fragment de Glacéternel intégré à sa blouse.

Il s’éloigna en catastrophe, jusqu’à une zone moins affectée par les flammes. Mais il n’osa pas sortir complètement de l’incendie à proprement parler, et prit garde à rester dans une zone où il aurait rôti sans sa blouse. Avec un glaçon éternel dedans, celle-ci pouvait se transformer en piège mortel s’il retournait dans la fraîcheur de la nuit : autrefois, enfermer un homme dans une pièce isolée avec un morceau de Glacéternel avait été une forme d’exécution. Dans la blouse, ce serait pire.

Canaima ne se désintéressa pas du Champion, compliquant la tâche à la Dracaufeu : elle dut zigzaguer entre des troncs encore solides pour s’interposer plus ou moins entre son Dresseur et son adversaire.

La manœuvre réussit — plus ou moins ; outrée de recevoir une Déflagration en pleine tête, Canaima riposta avec une Vibrobscur particulièrement puissante.

La dragonne la prit de plein fouet alors qu’elle luttait pour conserver son équilibre, dans l’air chaud et agité par l’incendie. Et elle s’écrasa au sol, assommée.

Auguste pesta en la rappelant ; cela lui mettait un rude coup de voir son Pokémon avec le plus de force de frappe déjà abattue, et en une seule attaque par-dessus le marché. Il appela son Maganon à la place — mais à peine eut-il lancé sa Ball que Canaima s’intéressait à nouveau à lui, et se précipitait vers lui.

Maganon réagit presque immédiatement, en improvisant ; il ne pouvait pas attaquer sans menacer son propre Dresseur, alors il se contenta de lancer un Abri autour de lui. Et il se rendit aussitôt compte de l’opportunité à exploiter : à peine l’Abomination eut-elle le temps d’éprouver la protection qui entourait sa proie qu’une Déflagration s’écrasait dessus. Auguste, qui avait cru mourir de trouille en voyant le Pokémon à huit pattes l’attaquer, se promit de récompenser son Maganon dès qu’il le pourrait.

Canaima s’était téléportée sur ce dernier, en sifflant de rage. Elle dût vite déchanter : à peine fut-elle apparue qu’un déluge de Poings de Feu la repoussait vers le cœur de l’incendie.

Ce Maganon n’était pas tellement porté sur le physique ; il faisait juste une fixette sur les coups de poings, à cause d’un entraînement avec l’Élekable du Major Bob, collègue de Ligue d’Auguste. Et son style de combat était en fait axé sur la défense et l’endurance.

L’Abomination l’apprit à ses dépens. Si elle restait au corps-à-corps, elle subissait une raclée aux poings sans arriver à riposter efficacement ; si elle s’éloignait pour attaquer en sécurité, un Abri donnait le temps au Maganon de viser correctement pour envoyer une Déflagration plus précise. Par deux fois, il arriva à projeter Canaima en l’air ; les deux fois, elle riposta en revenant au contact, ce qui ne lui valait qu’un nouveau passage à tabac.

De fil en aiguille, les deux combattants s’éloignèrent à bonne distance d’Auguste, retournant dans la zone d’intensité maximale du brasier. La chimère commençait enfin à donner des signes d’inquiétude : elle tentait de s’écarter, de ne pas rester dans le cœur ardent de l’incendie. Peine perdue : cela ne lui servit qu’à subir d’autres Déflagrations, qui fauchaient les arbres et étendaient encore l’incendie.

Elle-même peinait à riposter correctement : les Abris fréquents du Maganon lui épargnaient la moitié des attaques, tandis que ses Restes et sa résistance naturelle lui permettaient de soutenir les autres. Il parvint ainsi à tenir tête à l’Abomination un certain temps, pendant lequel il ne cessa de démontrer sa capacité d’improvisation et d’adaptation : en ciblant volontairement un arbre au tronc fragilisé pour le faire tomber sur son adversaire, ou en la plaquant directement sur un arbre si elle s’approchait, il gagnait à la fois du temps et de l’énergie.

Mais même son acharnement fut insuffisant. Le brasier ne l’affectait pas, mais ses propres tirs, si : à force d’embraser ses bras et de les faire projeter des boules de feu à plusieurs milliers de degrés, ils se mirent à fondre, le forçant à se retirer du combat. Et quand cela arriva, il était hors de portée des Poké Ball d’Auguste, même si ce dernier s’était à nouveau rapproché prudemment du combat.

Il avait ses Abris ; cela ne suffit pas à le protéger du harcèlement de Canaima qui voyait son adversaire quitter le terrain. Et quand le Champion put finalement le rappeler, il s’écroula au sol en voyant le rayon de sa Ball venir le cueillir. Maganon ne pourrait pas retourner au combat plus tard.

Canaima ne se dirigea pas immédiatement vers Auguste. Cet engagement-ci l’avait laissée tremblante, visiblement épuisée ; le Champion sentit un regain d’espoir en appelant Adèle. La fin était proche pour l’Abomination ; alors que l’Arcanin, elle, était fraîche comme une rose — et aussi agitée qu’au premier jour. Les deux adversaires se dévisagèrent à distance ; ce fut Adèle qui décida de se rapprocher. Non sans un jappement d’enthousiasme à l’idée de pouvoir littéralement se baigner dans les flammes : chaque fois qu’elle parvenait à activer sa Torche, elle échappait au supplice du bain pour quelques jours.

Tout comme Pyroli, Adèle ne daigna pas laisser un seul instant de répit à la chimère : elle lui fonça dessus joyeusement, en la secouant d’une Déflagration dans sa course, et en déclenchant un Boutefeu aussitôt qu’elle fut assez près.

L’Abomination sembla prendre sur elle, restant immobile un moment, puis passa elle aussi à l’offensive : une fois de plus, elle se dissolut dans l’air, et attaqua Adèle par en-dessus.

Par réflexe, l’Arcanin libéra une Surchauffe. La dernière fois, elle avait réussi à projeter son adversaire loin d’elle ; mais maintenant, Canaima était à peu près aussi lourde qu’elle, et elle fut simplement écartée sur le côté. Malgré sa puissance, l’attaque ne sembla l’affecter que modérément ; elle s’en prit immédiatement à Adèle.

Cette dernière avait rendu ses attaques spéciales définitivement inutilisables avec ce coup ; mais elle ne rechigna pas à engager un corps-à-corps furieux avec l’Abomination. Des Boutefeu sans élan répondaient à des Ball’Ombre à bout portant, qui tentaient d’écarter des griffes acérées. Ce sixième duel dépassait tous les autres en violence ; Auguste s’attendait à voir l’un des deux Pokémon s’effondrer à tout instant.

Et pourtant. Aucun des deux Pokémon n’acceptait de lâcher le morceau ; Adèle épuisa à toute vitesse ses réserves de combustible, et abandonna toute forme d’attaque Feu, mordant et griffant férocement l’Abomination ; laquelle ignorait le sang qui coulait de ses plaies pour aller griller dans l’incendie, et rendait coup pour coup ; ses chélicères n’avaient rien à envier à la mâchoire d’Adèle, ses griffes tranchaient aussi bien, et elle parvenait de temps en temps à lancer une Vibrobscur qui submergeait Adèle un instant.

Et le duel dura. Les belligérantes ne se séparèrent pas avant près de deux minutes interminables ; et quand elles le firent, ce fut uniquement pour éviter un tronc d’arbre qui leur tombait dessus, avant de reprendre de plus belle.

S’inquiétant pour la santé de son Arcanin, Auguste s’approcha malgré le brasier qui ne le lui permettait plus. Il ne s’en souciait plus ; sa plus vieille amie était en danger, à cause de lui.

Il n’atteignit jamais la zone du combat. Sous ses yeux, alors qu’il était encore à une distance ben trop grande, il vit Adèle tressaillir, une patte griffue de la chimère plantée en plein ventre ; se recroqueviller, et tomber. Il la rappela sans même réfléchir.

Dans le brasier qui avait réduit la forêt à l’état de monticules brûlants et inidentifiables, il était désormais seul avec la chimère.

Elle semblait épuisée ; ses spasmes nerveux étaient plus intenses que jamais. Et quand un de ses yeux attrapa le regard d’Auguste, et qu’elle tourna la tête vers lui pour goûter l’air, il y reconnut très distinctement une faim immense.

Il recula, confusément. Il n’y avait nulle part où aller. Où peut-être que si ? Peut-être qu’avec toutes les blessures qu’elle avait reçues, l’Abomination ne tarderait pas à passer l’arme à gauche et qu’il pourrait s’enfuir ?

Et pourtant elle se tenait au milieu de ce brasier — épargnée par les flammes, comprit soudain le champion, parce qu’elle n’était pas restée entièrement matérielle. Et elle pouvait se téléporter en dehors à tout moment, et éventuellement se régénérer — ce qui passerait certainement par un autre meurtre, comme celui de Sam, et il y avait une proie toute trouvée à proximité.

Et puis Auguste sentit une présence peser sur son esprit.