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L’œil du phare de M@xime1086



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Informations

» Auteur : M@xime1086 - Voir le profil
» Créé le 25/10/2017 à 17:26
» Dernière mise à jour le 29/10/2017 à 10:29

» Mots-clés :   Alola   Amitié   Johto   Présence de personnages du jeu vidéo

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Un mécanisme suspendu
En quelques heures les craintes de Jasmine se dissipèrent. Pharamp fut tirée d'affaire. Le phare retrouva de sa superbe avec l'installation d'une nouvelle lampe jugée plus puissante. On ne voulait pas laisser le monument d'Oliville sans luminaire, sans son coeur. Si les marins perdaient leurs repères, il en valait pour leur sécurité. Il y avait eu une période durant laquelle le phare n'avait pas veillé sur l'océan. La nuit s'était faite plus noire, implacable, dévorant dans sa gourmandise les quartiers proches de la côte qui profitaient normalement de sa protection et de sa quiétude. On ne voulait pas que cela se reproduise ; à la mairie, un stock conséquent d'ampoules se trouvait entassé pour pallier aux malheurs.

L'oeuf ne donna aucun signe inquiétant. Son développement semblait encourageant. Il avait déjà bien grossit en l'espace de vingt-quatre heures. Pharamp le veillait dans une pièce qu'elle partageait avec d'autres malades et blessés. Jasmine, après ses journées à l'arène, rendait visite à son amie. On avait offert au Pokémon électrique des présents. Le souhait de son vif rétablissement pouvait se comprendre -fleurs, poffins, baies et même une peinture où on l'avait représenté au sommet du phare, irradiant la mer avec sa queue brandie telle une arme portégeant la ville. Sa lumière d'autrefois symbolisait le bouclier contre les légendes qui voulaient qu'Oliville soit le théâtre d'une terrible vague la rayant de la carte.

Même si aujourd'hui Pharamp n'était que l'égérie du phare, une sorte de mascotte du port, des touristes faisaient le déplacement pour l'observer. Elle n'avait jamais quitté le phare plus de quelques jours. Aujourd'hui, en son absence, le monument perdait de son éclat. Considéré comme un talisman, on pensait que Pharamp rendrait son dernier souffle dans les entrailles du phare. N'avait-elle pas été près de la mort lors de la maladie qui l'avait rendue célèbre ? Le phare serait son tombeau ; on songeait déjà à sa sépulture au pied ou tout en haut de l'édifice.

Jasmine constatait chaque jour l'affection que les habitants portaient à son amie. Elle quittait le Centre Pokémon avec du baume au coeur, quand le reste de la journée une frustration la faisait soupirer.
Il lui avait semblé que sa vie prenait un nouveau tournant. L'arrivée de l'oeuf avait apporté son lot de petits bouleversements.
Auparavant, elle n'avait pas réussi à donner un nom à l'état de routine qui mariait ses obligations de championne à ses habitudes. Ce nom, qu'elle trouva au lendemain du sauvetage de sa vie par la lumière, c'était la lassitude. En même temps que le rayon avait dénudé les mers, la lune, il avait démasqué sa tristesse, s'était infiltré en elle pour déceler une détresse naissante.

Le diagnostic était sans appel : la jolie Jasmine s'ennuyait. Comme les rouages qu'elle avait installé dans son arène, le quotidien tournait en rond sans aucune intervention extérieure.
Depuis le secours d'un dresseur devenu maître Pokémon à Johto, il ne lui était arrivé que deux "aventures" la poussant en dehors d'Oliville.

Elle s'était rendue à Sinnoh pour rencontrer Tanguy. Le champion de Rivamar lui avait fourni de nombreuses informations sur les installations électriques régissant les phares. C'est seule que Jasmine prit l'initiative de rénover l'édifice de sa ville. Pour cela, elle voyagea jusqu'à la cité moderne que gouvernait Tanguy. Il y avait installé tout un tas de panneaux solaires sur lesquels les piétons pouvaient circuler comme sur des ponts. Tanguy passait pour être un des spécialistes en la matière. Des livres de sa plume traitaient des formes alternatives à l'électricité.

Elle avait visité le phare Panorama d'où l'on pouvait apercevoir le siège de la Ligue Pokémon. Il lui confia, une fois au sommet, qu'il avait un jour fait la rencontre d'une jeune dresseuse à qui il avait confié son désarroi de ne pas connaître de vrais dresseurs de son poids. Il avait fallu que ce soit elle qui remporta le combat pour qu'il ouvre les yeux sur la chance d'appartenir à l'élite des dresseurs.
C'était par ennui que Tanguy avait amélioré le sort de Rivamar. Depuis, il travaillait toujours d'arrache-pied pour la moderniser au mieux.

La motivation que dégageait le champion avait boosté les espérances de Jasmine. Aujourd'hui, elle se trouvait dans la même impasse que l'avait été Tanguy. Elle ne l'avait pas cru lorsqu'il lui avait décrit sa passivité et sa mollesse. Elle n'en était pas encore là mais redoutait d'arriver à un point de non-retour. Plus que jamais, elle aurait aimé se confier à quiconque capable de la comprendre. Qui serait cette personne ? Dans son entourage, tout allait pour le mieux : ses amis ne connaissaient pas le passage à vide d'une vie programmée sans surprises et sans découvertes.

Jasmine avait rencontré Kiméra lors de sa participation au Concours d'Unionpolis. Tout avait commencé par une remarque innocente de la championne Blanche à propos de sa façon de s'habiller. Il était difficile de vexer Jasmine. Blanche avait réussi à la faire sortir de ses gongs ; leur amitié n'en sortit que plus florissante après cette expérience. Blanche, avec son tact que tous les challengers lui connaissaient, s'excusa après une crise de larmes.
Jasmine, de cette objectif qu'elle s'était fixée d'arriver première au concours, prit davantage confiance en elle. L'accomplissement personnel l'avait grisé et ce nouveau type d'épreuves que représentaient les concours l'avait soulevé de sa terre natale pour atteindre les sommets le temps d'une échapée. Puis il avait fallu rentrer.

Au port de Rivamar, elle y avait rencontré une dresseuse blonde à qui elle avait confié une Potionsecret. Une migraine avait touché une masse non moins importante de Psykokwak non loin de Bonville. Jasmine, depuis la maladie de Pharamp, transportait toutes sortes de remèdes pour toutes sortes de maux. Elle les commandait au pharmacien d'Irisia quand l'occasion se présentait. La célèbre dresseuse de Sinnoh la remercia en lui offrant un bracelet exhibant une magnifique orbe aux reflets ambrés.

« Elle diffusera la lumière émanant de ton sourire, avait indiqué l'inconnue avant de la saluer. »

Depuis, elle gardait l'accessoire sans avoir percé son charme mystique. Un jour qu'elle avait éclairé la pierre, elle eut la surprise d'en être aveuglé. Elle lui avait renvoyé la lumière avec plus d'éclat qu'il n'était possible de l'envisager. Cet objet inconnu faisait naître en elle des fantasmes qui ne se tarissaient jamais. Tantôt elle imaginait la pierre venant d'une autre planète, tantôt c'était un reste de vestige des océans.

La lumière qu'elle avait vu l'autre nuit lui rappelait son bracelet. De nouvelles hypothèses sur sa provenance la maintenait dans un doute perpétuel, vacillant ses dernères convictions acquises par des arguments plus ou moins logiques. L'objet qui l'avait ébloui, elle en était certaine, avait un lien avec le sien. Ils étaient connectés. Dans le brouillard provoqué par son malaise, elle revoyait son poignet répondre au signal. Elle s'était sentie faible peu de temps après. Qu'est-ce qui avait provoqué sa fatigue extrème ? L'accouchement ? La peur de ne pas revoir Pharamp en vie ?

Il y avait autre chose. Jasmine, entre ses visites au Centre Pokémon, ses matchs à l'arène, ses repas copieux à quatorze heures au restaurant d'Oliville, se mit en quête d'une vérité floue et incertaine. Seule sa conviction faisait lumière dans ses démarches tatônnantes. Elle examina des documents à propos des pierres absorbant l'énergie et diffusant une puissante lumière. Ses recherches durèrent plusieurs jours ; mais quelles journées ! Elle ne s'était plus sentie vivre comme cela depuis des années ! Un but bien mystérieux la faisait revivre.

On la voyait déjeuner avec plus d'appétit, avalant tous les plats servis par le patron. Elle lisait en mangeant ; mangeait en lisant. Elle livrait ses combats avec des idées plein la tête qu'elle allait vérifier dans les pages souvent vieillies des livres de bibliothèque.

Les challengers la trouvait aussi redoutable que Blanche. Sa hargne à combattre révélait une conviction secrète d'avoir à la clé du combat la réponse à ces questions.
Elle avait épluché tous les ouvrages recensant les pierres découvertes à ce jour en vain. Aucun d'eux ne faisait mention d'une orbe pareille. La jeune femme ne renonçait jamais mais l'absence de nouveaux indices la fit baisser les bras. Jusqu'à ce qu'un jour, au cours d'un repas, un homme élégant la fit reprendre son enquête.

Elle n'emmenait plus de livres, n'en ayant pas déniché de nouveaux. Au comptoir, un homme grand et habillé d'un costume couleur charbon vint la distraire de sa mélancolie retrouvée. Elle n'avait pas touché à son plat ; le patron en avait fait la remarque à l'inconnu qui lui avait posé des questions sur la jeune femme à l'air triste.

« Puis-je m'asseoir à votre table ? demanda-t-il. »

Elle acquiesça sans vraiment lever la tête. Le serveur apporta un ragoût que l'homme assaisonna. Du coin de l'oeil, il examina le visage déconfit de Jasmine. Son coude posé sur la table, un bras soutenant sa machoire, elle dévoilait son poignet et le bracelet d'où naissait sa frustration.

« Permettez ? »

Il tâta le fermoir, évalua le métal ceignant le bijoux, analysa la pierre d'un oeil expert, avant de continuer :

« Vous avez de la chance d'avoir avec vous une gemme que peu de personne peuvent se vanter d'avoir en leur possession.
- Vous connaissez cette pierre ? »

L'intérêt de Jasmine la fit se redresser. Ses doigts glissèrent sur la matière lisse du bracelet, comme si elle le découvrait pour la première fois. L'inconnu lui montra ses mains baguées : rouges rubis, bleues saphirs, vertes émeraudes. Il lui raconta ses voyages à travers la fertile région d'Hoenn dont il était originaire.

« Si je ne me trompe pas, cette pierre n'est plus exploitée. Ce bijou doit être ancien.
- Une dresseuse me l'a donné. Sa grand-mère en faisait le commerce à Celestia.
- Je vois de qui vous parlez. C'est une collègue très prestigieuse que vous avez rencontré ! »

Elle ne voyait pas où il en voulait en venir. Elle rétablit la discussion sur les rails de sa curiosité.

« Savez-vous d'où elle vient ? Quel est son pouvoir ? Comment s'appelle-t-elle ? »

L'entousiasme de la jeune femme redonna le sourire à l'homme attablé avec elle. Il fit un signe rassurant au patron.

« J'ai eu l'occasion de rencontrer toutes sortes de collectionneur et tous m'ont affirmé que cette orbe est un mystère. On l'appelle l'Orbe Lumière. On dit qu'elle renvoit la lumière au centuple de sa puissance. De même, qu'elle s'illumine au contact d'un coeur pur. »

Bien décidée à raconter son histoire de l'autre nuit, Jasmine déballa, avec un flot d'excitation, ce qui lui était arrivée. Elle rendit compte de son évanouissement, de l'impression de vide qui l'avait paralysée devant le spectacle lumineux qui venait de l'autre bout du monde.

« Cette orbe est jugée dangereuse par certains experts. Personne n'ose la porter car on prétend qu'elle absorbe l'énergie de son possesseur pour être capable de renvoyer la lumière dont on l'arrose. Selon moi, c'est ce qui vous ai arrivé. La lumière qui vous a frappé a été trop forte ; l'orbe pour supporter son éclat et pour le renvoyer, a dû vous priver de vos forces. »

La légende pouvait l'effrayer mais Jasmine, au contraire d'éprouver une crainte d'avoir au poignet un tel bijou, se trouvait soulagée d'avoir obtenu des réponses. L'inconnu tâcha de la rassurer :

« Il y a un autre pendant à cette rumeur. L'Orbe Lumière peut avaler l'énergie de son possesseur mais aussi lui en redonner. Si la lumière irradiée par un objet n'est pas trop difficile à absorber, la pierre la transforme en énergie et la diffuse dans le corps de celui qui la porte. »

Jasmine comprenait maintenant la fascination de tous ceux qui s'intéressaient aux pierres. Elle-même étant championne de type acier avait suivit des cours de minéralogie dont elle gardait un souvenir de profond ennui ; mais l'aspect mystique des roches rendit le discours enseignant abordable. Jasmine avait eu l'occasion de se familiariser avec les caractéristiques de différentes matières minérales mais celle qu'elle portait dépassait de loin toutes les énigmes soulevées par les autres.

« Savez-vous d'où elle est originaire ?
- Elle n'a pas de localisation précise. On la trouve dans des cavités profondes, dans toutes sortes d'environnements. Je pense que pour savoir d'où provient la votre, il faut poser la question autrement. »

Jasmine écarta son assiette froide, fascinée par l'aisance de cet homme aux cheveux gris. Elle le pensait professeur. Le ton qu'il prenait pour lui expliquer ses hypothèses la faisait renouer avec l'école. L'homme avait fini son plat et saucait son assiette.

« Je vous ai parlé du cas où l'Orbe absorbe votre énergie. Cela se produit quand la lumière est trop intense. Il n'y a pas beaucoup de pierres capable d'émettre un éclat que l'orbe ne saurait renvoyer. A vrai dire, à ce jour, seule l'Orbe Lumière elle-même produit un pareil rayonnement. Il semblerait que ce qui vous a ébloui l'autre nuit soit aussi une pierre égale à la votre.
- Quelqu'un... de l'autre côté de la mer en a une ? »

Jasmine pensait être la seule en possession de ce bijou, tant les informations le concernant se faisaient minces.

« Si vous le voulez bien et si c'est toujours votre objectif, nous pouvons chercher de quel endroit est originaire la lumière ?
- Vous feriez ça ?
- Quand il s'agit de roches, je suis prêt à tout. Votre histoire m'a touché et j'ai envie qu'un jour votre orbe se mette à briller d'elle-même. Pour cela, il vous faut retrouver votre sourire. Autant continuer les recherches et trouver le fin mot de l'énigme. »

L'inconnu se leva de table et demanda une carte au patron. Ils débarassèrent la table et l'étalèrent, ayant une vue d'ensemble des régions environnantes à celle de Johto. Jasmine exclua Kanto au vu de la position du phare. La seule région connue à ce jour qui soit située au sud d'Oliville selon toutes vraissemblances était Alola.

La ville portuaire intégrait un vaste réseau commercial avec le reste du monde mais sa voisine insulaire remportait ses faveurs. De nombreux cargots livraient les matières premières traitées ici. La toile s'étendait alors à Kanto mais aussi à Sinnoh, non loin d'Irisia.

« Que vais-je faire ? se demanda pour elle-même Jasmine. Alola est à deux jours de bateau.
- Puis-je vous demandez pourquoi vous tenez tant à découvrir d'où vient la lumière qui vous a frappé ? »

Les recherches qu'elle avait mené n'avaient pas permis de répondre à cette question. Raisonnablement, elle n'avait pas d'arguments justifiant son entreprise. Peut-être avait-elle éprouvé une excitation en déblayant toutes sortes de théories à propos des pierres qu'elle avait eu l'occasion de côtoyer ? D'une certaine façon un grain de sable s'était glissé dans la mécanique de sa routine, avait déréglé son quotidien bien rangé.
L'intuition que cette aventure n'était pas encore terminée la démangea. Qu'est-ce que cela lui aurait servi de laisser le mystère dans l'ombre quand elle l'aurait presque résolu ?

Elle ne répondit pas à l'homme. Pendant qu'elle réfléchissait à mettre des mots sur ses convictions, elle caressait l'orbe. La pierre avait déjà dérangé les engrenages de sa vie ; Jasmine n'attendait que l'arrêt total du cycle. Pour cela, il lui fallait pousser le destin et poursuivre son enquête. Seulement, il y avait un obstacle qui se dressait et s'était toujours retrouvé entre elle et ses prises de liberté temporaires.

« Pourriez-vous me remplacer à l'arène ? Je ne tiens pas à la fermer pendant mon absence, qui risque de durer plusieurs jours au moins. »

Elle se doutait qu'il refuserait. Ne connaissant rien de lui, c'était risqué de lui imposer de telles responsabilités. Etait-il bon dresseur ? Il fallait mieux avoir un amateur aux manettes plutôt que personne.

« Cela me ferait plaisir de vous aider à ma manière. Si je peux vous permettre de vous échapper, j'en suis ravi.
- Ne vous inquiétez pas pour les Pokémon. Je vous laisserai les miens. Ils sont très bien dressés. Je vous ferais une visite de l'arène. »

Il éclata d'un rire franc.

« Je ne vous ai pas dit mais mon niveau surpasse sans doute les challengers que vous avez l'habitude d'affronter. Je contrôlerais ma force pour une fois.
- Qui êtes-vous ? »

Jasmine réalisa qu'elle ne lui avait demandé aucun compte jusqu'à maintenant. Il lui tendit sa main tandis que son sourire creusait ses joues pâles.

« Je suis Pierre Rochard. Vous n'avez pas besoin de connaître mon rang mais je peux vous assurer que votre bagde est entre de bonnes mains. Seuls les meilleurs dresseurs repartiront avec. »

Qu'un homme puissant lui vienne en aide légitima sa mission. Si l'ancien maître d'Hoenn la soutenait, il ne lui restait pas longtemps à hésiter. La chance, le hasard ou dieu Arceus avait bien décidé de bouleverser sa vie en lui faisant rencontrer de grands personnages. D'abord Cynthia qui lui avait offert son bracelet puis maintenant Pierre. L'enchaînement des événements ressemblaient à un scénario de roman.

« Vous n'aurez pas de problème avec mes Pokémon aciers, j'imagine ? sourit Jasmine en tendant ses Pokéball.
- Vous n'allez pas emmener de Pokémon avec vous ? »

Des trois Pokéball qu'elle extirpa de ses poches, elle en donna deux. Pierre désaprouva sa décision ; il insista mais Jasmine savait ce qu'elle faisait. Elle ne partait pas à la guerre. Un de ses Magneti suffirait à sa sécurité.

« Il faut bien que mon arène se défende. Ne sous-estimez pas mes Pokémon, ils ont le niveau que je leur demande. »

Le dressseur leva les mains, désarmé. Ils quittèrent le restaurant en début d'après-midi. Le reste de la journée, Jasmina la passa entre visite de son gymnase et les préparatifs pour son voyage. Comme cela lui paraissait étrange de faire son sac, de vérifier si elle n'oubliait rien derrière elle ! La championne avait de nombreux contacts grâce à son activité et son intérêt pour la ville. Elle contacta un de ses ami pêcheur qui, heureusement, n'était pas parti en mer. Il accepta de la faire débarquer à la première des îles de l'archipel, ne sachant pas sur laquelle commencer ses recherches. Elle avait rendez-vous en début de soirée. Jasmine négocia comme une marchande de poisson pour une traversée de nuit. Cela lui permettrait de commencer le plus tôt le lendemain sur les terres alolaises.

La championne n'oublia pas d'aller saluer Phary. Cette dernière avait regagné le phare d'où elle surveillait les mécanismes complexes. Elle embrassa l'oeuf, constatant qu'il avait encore grossi. Au moment de se quitter, le Pokémon électrique la rappela.

« Tu vas me manquer, toi aussi. »

Comme elle ne comprenait pas, Pharamp lui tendit le précieux bien qui avait failli coûter sa vie. Jasmine se figea.

« Qu'est-ce que ça veut dire ? »

La jeune femme, en venant au phare, savait qu'elle ne rentrerait pas directement chez elle. Son sac pendait à son épaule ; son amie l'ouvrit et y glissa l'oeuf qui dépassait grossièrement.

« Pourquoi ? Je ne peux pas accepter que tu puisses te séparer de ton bébé ! Pierre a insisté sur le caractère dangereux de mon aventure, je ne l'ai pas cru mais ce n'est pas pour autant qu'emmener un objet aussi précieux est sans risques ! »

La gemme de Phary se propagea dans la pièce devenue sombre. Le front soucieux de Jasmine se crispa tandis qu'elle examinait son sac.

« Je ne peux pas...
- Vous feriez mieux d'accepter. »

Pierre les avait rejoint. Il tenait à saluer la championne tout en visitant le lieu où tout avait commencé.

« Elle vous fait confiance. Il ne lui arrivera rien si vous veillez sur lui. Je suis aussi de son avis. Un petit voyage permettra à l'oeuf de mieux se développer.
- Je ne sais pas comment m'occuper d'un oeuf ! C'est trop fragile pour moi ! »

Pierre saisit son poignet avec rudesse. Il ne souriait plus. Elle n'eut pas l'occasion de reculer.

« Votre orbe est aussi précieuse que cet oeuf. Vous l'avez conservé, vous en avez pris soin toutes ces années. Pourquoi en serait-il autant alors que vous savez qu'une vie dort à l'intérieur ? Cette pierre, avant qu'il ne vous arrive cette aventure, ne comptait pas pour vous comme compte ce bébé que vous avez vu naître. Vous êtes sa seconde mère, en quelque sorte. Sans en prendre conscience vous avez pris soin de ce cadeau mais depuis que vous en avez appris plus à son sujet, vous redoublez d'attentions. Il est précieux, vous lui avez donné toute sa valeur. Je me trompe où vous ne pourriez pas vous en séparer même après avoir en avoir autant appris sur son compte ?
- Il est une partie de moi, une pièce d'un puzzle que j'essaye d'assembler... Y arriverais-je ? »

Pierre et Pharamp la jaugèrent. En même temps qu'elle contemplait l'orbe, elle ne put s'empêcher d'imaginer le petit être qui sommeillait dans l'oeuf. Elle pensait délivrer ses responsabilités sur Pierre et partir légère. Voilà qu'on lui en donnait de nouvelles, bien plus conséquentes. Pourrait-elle un jour s'esquiver ?
Pour autant, elle ne pouvait pas en vouloir à Phary. C'était un gage de sa confiance, une preuve qui l'accompagnerait où elle poserait le pied.

Soudain, Jasmine sentit une brûlure dans son dos. Quelque chose la chauffa. Une flamme se propageait, dévorait sa robe, remontait sur sa nuque. Elle se retourna, manifestement la seule à ressentir une pareille chaleur.
Un rayon parvenait jusqu'au phare, un mince filet de lumière pénétra les baies vitrées. Immédiatement, Jasmine ouvrit le balcon pour gagner l'extérieur.

« C'est la lumière ! Elle est revenue ! »

Pierre et Phary la rejoignirent. Le dresseur examina le poignet de son amie. Il répondit au signal par des sortes de battements mais bientôt tout s'arrêta. L'horizon s'éteignit comme on éteint une lampe. Jasmine haletait, heureuse et inquiète du sort de l'inconnu à l'autre bout de la mer. Ses cheveux se détachèrent par mégarde mais elle n'y prêta pas attention. Seule l'espérance de revoir la lumière la maintenait dans une fébrilité indescriptive.
Contrairement à la première fois, elle ne s'était pas senti faible. Pierre en trouva la raison : l'orbe n'avait pas eu besoin d'absorber la lumière, celle-ci étant trop peu éclatante.

La championne quitta son point d'attache pour descendre les nombreuses marches sans s’essouffler. Son pas léger ne trahissait aucune fatigue. Quand elle fut suffisamment loin du bâtiment, elle agita sa main comme un au revoir à ses amis, à son phare, à sa vie dont la mécanique s'était stoppé le temps d'une parenthèse.