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Calendrier de l'Avent 2017 de Corpus09



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Informations

» Auteur : Corpus09 - Voir le profil
» Créé le 02/12/2017 à 14:07
» Dernière mise à jour le 02/12/2017 à 21:37

» Mots-clés :   Fanfic collective   Song-fic

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Jour 2 : Le petit voyageur, par Lief97
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Il ne neige plus.

Une chape de plomb est tombée sur un univers figé, d’une blancheur éclatante. L’horizon immobile, gravé dans la glace, s’étend à perte de vue. Un Vent glacial et perfide souffle sur les collines gelées, virevolte au-dessus des étangs solidifiés, et s’amuse à slalomer entre les lourdes branches des conifères. Les Nuages gris qui s’amoncellent dans les cieux ont cessé de lâcher des ribambelles de flocons, et se contentent d’observer la terre depuis leur lointain perchoir, indifférents.

Au milieu de cette immense étendue inhospitalière, une petite silhouette rabougrie remue. Le petit voyageur avance dans la Neige, y traçant un sillon. Ses yeux pétillent de tristesse.

Il ne neige plus.

Le voyageur se fraye un chemin dans l’épais manteau de Neige. Des larmes coulent sur ses joues, tombent et se transforment en billes de glace avant de se briser près de ses pattes. Il avance, encore, toujours, sans cesser de pleurer.

Il ne neige plus. L’Hiver meurt, et avec lui, ce monde qu’il adore tant.

Le voyageur s’arrête et émerge sa tête pointue de la couche de Neige qui l’entoure. C’est un Blizzi, alerte et prudent.

Il hume l’air glacial trop chaud, et sent l’odeur musquée d’une meute de Farfurets. Il change de trajectoire et bifurque vers une forêt sculptée, et envahie de rochers recouverts de givre, sans cesser de laisser ses émotions se déverser sous ses paupières.

Le Vent continue de souffler ; mais c’est inutile. Il ne s’amuse plus, lui non plus. Il n’y a plus de flocons à faire voltiger, rien d’autre que du vide à brasser. L’Hiver meurt, et avec lui, la Neige.

Blizzi s’arrête soudain et se laisse tombe au sol. Il lâche ce qui s’apparente à un sanglot, et caresse d’une patte la froideur du sol. Il observe la Neige presque fondue autour de son corps rondelet. Sa vision se floute, gênée par des larmes retenues à grand-peine. Il essaie d’accumuler un peu de Neige dans sa patte, mais elle s’effrite entre ses racines, trop fragile pour survivre.


Don't cry snowman, not in front of me
Ne pleure pas bonhomme de Neige, pas devant moi
Who will catch your tears if you can't catch me darling?
Qui attrapera tes larmes si tu ne peux pas m’attraper, chéri?


Blizzi se redresse, l’air accablé, et reprend son errance, la tête vidée et le regard perdu. Il s’aventure sous les branches, ignorant son image reflété et déformée dans les stalactites qui pendent aux branches des sapins.

Il remarque le contact des aiguilles de pin sous ses pattes, et la chaleur désagréable qui pulse dans la terre. Ici, la Neige n’est déjà plus. Combien de fois devra-t-il migrer vers le nord pour trouver une terre qui gèle tout l’année ? Combien de temps avant qu’il n’y ait plus sur ces terres un endroit où la Neige puisse perdurer ?

Blizzi s’appuie contre un tronc. Il ne comprend pas. Il ne comprend pas et il s’inquiète. Ce monde blanc est tout ce qu’il demande. Un endroit où il puisse être à son aise, un endroit familier, froid à souhait, où la solitude n’existe que si on ne prend pas le temps de converser avec la Neige, et sa cousine la Glace.

De sa main libre, Blizzi essuie ses larmes.


Don't cry snowman, don't leave me this way
Ne pleure pas bonhomme de Neige, ne me laisse pas comme ça
A puddle of water can't hold me close, baby
Une flaque d'eau ne peut pas me serrer, chéri


La petite créature entend le lointain rugissement d’un Ursaring, qui résonne jusque dans les bois. Eux aussi, ils sont un problème. Blizzi se souvient de l’époque de son enfance. Il sait que les Polagriffe ont été les maîtres de la Neige, les seuls prédateurs de cet univers blanc. Mais aujourd’hui, plus rien n’est pareil. Les Polagriffe sont rares, amaigris, affaiblis. A cause de ces Hivers si courts. Des Hivers agonisants. Ils ont été contraints de fuir, eux aussi. Il est rare d’en voir.

Il n’est pas question d’abandonner maintenant. Blizzi est fatigué, mais il doit continuer ; il faut trouver la Neige. Une Neige de bonne santé, froide, épaisse, et surtout pas une Neige en train de fondre et de mourir…


I want you to know that I'm never leaving
Je veux que tu saches que je ne partirai jamais
Cause I'm Mrs. Snow, 'till death we'll be freezing
Parce que je suis Madame Neige, nous gèlerons jusqu'à la mort


Oui, il n’a pas le choix. Il doit aller jusqu’au bout. La Neige l’attend, quelque part, au-delà de l’horizon. Une Neige éternelle. Blizzi n’a qu’un souhait, un seul : la trouver. Il s’éloigne du pin auquel il s’est appuyé et se remet à se dandiner entre les troncs. Instinctivement, il suit le nord. Il y sent des parfums plus vivifiants, plus frais, plus purs. Des parfums presque enivrants. Mais la route risque d’être longue. Longue et ardue.

Il ne doit surtout plus s’arrêter. La Neige l’attend au bout du chemin.


***


—Wizu wizu… souffle le Pokémon angoissé.

Il voyage depuis des jours. Il est épuisé, mais il a réussi à garder un bon rythme. Partout où il est passé, il a vu une Neige faible. Une Neige qui ne mérite pas d’être ainsi. Blizzi sent les prémices du désespoir jusque dans les profondeurs des bois qu’il a traversé, et chez les autres créatures de l’Hiver, comme lui.

Un camarade Blizzi atteint d’une fièvre brûlante est là, à terre, devant lui.

Au détour d’un petit massif montagneux qu’il a mis près de deux jours à gravir, Blizzi est tombé sur lui, stupéfait. Il s’approche du corps du Pokémon. Il a les pattes éraflées ; lui aussi a beaucoup marché. Il doit venir de loin. Blizzi n’est donc pas le seul à chercher la vraie Neige.

—Wizu wizu ?

Blizzi touche timidement le visage de son camarade inconnu ; celui-ci ouvre ses yeux aux paupières lourdes. Un Nuage de buée sort de sa bouche, et un murmure faiblard en jaillit. Blizzi étudie le front de son camarade, et renifle à plusieurs reprises. De la chaleur émane de là.

Tous deux savent qu’il est trop tard.

Un Blizzi fiévreux est comme un glaçon sur les flancs d’un volcan ; infiniment fragile.

Le petit voyageur utilise une de ses capacités dans l’espoir de geler son camarade, pour le revigorer. Plusieurs de ses souffles glacés semblent redonner espoir aux deux créatures, mais rien n’y fait. Il fait trop chaud pour que cela se révèle vraiment utile. Si seulement il y avait de la bonne Neige dans les environs… Une Neige revigorante.

Le camarade commence à avoir du mal à respirer. Ses halètements rauques inquiètent Blizzi. Il décide d’un coup de tout mettre en œuvre pour sauver ce camarade inconnu.

Il va chercher des poignées de Neige, une à une, partout aux alentours. C’est une mauvaise Neige, tiède, mais qui a le mérite d’être plus fraîche que le front de son camarade. Au moins pourra-t-elle l’apaiser un peu.

Bientôt, le malade est enveloppé dans un doux manteau de Neige. Un « wizi wizu » reconnaissant jaillit de la bouche de ce voyageur malchanceux. Blizzi reste à ses côtés un long moment, espérant un rétablissement. Il pose sa patte sur celle trop tiède de son camarade, et attend, sans le lâcher du regard. Il attend, aussi calme et silencieux que les Nuages qui le toisent par-delà la cime des pins.

Il patiente une nuit entière. La Neige tient bon, même si elle fond un peu. Blizzi se prend à espérer. Rien de tel qu’un épais cocon de Neige pour récupérer !


Yeah you are my home, my home for all seasons
Oui tu es ma maison, ma maison en toutes saisons
So come on let's go
Alors viens allons-y
Let's go below zero and hide from the sun
Allons sous 0° et cachons-nous du soleil


L’aube commence à faire briller la masse de Nuages gris, immobilisée dans le ciel. Avec l’aube, la température va monter de nouveau et, bientôt, l’Hiver mourrait. Malgré tout, il y a encore de l’espoir. Un maigre espoir, mais Blizzi ne peut faire autrement que de s’y accrocher, éperdument…

Le malade s’agite. Le monticule de Neige dégouline autour de lui. Tout est fondu, ou presque. La Neige n’est plus de la Neige ; ce n’est qu’une pâte humide, sale, presque boueuse. Blizzi, désolé, s’approche de son camarade.

Ce dernier, yeux fermés, respire à peine. Son souffle est chaud et humide. Son front continue de brûler. Blizzi se laisse tomber au côté de ce compagnon d’infortune. Lui aussi a du chercher la Neige en vain ; mais peut-être a-t-il quitté trop tard ses terres d’origines ? Sa fièvre vient sans nul doute d’un endroit où la Neige est malade. Où la Neige n’est plus éternelle. Où l’Hiver est mort.

Le malade émet un gémissement léger, presque imperceptible. Blizzi se redresse, lâche un souffle glacé au visage de son camarade ; les yeux s’entrouvrent.
Des yeux las, ternes, sans étincelle. Des yeux dépourvus de toute trace de volonté. Des yeux qui fixent le ciel, sans remarquer la présence de Blizzi à ses côtés. Une dernière expiration surgit de la bouche du Pokémon. Puis, le silence.

Le petit voyageur s’affaisse, désemparé.

—Wizu…

Blizzi se relève. Il sent des larmes amères et salées dégouliner sur lui, les ignore. Il a tant pleuré que cela ne lui paraît même plus anormal. C’est devenu son quotidien. Son quotidien… jusqu’à trouver la Neige éternelle. Si tant est qu’elle existe encore, quelque part…


I love you forever where we'll have some fun
Je t'aime pour toujours où nous nous amuserons
Yes, let's hit the North Pole and live happily
Oui, allons au Pôle Nord et vivons heureux
Please don't cry no tears now it's Christmas, baby
S'il te plait ne verse aucune larme maintenant, c'est Noël chéri


Blizzi reprend son voyage, le cœur lourd. Si un camarade est tombé, qu’en est-il de lui ?

Peut-il atteindre la Neige avant que l’Hiver ne meure, avant que le cruel soleil ne le brûle ?


***


Des fissures parcourent la surface de l’étang. Blizzi contemple la surface gelée et craquelée, les plaques qui dérivent.

Il fait trop chaud pour s’amuser à glisser sur l’eau solide. La Glace est faible, elle aussi. Malade. Plus il avance, plus Blizzi a l’impression que la terre entière est malade. Il a rarement vu de contrées aussi chaudes. Le soleil et les ennemis de l’Hiver prennent plus de terrain, jour après jour. Pour le moment, Blizzi ne voit pas encore de rayon destructeur percer le firmament ; les Nuages sont encore de son côté, mais pour combien de temps ? Ils sont si difficiles à comprendre. Pourquoi avoir arrêté d’apporter la Neige, aussi tôt ? Et le Vent, alors ? Lui aussi a cessé de souffler du froid, il n’apporte qu’un air tiède et mesquin, comme s’il se moquait de Blizzi.

Le Vent a beau être joueur et cynique, Blizzi sait que ce n’est pas normal.

Les éléments sont déréglés par quelque chose. Quelque chose contre laquelle Blizzi ne peut rien faire, sauf fuir. Lutter est impossible, surtout quand l’ennemi est invisible ; et surtout quand il est capable de tuer la Neige à petit feu.


Don't cry snowman, not in front of me
Ne pleure pas bonhomme de Neige, pas devant moi
Who will catch your tears if you can't catch me darling?
Qui attrapera tes larmes si tu ne peux pas m’attraper, chéri?


Blizzi avance, inlassable, déterminé, mais terriblement effrayé. Il a rencontré un Stalgamin dans un état de terreur deux jours auparavant.

Le Pokémon avait eu si chaud qu’il s’était arraché lui-même la peau qui recouvrait son dos ; il avait lâché des cris de détresse et attiré à sa suite bon nombre de prédateurs, ayant reconnu l’appel d’une proie blessée. Blizzi ne devait son salut qu’à sa faculté de s’être fait passer pour une plante grâce à ses épaisses racines.

Blizzi sait qu’il est faible, qu’il fait une proie parfaite. Son aspect dodu le rend appétissant aux yeux des maîtres chasseurs.

Et pire encore, il est régulièrement confronté à la vision lointaine de créatures qu’il n’a jamais vu avant ; des bipèdes accompagnés de créatures diverses qui n’ont rien à faire dans l’univers blanc de la Neige. Il lui est arrivé d’en suivre quelques-uns avec curiosité ; mais jamais trop longtemps. Blizzi est un peureux. Mais il a senti que ces bêtes-là peuvent être dangereuses aussi.

Le petit voyageur repart en contournant largement le point d’eau dégelé. Il lui faut arrêter de penser au pire… même s’il sait qu’il faut aussi s’y préparer. Dans le cas où l’Hiver prendrait soudainement fin.

Soudain, le Vent change de direction.

—Wizu wizu ? s’étonne Blizzi, alarmé.

Un souffle glacial lui parvient. Venu du nord ! Un souffle si froid qu’il en frissonne de plaisir. Enfin, son ami le Vent est de retour avec de bonnes nouvelles !

Blizzi cesse d’avancer de sa démarche pataude et donne tout pour que ses petites pattes lui permettent d’accélérer la cadence. Le nord est empli de promesses ! Toutes ces bonnes odeurs ! Il a attendu ça si longtemps !

Distrait, il trébuche à plusieurs reprises en dévalant une pente terreuse. Il fonce presque tête baissée dans des hautes herbes, faisant tomber des centaines de gouttes de rosée sur son passage. Il a hâte, vraiment ! Trouver la Neige est pour lui le seul moyen de perdurer.

Epuisé par sa course, il finit par adapter sa marche pour pouvoir conserver son énergie et son endurance. Le Vent n’a de cesse de le taquiner en lui envoyant d’autre brises glaciales, et de bonnes odeurs venues du Nord. Tout va bien, il pourra bientôt rejoindre la Neige qui lui manque tant.


Yes, let's hit the North Pole and live happily
Oui, allons au Pôle Nord et vivons heureux


***


Blizzi s’assoit à l’entrée de la grotte en soupirant bruyamment. Il a bien marché, ce matin. Il est sur la bonne voie. Et il a pu trouver de petites baies et du lichen pour récupérer un peu de ses efforts. Le Vent continue de le guider, les Nuages de le protéger. La menace du soleil est toujours dans un coin de son esprit, cependant.

L’Hiver est malade, mais Blizzi commence enfin à retrouver de la Neige. Pas de la très bonne Neige, mais c’est déjà mieux. Cette Neige-là aurait sûrement soigné la fièvre de son camarade…

Le petit voyageur hume l’air, savoure les senteurs sucrées qui fluctuent depuis le nord. Là-bas, il sait qu’il reste une Neige éternelle, quelque part. Elle est encore loin, mais il lui suffit de s’en approcher suffisamment pour y retrouver un Hiver fort et protecteur.

Blizzi respire un bon coup, et décide de repartir. Son optimisme lui permet de puiser dans sa volonté pour mouvoir ses jambes lourdes et son corps épuisé. Il marche, sachant pertinemment qu’il n’est pas le seul à migrer. Depuis la lisière d’une forêt, il épouse du regard une grande plaine blanche et surdimensionnée. Un Cadoizo, au loin, se démène pour rejoindre un endroit moins exposé ; un couple de Cochignon renifle des buissons maigrelets à la recherche d’un peu de lichen ; et un Noarfang plane dans le ciel, à la recherche d’une proie.

Blizzi frémit. Ce genre de prédateur est capable de le vaincre facilement. Et il faut du courage pour se confronter aux serres d’un tel rapace. Blizzi s’arrête à la lisière et se place dans l’ombre d’un tronc. Il attend, patiemment, que le Pokémon ailé s’en aille.

Une heure passe. Le Cadoizo est parti depuis longtemps. D’autres comme lui sont passés dans la plaine, en petits groupes organisés. Ils semblent pressés, eux aussi ; et à raison.

Après deux heures, les Cochignon finissent par dévorer les buissons, entièrement. Ils devaient être affamés, pour se risquer à manger des branchages aussi secs. Ils s’éloignent en grognant, et disparaissent dans la forêt, de l’autre côté de la grande étendue de Neige. Le Noarfang continue de tourner dans le ciel. Blizzi lâcha un « wizu wizu » agacé, et profite de sa pause forcée pour se gratter le dos en se frottant au tronc d’un arbre. Ses muscles commencent à trop se reposer, il n’aime pas ça. Mais il ne peut pas avancer. Pas encore.

Le Vent change soudain de direction. Alors qu’il a apporté le froid du nord toute la journée, des senteurs tièdes et chaudes sont apportées depuis la direction opposée. Blizzi se fige, hume des odeurs désagréables. Un air lourd le heurte. Rempli de menaces.

L’Hiver.

Il est déjà mort, là-bas ?

Blizzi regarde le ciel ; le Noarfang y est encore, mais ce sont les Nuages qui l’intéressent. Il y a des percées dans certains d’entre eux. Un bout de ciel bleu trop éclairé, vers le sud.

Le soleil attaque déjà ! Il sera là bientôt, peut-être même avant que la nuit tombe !

Blizzi sent son cœur s’affoler. Traverser au risque d’être attaqué, attendre ?

Non, il doit attendre. Il n’y a plus que quelques heures avant la nuit. Le Noarfang finira bien par se retirer, de toute façon. Il doit avoir des petits à nourrir. Blizzi préfère rester au chaud quelques temps plutôt que de finir entre les pattes d’un rapace au bec acéré. Il a beau être prêt à lancer des éclats de glace au visage de cet oiseau, il est tout de même très faible, et son pouvoir se tarit avec la chaleur. Affronter un ennemi est une mauvaise idée.

Blizzi, tendu, pose une patte contre le tronc de l’arbre et marmonne des « wizu » pour se motiver discrètement. Il est prêt à traverser cette plaine au pas de course dès que le Noarfang aura cessé ses rondes.


***


Blizzi a chaud. Il sent la Neige fondre aux alentours. Le Vent l’a laissé tomber. Il n’apporte que chaleur et misère venue du sud. Et le Noarfang tourne toujours, là-haut, infatigable, alors que le soleil a percé plusieurs pauvres Nuages.

Les rayons ardents commencent à éclaircir la plaine. Blizzi sent de nouvelles larmes monter à ses yeux. La Neige meurt de nouveau, devant lui ! Il ne peut rien faire d’autre qu’attendre et espérer que tout cela cesse…


Don't cry snowman, don't leave me this way
Ne pleure pas bonhomme de Neige, ne me laisse pas comme ça
A puddle of water can't hold me close, baby
Une flaque d'eau ne peut pas me serrer, chéri


Il envie son camarade fiévreux pendant quelques secondes. Mourir et laisser tomber, ça lui paraît soudain si facile… si paisible.

Et pourtant, il veut toujours trouver cette Neige dont il rêve depuis des semaines. Retrouver cette Neige qu’il a connu toute son enfance. Se promener au sommet des congères, s’enterrer sous un mètre de poudreuse, manger les flocons en plein vol… toutes ces activités juvéniles lui manquent. Il déteste devoir survivre, courir, grimper partout. Il déteste voir sa Neige dépérir et sentir l’Hiver mourir.

Il en a assez. Il ne peut plus attendre !

Il prend son élan, et jaillit de la forêt.

Blizzi est d’abord surpris ; la Neige craque à peine sous ses pattes. Elle est déjà trop fondue. Et en plus, il fait ici bien plus chaud que sous l’ombrageux couvert des arbres.

Il court, malgré ses jambes douloureuses et fatiguées, qui semblent presque vouloir le lâcher.


Don't cry snowman, don't you fear the sun
Ne pleure pas bonhomme de Neige, ne crains pas le soleil
Who'll carry me without legs to run, honey?
Qui me transportera sans jambes pour courir, mon cœur?


Blizzi essaie tant bien que mal d’allonger ses foulées maladroites. Ses bras se balancent pour lui offrir plus de vitesse, mais il a parcouru moins d’une vingtaine de mètres quand le hululement lointain du Noarfang résonne ; il est pris en chasse.

Il sait que le vol du Noarfang est parfaitement silencieux. Impossible de se fier à l’ouïe pour savoir d’où il va venir. Pour ne pas être surpris par une attaque, il va devoir le trouver et lui faire face.

Blizzi parcourt encore quelques mètres et s’arrête en plein milieu de la plaine, avant de relever la tête vers le ciel. Il repère presque aussitôt le rapace ; il tressaille en le voyant planer juste au-dessus du sol, et seulement à quelques mètres. Il va si vite !

Blizzi inspire un grand bol d’air, gonfle son corps rond, et attend une seconde de plus. Un regard acéré le fixe avec insistance. Des serres meurtrières plongent vers lui. Mais le petit voyageur n’a pas l’intention d’abandonner maintenant. Il crache soudain un nuage gelé devant lui, le plus gros qu’il a jamais fait de son existence. Il sent que c’est un air glacial, vraiment glacial.

Le Noarfang pousse un cri et Blizzi s’écarte alors que celui-ci s’écrase au sol, juste là où il se tenait. N’attendant pas que le rapace retrouve ses esprits, Blizzi s’élance vers la forêt.

Quand le Noarfang se redresse et remarque qu’une de ses ailes est totalement gelée, il lâche un cri rauque et furieux ; mais Blizzi est déjà trop loin pour l’entendre.


***


Un mois est passé.

Un mois rude, durant lequel Blizzi a évité moult dangers. Par chance, par prudence, rarement par habileté.

Un mois au bout duquel, enfin, il a trouvé la Neige éternelle.

C’est au bord d’un lac parfaitement gelé qu’il a trouvé son bonheur. Un lac immense, sur lequel il glisse avec joie chaque jour. Il sautille partout, forme des boules de neige avec maladresse et les lance dans les airs, comme pour remercier les Nuages duveteux qui enferment le soleil et le Vent qui l’a guidé jusqu’ici.

L’Hiver est puissant, et a accueilli Blizzi comme un ami. Le froid ici est partout, la Neige tombe souvent du ciel sous forme de flocon. Le petit voyageur se sent chez lui.

Il sait qu’un regroupement de bipèdes vit non loin d’ici ; il va parfois dans leurs jardins pour faire coucou aux enfants curieux derrière les vitres. Il aime bien les bipèdes d’ici. Ceux-là ne le chassent pas et ne lancent pas d’étranges créatures à ses trousses ; ils se contentent de le saluer, et de passer leur chemin, comme par respect. Ou bien par habitude.

Blizzi s’est même pris d’affection pour une jeune bipède qui semble sortir de chez elle sans l’accord des autres. Elle a une étrange fourrure blonde sur la tête, et vient parfois lancer des boules de neige avec lui. Ils s’amusent bien ensemble, pendant des heures, et parfois jusqu’à la nuit tombée.

Blizzi aime bien sa solitude, aussi. Il creuse pour trouver sa nourriture, que la Neige s’amuse à cacher sous son léger manteau ; il se promène, visite, et explore chaque recoin des bords de ce grand lac. Il regarde les Nuages, caresse la Glace et parle au Vent.

Il ne sait pas combien de temps durera l’Hiver ici, mais son instinct et son odorat lui disent qu’il sera en sécurité pour un moment. Peut-être qu’un jour, il devra migrer de nouveau, mais il a laissé ses sombres pensées derrière lui. Il verra bien le moment venu.

En attendant, la Neige est là, et il peut enfin la palper et s’y cacher, comme s’il s’agissait de sa maison. Et il est heureux, car enfin, il neige.

Il neige.



D’après Snowman, de Sia

PS : Bon anniversaire à Kazumari !