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Vermine de Aespenn



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» Auteur : Aespenn - Voir le profil
» Créé le 20/10/2019 à 15:14
» Dernière mise à jour le 09/01/2020 à 15:28

» Mots-clés :   Absence de combats   Absence de poké balls   Conte   Drame   Kanto

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Conscience
Bonjour à vous ! Merci pour vos retours et je vous laisse avec ce troisième chapitre de "Vermine" ! Comme d'ordinaire, merci à MissDibule pour sa bêta !









Ô, Mère je vous en prie. Sauvez-moi de ce monde.

Cela n’a pas pu arriver. Pas après tout ce chemin.
À quoi bon braver ses peurs, briser cette réalité malsaine pour finir aux portes de la mort ?
Will ne sait pas.

L’odeur du sel reste encore présente autour de ses naseaux. L’odeur du sel mêlée à celle du métal. La douleur lui rappelle qu’il saigne.
Le Rattata sent un relent d’acide remonter sa gorge afin de s’étendre sur sa langue. Son cœur s’accélère alors que la peur le prend petit à petit dans son étreinte : il doit vomir. Il doit se tourner pour cracher cette bile immonde.
S’il ne vomit pas, il s’étouffe. S’il s’étouffe, il meurt.

Il ne connaîtra jamais la réponse à sa question.
Will rassemble les dernières bribes de son énergie afin de se mouvoir. Les yeux clos, il fait moult efforts afin de tourner son petit corps, si lourd à l’instant. La sensation de malaise l’écrase, si bien qu’il est persuadé que ses côtes vont bientôt craquer. Le jeune Rattata ne sera plus.
Impossible.

Will est trempé. Même à l’agonie, il peut ressentir le souffle du vent s’engouffrer dans sa fourrure violine pour mieux le faire frissonner.
Enfin, il se tourne.
Ses instincts reviennent à l’assaut mais cette fois, son estomac ne réclame pas son dû : il lui demande de faire sortir cet affreux bouillon de culture qui marine dans ses entrailles.

Les membres du jeune Rattata se mettent à trembler de manière incontrôlable alors que le Pokémon tousse, crache… les muscles de son ventre se contractent, sa gorge se dilate et enfin, son estomac rejette cette bile tenace.
Elle laisse un goût acre dans sa bouche trop sèche alors que Will ordonne à ses paupières de s’ouvrir. Il doit voir.
Il se sent bien trop mal pour se mouvoir de nouveau, il ne se souvient plus des évènements récents qui l’ont laissé là, en proie à la mort. Mais il veut regarder le paysage.

Ses oreilles rondes tressautent : il entend la mer.
L’afflux et le reflux des vagues… cela lui dit quelque chose ! Le jeune Rattata a appris la mer, après tout.
La mer, les bateaux, la houle après la tempête, les voix fortes des géants de chair ainsi que les chansons le soir…

Rappelle-toi ! Si tu dois mourir maintenant, imbécile de vermine, alors souviens-toi au moins de tes dernières semaines !

La prière.
Tel un éclair dans sa petite cervelle, les images affluent doucement dans l’esprit de Will. Des décors de nature, des villages, des souterrains, des ponts, un port… Une voix.
Un ton cynique, un timbre presque rocailleux et puis, des orbes de sang aussi, parmi des rayures.

« T… T… »

Le jeune Rattata tousse de plus belle. Il va finir par cracher ses poumons, c’est certain ! La nausée le reprend.
Une maigre patte pourvue de petites griffes racle le sol. Will sent de tout petits cailloux glisser sur son pouce. Du sable.
Il se souvient.

« T… Till… »

La figure du Zigzaton de Galar se dessine dans son esprit, parmi l’obscurité qui y règne.
Till n’est pas avec lui. Till est resté à Kanto, il s’en rappelle. Le jeune Rattata a regardé sa silhouette rayée s’éloigner lorsque le bateau a quitté le port de Carmin Sur Mer.
C’est là que Will a appris l’océan, les bateaux ainsi que le sable.
Un décor magnifique.
Une odeur de sel vivifiante, un vent âpre mais revigorant… il a fouetté le sang du jeune Rattata. Il n’a jamais eu cette sensation, que de se sentir aussi vivant que sur ce quai, en proie aux bourrasques.

La prière.
Will a appris à manger autre chose que des ordures. Il a goûté la saveur des baies, mâché des racines et bu de l’eau pure. Il a trempé ses pattes dans le courant glacé d’une rivière, il a humé l’air sain d’un coin de campagne entre deux villages… Il a beaucoup appris.
Le jeune Rattata a écouté le Zigzaton de Galar pour son premier pas dans le grand monde.
Mais le Pokémon rayé ne sera pas toujours à ses côtés pour l’épauler et Will a dû se faire une raison dès leur départ : il doit avancer par lui-même.

Alors, une fois rendus à Carmin Sur Mer, Till a dit qu’il voudrait lui enseigner quelque chose.
Une prière de la région de Galar à murmurer lorsque le Rattata se trouverait dans une situation difficile.
Comme à l’instant.
Will hurle à ses paupières de lui laisser voir le monde, mais elles refusent. Son estomac se tord, la bile aigre lui brûle la gorge.
Sa mâchoire inférieure s’articule avec difficulté alors qu’il concentre toutes ses pensées sur cette prière. Il doit s’accrocher et ne jamais se laisser happer par les portes de la mort.

« Ô… Mère… Je vous en prie… Sau… »

Le jeune Rattata tousse de plus belle. Il se met à vomir.

« … Sauvez-moi… De… Ce… Monde… »

Tu t’en vas pour la région de Sinnoh, petit Will. Je sais que mes dieux n’y sont pas. Mais ça ne fait rien : cette prière est très importante pour nous à Galar. Si tu te trouves en proie à un moment difficile, tu n’as qu’à la réciter.

La voix de Till résonne dans sa tête. Le jeune Rattata a la gorge bien trop sèche pour parler. Elle le brûle atrocement alors tout ce qu’il peut faire, c’est hurler à ses paupières de lui laisser voir la lumière du jour tout en essayant de se rappeler de la prière de Galar.
Will ne croit pas une seule seconde que prier puisse le sauver. Il veut simplement penser à Till.

Ô, Mère je vous en prie. Sauvez-moi de ce monde. Je demande le fil de votre lame pour mieux pourfendre mes peurs.

Ses pattes tremblent alors qu’il tente de se redresser. Il ne sent presque plus sa queue mais il parvient à capter le son du rivage. Ses oreilles rondes tressautent.

Je jure sur mon existence que de ma vie de batailles, j’en ferai un triomphe. Ô, Mère, laissez-moi user de votre épée.

Un faisceau de lumière ! Ça y est ! Ses yeux s’ouvrent ! De sa vision floue, il ne résulte que des taches de couleurs. Mais Will est patient.

Je m’incline devant la danse de vos victoires. De votre grâce hypnotique je serai la proie, lorsque je reviendrai victorieux. Ô Mère, je vous en prie. Laissez-moi quitter ce monde.

Des côtes sableuses. Elles bordent la plage sur laquelle Will s’est échoué. Le jeune Rattata se redresse tant bien que mal sur ses pattes fébriles afin d’embrasser le décor. Il ignore son mal de tête pour aviser cette verdure qui s’étend plus loin, en délaissant le sable. Son petit cœur s’emballe.
Où se trouve-t-il ?

Will tousse de plus belle alors qu’il se focalise sur les souvenirs. Comment ? Comment a-t-il bien pu s’y prendre pour se tenir ainsi sur une plage, aussi las qu’une algue ?
Il a quitté Till au port de Carmin Sur Mer, il est monté sur le grand bateau auprès des jolis gens, il s’est hissé sur une embarcation de sauvetage en prenant soin de ne pas se faire remarquer.
Il se souvient des conseils du Pokémon rayé qui lui a dit de prêter attention aux voix humaines. C’est ainsi qu’il saura qu’il est arrivé à destination.

Le jeune Rattata se souvient s’être tassé contre une bâche et avoir tendu l’oreille. Des multiples voix humaines qu’il a entendu, il a fait le tri afin d’obtenir les informations tant convoitées : le bateau s’en allait voguer vers Hoenn, Alola, Galar et enfin Sinnoh. Le voyage durerait deux semaines.

Will se rappelle cette peur qu’il a éprouvée en se faisant la réflexion qu’il lui faudrait être très vigilant durant ces quinze jours. Il se souvient avoir pris ses marques en guettant les endroits à nourriture, les restes à voler et surtout : il s'est caché des humains ainsi que des Pokémon.
Le bateau a accosté à Hoenn, il s’est amarré dans les chaudes contrées d’Alola, puis… il a affronté une tempête.

Les yeux du jeune Rattata s’écarquillent. C’est ça ! Voilà ce qu’il s’est passé ! La tourmente !
Ce moment affreux où l’océan s’est déchaîné. Il a envoyé ses vagues comme des coups de fouet puis le ciel aussi a crié sa colère, en se déchirant d’éclairs.
Quand ce genre de spectacle est survenu à Céladopole, Will s'est réfugié dans les égouts auprès de la colonie. Mais sur ce bateau, il est resté seul.

Il s’est mis à tanguer, à se balancer sur l’océan, les humains se sont affolés, abrités dans leurs cabines alors que le jeune Rattata s’est accroché de toutes ses forces à la bâche.
Mais les éléments l’ont emporté.
Les flots rageurs l’ont avalé puis, une fois la tempête disparue, la houle s’est appliquée à emmener le Pokémon sur un rivage.
Ce rivage.

Will s’effondre sur ses petites pattes. Il est épuisé, perdu, fébrile mais surtout : désemparé.
Où se trouve-t-il et que va-t-il bien pouvoir faire ? Le jeune Rattata est tenté de céder à la panique. Il lui suffirait de hurler, de courir comme un Pokémon fou sur le sable et de pleurer jusqu’à l’épuisement.
Mais il n’a pas la force de faire tout cela.

Alors, une patte après l’autre, il se traîne sur la verdure au-delà du rivage. Il est une créature qui nage parmi le sable jusqu’à ce que l’herbe sauvage l’accueille à bras ouverts.
Des terres toutes entières.

Will secoue la tête dans l’espoir de rendre sa vision plus stable. Il se sent comme hors de son corps, si bien qu’il se demande si l’océan n’a pas gardé son esprit dans les flots.
Imbécile de vermine : qu’en ferait-il ?

Le jeune Rattata embrasse le paysage de son regard écarlate. Le temps est clément, il surplombe des plaines immenses, vertes, avec quelques arbres clairsemés. Will aperçoit même des sapins.
Des reliefs se montrent parmi le panorama, à coup de buttes et de collines.
Le tableau offre une vue imprenable sur ce décor de nature qui a l’air de ne jamais avoir souffert de présence humaine. Will se trompe.

La flèche d’un clocher, au loin, lui prouve le contraire.
Il plisse les yeux pour le distinguer mais un mal de tête le saisit alors, il s’arrête. Le jeune Rattata doit manger et ensuite se reposer.
Qu’il commence par cela, il a tout le temps du monde pour connaître le nom de cet endroit.

Will s’engage sur l’herbe d’un pas chancelant. Les grandes étendues ressemblent à des tapis de menthe, si bien que l’odeur irréelle se manifesterait presque aux naseaux du jeune Rattata.
Il cherche des baies. Till lui a montré comment dénicher de bons buissons fournis.
Est-ce qu’il y en a ici ?

Le jeune Rattata se traîne dans ce décor merveilleux. Il use toute son énergie afin d’aviser la moindre trace de nourriture, le bosquet recelant de baies qui parviendra à le requinquer.
C’est différent de Céladopole, différent du bateau mais finalement, il en revient à la même chose : dénicher de la nourriture.
Fort bien, il le fera. Will ne peut pas se laisser abattre. Pour la simple et bonne raison qu’il doit parler à Arceus.

Il trouve enfin son bonheur dans un fourré qui se dissimule parmi des herbes hautes. Il arrive à point nommé : le jeune Rattata est éreinté.
Un coup d’œil fatigué dans le feuillage, juste pour aviser la couleur des baies. Un chapeau bleu sur une chair dorée. Il a un faible sourire.
Peau épaisse, chair ferme… cette baie, il l’a découverte en compagnie de Till. Elle a beau être sèche, elle est nourrissante en plus de posséder la vertu d’éloigner la fatigue. Will en a grand besoin.
Le jeune Rattata a trouvé de quoi se nourrir alors il se remplit la panse puis, repu, il s’écroule.

***
La lumière le tire de son sommeil. Dans les égouts de Céladopole, il n’a jamais eu l’habitude d’être taquiné par les rayons du soleil. Ni par le petit vent du matin et encore moins par les odeurs de verdure.
Des arômes de plantes, de feuillages, de terre humide, d’eau… ils forment un bouquet bien singulier pour un Rattata habitué à la puanteur des villes.
Will se redresse. Il se sent un petit peu mieux. Ses muscles le font souffrir, la tête lui tourne encore par moments et dans sa bouche, un horrible goût d’acide mêlé à celui des baies s’est installé.
Sa gorge est sèche, aussi.

Le jeune Rattata se met à tousser. Dans sa tête, il prépare déjà sa nouvelle journée : il va boire et ensuite, il se devra de trouver le nom de cet endroit par n’importe quel moyen.
S’il sait où il se trouve, il saura comment s’en aller.

"Là où il y a la mer, il y a des bateaux." a dit Till. Alors en avant !
Will s’en va parmi la plaine. Les arbres, rares, laissent passer un vent malicieux qui ne manque pas de lui lever le poil ! Le jeune Rattata se fait la réflexion qu’il s’agit d’une main invisible en train de le pousser. Oui, il doit y arriver !
Pour commencer… il lui faut trouver une flaque d’eau, une rivière ou un lac. Il doit s’abreuver. Mais il a déjà les idées plus claires.

Il furète sur le sol dur, prenant garde aux potentiels prédateurs qui pourraient se montrer sur terre ou bien dans les airs. Les matins semblent assez calmes dans cette contrée.
Ou presque : il entend un cri étrange.

Will se fige, les sens en alerte. S’agit-il d’une plainte, d’un appel ? En tout cas, il est certain qu’un Pokémon rôde dans les environs. Il a raison : des petites silhouettes duveteuses aux pattes noires apparaissent dans l’herbe haute. Les brins sombres jurent avec leurs toisons d’albâtre alors que Will songe au Blancoton qu’il a aperçu à Céladopole.
Mais ces Pokémon-là ne sont définitivement pas des Blancoton.

Le cri se manifeste de nouveau. Ah… Un signal de départ ! Le troupeau se met en route. Will plisse ses yeux écarlates afin de les compter. Ils sont six, très bien. De plus, ils ont l’air inoffensifs, mais il ne faut pas s’y fier.
Curieux le jeune Rattata se faufile à travers la verdure. Sa fourrure violine ne parvient pas à le rendre invisible aux regards d’autrui alors il se fait discret. Il se met à suivre les Pokémon.

Will remarque ces excroissances étranges de chaque côté de leur figure, comme une chevelure de laine. C’est assez particulier.
Tout dans cette espèce de Pokémon respire la candeur, certes, mais Will refuse de se mettre à découvert : il veut d’abord observer.
Il peut dire qu’ils sont bien organisés et qu’ils se déplacent tels des volatiles sur terre. Un meneur en tête avec les suiveurs, tout ce beau monde formant un grand V pelucheux jusqu’à… eh bien jusqu’à une rivière.

Will, qui ne savait pas où s’abreuver, est servi : l’eau couleur saphir l’appelle, si bien que sa gorge sèche lui pique. Le voilà pris dans une quinte de toux.
Le jeune Rattata se tient bien assez à distance pour ne pas attirer l’attention des Pokémon blancs. Là, sur la butte, il se redresse afin de les regarder boire en attendant fébrilement son tour. La rivière gronde doucement, ses trombes d’eau s’échouant quelque peu sur les berges.
L’une d’entre elles ayant un énorme rocher fiché dans son sol.

Il ressemble à une immense épée primitive qu’un géant aurait abandonné là.
Un géant aurait-il conçu ces terres ? Will l’ignore mais les Pokémon d’ici le savent sûrement. Pourtant il n’ose pas aller à leur rencontre.

Ces Pokémon de laine, seraient-ils hostiles à un Rattata ? Qu’en dis-tu, Till ?

Mais Till n’est pas là.
Une hésitation, quelques minutes de réflexion, une gorge sèche qui crie à la soif et voilà qu’il n’y a plus personne sur le bord de la rivière.
Les Pokémon blancs s’en vont. Will s’en veut. Froussarde de vermine ! Tu aurais pu essayer.


Alors qu’il se flagelle lui-même, le jeune Rattata se précipite sur la berge afin de tremper sa gueule dans l’eau fraîche. Par Arceus, il a l’impression de revivre !
Il trempe même ses pattes avant dans le courant qui, comme le vent du large, lui donne l’impression de le fouetter jusqu’au sang pour mieux le ragaillardir.
La fatigue s’envole et Will se sent prêt à affronter ces terres nouvelles !

« Ah… je crois n’avoir jamais rien vu de tel.
- Vu quoi ?
- Cette espèce de Pokémon.
- De nouvelles espèces apparaissent chaque jour. En voilà peut-être l’une d’entre elles.
- Peut-être, en effet. Si cette journée annonce l’inconnu, me voilà ravi.
- C’est vrai. »

Le jeune Rattata s’immobilise, le cœur battant. Un mince filet d’eau s’échappe de sa petite gueule, rejoignant sa rivière-mère.
Qui parle ainsi ? Mais surtout : qui parle seul ? La voix ne change pas, si bien que Will se demande si un Pokémon fou ne rôde pas non loin de lui.
Il a peur de se retourner. Mais il a compris quelque chose, aussi : Till se trompe. Les Rattata ne sont pas partout…
Le Pokémon qui parle seul ne le connaît pas.

Will a des frissons qui parcourent son corps. Il se retourne avec des gestes saccadés, jusqu’à découvrir les traits de son interlocuteur. Ses yeux s’agrandissent de surprise lorsque le jeune Rattata de Kanto se confronte à un Smogogo.
Un Smogogo bien singulier.

De couleur grise comme une pierre avec des excroissances sur la tête pour le moins… impressionnantes !
Le Pokémon donne l’impression de revêtir des chapeaux démesurés. Une fumée blanche s’en échappe par volutes, mais les gaz verdâtres autour de ses bouches… ils ne disent rien qui vaillent !
Quel genre de Smogogo est-ce là ? Will n’en a jamais vu de tels. Celui-ci semble presque… humain. Comme des visages flottants.

Le jeune Rattata secoue la tête. D’habitude les Smogogo sont silencieux. Silencieux et quelque peu idiots. Mais lui…

« Voilà qu’il me fixe comme une curiosité de la nature... » dit la petite protubérance aux sourcils ainsi qu’à la barbe toxique.

Son comparse semble réfléchir. Lui, il n’arbore qu’une fière moustache d’un vert pâle.

« Peut-être que j’en suis vraiment une, finit-il par déclarer, qu’en penses-tu, Pokémon qui m’est inconnu ? »

Ce dernier pense que son interlocuteur est bien trop étrange. Pourquoi sa protubérance parle-t-elle ? Depuis quand les Smogogo peuvent-ils s’exprimer ainsi ? Où se trouve-t-il ? Quelle est la fumée qui s’échappe de ses têtes ? Est-ce que cela fait bien partie d’eux ?
Will tombe sur son petit derrière, le souffle court.

« Est-ce que tu te sens bien ?
- Est-ce qu’il en a l’air ? C’est assez évident.
- Il semble avoir vu un spectre hideux.
- Ou bien le champion Alistair hors de son cimetière.
- Je l’aime bien, ce petit.
- En effet. Mais la dresseuse Rosemary est plus jolie. »

Le jeune Rattata a les yeux écarquillés. Quelle est cette sorcellerie ?

« Est-ce que… parvint-il à articuler… Vous… vous… Qui êtes-vous ?… Vous n’avez… jamais vu de… de… Rattata ? »

Les Rattata sont partout, c’est bien connu. Ils sont partout, mais ils ne connaissent rien du monde.
Les regards onyx du Smogogo semblent surpris. Un instant de flottement, et voilà que les deux gibbosités discutent de nouveau.

« Il tient à savoir qui je suis.
- Qui je suis ? Mon nom ou bien mon espèce ?
- Je peux me présenter convenablement.
- Bien sûr que je peux le faire. Ce petit Pokémon violet peut certainement tenir une conversation intéressante.
- S’il vous plait ! intervient Will d’un ton presque suppliant, Qui êtes-vous ? Est-ce que vous êtes… deux ? J’ai également besoin de savoir où je me trouve… »

Le Smogogo vient flotter auprès du jeune Rattata. Le corps de ce dernier se tend mais il ne bouge pas. La fumée opaque se répand aux alentours et si le Pokémon bloque sa respiration de manière machinale, avant de songer à déguerpir, le Smogogo s’explique :

« Cet air qui quitte mes pensées est le plus pur qui puisse exister à Galar.
- Il s’agit d’un phénomène physiologique : l’air pollué que je respire est recyclé dans mon organisme et ainsi, débarrassé de ses toxines avant d’être relâché. Rien à voir avec mes pensées.
- J’ai un esprit qui aime voir les choses d’une autre manière, voilà tout.
- Je ne le sais que trop bien. »

Will suit l’échange avec un mélange de peur et de fascination. Mais il a obtenu une information : il se trouve sur les terres de Galar.
La région de Till. Bon sang… comment va-t-il regagner un bateau ? Comment va-t-il quitter cet endroit afin de se rendre à Sinnoh ?
L’air dégagé par le Smogogo lui fait du bien. Will se sent ragaillardi.

« Je ne suis que moi, reprend le Pokémon de Galar, Moi ainsi que… ma conscience. Conscience qui peut s’exprimer car nous, Smogogo, avons bien trop de pensées à brasser. Nos consciences sont là pour nous guider et nous rappeler ce que nous pouvons oublier.
- Je ne dois pas oublier d’aller rendre visite aux Ponyta de la forêt de Lumirinth, d’ailleurs… et d’aller saluer les Morpeko ! »

La conscience des Smogogo ? Bon sang, est-ce simplement la région en elle-même qui a permis à cette faculté de se développer ? Le jeune Rattata se sent décontenancé.
Il doit se reprendre.

« S’il vous plaît ! Je dois me rendre à Sinnoh ! Comment puis-je faire pour monter sur un bateau, ici ? »

Il doit parler à Arceus, il doit savoir ! Il s’agit de son objectif.

« Pourquoi ? » demande le Smogogo de Galar.

Will plisse son regard écarlate. Pourquoi ? En quoi ses motivations sont-elles intéressantes ?

« J’ai besoin d’aller à Sinnoh pour parler à Arceus. C’est tout. 
- Ce n’est pas ce que j’ai voulu dire. Je voulais savoir ce tu faisais ici, si tu tiens tant à te rendre à Sinnoh. Je me suis mal exprimé.
- Ah oui… Arceus… »

Le jeune Rattata prend sa tête entre ses pattes. Il n’y arrivera pas. Il est bien trop difficile de converser avec cet énergumène !
Till aurait peut-être su comment faire.
Mais le Smogogo se tait enfin et lorsque le jeune Rattata le confronte de nouveau, il le surprend en train de regarder le paysage. Un paysage lointain.

Les deux paires d’yeux sombres sont tournées plus haut, presque vers les cieux : elles observent une grande montagne qui semble surplomber la région.
Son pic a l’air tranché en deux si bien que le soleil transforme cette coupure en faisceau.

« Qu’y a-t-il ? » demande timidement Will.

L’attention du Smogogo de Galar se reporte sur le Rattata. L’avantage d’être méconnu dans cette région, c’est sûrement le fait de se sentir observé comme autre chose qu’une vermine.

« Rien de bien étrange. C’est juste que lorsque tu as mentionné Arceus, j’ai tout de suite pensé aux dieux de Galar. Voilà tout.
- Zacian et Zamazenta. La Mère impulsive et le Père vertueux. »

Leurs dieux ? Le Père ? La Mère ?
… La prière ! La prière que Till a enseigné à Will ! Elle parle donc de ces dieux. De la Mère.

« Un ami de Galar m’a appris une prière d’ici quand j’étais encore à Kanto, dit Will, je crois qu’elle mentionne… la Mère ? »

Le Smogogo est surpris. Sa conscience lui souffle qu’il ne connaît pas Kanto et qu’il serait bien agréable que ce Pokémon violet leur en parle. Qui est-il, d’ailleurs ?
Ce dernier sourit. Ses dents sont quelque peu jaunâtres.

« Je m’appelle Will. Je suis un Rattata de la région de Kanto. »

Le Smogogo de Galar ferme brièvement ses yeux sombres, comme un salut silencieux.

« Enchanté, Will, Rattata de la région de Kanto. Je ne connais pas ton espèce et ta rencontre est comme un petit fragment de connaissance, aujourd’hui. Je m’appelle Sec, et je suis un Smogogo de la région de Galar.
- Il le sait déjà… Pour mon espèce.
- Je dois me présenter correctement. »

Will se met à sourire. Sec est assez attachant, finalement. Sec est curieux, aussi : il lui demande pour quelle raison le jeune Rattata souhaite rencontrer Arceus.
Le sourire de Will s’efface. Comment expliquer ? Il se redresse sur ses pattes arrière et module ses paroles.

« Je dois lui poser une question. Mon espèce vit dans la misère à Kanto. Elle est contrainte de manger les déchets des humains.
- Nous devons tous nous adapter pour survivre.
- Je veux savoir, poursuit Will sans tenir compte de l’intervention du Smogogo, pourquoi nous, Rattata, devons vivre dans la misère. Pourquoi Arceus aurait-il engendré une espèce si misérable ? »

Sec semble réfléchir. C’est une question complexe… Même sa conscience reste muette.
Quelle réponse le dieu Arceus pourra-t-il apporter ?

« Est-ce vraiment là l’œuvre du dieu Arceus lui-même ? Finit-il par demander.
- Comment ? Interroge le jeune Rattata.
- Ne sommes-nous pas seulement les êtres que nous voulons être ?
- C’est une réflexion intéressante. Je suis un Smogogo et pourtant… j’ai un sentiment d’humanité.
- Je ne suis pas vraiment d’accord, persiste Will, aucun Rattata ne veut être miséreux et malheureux. »

C’est vrai… quelle espèce de Pokémon choisirait de s’infliger un tel quotidien de son propre chef ? De s’interdire le bonheur ?
Arceus a voulu la vermine ! Arceus a engendré la vermine ! Arceus a pensé un jour qu’il serait agréable de donner naissance à une espèce méprisante.
Pourquoi ?

« Toutes les espèces, qu’elles soient Pokémon ou bien humaines, sont un jour misérables, dit Sec, ensuite seulement, elles bâtissent leur propre chemin.
- C’est vrai. Observe l’humanité, par exemple : malgré ses défauts, elle fait preuve d’un grand courage. Les Rattata sont-ils aussi courageux ? »

Du courage ? Will n’en sait rien. Il pense à la condition de son espèce, à son ignorance, à cet entêtement que de vouloir rester dans les égouts puants de Céladopole alors qu’elle a le monde à leur portée… est-ce synonyme de courage ?

« … Non. » finit-il par répondre.

Non. Les Rattata sont lâches par nature. Si Will décide de suivre la réflexion de Sec, alors Arceus n’y est pour rien et son espèce a causé, elle-même, son propre malheur.

« Will, il faut que tu saches, reprend le Smogogo de Galar, que si un être humain ou bien un Pokémon choisit la destruction et la mort, par exemple, alors la mort et la destruction le choisiront aussi. Si les Rattata de Kanto choisissent la misère, alors…
- La misère les choisira aussi. » achève Will.

Il a compris. Est-ce aussi simple que cela ? Vraiment ?
Le jeune Rattata secoue la tête. Qu’importe… il veut entendre sa réponse de la bouche d’Arceus lui-même ! Il doit savoir !

« Je dois…
- Parler à Arceus ? Je ne sais pas si des bateaux d’ici peuvent t’emmener à Sinnoh.
- Peut-être. Sûrement. Je n’ai jamais eu l’occasion de m’y intéresser. Ni de songer à voyager hors de Galar.
- Parce que j’ai peur que les autres Pokémon de régions inconnues puissent m’…
- Exterminer. »

Will observe Sec. Il comprend. Lui aussi il a eu peur.
Cependant, ses chances de retour s’effacent et l’angoisse le reprend. Que va-t-il faire ? Comment atteindre son objectif ?
Il faut qu’il trouve une ville humaine. Il faut qu’il cherche, qu’il…

« Si tu as besoin d’entendre les mots d’un dieu, Will, tu peux poser ta question aux nôtres. Ils siègent sur la montagne… là-bas.
- Nos dieux ne sont pas Arceus. Mais un dieu reste un dieu, non ? Ils savent. Ils sont omniscients. Et peut-être n’ont-ils pas besoin de bateau pour parler à Arceus… »

Le jeune Rattata se retourne avec des gestes vifs. Il lève la tête, observe cette montagne au sommet scindé en deux. La lumière de Galar fait brûler cette entaille.
Les dieux de Galar… la Mère et le Père ? Sec a dit leurs noms plus tôt… Zacian et Zam… Zamaz…

« Zacian et Zamazenta. La Mère impulsive et le Père vertueux. Quelle prière ton ami de Galar t’a-t-il appris ? »

Will fixe la petite protubérance. La conscience de Sec.
Ses entrailles semblent figées à l’idée de ne jamais rencontrer le dieu créateur. Arceus.
Il ne croit pas pouvoir obtenir une réponse satisfaisante des entités de Galar. Elles ne connaissent rien du jeune Rattata. Elles ne l’ont pas engendré.
Mais Sec dit que les dieux savent. Ils savent, voilà tout. Et ils peuvent contacter Arceus.

Will fixe la montagne, de nouveau. Peut-il le faire ? Peut-il, au moins, essayer ?

« Till, un Zigzaton de Galar, m’a appris la prière de la Mère. »

Oui, il peut. Il le fera.

« Moi je préfère celle du Père. » répond Sec.

Quelle est-elle ?


Ô, Père je vous en prie. Sauvez-moi de ce monde.
Je demande la protection de votre bouclier afin de me défendre de mes ennemis.
Que les miens puissent trouver, en votre corps, un rempart.
De vôtre majesté, je serai le spectateur lorsque je reviendrai, humble, de cette vie jalonnée de batailles.
Que votre bouclier s’abaisse sur mon être.
Je jure de ne jamais devenir ni métal, ni pierre.
Puisque pour vivre il s’agit de toujours revenir à la chair.







Le thème de Sec