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A la recherche du bonheur passé de Cat-Aclysm



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» Auteur : Cat-Aclysm - Voir le profil
» Créé le 28/10/2017 à 12:39
» Dernière mise à jour le 28/10/2017 à 12:42

» Mots-clés :   Alola   Drame   Famille   Présence de personnages du jeu vidéo

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Retrouvailles
S’il était avéré que je n’avais pas du tout le mal de mer, je ne pouvais en dire autant du mal de l’air : en seulement deux heures, Oléa et moi avions parcouru à dos de Togékiss toute la distance qui séparait Poni d’Ula-Ula, et pendant ces deux heures, j’avais amèrement regretté de ne pas avoir choisi l’orage plutôt que d’attendre le jour pour qu’Oléa me transporte. Enfin, à vrai dire, son pokémon m’avait transportée sur son dos, et l’avait transportée, elle, entre ses pattes… ce que j’avais trouvé excessivement dangereux, mais comme elle avait l’air parfaitement à l’aise ainsi, et qu’elle m’avait confié que contempler Alola depuis le ciel lui permettait de trouver l’inspiration... et puis, j’étais déjà sa débitrice, je n’allais pas en plus critiquer ses choix de vie !

Nous parvînmes donc à Malié en deux heures seulement, à mon grand soulagement. Il me fallait à présent trouver le professeur Chen, mais heureusement, avant que je ne l’abandonne dans le Grand Canyon, le professeur Euphorbe m’avait dit que son confrère passait énormément de temps à étudier les comportements des pokémon du Parc de Malié. C’est donc là que me mena Oléa, et je réalisai qu’elle était très compatissante derrière son air rêveur, qui pouvait parfois la faire paraître indifférente à tout.

Lorsque nous arrivâmes à l’entrée du parc, l’employée de l’accueil nous reçut avec bonne humeur, et nous informa que le professeur n’était pas encore arrivé, étant plutôt lève-tard, mais qu’il était quasiment certain qu’il arrivât avant midi, en passant par l’accueil pour son café quotidien. Avant de retourner à ses occupations, Oléa me souhaita bon courage, et me demanda, un peu rougissante, si je pouvais glisser un mot en sa faveur auprès de mon fils lorsque je le retrouverais : apparemment, il lui avait beaucoup plu, et pas qu’en termes de combat pokémon… Amusée, et peut être un peu fière, je lui assurai que, même si ce ne serait sûrement pas notre premier sujet de conversation, je m’arrangerais pour que cela vienne sur le tapis à la première occasion.

S’ensuivit une heure d’attente, qui passa assez rapidement, contrairement à ce que j’avais cru. En effet, Sammy semblait beaucoup apprécier de se rouler dans l’herbe, et lorsqu’il m’apporta un bâton, que je finis par jeter machinalement au loin, puis qu’il me le ramena, nous fîmes de cette activité une sorte de jeu. Bien que répétitif, cet enchaînement de lancers de ma part ne me lassa pas, et nous nous amusâmes ainsi jusqu’à l’arrivée du professeur Chen.

Je le reconnus immédiatement, et fus saisie par sa ressemblance avec Samuel : en dehors de sa peau très bronzée et de ses cheveux longs, ils étaient si semblables qu’on eût pu les prendre pour des frères !

- Bonjour ! Vous êtes bien Raphaël Chen, n’est-ce pas ?

- Bien le bonjour ! Et oui, c’est bien moi, à qui ai-je l’honneur ?

- Oh ! Euh, je suis l’amie de Samuel… excusez-moi d’arriver à l’improviste sur votre lieu de travail, mais j’ai… comment dire…

- Vous êtes la personne qui recherche son fils ! Eh bien, Samuel s’est fait un sang d’encre à votre sujet, il n’a pas eu de nouvelles depuis votre départ…

- Oh non ! m’écriai-je, frappée de plein fouet par la culpabilité. Avec tout ce qui s’est passé, j’ai complètement oublié… !

- Hé, ho, calmez-vous donc ! Comme j’ai dit à Samuel, pas de nouvelles, bonnes nouvelles ! Et vous voila, en un seul morceau, même vous ne devez sûrement pas vos coups de soleil au climat de Kanto !

Je me touchai le visage, et sentis effectivement une chaleur diffuse, et réalisai la sensibilité de ma peau. Etrangement, je sentis naître un sourire sur mes lèvres : même si j’avais observé de grands changements dans mon humeur et ma motivation, le fait de sentir que mon corps changeait également me donnait une preuve physique de tout ce que j’avais accompli.

- Quoi qu’il en soit, je crois que nous devrions aller chez moi, contacter mon cousin, et nous occuper de retrouver votre fils, qu’en pensez-vous ?

- Oui, oui, évidemment ! Enfin, si vous avez vraiment besoin de poursuivre vos travaux aujourd’hui, je...

- Ne vous en faites pas ! Ici, à Alola, nous sommes beaucoup plus détendus, enfin moins stricts, je dirais, que dans les régions continentales ! Bon, laissez-moi juste prendre mon café et papoter quelques instants, et j’arrive !

*

Raphaël Chen s’avéra être très différent de son cousin de Kanto : Samuel pouvait s’impliquer dans ses recherches à un tel point qu’il lui arrivait d’en oublier de manger, chose qui n’arriverait jamais à son cousin d’Alola ! Cependant, ils partageaient tout de même une grande rigueur dans leur travail, et je songeai que, même si Raphaël devait être un grand procrastinateur, au moins, le travail fait était bien fait. Car une fois que nous arrivâmes chez lui, je fus surprise par l’ordre impeccable qui régnait dans la maison d’un homme aussi insouciant ! Cependant, le professeur Chen ne me laissa pas le temps d’admirer les lieux, et je réalisai vite que je ne m’étais pas trompée sur son compte.

- Bon, assez perdu de temps ! Il nous faut donc retrouver votre fils. Fort heureusement pour vous, mon petit-neveu est à l’étage, sûrement en train de dormir ! Il a presque trente ans, il est Champion d’Arène à Kanto, mais il débarque encore chez moi à l’improviste pour passer des vacances ! Enfin, je préfère qu’il soit plus comme moi que comme son grand-père… Samuel a l’air adorable, comme ça, mais lorsqu’il est stressé, quelle horreur ! Enfin, enfin, on approche de midi, il serait peut être temps qu’il daigne se lever !

A cet instant, nous entendîmes des pas dans les escaliers, et mon cœur se serra en apercevant le jeune homme qui descendait nous rejoindre. Cela faisait une dizaine d’années, mais je n’eus aucun mal à reconnaître le meilleur ami de mon fils, avec son éternelle tignasse entre le blond et le roux qui me faisait tant penser à sa mère. J’en eus les larmes aux yeux, de repenser à cette époque où, enceintes en même temps, ma meilleure amie et moi parlions de destin, et décidions de nommer nos fils de façon complémentaire, pour que, comme nous deux, ils puissent malgré leurs différences se soutenir, compenser les faiblesses de l’un avec les forces de l’autre, et vice-versa ; et je me rappelai dans la foulée de sa mort, peu après la naissance de son petit garçon, une perte terrible pour moi comme pour son père, Samuel.

Lorsqu’il m’aperçut, je vis son visage se décomposer, et me souvins des fois où, rendant visite à sa sœur, il passait par chez moi, moi qui avais été comme une tante pour lui, et essayait de me donner des nouvelles de mon fils tout en ne trahissant pas la confiance de son meilleur ami ; et puis, il y a dix ans, sa sœur était partie de Bourg-Palette, et c’était Samuel qui allait désormais le voir à l’Arène de Jadielle. Cloîtrée que j’étais dans la misère et la solitude, j’avais renoncé à aller le voir, me disant que je n’avais pas de réelle importance à ses yeux, que me visiter n’était qu’une corvée pour lui, motivée par la culpabilité, et qu’il valait mieux pour tout le monde qu’on m’oublie.

- Bonjour, Blue, parvins-je à dire, la voix tremblante.

Il finit de descendre les escaliers d’un pas soudain ralenti, et s’approcha de moi avec l’air d’un animal méfiant devant une menace potentielle. Je vis son hésitation, mais ne m’attendais pas à ce qu’il me saute au cou, et je fus bouleversée par son étreinte, qui n’était plus celle d’un enfant, vu qu’il me dépassait en taille et en force, et cela m’ébranlait d’autant plus que je me rendais désormais vraiment compte que mon fils devait avoir terriblement grandi lui aussi.

Fébrile, je crispai les mains sur son dos pour contenir mon émoi, et quand il me lâcha un peu brusquement et se recula de deux pas, je vis à son expression qu’il était en proie à un grand conflit intérieur. Je saisis donc mon courage à deux mains et, bien qu’il ne m’ait toujours pas dit un mot, je me lançai.

- Blue, il faut que je voie mon fils. Je sais que tu ne fais qu’agir en bon ami, mais ça fait… ça fait quatorze ans, Blue… je ne sais pas pourquoi il refuse de me voir, mais ça doit cesser ! Toi, plus que n’importe qui d’autre, tu sais à quel point une mère est importante pour son enfant ! Que ne donnerais-tu pas pour revoir la tienne ?

- Mais… je… ce n’est pas…

- Ou alors, dis-moi ! Dis-moi pourquoi mon propre fils refuse de me voir ! Je n’en peux plus… c’est trop… trop… !

Aveuglée par les larmes, je sursautai quand je sentis Sammy se coller contre ma jambe, et par réflexe, m’accroupis pour le serrer dans mes bras et partager sa chaleur.

- Tu as… tu as un pokémon ! s’exclama Blue.

- Oui, répondis-je. Et tu vois donc bien à quel point je suis motivée ! J’ai tout quitté pour retrouver mon fils, et je le retrouverai, que tu m’aides ou pas ! Alors pourquoi ne pas me faciliter la tâche ? Je ne renoncerai pas. Jamais, ajoutai-je en me redressant, ma contenance retrouvée.

Blue resta immobile un moment, avant de soupirer.

- Ecoute, ce n’est pas ta faute, s’il ne veut pas te voir… j’en ai assez de tous ces secrets, je pense qu’il faut que tu saches… je n’en ai pas eu le cran, pendant toutes ces années, et ça m’a rongé, à chaque fois que je venais te voir… mais voila, quand on a tous les deux vaincu la Ligue, on a eu accès aux dossiers de tous les membres de l’ORD, on a aussi eu accès, du coup…

Mon sang se glaça, et je sentis mes jambes me faire défaut tout à coup. Heureusement, le cousin de Samuel n’était pas loin, et d’une poigne ferme, me saisit le bras et me fit asseoir.

- Oh non non non non non… oh non pas ça…

- Je suis désolé, mais… ton mari…

- Oui, je sais, ça ! Je le sais depuis très longtemps ! Oh non, voila pourquoi il ne voulait plus me parler, il m’en veut ! Il m’en veut de le lui avoir caché ! Mais quelle idiote j’ai été, pourquoi, pourquoi ne lui ai-je pas dit… j’en étais sûre, au fond de moi, je savais que… que je…

- Attends, quoi ?! Depuis tout ce temps, tu es au courant ?!

Ce fut à son tour de s’asseoir, et cela m’étonna. S’il ne savait pas que je savais, alors mon fils non plus…

- Ce n’est pas pour ça que je n’ai plus eu de nouvelles ? Ce n’est pas parce qu’il m’en voulait ?

- Bien sûr que non ! Il avait surtout peur que tu le prennes mal, il voulait… il voulait te protéger de la vérité ! Mais tu le connais, il n’a jamais su mentir… alors, il a pensé que…

- Oh… je vois… je… où est-il ? Où est-il, Blue ? Il faut en finir avec cette histoire, et le plus tôt possible !

- Ben… on avait rendez-vous vers quinze heures à l’Arbre de Combat…

- Qu’est ce que c’est que ça ?

- Bah, un lieu où les plus puissants Dresseurs de tous les horizons viennent s’affronter… enfin bref, on a décidé d’aller leur donner une petite leçon de combats pokémon, mais hum…

- Très bien, emmène-moi avec toi, alors.

- Euh… euh, ouais, ouais, ça peut se faire, j’ai un Ptéra et un Roucarnage donc ça peut se faire !

Je déglutis difficilement à l’idée de repasser si vite par la voie des airs, mais je me rappelai que, enfin, à l’autre bout de ce dernier voyage, j’allais enfin retrouver mon fils. Cependant, tout au fond de mon cœur, pour l’instant contenue par l’immense excitation qui me gagnait, se terrait une point d’angoisse, et je m’efforçai de la garder bien enfouie : j’allais retrouver mon fils, pour le meilleur et pour le pire…

*

- Sois sincère, Blue : est-ce que j’ai beaucoup vieilli ?

Je vis le jeune homme rouler des yeux, exaspéré.

- Tu crois qu’il va me reconnaître ?

- Tu es sa mère ! Et MOI je t’ai reconnu ! Donc c’est juste IMPOSSIBLE qu’il ne te reconnaisse pas !

- Oui, tu as raison… tu crois qu’il va réagir comment ? C’est possible qu’il s’enfuie, tu crois ? Enfin, je veux dire… le choc, je sais pas…

- Ouais, enfin, moi je t’avoue que ce qui me fait le plus peur, c’est toi !

- Comment ça ? m’étonnai-je.

- Mais enfin, tu t’es vue, un peu ! T’es à la limite de l’évanouissement !

- Mais pas du tout ! Je suis juste… un peu inquiète ! C’est tout !

- Oui, oui, UN PEU inquiète, j’allais t’en parler…

Je commençai à pincer les lèvres, agacée, mais je ne pus contenir un sourire : qu’il était bon de reparler avec Blue ! Nous n’avions passé que quelques heures ensemble, mais je me sentais de nouveau comme chez moi. Le trajet n’avait pas pris longtemps, car ses pokémon étaient très rapides, et j’avais été soulagée de ne pas en avoir autant souffert que la première fois avec Oléa, même si ça n’avait pas été une partie de plaisir. Nous avions atterri non loin de l’Arbre de Combat, et nous y rendions à présent à pied.

- Bon, dans combien de temps arriverons-nous ? demandai-je.

- On y est presque, ne t’inquiète pas, encore quelques… ah ! Le voila !

En effet, alors que nous contournions une paroi rocheuse, nous pûmes enfin apercevoir l’Arbre de Combat. Il s’agissait d’un arbre, oui, mais absolument gigantesque, d’une hauteur vertigineuse, dont le tronc devait faire la largeur d’un immeuble de Céladopole ou Safrania, et le triple en hauteur. Le terrain plat nous permettait de voir l’entrée de là où nous étions, et je sentis mon cœur manquer un battement quand j’aperçus une silhouette nonchalemment assise non loin de l’entrée, sur le talus qui bordait le chemin que nous empruntions.

- Hé, le minable ! s’écria Blue de toutes ses forces.

Le jeune homme tourna la tête vers nous, et à mesure que nous nous rapprochions, je distinguai de mieux en mieux son visage, et lui le mien. A une certaine distance, quand nos regards se croisèrent réellement, je sentis comme une décharge électrique me traverser. Ce dut être partagé, car au moment où je m’immobilisai, complètement paralysée, il bondit de son talus.

Nous restâmes quelques instants à nous observer mutuellement, et les quatorzes années que nous avions passées l’un sans l’autre semblèrent s’écouler à l’envers : tout d’abord, je le vis tel qu’il était aujourd’hui, presque trentenaire, quelques ombres sur le visage comme des prémices de rides, et je songeai que moi-même, je devais avoir terriblement changé, vu que j’avais presque son âge actuel quand je l’avais vu pour la dernière fois, et que j’avais à présent la cinquantaine.

Cependant, peu à peu, je vis certaines choses : son visage s’était allongé et sa mâchoire était plus anguleuse, comme la mienne ; ses cheveux avaient un peu éclairci, mais je reconnaissais la texture un peu rêche et épaisse de mon mari ; et ses yeux étaient toujours les mêmes, de cette nuance de marron qui se rapprochait étrangement du gris. Je vis également certains détails, comme le fait qu’il portât toujours une casquette malgré son âge et qu’il choisît toujours des vêtements avec du rouge.

Mais surtout, dans son regard, je vis le fils qui avait perdu son père et quitté sa mère si tôt ; je vis la surprise, rapidement suivie d’une angoisse qui fit écho à celle qui m’habitait depuis si longtemps ; je vis l’adulte, qui tentait de résonner et de s’adapter à toute vitesse à une situation complètement inattendue, et j’en fus bouleversée, car le voir ainsi me rappelait que je n’avais pu le voir grandir ; et surtout, je vis l’enfant, l’enfant qui était resté prisonnier pendant tout ce temps, écrasé par une responsabilité qui n’aurait pas dû être la sienne, réprimé par la volonté de protéger quelqu’un d’autre, oppressé parce qu’il avait perdu son papa mais ne devait pas montrer ses émotions de peur de faire du mal. Et si mon instinct maternel, qui me hurlait de rester forte pour mon garçon, ne m’avait pas entièrement dominée, je me serais effondrée, terrassée par la culpabilité de n’avoir su protéger mon fils, et pire encore, d’avoir suscité chez lui le désir de me protéger au lieu de se protéger, lui.

- Maman ? murmura-t-il en faisant un pas vers moi, indécis.

- Red…

Et quand mon fils m’enlaça doucement, et que je refermai mes bras sur son dos, et que je sentis les sanglots agiter son corps entier, ce fut comme si toute la tension que j’avais ressentie s’était évaporée, car il n’y avait rien au monde qui égalât le sentiment que j’éprouvais en ce moment, le sentiment que j’avais en tenant mon fils dans mes bras et en essuyant en même temps que ses larmes sa douleur et sa tristesse : le sentiment qu’enfin, après tout ce temps, nos cœurs gonflés de peine pouvaient se déverser d’un même flot, et enfin, se soutenir dans la perte d’un être cher, même après tant d’années de silence…