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Calendrier de l'Avent 2017 de Corpus09



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» Auteur : Corpus09 - Voir le profil
» Créé le 30/11/2017 à 22:40
» Dernière mise à jour le 01/12/2017 à 08:28

» Mots-clés :   Fanfic collective   Song-fic

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Jour 1 : Le courrier de Noël, par Mentalira
Petite musique d’ambiance…


Jour 1


I gave a letter to Zeupostman,
He put it in his sack



De son petit pas pressé le Cadoizo à la hotte remplie de courrier déambulait entre les maisons. De la fumée s’échappait de sa bouche chaque fois qu’il expirait et, malgré la neige qui recouvrait les pelouses au bord de la route, il n’avait pas froid. Même si son type Glace augmentait sa résistance au froid, il marchait de toute façon trop vite pour ressentir la bise glacée du vent.

Il sortit de son sac les lettres destinées à la maison blanche et rose qui faisait l’angle avec la rue de l’hôtel de Fort-Vanitas. Il émit un petit cri de satisfaction en regardant les belles couleurs du dessin sur l’une des faces de la carte de vœux. Devant un grand arbre plein de billes lumineuses, un homme en rouge distribuait des cadeaux à de jeunes enfants humains. Cadoizo glissa la lettre dans la boîte.

Il aimait la période qui précédait les fêtes de fins d’année. Les humains s’envoyaient toujours de belles cartes avec de jolies illustrations. Les regarder avant de les déposer dans les boîtes-aux-lettres était pour lui une récompense tout aussi agréable qu’une friandise. Zeupostman était un Cadoizo facteur comme il y en avait tant à Kalos. Ils avaient étaient entraînés dans le but de distribuer le courrier partout dans la région. Zeupostman s’occupait de toute la zone qui allait du palais Chaydoeuvre à l’entrée sud-ouest d’Illumis mais il ne s’occupait pas de la grande ville elle-même.

Bien sûr, il n’était qu’un Pokémon comme les autres et ne savait pas lire les adresses qu’inscrivaient les humains sur leur courrier. Alors un système avait été inventé par les postiers, à base de petits motifs aux formes et aux couleurs variées qui étaient tamponnés sur les lettres à côté de l’adresse. Sur chaque boîte-aux-lettres figurait un de ces petits symboles, tous différents au sein de la portion gérée par un seul Cadoizo. Zeupostman avait appris à les reconnaître et à faire correspondre les symboles sur les enveloppes à ceux des boîtes-aux-lettres. Il ne se trompait jamais. Le postier humain qui lui servait de référant était très fier de lui et lui offrait parfois des friandises. Il avait très vite compris que Zeupostman appréciait particulièrement les dessins avec des couleurs vives alors il lui en donnait aussi de temps en temps, et Cadoizo s’empressait de les rapporter chez son dresseur.

La vie de Zeupostman était donc aussi agréable que bien remplie. Entre ce travail qu’il aimait tant et cette sorte de garde partagée entre deux humains, il n’avait pas le temps de s’ennuyer ou de se sentir délaissé. Il était parfaitement heureux dans cette petite routine.

Cadoizo, après avoir longuement regardé les dessins sur les deux cartes qui revenait au propriétaire de la petite maison jaune, les déposa dans la boîte-aux-lettres qui était entourée d’une guirlande lumineuse. Celle-ci clignotait en rouge, en bleu, et même en vert et en rose.

Depuis bientôt trois ans qu’ils le côtoyaient, les habitants de Fort-Vanitas s’étaient attachés à leur facteur Pokémon et, pour lui faire plaisir, certains d’entre eux laissaient leurs décorations de Noël allumées pendant qu’il faisait sa tournée. D’autres sortaient parfois de chez eux pour lui donner une baie ou deux. A tant manger, Cadoizo aurait pu être un peu grassouillet mais avec tout le sport qu’il faisait pour distribuer son courrier, il avait tôt fait de perdre les kilos qui se seraient accumulés chez un Pokémon plus casanier.

-Zeupostman ! Zeupostman ! appela soudain une voix essoufflée.

Cadoizo se retourna d’un air curieux et vit s’approcher un jeune homme qui courrait, une lettre à la main. A cause de son bonnet descendu jusque sur ses yeux et de son écharpe épaisse qui couvrait son nez, le Pokémon ne put reconnaître Lucas que lorsque celui-ci fut tout à fait près.

Zeupostman ne reconnaissait pas Lucas à son nom, pour lui, il était simplement le jeune humain qui habitait seul dans la maison en pierres brunes de la rue de la fontaine. Lucas travaillait à Illumis mais avait fait le choix de s’installer au calme dans ce petit village. Zeupostman ne savait pas vraiment pourquoi mais cela n’avait de toute façon pas d’importance pour lui. Il fixa le presque trentenaire de ses grands yeux ronds.

Celui-ci lui tendit une enveloppe d’un vert pâle et parla d’une voix qui cherchait à reprendre son souffle. Le petit morceau de visage qui dépassait de toutes ses couches de tissus avait rosi à cause de l’effort fait pour rattraper le Cadoizo.

-Pourrais-tu distribuer cette lettre, s’il te plaît ? demanda-t-il au Pokémon facteur. Je n’ai pas pu la poster hier. Mais j’ai regardé dans l’annuaire et j’ai recopié le petit motif de la boîte-aux-lettres dessus. Est-ce que tu peux la prendre ? C’est vraiment très urgent.

Cadoizo saisit l’enveloppe du bout de sa patte et inspecta le dessin fait à la main à côté de l’adresse. Deux fins rectangles bleutés reliés par un minuscule point vert foncé. Cadoizo savait que les deux rectangles étaient le motif commun à toutes les boîtes-aux-lettres du petit immeuble, construit à la sortie d’Illumis. Le point vert à mi-hauteur entre les deux indiquait qu’il s’agissait de la boîte-aux-lettres verte du premier étage. Facile.

Lucas avait l’air pressé et s’apprêtait à repartir. Zeupostman le retint par un petit cri. Il posa son sac à terre et tendit la patte vers l’humain, comme on le lui avait appris. Celui-ci sourit d’un air gêné.

-Ah oui, bien sûr, j’avais oublié, s’excusa-t-il.

Lucas fouilla dans sa poche et en sortit un billet de vingt Pokédollars. C’était le prix du timbre qu’il n’avait pas mis sur l’enveloppe. Bien entendu, Zeupostman aurait été parfaitement incapable de faire la différence entre un vrai et un faux billet mais cela, Lucas l’ignorait. Satisfait, le Pokémon glissa la lettre et l’argent dans son sac.

-Il faut que je file, déclara Lucas en s’éloignant. Merci beaucoup !

Le jeune homme courut en direction d’Illumis. Il était sûrement en retard pour aller travailler. Sans se préoccuper davantage de l’humain, Cadoizo reprit sa tournée. Il eut bientôt terminé de distribuer le courrier du village et se dirigea ensuite vers l’immeuble où habitait le destinataire de la lettre verte.

Tandis qu’il marchait, Zeupostman prêtait une plus grande attention aux décorations de Noël dans les jardins qu’à l’endroit où il posait ses pattes palmées. Plusieurs fois, il manqua de glisser sur une plaque de verglas. C’est donc tantôt en sautillant, tantôt en dérapant, qu’il parvint finalement devant l’immeuble tout près d’Illumis.

Cadoizo poussa la porte vitrée de l’entrée et se glissa dans le hall. Il n’avait plus beaucoup de lettres avec lui. Quelques enveloppes blanches destinées aux humains du rez-de-chaussée, une carte de vœux pour la boîte-aux-lettres rouge du premier étage, et enfin la lettre de Lucas pour la porte d’en face. Ici, les boîtes-aux-lettres n’étaient que de petites fentes placées à mi-hauteur sur la porte d’entrée. Cadoizo devait sauter un peu pour les atteindre.

La porte correspondant à la boîte avec le motif vert foncé étaient équipée d’une étroite trappe en bas, pour permettre à un petit Pokémon d’entrer et sortir à sa guise. Justement, le Galvaran en question était couché sur le paillasson. Son regard était perdu dans le vague. Zeupostman s’accroupit près de lui.

-Est-ce que ça va ? lui demanda-t-il dans la langue universelle des Pokémons.

La petite créature jaune leva ses yeux tristes vers le facteur.

-Je ne sais pas, dit la femelle d’une petite voix. Ma dresseuse ne fait que pleurer depuis deux jours. Je ne comprends pas pourquoi. D’habitude, je fais des pitreries et ça la fait rire, mais aujourd’hui, elle m’a réprimandée, puis elle est repartie pleurer sur son lit. Elle ne veut même pas que je me couche près d’elle. Je ne sais pas quoi faire.

Cadoizo pencha la tête de côté, pensif.

-Il ne faut pas t’en faire, dit-il après un moment. Les humains font souvent des choses bizarres. Ça lui passera.

Il donna une tape amicale sur la tête de la Galvaran mais celle-ci ne réagit pas. Sans rien ajouter, Zeupostman glissa la lettre dans la fente et redescendit les escaliers pour sortir de l’immeuble. Sa tournée était terminée.

Sa journée, en revanche, n’était pas encore arrivée à son terme. Dans quelques heures, il lui faudrait venir relever le courrier dans les grandes boîtes jaunes dans lesquelles les humains déposaient les lettres qu’ils souhaitaient envoyer. Ensuite, il apporterait le tout au bureau de poste de Fort-Vanitas et les postiers humains se chargeraient de tamponner les lettres et de les répartir dans toute la région de Kalos, selon leur destinataire. Le lendemain, les Cadoizos facteurs les distribueraient.


Jour 2


Bright and early next morning,
He brought my letter back.
She wrote upon it:
Return to sender



D’un pas sautillant, Zeupostman évita tant bien que mal un humain pressé qui courrait sur le trottoir pour aller au travail. Plusieurs autres humains étaient déjà debout et marchaient dans les rues du village. Le soleil n’était pourtant pas encore levé. Ils partaient presque tous en direction d’Illumis. Cadoizo s’imaginait qu’Illumis était une sorte de Fort-Vanitas en plus grand, où personne n’habitait mais où tout le monde travaillait. Plein de gens en journée et personne la nuit, ce devait être un endroit bien étrange. Zeupostman n’avait aucune envie de le visiter.

Sa tournée commençait toujours par la rue principale du village, celle où se trouvait la fontaine. En théorie, il aurait même dû commencer par le palais Chaydoeuvre mais celui-ci ne recevait que rarement du courrier. Pas plus mal, cela lui évitait un long et ennuyeux trajet : il n’y avait en effet aucune maison le long de la route qui menait au palais et en cette période, cela signifiait qu’il n’y avait aucune décoration de Noël à observer.

Comme la nuit était encore bien sombre, Cadoizo pouvait voir les guirlandes lumineuses qui clignotaient d’un bout à l’autre de la rue. C’était très beau. Sa maison préférée, c’était celle qui avait installé un faux bonhomme de neige dans son jardin. Il était fait de diodes d’un blanc bleuté pour imiter la neige. Elles étaient rouges au niveau de son nez en forme de cône et bleues plus sombre pour son chapeau haut-de-forme. C’était une structure grande comme un homme et le petit Pokémon oiseau ne se lassait pas de lever le bec pour observer le visage souriant de Frosty. C’était ainsi que le bonhomme de neige se nommait, d’après l’inscription sur son chapeau que Zeupostman ne pouvait pas voir. Cependant, chaque fois qu’il glissait une lettre dans la boîte tout près du bonhomme de neige, celui-ci se mettait à chantonner :

-Frosty the snowman was a jolly happy soul!

Cela amusait beaucoup le Pokémon. Ce jour-là encore, l’enregistrement se mit à jouer lorsque Zeupostman distribua le courrier. Il resta un moment à écouter la musique puis il repartit, guilleret, en tentant de fredonner la mélodie.

La bonne humeur du Cadoizo fut cependant quelque peu refroidie en approchant de la maison en pierres qu’habitait Lucas. Pas de décoration lumineuse exubérante ici, seulement une guirlande de diodes jaune le long des fenêtres et du toit. En plus, Lucas ne l’avait même pas allumée. Les stores étaient baissés mais Zeupostman pouvait distinguer la lampe qui éclairait le salon. Elle s’éteignit tandis qu’il sortait la lettre destinée à Lucas.

Cadoizo trouvait la situation curieuse. Il s’agissait de l’enveloppe vert pâle qu’il avait distribuée la veille. L’adresse et le motif de l’immeuble avait été soigneusement barré et on avait écrit quelque chose à la place. Le tout avait été assorti d’un tampon. Cadoizo avait été surpris de retrouver la lettre dans la boîte-aux-lettres jaune la veille au soir mais il l’avait tout de même ramassée en même temps que les autres. Ce n’était pas la première fois qu’il récupérait une lettre qu’il avait déjà distribué mais à chaque fois, il se demandait à quoi cela servait de renvoyer un courrier reçu. Le postier humain avait tamponné sur l’enveloppe un motif que Cadoizo avait tout de suite reconnu : une sorte de petit jet d’eau accompagné d’un côté d’un grand trait bleu et de l’autre d’un petit trait rouge. Le motif de la boîte-aux-lettres de Lucas.


We had a quarrel, a lover’s spat
I write I’m sorry but my letter keeps coming back



Zeupostman s’apprêtait à glisser la lettre dans la fente lorsque Lucas franchit le seuil de sa maison. Le jeune homme se raidit un peu en apercevant le facteur devant chez lui. Il le salua d’une voix où perçait l’anxiété.

-As-tu du courrier pour moi ? demanda-t-il.

Cadoizo contourna la boîte-aux-lettres pour donner l’enveloppe directement à Lucas. Il crut que celui-ci allait défaillir en identifiant la lettre.

-C’est pas vrai, pas encore, gémit-il en la prenant du bout des doigts.

Il la retourna plusieurs fois pour l’observer.

-Adresse inconnue, retour chez l’expéditeur, lut-il à voix haute. Tu ne t’es pas trompé d’adresse au moins ?

-Zooo ! rétorqua l’oiseau d’un air offusqué.

Lucas soupira et se laissa tomber sur le sol, assis en tailleur. Il posa sa tête dans l’une de ses mains.

-Elle ne l’a même pas ouverte, grimaça-t-il. Mais qu’est-ce que je vais faire si elle ne veut pas de mes excuses ?

-Ca ?

Ce n’était pas véritablement une question. Zeupostman n’avait dit cela que pour montrer à Lucas qu’il l’écoutait. Et celui-ci avait besoin de parler.

-On s’est disputé, expliqua-t-il au Pokémon qui le dominait presque d’une tête. C’est de ma faute, j’ai parlé trop vite, mais quand je l’ai compris c’était trop tard. Elle a exigé que je sorte. Et moi, comme un imbécile, je me suis pas fait prier. J’ai claqué la porte moi-même.

Lucas se tut un instant et soupira de nouveau. S’essuya le nez d’un geste machinal. Il fixait le sol enneigé et n’avait pas l’air de remarquer qu’il était assis dessus et qu’il avait froid.

-Cazo ? s’enquit le Pokémon pour inciter le jeune homme à poursuivre.

-Elle a dit qu’elle aimerait avoir des enfants, reprit l’humain. J’ai rétorqué qu’il n’y aurait jamais la place pour élever un môme dans son studio. Déjà que Galvaran est à l’étroit ! Quel con je suis !

Lucas s’était levé d’un bond et avait donné un coup de pied rageur dans une motte de neige gelée. Elle avait volée en éclats. A présent, il tournait le dos au Cadoizo et tenait la lettre froissée dans son poing fermé.

-Cadoo ! s’exclama Zeupostman.

Lucas jeta un regard au facteur Pokémon par-dessus son épaule.

-Tu n’as pas compris un traitre mot de ce que j’ai dit, pas vrai ? demanda-t-il avec un pauvre sourire.

-Cadoizo ! répliqua Zeupostman.

Et l’entrain du Pokémon montrait bien que Lucas avait vu juste. Il expira bruyamment.

-Ce n’est pas grave. File, je ne voudrais pas te retarder dans ta tournée. Et puis je dois moi aussi aller travailler.

Le Cadoizo hocha la tête et s’éloigna, laissant Lucas debout, à quelque pas de la porte ouverte de sa maison.


So then I dropped it in the mail box
And sent it special D



En début d’après-midi, Zeupostman se trouvait sur la place de la fontaine. Bien que modeste, c’était la plus grande place du village. La devanture du bureau de poste donnait sur cette place, ainsi que quelques autres commerces. Il y avait un fleuriste, une boulangerie et une pharmacie. C’était vraiment l’endroit le plus fréquenté du village ! Fort-Vanitas n’avait pu se doter d’un Centre Pokémon que très récemment, c’est la raison pour laquelle on l’avait relégué plus loin, à la place d’une vieille grange détruite pour l’occasion.

Cadoizo se mit sur la pointe des pieds pour ouvrir la boîte-aux-lettres jaune et prélever le courrier qui s’y trouvait. Il procédait à deux relevés dans la journée. Le premier à treize heures, le second à dix-sept heures trente. Il refaisait une tournée dans l’après-midi, ce qui permettait aux personnes pressées de voir leur courrier arriver le jour même à destination.

Justement, parmi la douzaine de lettres que Zeupostman trouva au fond de la boîte, trois avaient un timbre rouge, ce qui symbolisait un envoi prioritaire. Le petit facteur rouge les récupéra toutes et, après avoir refermée la boîte, il se dépêcha de traverser la place pour les apporter à la poste. Il passa devant la fontaine, toujours éteinte en cette période de l’année, glissa pour la centième fois de la journée sur une plaque de verglas mais, grâce à un dérapage parfaitement maîtrisé, se réceptionna sans problème devant l’entrée du bâtiment. La porte coulissa automatiquement.

-Cado ! s’exclama-t-il en vidant son petit sac sur le comptoir du postier.

Celui-ci le remercia et examina rapidement les lettres. Il faisait tout le temps cela pour le premier relevé de la journée. Zeupostman savait qu’il regardait s’il y avait des enveloppes avec des timbres rouges. Il récupéra les trois que le Pokémon avait repérées et fit glisser les autres sur le côté.

-Alors, réfléchit-il à voix haute, celle-ci va à Illumis. Je vais la donner à Braisillon, il la portera au bureau de poste central.

Il l’écarta aussi puis se concentra sur les deux autres lettres. D’après les adresses, leurs destinataires habitaient par ici. Le postier ouvrit un large tiroir pas très profond, dans lequel il rangeait sa panoplie de tampons. Les différentes formes étaient indépendantes les unes des autres et il fallait les assembler correctement pour former les symboles des boîtes-aux-lettres. Le postier avait une moins bonne mémoire que Zeupostman, il était sans cesse obligé de consulter son ordinateur pour savoir quel motif correspondait à quelle adresse. Il apposa les deux tampons puis, après avoir rempli une sorte de formulaire informatique, il rendit les deux enveloppes au Cadoizo et les accompagna d’une baie Ceriz.

-Pour t’encourager, dit-il au Pokémon.

Zeupostman grignota la baie d’un air de satisfaction avant de se saisir des lettres. L’une d’elle avait une enveloppe vert pâle. Il n’y avait pas fait attention tout à l’heure mais, à présent qu’un tampon l’illustrait, il était certain qu’elle avait été envoyé par Lucas, pour la propriétaire du Galvaran.


Jour 3


Bright and early next morning,
It came right back to me
She wrote upon it :
Return to Sender



Cadoizo ne marchait pas ; il courait. Ce matin, en récupérant le courrier à distribuer, il avait failli ne pas reconnaître le tampon représentant une large façade de couleur dorée. Il n’avait pas l’habitude de devoir se rendre au palais Chaydoeuvre. Tellement pas l’habitude, qu’il craignait de prendre du retard sur sa tournée. Et s’il faisait jour lorsqu’il arrivait au village ? Pire, et si les habitants avaient éteints leurs décorations de Noël, l’avait oublié ? Zeupostman redoubla d’efforts pour que cela n’arrive pas. Il devait se rendre au palais le plus rapidement possible et en revenir en un temps record.

Mais la grande avenue bordée d’arbres était vraiment très longue et Zeupostman commençait à fatiguer. Il se contraignit néanmoins à avancer d’un bon rythme. Il faisait encore nuit et une légère brume réduisait davantage encore sa visibilité. Mais qu’importe, la route était droite, il lui suffisait de prendre garde à ne pas finir dans les buissons chaque fois qu’il glissait sur une plaque de verglas et tout irait pour le mieux.

Enfin, le palais se profila à l’horizon. Pour aller plus vite, il décida de couper par la pelouse enneigée. Ce n’était pas de la poudreuse, plutôt une sorte de neige glacée un peu compact ; cela ne le ralentissait pas trop. Tout à son raccourci, il ne vit pas qu’un vieil homme marchait seul sur le chemin menant à l’ancienne résidence royale.

Les grilles de l’entrée étaient ouvertes, Zeupostman se faufila donc jusqu’à la porte massive du bâtiment. Ici, pas de boîte-aux-lettres, à croire que les rois de l’Ancien Régime ne recevaient jamais de courrier. Ou en tout cas, pas par la même voie que le commun des mortels. Cadoizo frappa la surface en bois du bout de son aile et attendit une seconde. Comme personne n’ouvrait, il donna un coup de patte dans la surface. Cela fit davantage de bruit mais il n’y avait toujours personne. Le facteur ne voulait pas perdre de temps, il devait se dépêchait de retourner au village. A défaut de mieux, il lança une attaque Bec Vrille qui laissa une entaille dans la porte. Enfin, celle-ci s’ouvrit.

-Voilà, voilà, grommela l’homme qui apparut, l’air visiblement agacé. Qu’est-ce que c’est ?

Zeupostman lui remit la lettre. L’homme en question était l’assistant du conservateur du patrimoine qui travaillait au château. Il était aussi veilleur de nuit, c’est pour cela qu’il se trouvait dans le palais à une heure si matinale.

-Du courrier ? Quelle curieuse idée ! s’étonna-t-il en prenant l’enveloppe. En général les gens envoient des e-mails.

-Do, répondit le facteur pour la forme.

Zeupostman avait très envie de repartir en courant, mais son dresseur lui avait dit que c’était mal élevé. Il devait attendre que l’humain lui dise de partir. Le regard de celui-ci s’était porté au loin. Il venait d’apercevoir le vieil homme qui s’approchait.

-Et en général, les gens préviennent de leur visite, ajouta-t-il en plissant les yeux pour mieux voir.

Cadoizo se retourna au moment où l’inconnu passait les grilles du château. Il fit un grand geste de la main au-dessus de sa tête tout en continuant à avancer.

-Surprise ! s’écria-t-il.

-Je le crois pas ! s’exclama l’homme qui retenait toujours la porte. Jules Laroche, c’est bien toi ?

-En chair et en os, garçon ! Comment vas-tu ?

Les deux amis s’étreignirent en riant sous le regard curieux de Zeupostman. Tout heureux de revoir l’ancien veilleur de nuit, parti à la retraite quelques années auparavant, le veilleur actuel en oublia la présence du facteur et invita son aîné à entrer. La porte se referma juste devant le bec du Pokémon. Celui-ci sut soudain ce qu’il devait faire.

A la vitesse de l’éclair, il s’éloigna du palais et courut pour rejoindre la grande allée qui menait à Fort-Vanitas. Il devait absolument se dépêcher, s’il voulait avoir une chance de croiser Lucas avant que celui-ci ne parte au travail.

La veille, lorsque Zeupostman avait mis la lettre verte dans la boîte du premier étage de l’immeuble, il s’était entretenu avec la petite Galvaran qui était couchée sur le paillasson. Sa dresseuse continuait de broyer du noir et elle n’avait aucun moyen de l’aider. Le Cadoizo s’était contenté de la rassurer une fois de plus : l’humaine finirait bien par cesser de pleurer. Mais à présent, il se disait qu’il avait peut-être une solution à apporter à ce problème. Il redoubla d’efforts.

Lorsqu’il entra dans le village, à la vitesse d’un Pikachu lançant une Vive-Attaque, le soleil pointait au-dessus de l’horizon qui se dégageait peu à peu de sa couche nuageuse. Zeupostman entra en collision avec un passant se dirigeant vers Illumis. L’homme poussa un cri de surprise et lâcha sa thermos de café. Le contenu se répandit sur le sol, faisant fondre la neige. Mais tout cela, Cadoizo ne l’avait pas vu car il était déjà reparti. C’est tout essoufflé qu’il s’arrêta enfin devant la maison de Lucas. A bout de force, il frappa mollement à la porte, espérant que le jeune homme était encore là. S’il n’avait pas été en train de reprendre son souffle, il aurait sans doute soupiré de soulagement en voyant la porte s’ouvrir.

-Bonjour, Zeupostman, dit Lucas sur un ton monocorde. Ne me dis pas que tu me rapportes ma lettre.

Justement, si. Cadoizo exhiba l’enveloppe vert pâle de son sac et leva enfin les yeux vers Lucas, mais sans lui tendre le courrier. Le jeune homme le fixait d’un air blasé, presque découragé. Il était encore en pyjama car il ne travaillait pas ce jour-là. Il tendit la main pour se saisir de la lettre mais ses doigts furent attrapés par la patte libre de Zeupostman qui, ayant pincé l’enveloppe de son bec, souleva de nouveau son sac et repartit en courant, entrainant derrière lui un Lucas surpris.

-Hé ! s’écria celui-ci sans pour autant chercher à se dégager. Non mais ça va pas ! Relâche-moi tout de suite !

Le bec encombré par la lettre, Cadoizo ne répondit pas mais accéléra encore le pas afin de parcourir la plus grande distance possible avant que l’humain ne se rebelle. Mais, si celui-ci faisait entendre quelques cris de protestation qui attiraient vers eux les regards curieux des passants, il ne se débattait pas. Il lui aurait pourtant suffit d’opposer un minimum de résistance pour se défaire de l’emprise du Pokémon mais cela ne semblait pas lui avoir traversé l’esprit.

Zeupostman, déterminé à aller jusqu’au bout de son idée, se dirigeait vers Illumis, tirant l’humain par le bras. Il repensait à la propriétaire du Galvaran qui pleurait depuis des jours, et à Lucas dont le moral semblait baisser un peu plus chaque matin. Le lien entre les deux était simple pour lui : c’était cette lettre qui n’arrivait pas à destination. Ce matin, il avait eu une illumination : le veilleur du palais Chaydoeuvre n’avait pas paru particulièrement ravi de recevoir une lettre mais voir son ami arriver l’avait mis de bonne humeur. Peut-être cela fonctionnerait-il de la même manière pour la dresseuse de Galvaran. Du moins l’espérait-il.

Tandis qu’ils avançaient sur la route en terre battue menant à la capitale, Lucas avait cessé de protester, comme s’il avait finalement compris ce que voulait faire le Cadoizo. Il le suivait donc en silence et sans chercher à ralentir le Pokémon, même s’il était pieds nus dans la neige et qu’il était à deux doigts de grelotter. A deux doigts seulement, car l’adrénaline l’aidait à supporter la glace sous ses pas ainsi que le vent gelé qui lui fouettait le visage, les bras et la poitrine.

Il aurait voulu réfléchir à ce qu’il dirait à Elena, lorsque celle-ci le verrait arriver en pyjama mais la seule chose à laquelle il parvenait à penser était à sa porte grande ouverte et à l’air enneigé qui devait se faufiler jusque dans son salon.


This time I’m gonna take it myself
And put it right in her hand.
And if it’s comes back the very next day
Then I’ll understand.



Fidèle à lui-même, Zeupostman glissa sur une plaque de verglas. Ce fut Lucas qui lui évita la chute en le soulevant par la patte. Remis sur pied, l’oiseau adressa un regard de remerciement au jeune homme et ils reprirent ensemble leur progression.

Zeupostman remarqua immédiatement les guirlandes lumineuses suspendues aux balcons lorsqu’ils parvinrent à proximité de l’immeuble qu’habitait l’humaine. Il se fit alors la réflexion qu’il n’avait pas prêté la moindre attention aux décorations de Noël de Fort-Vanitas pendant cette course effrénée. Cela lui avait manqué. Il ralentit un peu pour lever le bec vers le troisième et dernier étage où des flocons clignotaient dans un rythme régulier mais il fut contraint d’accélérer de nouveau car cette fois, c’était Lucas qui le traînait.

Ils pénétrèrent ensemble dans le hall d’entrée et Cadoizo lâcha enfin la main rougie par l’effort et le froid. Ils gravirent les degrés de l’escalier pour se rendre au deuxième niveau du bâtiment et s’arrêtèrent à quelques pas de la porte devant laquelle somnolait un Galvaran.

Le bruit qu’ils avaient fait avait achevé de réveiller la petite femelle qui leva des yeux brillants vers l’humain qu’elle connaissait.

-Salut ma grande, parvint à articuler Lucas qui reprenait tant bien que mal son souffle.

Le Pokémon Electrique fit un pas de côté pour le laisser passer mais, une fois qu’il eut les pieds sur le paillasson, Lucas s’immobilisa, comme saisi d’une soudaine torpeur. Son regard fixait le panneau de bois devant lui et son esprit lui renvoyait l’image fixe de sa porte laissée grande ouverte.

Zeupostman se dit qu’il devait intervenir. Il tira doucement sur la manche de Lucas. Celui-ci sembla émerger d’un mauvais rêve et se tourna vers le facteur. L’oiseau rouge et blanc lui tendit la lettre.

-Cado ! s’exclama-t-il.

Lucas la prit délicatement. Il avait l’air reconnaissant mais sa gorge nouée l’empêcha de prononcer un mot. Le Cadoizo recula un peu, pour laisser l’humain seul face à la porte. Lucas se décida finalement à sonner.

Les secondes lui parurent interminables. Elles le furent aussi pour Galvaran et Zeupostman. Et si elle n’ouvrait pas ?

Enfin, un bruit de serrure se fit entendre et les gonds pivotèrent. Les yeux cernés d’Elena rencontrèrent un instant ceux du jeune homme puis le détaillèrent de la tête aux pieds. Il était transi dans son pyjama trempé et son visage était rouge d’avoir tant couru.

Pendant un moment, Zeupostman crut que son plan avait échoué. Les deux humains se regardaient en Ponchiens de faïence et aucun ne parlait. Même la Galvaran demeurait silencieuse, les yeux rivées sur sa maîtresse.

-Je suis un abruti, déclara enfin Lucas.

Pas la meilleure entrée en matière, mais c’était la seule à laquelle il avait pensé quand sa porte ouverte aux vents glacés avait laissé place dans son esprit au visage à la fois fatigué et surpris d’Elena.

-Si tu ne veux pas de mes excuses, poursuivit-il en lui tendant l’enveloppe, ni de ma lettre, alors je laisse tomber et tu ne me reverras pas. Mais si tu les acceptes, peut-être que tu pourrais venir emménager chez moi. Ma porte est grande ouverte.

Si Zeupostman avait eu le sens de l’humour, ces derniers mots l’auraient fait rire. A la place, il se contenta de pencher la tête sur le côté pour voir la réaction de l’humaine.

Celle-ci observa à nouveau l’accoutrement de Lucas.

-Ne reste pas ici, tu vas prendre froid, murmura-t-elle. Entre.

Elle allait s’écarter pour le laisser passer mais Lucas lui saisit le poignet. Son cœur battait la chamade et il ne voulait pas attendre une seconde de plus pour avoir une réponse.

-Emménager chez moi, avec Galvaran et un futur bébé, c’est oui ou c’est non ?

Elena laissa échapper un petit rire, à mi-chemin entre le soulagement et la moquerie.

-C’est vrai, tu es un abruti. Et c’est oui.

Lucas sourit à son tour. Les deux humains tombèrent dans les bras l’un de l’autre. La jeune femme pleurait en riant. Zeupostman émit un petit cri de satisfaction qui passa inaperçu tandis que les yeux de Galvaran se plissaient de plaisir et que ses oreilles s’étendaient de chaque côté de sa tête, lançant une petite Parabocharge. Electrisés, les humains sursautèrent.

-C’était quoi ça, le coup de foudre ? s’amusa Lucas, en se tournant vers le Pokémon jaune.

-Nous sommes déjà amoureux, Galvaran ! expliqua Elena avec un sourire.

La porte du studio se referma sur un couple heureux et un Galvaran qui sautillait autour d’eux d’un air joyeux. Ils avaient complètement oublié la présence du Cadoizo.

Mais cela n’était pas grave. Zeupostman savait qu’il avait fait ce qu’il fallait et il était content. Mais il était aussi très en retard. Il chargea son sac de courrier sur son épaule et redescendit les escaliers en fredonnant une vieille mélodie unysienne au rythme dansant.

D'après Return to Sender, Elvis Presley