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Projet Triple 3 de Ramius



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» Auteur : Ramius - Voir le profil
» Créé le 23/05/2020 à 01:45
» Dernière mise à jour le 13/09/2020 à 18:29

» Mots-clés :   Organisation criminelle   Présence d'armes   Présence de personnages du jeu vidéo   Présence de Pokémon inventés   Terreur

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Chapitre 10 : Un bruit dans la nuit
Quand il était gamin, ses parents avaient emmené Auguste au zoo. Ils avaient marché pendant des heures dans les allées ombragées par des arbres et les Torterra en liberté, où de nombreux Oiseaux faisaent leurs nids, où des Tropius offraient des fruits aux enfants qui leur couraient joyeusement après. Dans les bâtiments qui s’étalaient discrètement dans le parc, ils avaient vu des espèces de Pokémon par centaines, qui toutes étaient menacées par les activités humaines. Le zoo n’était pas un endroit de plaisance mais au contraire d’apprentissage, où on devenait familier des dommages que causait la civilisation à l’ensemble de ce qu’elle connaissait.

Objectivement, le zoo n’offrait pas une vision très étendue de l’influence humaine sur le monde. Mais à cette époque, on ne soupçonnait pas encore que l’agriculture ait pu affecter le climat, des milliers d’années avant la révolution industrielle. On ne voyait que les Pokémon menacés par l'industrialisation de la planète.

Et il y en avait. Un aquarium géant exposait toute une armada de Pokémon marins, du teigneux Qwilfish au majestueux Wailord. Dans un désert recréé sous serre, éclairé par des murs entiers d’ampoules à incandescence, des Démolosse aboyaient sur les passants, comme s’ils leur en voulaient de les avoir mis sous cloche. Le parc reconstituait l’environnement de diverses forêts, des toundras nordiques hantées de Blizarroi aux savanes où se prélassaient les Némélios. C’était un grand parc.

Avec le temps, la visite s’effacerait dans la mémoire du Champion. Cinquante ans éroderaient les reliefs de ses souvenirs, tandis que le séisme de son conflit avec ses parents et de son entrée dans la Team Rocket ensevelirait leurs traces sous un tabou aux aspects de montagne. Une chose, pourtant, demeurerait ineffaçable.

Le zoo disposait bien sûr d’un vivarium. C’était là qu’Auguste devrait pour la première fois faire face à la fascination.

Ils avaient déambulé nonchalamment dans les couloirs parés de vitres. Certaines étaient blindées : on pouvait voir, sur la tranche, leur épaisseur inhabituelle. Derrière, il y avait toute une faune inhumaine, exotique. Des Arbok et des Majaspic exploraient leurs petits coins de sous-bois avec cette attention qui faisait croire qu’ils cherchaient quelque chose. Un Jungko solitaire affilait les feuilles de ses bras, et s’exerçait à trancher du bois, avec des gestes nets et précis.

Dans une cage violemment éclairée attendait une Mygavolt.

On trouvait parfois des Mimigal, dans les jardins ; et comme tout endroit densément peuplé, Kanto subissait son lot de Statitik. Le jeune Auguste en avait déjà vu un grimper sur les murs de la maison de famille à Safrania. Il s’était senti tout drôle, alors, comme s’il avait oublié quelque chose d’important en voyant ce petit être tricoter de ses petites pattes pour aller parasiter un fil électrique.

Des années après, une Mygavolt l’attendrait dans sa cage brillamment éclairée.

Pendant quelques jours, à chaque fois qu’il avait appuyé sur un interrupteur, une légère appréhension lui avait fait comme une petite boule au ventre. La lumière s’allumerait-elle, ou l’Araignée était-elle tapie, détournant le courant ? Puis il n’y avait plus pensé. Ce n’était qu’un tout petit Pokémon.

Bien des années auparavant, une Mygavolt l’avait attendu dans une cage verdoyante.

Les Mimigal étaient un peu plus inquiétants, avec leur type Poison. Ils n’étaient pas très venimeux, mais il y avait des gens qui faisaient des allergies, et Auguste avait la conviction intime qu’il en faisait partie. Alors il les avait évités. Quand il en voyait un, il rentrait et allait faire la vaisselle, ou passer le balai ou le chiffon quelque part. N’importe quoi, pour avoir un prétexte pour ne pas sortir. Et tant pis si ses parents ne voulaient pas avoir l’impression qu’il leur léchait les bottes.

Quand il vit la Mygavolt, ce fut pire. Bien pire.

Elle l’attendait, bien sûr. Qui d’autre aurait-elle pu attendre ? Elle s’était placée face à la vitre, immobile, ses pattes tordues repliées sous elle, ses six yeux morts braqués vers les ombres du couloir. La lumière semblait déborder de la cage, et s’insinuer dans le couloir, en amenant avec elle quelque chose de l’Araignée. On ne voyait pas la vitre. La lumière aveuglante effaçait les petites imperfections qui auraient pu la révéler.

Alors Auguste était arrivé devant la Mygavolt, et s’était cru séparé d’elle seulement par un mètre d’air.

Elle était proche, si proche qu’elle semblait prête à bondir. Et grosse. Si grosse qu’elle n’aurait eu aucun mal à dévorer l’enfant fluet qui l’observait de l’autre côté de sa prison de verre. Il n’y avait qu’un geste à faire, et le repas du jour serait servi en avance.

Mais l’Araignée ne le fit pas. Elle savait que ce n’était pas le moment. Elle attendit.

Et en face d’elle, Auguste resta figé. Il savait qu’il devait partir, bien sûr. Il entendait ses parents qui lui disaient qu’il était temps de se détourner, d’abandonner les yeux de cette Mygavolt et de les suivre vers la sortie. Les entendait-il ? Il n’en était plus si sûr. Il n’y avait que la respiration ténue de l’Araignée, un maigre sifflement qui s’échappait de la ventilation.

Quand ils en eurent marre qu’il les ignore, ses parents partirent. Un à un, tous les adultes partirent.

L’Araignée était patiente. Elle avait attendu l’enfant pendant des jours, elle pouvait attendre que tous les adultes s’en aillent. Un à un, ils le firent, obéissant aux ordres inaudibles du Pokémon. La nuit tomba, apportant avec elle son cortège de ténèbres. Dans les ombres du crépuscule, l’Araignée bougea pour la première fois. Elle agita légèrement ses longues mandibules crochues (Auguste apprendrait, une éternité plus tard, qu’on appelait cela des chélicères, le pas confondre avec le pédipalpe).

La nuit tomba, et pour l’enfant abandonné, privé du soutien de tous les adultes qu’il avait connus, il n’y eut bientôt plus qu’une seule source de lumière. Les spots éclairant la cage. La lumière débordante, le verdoiement aveuglant des plantes habillant la cage, et le maigre quelque chose de l’Araignée qu’elles portaient avec elle.

Alors, la Mygavolt parla.

faaiiîm…

Impossible de se tromper : l’Araignée parlait. Sa voix, un chuintement essoufflé, résonnait anormalement, elle s’infiltrait dans les murs, dans le verre absent, dans les conduits de ventilation, elle venait caresser les oreilles d’Auguste avec la faiblesse agonisante d’un râle et la force impérieuse d’un ordre donné par ses parents. C’était la loi des pauvres et des délaissés, le devoir de donner de soi par désintérêt et altruisme. Cette Mygavolt avait faim, la pauvre, il fallait la nourrir.

Impossible d’y échapper. C’était dans l’ordre des choses. Auguste se sentit avancer vers la vitre, mais ce n’était pas lui qui marchait. Il aurait été incapable de décider de bouger, médusé qu’il était par le regard de l’Araignée. Sans doute était-ce son sens du devoir, celui qu’il avait eu tant de mal à acquérir, qui le mettait en mouvement.

faaiiîm…

Il fallait nourrir l’Araignée, alors Auguste s’avança jusqu’à la vitre, et malgré sa peur croissante, il leva le bras, et il sentit une vague d’approbation émaner du Pokémon en cage. Ce qu’il faisait était bon. Il continua, et pourtant la peur se cristallisa en volonté, en vraie décision, alors qu’il sentait son épaule prendre de l’élan. Il fallait qu’il s’en aille. Qu’il parte. Loin. Vite.

Il frappa. La Mygavolt se dressa de toute sa hauteur et siffla violemment.

La vitre était solide ; pas blindée, mais trop résistante pour qu’un enfant d’à peine une dizaine d’années puisse la briser en un coup. Il n’y avait qu’une petite fissure qui craquelait l’air. Ce n’était presque rien, mais c’était assez. Auguste sentit la puissance de l’Araignée, de l’autre côté, qui se réveillait, qui traversait la brèche, qui venait électriser l’air. Il avait mal au poing.

Machinalement, il recula le bras et frappa encore.

Malgré la fissure qui la fragilisait, la vitre était encore solide. Elle résista au coup, mais les fissures s’étendirent plus loin, plus profondément ; leurs réseaux s’élargirent, et laissèrent passer l’air en plus de l’électricité. La Mygavolt dut le sentir, car elle s’agita, elle recula. Ses pattes tracèrent des mouvements obscènes en la portant vers le fond de la cage.

faaiiîm…

Il recula d’un pas, prenant de l’élan. Il fallait frapper encore. Une fois de plus, et jusqu’à ce que la barrière tombe. Alors il se jeta sur la vitre et y écrasa le poing, de toutes ses forces.

Auguste sentit une vive douleur au pouce. Il ramena la main à son visage, surpris ; il y avait une petite écharde de verre plantée dans sa peau, à la jonction entre l’index et le pouce. Elle avait une drôle de couleur vert bouteille, mais elle se colorait rapidement de rouge, car le sang sortait de la chair et venait se déposer autour de la plaie comme une goutte de pluie, venue de pays où il ne pleuvait pas.

Nous sommes faim…

L’Araignée s’était à nouveau rapprochée de la barrière de sa cage, lentement, prudemment. Elle semblait à la fois intriguée et effrayée. Sa voix contenait quelque chose de nouveau, maintenant. Quelque chose d’indéfinissable, quelque chose de plus humain qu’avant. Une note d’émotion.

La douleur enfla dans la main d’Auguste. Il recula d’un pas. Qu’est-ce qu’il était en train de faire ? Il frappait une vitre, lui répondit immédiatement la partie logique de son esprit. Et non, ce n’était pas une bonne idée. Les éclats de verre flottaient dans l’air, portés par l’électricité statique. Ils tournoyaient lentement sur eux-mêmes, et autour de la cassure, et autour de la tête de l’enfant.

C’était une cassure nette, maintenant. Il y avait un petit cratère dans la vitre, un creux aux bords déchiquetés et d’où des échardes jaillissaient encore, flottant nonchalamment dans l’air obscur du couloir. On pouvait voir quelques reflets scintillants dans ces morceaux.

Casser des vitres dans un zoo était illégal. Même quand on ne nourrissait pas les Pokémon, il ne fallait pas casser les vitres, parce que s’ils s’enfuyaient, ils seraient livrés à eux-mêmes dans la nature et ce serait dangereux pour eux. Et c’était encore plus mal dans un zoo abritant des espèces menacées. Auguste fit un autre pas en arrière, et sentit le mur du couloir effleurer son omoplate.

Puis la blessure à sa main se rappela à son attention. Ça picotait. L’électricité statique plantait de petites épingles de souffrance dans la chair d’Auguste, et le sang commençait à goutter jusqu’au sol. Les mains saignaient toujours beaucoup. Mais ce n’était pas bien grave. Il y avait plus de peur que de mal. Cette douleur qui picotait était plus rigolote qu’autre chose. Elle était étrangement acide, ce n’était pas la douleur sourde d’une pierre qui tombe sur le pied.

Nous sommes faim…

L’enfant releva la tête vers l’Araignée. Elle s’approchait lentement de la vitre ; il remarqua soudain qu’elle boitait. Sa patte arrière gauche ne semblait pas porter beaucoup de poids.

Et Auguste se rendit compte qu’il était d’un égoïsme monstrueux. Il entendait presque sa mère le lui dire, Auguste, ce n’est pas acceptable ! Comment pouvait-il hésiter à cause d’un tout petit bobo alors que ce pauvre Pokémon, derrière la vitre, avait une patte inutilisable et n’avait pas été nourrie depuis des jours ? Elle l’avait attendu pendant si longtemps ; reporter plus longtemps l’échéance, c’était mal !

Il fallait aider la Mygavolt. Alors Auguste sentit son poing se serrer, et il y eut une voix tout au fond de lui, pour dire, Non ! Ne fais pas ça ! Et sa gorge se serra jusqu’à l’étouffer, parce que la peur était revenue, et que cette Araignée monstrueuse le terrifiait et le paralysait. Mais le devoir était le plus fort.

Il se jeta à travers le brouillard de fragments de vitre qui flottaient sur le champ électrique déployé par la Mygavolt, et il se jeta sur la vitre avec la volonté de se jeter au travers, et plus il avançait, plus la terreur le paralysait, et plus le temps semblait couler au ralenti, parce qu’il fallait qu’il arrête ça tout de suite, et—

CLANG

Il se réveilla en sueur, dans les ténèbres de la chambre de six mètres carrés où il avait posé ses affaires trois mois plus tôt. Sa main s’élança contre sa volonté, trouvant machinalement l’interrupteur ; mais la peur restait là, il ne savait pas s’il voulait voir ce que les ombres lui cachaient.

Il n’y avait rien. Rien qu’une impression persistante, une petite sirène d’alarme qui s’obstinait à hurler Danger ! dans son cerveau.

Le Champion écrasa sa tête dans ses mains, lessivé. Il avait fait un certain nombre de variations de ce rêve en cinquante ans, mais celle-ci était la plus bizarre. Inutile d’essayer de se rendormir après ça. Quelle heure était-il ? Il attrapa sa montre, sur la petite table de chevet. Deux heures du matin. Génial, il avait tiré le gros lot. Il poussa un soupir, puis s’appuya sur le matelas pour s’asseoir.

Un juron lui échappa alors que son dos protestait. Il l’ignora — les rhumatismes c’était pour les vieux, point à la ligne — se leva, et s’habilla. Autant profiter du temps à tuer avant le matin en prenant de l’avance dans les travaux sur la chimère.

Les dortoirs étaient situés dans le monastère lui-même, et non en-dessous. Au moins pour les neuf Rockets présents depuis septembre ; parmi les vingt autres arrivés la veille, la plupart avaient fini dans la partie souterraine. En se dirigeant vers son bureau, le Champion sortit donc quelques instants dans la cour. Il prit un petit moment pour contempler le Torterra. C’était tout drôle de penser que ce Pokémon, malgré sa double faiblesse Glace, résistait bien mieux à l’air frisquet de novembre qu’un humain. Les Pokémon pouvaient toujours en remontrer aux humains, se dit Auguste. Toujours.

Puis il se réfugia à l’abri des murs du bâtiment nord, et rejoignit le sous-sol. Guidé par des années d’habitude, il glissa silencieusement dans les couloirs de la base, jusqu’au local où l’attendaient ses feuilles de calcul. Mais avant de l’atteindre, il bifurqua dans une cage d’escalier. Il avait envie d’aller voir la chimère.

Personne, dans la base, ne l’avait jamais vue dormir. Quelle que soit l’heure, en ouvrant sa Poké Ball ou en débloquant le petit judas qui avait été bricolé sur la porte de sa cage, on l’avait toujours vue réagir immédiatement.

Bien sûr, pendant l’opération de la veille, elle était restée aussi inerte qu’on pouvait l’être. Mais c’était sous l’influence de sédatifs. Elle ne semblait pas avoir de sommeil naturel. Cela intriguait Auguste, tout particulièrement depuis l’opération, et il se demandait si quelqu’un était déjà allé la voir pendant les heures les plus sombres de la nuit. Sans doute pas.

D’ailleurs, et il sourit à cette pensée, il doutait aussi que quiconque dans la base soit capable de traverser les couloirs aussi facilement que lui à deux heures du matin. Ou n’importe quand. Ça ne faisait pas de mal d’avoir une petite fierté.

Il avait encore le sourire aux lèvres quand il arriva devant la porte du local 101’. Il le garda quelques secondes, machinalement. Ses yeux étaient incapables d’interpréter ce qu’ils voyaient.

Des lambeaux de métal acérés flottaient dans le couloir. Ils tournaient lentement sur eux-mêmes, portés par ce qui ressemblait à des gouttelettes d’encre en suspension. Il y en avait partout ; par endroits, ces gouttes s’assemblaient en filaments noirs, étrangement consistants.

La porte elle-même brillait par son absence. On aurait sans doute pu en reconstituer une bonne partie avec les morceaux flottants, mais le compte n’y était sûrement pas. À vue de nez, il manquait une bonne moitié de porte. De porte blindée.

Lentement, le cerveau fatigué du Champion assimila ce qu’il voyait. Le sas du local 101’ n’était plus qu’un grand vide, d’où on voyait le local lui-même. L’ennui n’était pas que les morceaux de métal en flottaison parmi des lambeaux de Ball’Ombre n’étaient pas au complet, même si cela inquiétait la partie de cerveau qui s’occupait des approximations physiques. Non, ce qui était vraiment anormal, c’était que la chimère n’était nulle part en vue.

C’était pire qu’ennuyeux. C’était une menace.

Auguste porta la main à sa ceinture de Ball, avec une appréhension sourde au cœur. Ce fracas de vitre brisée dans lequel il s’était réveillé était très probablement le bruit qu’avait causé la chimère en détruisant la porte de sa cage. Et pour cela, il fallait qu’elle ait déployé une force… Anormale.

Adèle se matérialisa dans le couloir lovée sur elle-même, et souleva vaguement une paupière.

Debout ma belle.

Un énorme bâillement servit de réponse au Champion.

Je sais qu’il est pas d’heure, admit-il d’une voix tendue. Mais je te signale que tu t’es endormie bien avant moi hier soir. Allez, debout.

L’Arcanin se leva sur ses quatre pattes avec un grognement. Elle jeta un vague coup d’œil à la porte déchiquetée, puis reporta son regard sur son maître. À son échelle, ce genre de destruction n’était pas très impressionnant. Elle aurait pu en faire autant sans problème. Mais de la part d’un Pokémon âgé d’à peine quelques jours, et n’ayant jamais été entraîné… C’était anormal.

Tu vois Canaima ? Le Pokémon avec huit pattes ? Tu peux me la retrouver ?

Adèle se rassit sur son arrière-train en entrouvrant le museau. Un moyen comme un autre de répondre non.

Elle a les types Fée, Spectre et Ténèbres, et c’est sans doute elle qui a lancé ces Ball’Ombre , précisa le Champion en montrant les lambeaux de métal flottant de la main.

Cette fois-ci, l’Arcanin consentit à donner du museau. Elle promena son flair un peu partout, passant rapidement sur le sol, les murs, et quelques pièces de métal. Puis elle se releva, et lança un petit jappement enthousiaste. Et elle s’élança dans le couloir.

Si quelqu’un pouvait rivaliser de vitesse avec Auguste dans les couloirs de la Team Rocket, c’était bien Adèle. Contrairement à son maître, qui empruntait instinctivement le bon chemin parce qu’il en avait certainement déjà tracé des bouts, le Pokémon Légendaire ignorait royalement les tapis roulants. Elle se contentait de courir plus vite qu’eux ne pouvaient la propulser.

Le Champion dut déployer toute son habileté pour se maintenir au niveau d’Adèle. L’Arcanin était sans cesse déroutée par les tapis roulants, et elle devait avoir un sacré mal à garder son museau plus ou moins sur la trace qu’elle pistait ; parfois un tapis la projetait vers l’avant, lui faisant presque perdre l’équilibre. Elle prenait alors quelques secondes pour s’assurer de la piste ; et le temps qu’Auguste l’ait rattrapée, elle s’élançait déjà à nouveau à travers les couloirs.

À un moment, elle proposa son dos à son maître. Elle venait de traverser une dizaine de mètres à toute vitesse, et avait dû attendre qu’il la rattrape. Il déclina ; c’était le meilleur moyen pour attraper le mal de mer.

Auguste n’aurait pas su dire combien de temps dura cette course. Pas très longtemps, sans doute, mais dans les couloirs obscurs, à peine éclairés par les veilleuses jusqu’à ce qu’Adèle passe en trombe et déclenche les lampes automatiques, le temps semblait s’étirer comme de la guimauve. Et l’heure n’arrangeait pas les choses.

Finalement, ils arrivèrent devant la porte d’un dortoir. Adèle regarda son maître en remuant la queue : la piste s’arrêtait là. Auguste passa doucement la main sur la commande d’ouverture.

La porte s’ouvrit, mais cela ne déclencha pas l’allumage du dortoir. Il était déjà allumé, et quelqu’un ronchonnait dans un coin. Deux lits doubles se faisaient face ; la chimère était perchée sur l’un d’eux. Pour la première fois de la nuit, Auguste réagit immédiatement.

Tue.

Adèle se jeta toutes griffes dehors sur la forme sombre. Celle-ci eut un sursaut de surprise en se prenant le boulet de canon vivant ; elle fut projetée sur le mur.

Elle n’y resta pas ; l’instant d’après, son corps semblait se dissoudre dans l’air, comme une pelote de laine noire s’effilochant à toute vitesse. Il n’y eut bientôt plus aucune trace de l’affrontement ; juste trois Sbires qui se réveillaient en râlant.

Qu’est-ce que cette lumière fout allumée ?

— Mrrrh… l’est quelle heure…

Adèle revint vers son maître avec un jappement d’enthousiasme. L’ennemi avait disparu suite à son attaque, il était donc mort. Elle n’avait jamais compris le fonctionnement d’une téléportation.

Attention, lui ordonna Auguste.

— Au… Monsieur Damos ? demanda un des Sbires alors que l’Arcanin se mettait à tout examiner d’un air suspicieux. Que se passe-t-il ?

Il ne répondit pas, mais releva sa manche gauche et activa le micro de son bracelet-téléporteur trafiqué. Une seconde plus tard, une sirène retentissait à travers la base.

Votre attention, s’il vous plait… commença Auguste. Ici Auguste Damos. Réveillez-vous, il y a une urgence. La chimère s’est libérée. Je répète, la chimère est en liberté dans la base.

L’un des Sbires, qui était allé se pencher sur le lit du quatrième, recula avec un frisson. Auguste ne voulait pas savoir ce qu’il avait vu.

J’ordonne à tous les personnels de sortir du lit et de m’aider à retrouver ce Pokémon avant qu’il ne tue quelqu’un. Merci de votre bonne volonté.

Il rabattit le micro, et pianota rapidement sur les quelques boutons de commande pour que le message se répète en boucle. Puis il se retourna vers les trois Sbires, pâles comme des linges.

Désolé pour tout ça, dit-il sans conviction. Qui était-ce ?

— Jorian, répondit un des Sbires après un silence. Bon sang, je lui devais un match revanche…

— Il t’aurait battu, ce coup-ci, signala un autre. C’était le meilleur.

— Je suis vraiment désolé, s’excusa Auguste. Maintenant, vous voulez bien me filer un coup de main avec ce Pokémon ?

— Carrément ! répondirent-ils à l’unisson.

— Génial, merci…

Puis il s’éclipsa dans le couloir, pour les laisser sortir de leurs pyjamas en paix pendant qu’il couperait l’alerte. L’un des Sbires n’avait pas ce problème, puisqu’il sortit dans le couloir encore en pyjama, avec une ceinture de Poké Ball attachée à la taille.

Par contre, monsieur.

— Euh, oui ?

— Il manque la ceinture de Jorian. Vous pensez que la chimère peut avoir… euh… emporté ses Pokémon ?

— Je… je dois admettre que je n’en ai aucune idée. Je ne suis sûr de rien avec cette bestiole, tout ce que je peux vous assurer, c’est qu’il faut la neutraliser.