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Calendrier de l'Avent 2017 de Corpus09



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Informations

» Auteur : Corpus09 - Voir le profil
» Créé le 05/12/2017 à 18:18
» Dernière mise à jour le 05/12/2017 à 23:52

» Mots-clés :   Fanfic collective   Song-fic

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Jour 5 : Princesse la poupée, par Soundlowan
- Une poupée princesse !

La fillette sort à toute vitesse le jouet du paquet coloré et plaque sa nouvelle amie contre son coeur. Les yeux de verre sont aussi clairs que les siens, sa chevelure est d'un blond miel presque identique à celle de l'enfant. Mis à part qu'elle n'aurait jamais accepté une coiffure aussi démodée, avec ces boucles ridicules qui remontent si haut autour du visage. Peu importe, c'est bien la poupée qu'elle voulait dans sa robe rose bouffante. Comme à chaque Noël, ses parents ne lui ont pas refusé le moindre cadeau.

- Tu vois là ? C'est le prince !

L'enfant pointe du doigt l'illustration d'un homme sur son galopa, au loin dans les collines. Le recueil de contes est un livre de prix, évidemment. Chaque image est finement ornée et dorée, au point qu'on discerne jusqu'au doux visage de l'inconnu.
- Toi aussi un jour, un beau prince viendra te chercher. Puisque tu es une princesse.

Le ton d'évidence de la petite fille ne laisse subsister aucun doute. Elle aura sûrement le jouet prince assorti à sa nouvelle poupée pour son prochain anniversaire, puisque la date tombe avant le Noël suivant. Dans ses bras, la femme miniature dévore des yeux le dessin coloré. Son prince viendra lui donner son premier baiser d'amour, c'est ainsi que cela se passe dans tous les contes. Il l'emmènera sur son galopa blanc et il l'épousera, c'est ainsi. La poupée a la robe rose, les petits souliers blancs, les lèvres rouge ceriz, les grands cils, tout. Elle attend.
L'enfant retourne son jouet dans sa direction, elle examine le minuscule visage d'un air critique. Décidément les deux ronds roses sur les joues sont trop vifs, c'est ridicule. Elle était plus jolie sur le catalogue.

- Tu es sûre, ma chérie ?
- Oui ! Elle est trop moche maintenant.

Il est vrai que la poupée a souffert durant les quelques semaines passées avec sa propriétaire. Elle a trimballé son jouet partout, même là où il n'aurait pas fallu. La princesse si bien apprêtée en sortant de son emballage n'a désormais pratiquement plus de cheveux, ses prunelles sont affreusement ternies, elle n'a plus une trace de peinture sur le visage de porcelaine. La robe bouffante qui pouvait s'envoler chaque fois qu'elle bougeait est déchirée en plusieurs endroits, au point de laisser voir toute la jambe gauche qui est fêlée. Le jouet a tant traîné dans la crasse qu'il est désormais entièrement gris ou brun, selon les taches.
L'enfant fourre sans ménagement la pauvre relique dans sa poubelle. Bientôt elle fêtera son anniversaire, et si elle pleure suffisamment longtemps on lui offrira la poupée ballerine qui peut danser toute seule.


La Chanson de la Sorcière

Où est cette enfant ?
Voilà des semaines que la poupée cherche dans toute la ville. Elle doit retrouver sa propriétaire. La petite doit attendre sa princesse désespérément, se lamenter auprès de ses parents pour retrouver son jouet. Cette dernière se souvient de quelques colères monumentales qu'a poussé l'enfant en sa présence, pour un pain au chocolat ou une paire de chaussures à boucles en vitrine. Pour elle, qui est sa meilleure amie comme elle le disait toujours, l'humaine miniature doit verser toutes les larmes de son corps.

Je te retrouverai, petite fille. C'est promis. J'erre comme une âme en peine dans les rues à ta recherche, sans repos depuis des jours. Cette ville n'est pas si grande, bientôt je serai près de toi. Peut-être même que je pourrais me glisser sans bruit dans ton lit pendant que tu dormiras, pour te faire la surprise à ton réveil. "Bouh ! Trouvée !"

- Tu retournes en ville ? Encore ?
- Oui. Laisse-moi donc, oiseau de mauvais augure, on m'attend.

C'est encore ce cornèbre de malheur qui vient d'interrompre le cours de ses pensées. Il ne manque jamais ses allées et venues, chaque fois que la princesse repasse par ici. Le pokémon aurait presque pu lui faire de la peine, occupé toute la journée à fouiller des montagnes de déchets pour dénicher sa pitance dans cette décharge sordide. Sans compter son plumage clairsemé et le corps rachitique en dessous, preuve qu'il n'a pas toujours de chance dans ses recherches. Seulement voilà, l'oiseau est singulièrement dérangé et donc insupportable dans son baratin. Le regard rouge laisse voir sa folie et fait peur à la poupée. Après tout c'est une princesse, il lui faut de la distinction.
- Personne ne t'attend, Branette.

Encore un mensonge. Ce pokémon ne connait pas sa propriétaire, comment peut-il se permettre de parler d'elle ainsi. La poupée ne comprend pas ce nom qu'il lui donne sans arrêt, elle lui a pourtant bien dit qu'on ne l'avait pas appelé comme ça. Pour son malheur, depuis son accident pas moyen de se souvenir du prénom choisi par la fillette en la découvrant sous son sapin. Elle aurait pu le dire à Cornèbre, lui clouer son sale bec répugnant à force de traîner dans les ordures.
Puisqu'elle n'a rien à répondre, la poupée tourne plutôt les talons pour se diriger vers la ville des humains. La compagnie de l'oiseau lui donne le cafard, et elle n'est pas mécontente de quitter cette décharge pour retourner dans son univers.

Où es-tu, petite fille ? Sais-tu seulement combien je veux te revoir ? A quel point je te cherche ?

La nuit est tombée, parfait. Cette cité n'est pas si grande, elle aura bientôt fini d'en faire le tour et tombera mathématiquement sur l'enfant. C'est l'heure idéale pour mettre son plan à exécution et la rejoindre dans son lit.
Bien sûr elle aimerait savoir comment elle a atterri dans cette décharge. Elle ne manquera pas de le demander à la fillette lorsqu'elles se reverront. Tant pis si l'enfant ne la comprend pas ou même ne l'entend pas - bien que l'espoir se soit allumé dans le coeur de la poupée princesse. Depuis qu'elle s'est réveillée dans la décharge sans savoir comment elle s'y est transportée, elle peut bien entendre et parler avec les pokémons. Peut-être qu'elle saura aussi le faire avec son humaine maintenant ? Ce doit être ça qu'on appelle la magie de Noël.

Oui, le jouet sait à quoi correspondent les centaines de lumières qui se sont allumées partout dans la ville. Bientôt sa fête préférée aura lieu de nouveau, et elle sera de retour auprès de sa propriétaire d'ici là. Trop de temps a déjà passé loin d'elle.
Ce n'est pas que tous les moments passés parmi ces pokémons étaient désagréables. Il y a eu une période, après son réveil au milieu des poubelles, où la princesse a baigné dans une sorte de conscience toute relative. Certains événements étaient limpides, d'autres se fondaient dans des brumes insondables. Elle a hanté la décharge un bon moment apparemment, traînant sa jambe fêlée dans un grincement derrière elle durant ses marches. Tant pis pour la douleur, et sa jambe a bien fini par guérir. Mais quelle sensation grisante que celle du pouvoir ! La possibilité de marcher, parler même si ce n'est qu'avec quelques pokémons dégoûtants dans les ordures, hurler même. Désormais sa bouche peut s'ouvrir dans un gémissement étrange, on l'entend et on l'écoute. Le plus satisfaisant a été de voir les ombres s'écarter sur son passage, les créatures empoisonnées l'éviter comme la peste, les spectres rôdeurs craindre sa venue et même les plus ténébreux des pokémons l'observer avec une sorte de respect. Tout ce beau monde n'avait sans doute jamais vu de vraie princesse avant.
Seulement voilà, à trop se laisser aller elle en a oublié son rôle premier. Voilà presque un an que la petite fille n'a plus sa poupée.

Pardonne-moi. Je vais te retrouver, bientôt. Je viens vers toi.

Les décorations lumineuses lui ont rafraîchi les idées. Maintenant elle suit la lueur jusqu'à sa propriétaire, vers la ville que Cornèbre déteste tant.
Malheureusement elle y croisera aussi d'autres pokémons. Ce doit être une sorte de prix à payer pour retrouver sa propriétaire. La princesse en a assez de les entendre tous, surtout que beaucoup sont vraiment très malpolis avec elle. Mais ils sont aussi curieusement faibles.
Elle prend du plaisir à les faire fuir, comme avec les pokémons crasseux de la décharge. Pour cela il lui suffit d'ouvrir sa bouche dans un long grincement. Tous s'évaporent devant la poupée perdue. Pour la plupart de ses adversaires pathétiques elle semble être une ombre. Certains d'entre eux sont même particulièrement vulnérables à sa rancune qui couve. Elle a délogé avec tant de facilité une bande d'eokos nichés dans les décorations hivernales ! Les zigzatons ou skittys des grands-mères gâteuses finissent bien par abandonner la partie, lassés de se battre sans résultat emmitouflés dans les écharpes dont on les affuble. Mais c'est sans commune mesure avec les ramoloss tous mous ou les nuées de natus qui s'envolent en piaillant dès qu'elle apparaît. Sans compter ce munna niché dans les bras d'une gourde qui a hurlé sur son passage, pokémon et dresseuse ont bien failli s'évanouir avant qu'elle ne se lasse de jouer. Il y a bien eu ce maudit chat dont le rubis frontal avait attiré la princesse, qui a résisté un peu plus longtemps. Mais il a fini par s'incliner comme les autres, détalant avec sa fourrure toute douce beaucoup moins peignée après leur altercation.

C'est sans doute cela qui déplaît tant à la poupée lorsqu'elle croise des pokémons domestiques. Ils sont bien traités, nourris et câlinés par leurs humains alors qu'elle reste seule dans le froid. Elle devrait être soignée de la même manière par sa propriétaire, mais elle en est séparée depuis si longtemps...
Elle sait bien qu'elle est toute sale. Dès qu'elle baisse le regard sa couleur lui saute aux yeux. Un gris morne, recouvrant honteusement son rose si mignon, et comble de l'horreur qu'elle n'arrive pas à faire partir. La poupée a pourtant frotté, frotté, au point de se faire gémir elle-même, mais impossible de faire partir toute cette poussière. Si seulement elle était encore dans la maison avec l'enfant, il y aurait une baignoire juste pour elle avec de l'eau bien chaude et du savon. Sans cela, pas moyen de se rendre présentable.
Il y a bien eu l'incident, avec une eau trop chaude justement dans laquelle la fillette l'avait plongée. La poupée croit se souvenir que sa maman avait pourtant prévenu que cela abîmerait la porcelaine, mais sa propriétaire est vraiment têtue quand elle le veut. Deux pieds presque entièrement fondus ont été nécessaires pour la faire changer d'avis, et passer à un débarbouillage vigoureux qui a ôté toute trace de couleur sur le visage peint. Le rire tonitruant de l'enfant fait encore mal aux oreilles de la princesse quand elle y repense. Mais après tout c'est sa propriétaire qui a raison, autant de maquillage la rendait vulgaire de toute façon. Une altesse n'a pas de joues aussi pimpantes.

Puisqu'elle n'a pas de bain sous la main pour ôter la crasse, il lui faudrait un prince charmant. Ce serait la solution idéale, dans toutes les histoires il est dit que le premier vrai baiser d'amour rend la princesse plus belle que jamais. Il lui faut donc un prince pour lui donner son premier baiser !
Ce n'est pas facile à trouver non plus. La poupée se souvient que la fillette avait parlé d'un prince qu'elle devait recevoir bientôt. Dans tous les cas il lui faut donc la retrouver, l'eau chaude et le prince sont avec l'enfant.

Où que tu sois, je saurais te trouver. Nous serons bientôt ensemble, et tout sera comme avant.

Tout ira mieux lorsqu'elle sera de retour dans la maison. Elle aura sa propriétaire, son prince, et sa robe sera de nouveau aussi belle qu'au premier jour. Il suffira de quelques touches de peinture pour arranger ses yeux et ses lèvres, de lui remettre de nouveaux cheveux couleur d'or aussi. La poupée sait qu'elle a perdu tous les siens, avant son accident ou juste après, mais elle sent bel et bien quelque chose au-dessus de sa tête. Ils ont sûrement repoussé depuis le temps, mais ils doivent être terriblement ébouriffés pour qu'elle les sente monter si haut !
La petite fille prendra soin d'elle. Elle brossera ses cheveux, arrangera sa robe, la mettra au lit. Peut-être même qu'elle la saupoudrera de nouveau de paillettes argentées, comme lorsque la poupée princesse a été mise dans le joli paquet cadeau de l'année dernière.

Même si elle risque d'abord d'être très fâchée dans un premier temps. C'était amusant de faire peur à tous ces pokémons faibles et gâtés lorsqu'elle se trouvait plongée dans les brumes d'elle-même, seulement désormais la poupée est lucide. Elle sait bien que ce n'était pas une attitude correcte, ce n'était pas royal.

Pardonne-moi, mon enfant. Attends-moi, je suis presque là. Sens-tu mon souffle sur ta nuque ? Je suis juste derrière toi...

- Branette, attends !

Encore ce maudit volatile. Même si ce n'est pas son prénom, la princesse ne peut ignorer qu'il s'adresse à elle. Il n'y a personne d'autre aux alentours, et c'est bien vers la poupée qu'il se dirige quasiment en piqué depuis les hauteurs du ciel.
- Tu me suis jusqu'ici pour m'empêcher d'aller voir les humains, maintenant ? soupire-t-elle de guerre lasse.
- Je ne t'empêcherai pas de faire ce que tu veux, rétorque l'oiseau noir d'encre. Mais j'ai quelque chose pour toi.

Posé sur un rocher au bord du chemin, il tend une serre fermée autour d'un objet inconnu. C'est apparemment sphérique, et pas bien grand, mais la poupée ne peut en voir davantage pour le moment. Elle tend donc une main - gris cendre, c'est terrible comme elle a besoin d'une remise en beauté - et récupère le mystérieux présent.
Elle tient donc un globe certes fort joli, presque resplendissant dans l'obscurité qui tombe, mais dont elle ne peut comprendre l'utilité. La sphère semble composée de verre et être creuse, mis à part qu'elle distingue à travers les parois rosées un curieux serpentin gris perle et or doux. La chose est un peu encombrante pour un bijou, mais au moins cela ressemble à un cadeau digne d'une princesse. C'est en plus le premier qu'on lui fait depuis très longtemps, ce qui touche beaucoup la poupée. Cornèbre est certes un peu fêlé mais il est plus attachant qu'autre chose tout compte fait, et il n'est pas responsable de sa cervelle d'oiseau.
- C'est très joli, merci beaucoup.
- Cela vient de la lointaine région de Kalos, précise Cornèbre qui se remplumerait presque de fierté. J'ai eu du mal à m'en procurer une, heureusement le service des Coco Cornèbre est toujours aussi efficace. J'ai un cousin au troisième degré qui y travaille.

Bon d'accord, il est totalement dingue. Mais pas méchant, c'est déjà ça.
La princesse en porcelaine a toujours une fillette à retrouver, mais elle sent aussi une pointe de curiosité à l'égard de la sphère. Un sentiment qu'elle n'avait plus éprouvé depuis presque un an, en tout cas jamais lorsqu'elle était plongée dans les brumes c'est certain.
- Qu'est-ce que c'est ? demande-t-elle finalement.
- Le moyen de libérer une puissance incroyable, croasse l'oiseau. Cet objet ne peut fonctionner que pour toi.
- Mais comment est-ce que ça marche ? interroge la poupée charmée par l'idée.
- Pense à tout ce que tu as éprouvé ces derniers temps. Le doute, la crainte, l'incompréhension. La rancœur. Laisse-toi envahir par ta rancœur.

Il l'a mieux cerné qu'elle ne l'aurait cru. Cornèbre doit la suivre en cachette lorsqu'elle va en ville, ce qui n'est que moyennement rassurant. Il a sûrement vu ses expéditions et le résultat des rencontres avec d'autres pokémons chouchoutés.
Mais la princesse obéit malgré tout. Qu'est-ce que cela fait de lâcher la bride à ses émotions ? Elle se concentre sur le moment de son réveil, toute seule au milieu des ordures. Sur ses mains qui labourent son corps dans ses tentatives désespérées de faire partir le gris. Les lumières de Noël s'effacent peu à peu tandis qu'elle plonge dans les ombres.

La douleur. La douleur est si forte ! Son corps se déchire, se tend, s'écartèle. Oiseau de malheur qui l'a piégée ! La sphère mystérieuse est brûlante dans sa main, mais impossible désormais de la lâcher. Ses doigts s'étirent, son corps est fendu en deux, sa tête paraît vouloir décoller de son cou.
Après une ou deux éternités, elle parvient enfin à rouvrir les yeux. La poupée a pris quelques centimètres apparemment, elle est plus loin du sol. Autour d'elle l'obscurité est plus dense, les ténèbres s'amassent. Chaque lumière est désormais si vive dans le paysage qu'elle lui fait mal.
Pourtant, quelle puissance ! Elle sent le pouvoir glisser sur sa langue, l'énergie parcourir chaque fibre de son être jusqu'au bout de ses doigts. La princesse prend une grande inspiration : un millier d'odeurs nouvelles se presse dans ses narines.
En baissant les yeux elle réalise l'étendue des changements. Le gris n'a pas tout à fait disparu, mais il est désormais strié de dentelles dorées qui apportent enfin une note d'élégance. La robe salie s'ouvre sur un corps de nouveau bien rose, les doigts plus longs sont presque manucurés. Le cadeau est fort sympathique.
- Merci, Cornèbre.

Maintenant elle peut se présenter devant sa propriétaire sans crainte, elle ressemble enfin à une poupée décente. Quelques coups de brosse pour ôter les dernières traces de poussière et discipliner la chevelure seront suffisants. Quelle surprise ce sera lorsque l'enfant la trouvera dans son lit en se réveillant !
La princesse reprend sa marche vers la ville en prenant bien garde de ne pas abîmer sa tenue toute neuve. Un autre accroc serait le comble avant de retrouver la petite.
- Tu vas quand même voir les humains ?

Décidément le pokémon ténébreux n'apprécie pas la ville. Il a été trop gentil avec la princesse pour qu'elle se permette de l'ignorer cette fois. Elle se retourne donc à nouveau.
- Bien sûr. Plus que jamais, maintenant que tu m'as trouvé cette robe.
- Une... Alors, tu n'as toujours pas compris...

Les conversations avec l'oiseau sont vraiment pénibles. La poupée comprend à peine une phrase sur trois dans ses bons jours. Elle garde précieusement la sphère donnée par Cornèbre dans sa main, mais s'agace devant son expression stupéfaite.
- Qu'est-ce qu'il y a tant à comprendre, à la fin ?
- Tu es vraiment douée pour le déni, pas de doute, ricane la volaille déjà à moitié déplumée. Tu as soigneusement évité toutes les surfaces où tu aurais pu voir ton reflet, pas vrai ? Tu as fait exprès de ne pas aller jusqu'aux maisons où se trouvent sûrement ta fichue humaine, parce que tu crains sa réaction.
- N'importe quoi ! Elle m'aime et elle m'attend, je suis sa meilleure amie !
- Sa meilleure amie, répète Cornèbre dans un murmure. Je commence à être à court d'options, ma foi. Mais j'ai une idée ! Tu veux sûrement te voir avant d'aller la chercher ? Pour t'assurer que tout est bien en place, qu'il n'y a aucun pli pas vrai ?

La poupée en convient. C'est une très bonne idée. Elle s'écarte donc de la route bien tracée jusqu'à la ville pour suivre l'oiseau, qui la conduit jusqu'à une mare toute proche. Les grenousses croassent à pleine voix dans le crépuscule.
- Viens donc t'admirer, incite Cornèbre qui s'est perché au bord de l'eau sur une branche basse.

La princesse ne se fait pas prier. Elle se précipite au contraire vers la surface réfléchissante. Est-elle bien apprêtée, est-elle aussi jolie qu'à l'époque ? Comment sont ses cheveux, son sourire est-il toujours aussi doux ?
Un cri. Elle s'est jetée en arrière juste après avoir croisé son regard dans l'eau. Deux yeux rouges, véritablement malveillants contrairement à ceux de Cornèbre qui sont juste tristes en fin de compte.

Non... non ! Spectre immonde, va-t-en !

Ce n'est pas de la dentelle, mais des fermetures tout juste assez serrées pour ne pas laisser voir les béances du cadavre. Ce gris est celui de la mort, ce rose celui du mal qui couve.
Impossible ! Il faut qu'elle retrouve sa propriétaire, qu'elle reçoive son premier baiser d'amour et tout rentrera dans l'ordre. Sa peau délicate sera d'albâtre, ses boucles de miel, ses yeux d'azur. C'est ainsi que sont les princesses dans tous les contes de fée.
- Tu vois ? poursuit déjà Cornèbre impitoyable. Dans les histoires pour enfants, tu ne peux plus être la princesse désormais. Tu es plutôt la sorcière du fond des bois.

La sorcière... non, ce n'est pas son rôle !
Une autre illustration du livre d'images lui saute au visage. La vilaine créature a la peau verte, une bosse dans le dos, une pustule sur le nez. Et un regard mauvais.
La poupée lève les mains, se laboure les yeux de ses griffes gigantesques. Le geste alerte l'oiseau.
- Arrête Branette, tu vas te faire du mal !

Et alors, stupide volatile ? Fait-on mal à un mort ?

Branette sent bien que son compagnon tente de l'aider. Il va sûrement avoir des paroles réconfortantes d'une seconde à l'autre, lui dire que ce n'est pas de sa faute. La poupée ne peut supporter cela.
D'un coup elle bondit, s'enfuit de toute la force de ses nouvelles jambes loin du seul pokémon qui ait jamais essayé de l'aider. Elle court à perdre haleine, mais un spectre peut-il seulement être essoufflé, ne parvient pas à échapper aux ombres, se laisse engloutir par le désespoir. Après une journée ou une minute, elle s'effondre dans un coin et gémit sans retenue.

Elle ne peut pas revenir auprès de la petite fille. Cette dernière ne voudrait jamais d'un spectre dégoûtant. Comment une telle horreur a bien pu arriver ?
Branette a gardé tout ce temps la sphère pâle entre ses griffes roses. Elle a la tentation de la jeter au loin, mais elle ne sait pas ce que cela lui apporterait. Elle sait seulement qu'elle est seule au monde, sans but, sans personne. Perdue dans les brumes.
- Laissez-moi passer !

Elle relève la tête. Le cri se voulait sans doute assuré, mais la terreur qu'elle comprend dans le ton tremblant résonne au plus profond d'elle-même.
A ce moment Branette se rend compte qu'elle a couru au hasard jusqu'à revenir dans la cité des humains. Seule dans une petite artère, elle distingue les lumières hivernales qui illuminent la rue perpendiculaire. Le cri vient certainement de là.
Elle se relève, sans trop savoir pourquoi. Un pas, puis un autre sur ses nouveaux pieds rose vif, jusqu'à arriver au bout de la rue. Tapie dans l'angle du mur, elle risque un oeil de l'autre côté.

Deux pokémons spectres, un tutafeh et un fantominus, flottent au-dessus d'une enfant toute seule. Curieux positionnement autour de la petite. Soit ce sont des pokémons sauvages, soit ils ont été très mal dressés.
L'humaine miniature s'est certainement trop éloignée de sa famille et s'est perdue. Elle semble apeurée, ce qui est parfaitement normal dans sa situation. Les deux spectres continuent de s'approcher doucement d'elle, malgré ses protestations de plus en plus faibles et paniquées.
- Allez, on approche encore un peu, ricane le fantominus.
- T'as vraiment des idées de génie, frérot, pouffe le tutafeh. Tu crois qu'elle va pleurer ?
- C'est bien parti on dirait. Avec les humains c'est trop facile, la prochaine fois on joue à qui effraie le plus de pokémons.
- S'en prendre à une enfant... même pour s'amuser, c'est minable.

Branette a prononcé cette phrase d'une voix glaciale de colère. Elle n'a même pas fait attention au grincement de sa bouche ouverte tant elle est furieuse.
Les deux pokémons se retournent, et semblent hésiter face à leur congénère. Elle est sortie de sa cachette pour s'approcher d'eux, sans lâcher la précieuse Branettite. Les quelques centimètres de plus ne sont pas de trop finalement.
Elle se revoit en eux, dans leur petit jeu pervers. Voilà exactement ce qu'elle aurait fait il y a quelques semaines en voyant un pokémon dressé tout seul. Le sentiment de honte lui brûle la gorge et alimente sa rage.
- Vous qui êtes assez lâches pour vous attaquer à une petite fille, soyez maudits !

La phrase est lâchée, en même temps qu'une lourde fumée s'échappe de sa bouche. Il n'en faut pas plus aux deux spectres pour décamper, apparemment trop peu expérimentés pour oser l'affrontement.
Elle suppose que c'est elle qui marque les points pour cette partie.
Branette se tourne vers l'enfant, qui contrairement à ce qu'elle pensait n'a pas encore détalé. Elles doivent faire à peu près la même taille, en tout cas elles peuvent se regarder dans les yeux.
- Tu es gentille, toi. Merci.

Petite fille, tu ne sais pas quel plaisir tu me fais en disant cela.

La poupée est troublée. L'enfant lui rappelle vraiment son ancienne propriétaire, même si elle n'a pas rencontré tant de petites filles humaines que cela. Les cheveux sont plus foncés c'est vrai, et les yeux ne sont pas non plus de la bonne couleur. Cette fillette est plus fine que l'autre, presque trop maigre. Et elle est sans doute un petit peu moins jolie. Mais il y a vraiment quelque chose, dans la forme du visage peut-être, ou des fossettes qui se creusent de la même manière lorsque la petite lui sourit.
- Tiffany !

Nouvelle interruption, ça commence à bien faire. Branette voit arriver en courant plusieurs adultes, manifestement heureux d'avoir remis la main sur l'enfant. Le soulagement paraît général, jusqu'à ce que les autres humains notent la présence du pokémon spectre.
- C'est une Branette ! Attention, ma chérie !
- Démolosse, à toi !

L'un des hommes du groupe libère le pokémon canin de sa ball, pour le faire atterrir souplement devant la poupée. Le nouvel arrivant est d'abord surpris d'être appelé, mais il analyse vite la situation. Presque aussitôt des flammes se forment au fond de sa gorge, mettant en valeur les crocs immaculés.
- Tu as osé t'en prendre à la petite, sale spectre !
- Quoi ? Mais non...

Branette n'a pas le temps de s'expliquer avant que l'enfer ne se déchaîne. Elle n'est pas là pour se battre, et le double type ténèbres de son adversaire n'est pas du tout à son avantage, aussi elle bat rapidement en retraite après avoir reçu la première gerbe de feu.
Alors c'est comme ça qu'on est remercié chez les humains ? Par des brûlures cuisantes et des insultes ? Branette comprend mieux Cornèbre d'un seul coup.
- Non, ne lui faites pas de mal !

Brave petite, toi au moins tu es gentille. Mais je ne peux pas rester, tu le vois bien.

La poupée sort de la ville aussi vite qu'elle y est entrée, ne sachant pas vraiment où aller. Ce problème-là n'est pas réglé, maintenant qu'elle a abandonné l'idée de retourner vers sa propriétaire.
Cornèbre avait raison. La sorcière du fond des bois.
Soit, c'est donc là qu'elle ira. Il lui suffit de reprendre le sentier, plus de décharge et plus d'ordures pour elle. Elle n'est pas un déchet d'humain, elle est une Branette. Il lui suffit de s'éloigner des lumières de Noël pour s'enfoncer dans l'ombre.

C'est au prochain Halloween qu'elle reviendra parmi les humains.