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La vendeuse de poissons de Ambrisiteur



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Informations

» Auteur : Ambrisiteur - Voir le profil
» Créé le 22/10/2017 à 15:31
» Dernière mise à jour le 22/10/2017 à 18:45

» Mots-clés :   Alola   Romance

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Chapitre 5 : Naufrage en Mer
Nyx

Baignée par la lueur obscure de la nuit, je m’encoure furtivement sur le sol boueux. Mes pas résonnent sur cette terre visqueuse, c'est rigolo, c'est comme si je marchais sur l'eau. Le bruit n'a pas l'air de me gêner car personne ne me suit, j'y veille bien. La preuve, je me vois balancer la tête de gauche à droite pour vérifier que pas une âme ne rode dans les environs. Je semble satisfaite. Rassurée, je me remets à avancer.

Je mets à marcher pour ne pas me perdre devant la brume sinistre qui s'élève devant moi. Quelle purée de pois ! Je me faufile à l'aveuglette, incapable de distinguer les formes. Je m'en fiche un peu de la direction à prendre, je sais où je dois aller. Une force mystique m'attire par delà les ombres et c'est vers elle que je me dirige.

Il me suffit de quelques instants d'éternité pour ressentir le flux de volonté émaner autour de moi. Je m'arrête, pensant être arrivée. Sa présence est oppressante, je n'ose pas faire un pas de plus. L'être millénaire se met alors à m'épier comme s'il était un peu intrigué qu'une de ses créatures aille à sa rencontre. Un mélange d'appréhension et d'envie se mélangent alors dans mon esprit. Il a tous les pouvoirs, même celui de me supprimer s'il en a envie. Mais, je suis une tête dure. Si je suis venue jusqu'ici, ce n'est pas pour rebrousser le chemin.

Mes lèvres se tordent. Je murmure d'abord avant d'énoncer à haute voix la question qui me taraude l'esprit :

- Comment dit-on «Je suis manchot» en langue des signes ?

L'être suprême émet un rire cristallin. Je me sens bête.

- C'est une trrrrrès bonne question, répond t-il d'une voix désincarnée. Pour répondre à cela, il faut remonter à des temps immémoriaux, à une époque où humain et Pokémon vivaient séparés...

J'écoute à moitié l'âme devant moi, j'ai étonnement du mal à suivre ce qu'elle me raconte. Mon discernement fait place petit à petit à une sorte de torpeur, comme si mon cerveau s'engourdissait au fur et à mesure de ses paroles. Ma tête tourne, les vertiges me prennent. Bientôt, une nébuleuse difforme vient envahir ma vision. J'ai l'impression de flotter. Mon état de subconscient s'éloignant peu à peu, je me remets à ressentir toute la lourdeur de mon corps.

Mes paupières s'entrouvrent péniblement. Il fait clair. Je referme les yeux, la lumière m'aveugle. Par réflexe, je me tourne dans mon lit afin de profiter quelques instants de plus de cet univers onirique dans lequel je m'étais plongée. En vain. Je ressens les petits mains de mon Darumarond venir me tapoter le dos.

- Mmmmmh, laisse moi dormir...

J'ai la tête dans le cul. J'aimerais tellement être un Parecool et pouvoir dormir des journées entières sans devoir être obligée de me réveiller ¡ Merdia ! Il a l'air d'être déjà tard en plus, les rayons du soleil me brûle les joues.

Je balance ma main à l'aveuglette sur la table de nuit pour saisir mon Vokit. Quelle heure est-il ? 13h30. Je cligne des yeux. 13h30. Je recligne des yeux. 13h31. Ok. Mon appareil s'envole à travers la pièce.

¡ Puta madre ! Je n'aurais pas dû regarder les deux derniers épisodes de Gamme de Trône jusqu'à trois heures du mat'. Mais bon, j'en avais marre de m'autocensurer le net pour ne pas être spoilée et c'est pas de ma faute si j'ai besoin de dix heures de sommeil pour ne pas être toute raplapla. Aïe, j'avais promis à mon père de l'accompagner sur le bateau aujourd'hui. Double aïe, pour ne pas qu'il m'engueule, j'avais invité le gringo avec son Motisma venir pêcher avec moi. Et je lui avais donné rendez-vous... Pile poil à cette heure-ci. Il doit déjà m'attendre. J'suis la pire empotée de la galaxie.

J'enfile à toute vitesse les premiers vêtements qui me tombe sous la main. Pas de culotte, pas de soutien-gorge, juste un top vert pomme et un pantacourt rose bonbon. Ce n'est pas du luxe tout ça. Je me regarde dans le miroir. C'est affreusement moche. Qu'ai-je fait à Arceus pour mériter ça ?

Je me dirige sans perdre de temps vers l'étage inférieur de la maisonnette en faisant un quasi vol plané dans les escaliers. C'est fou que quand je veux courir, j'y arrive bien. Je me saisis de la première brosse en vue, deux-trois petits va-et-vient pour démêler mes cheveux crépus et c'est bon. Pas le temps de déjeuner, je prends des légumes que j'enroule d'une crêpe pour manger sur le trajet. Vêtement ? C'est fait. Douche ? Pas le temps. Nourriture ? C'est ok. Perfecto, je crois que tout y est.

Je sors de la maisonnette toujours un peu à la goure. Qu'une dizaine minutes de retard, c'est rattrapable. Hop, d'un geste sec, j'enjambe ma mobylette.

- Hola Nyx, s'écrit le docteur Hugo.  La forme ? J'avais pensé à un petit truc sympa qu'on pourrait faire pour la fête de...

Je secoue la tête.

- Désolée Señor, on en discutera une autre fois.

Sous les yeux incrédules du médecin, je m'élance à vitesse excessive vers Ekaeka. Il est maintenant 13h39.

Je zigzague entre les voitures pour gagner du temps. Heureusement, y a moins de circulation durant la fin de semana, je peux tamponner l'accélérateur comme je veux. Je grille tous les feux rouges que je vois. Je ne suis pas gênée, personne ne respecte le code de la route ici. C'est un truc de blanc ça de toujours mettre des règles pour tout. J'ai par exemple jamais compris le principe du passage piéton. Tu dois t'arrêter quand les gens traversent sur les lignes blanches mais s'ils le font en plein milieu de la route, tu t'en fous, tu peux continuer à leur rouler dessus ? C'est un Chacripan perché géant leur truc, ça a aucun sens.

Après avoir manqué de m'encastrer à deux reprises dans un palmier, j'arrive enfin au lieu de rendez-vous sans trop de problèmes. Il est 13h50. Mouarf, à peine vingt minutes de retard. Dégoulinante de sueur, je secoue mes cheveux comme un Ponchien ayant plongé dans l'eau. Pour le côté glamour, on repassera.

Je jette un coup d’œil vers la rue, Shéro est déjà là. Il pousse un long soupir de soulagement en me voyant arriver. Il sourit. Je lui fais signe de la main.

- Hey ! Ça gaze ?

Il hoche la tête.

- Oui ! J'ai cru un instant que tu étais déjà partie mais ça va, tu es finalement là.

- Ouais je me suis peut être levée un peu trop tard, dis-je d'un air gêné. Tu n'attends pas depuis trop longtemps au moins ?

- A peine une demi-heure mais on va dire que j'en ai profité pour bronzer.

Je ris de bon cœur.

- Jajaja, désolée, j'ai pourtant fait mon possible pour me grouiller, regarde mon t-shirt, il est tout trempé par ta faute. Bref, allez viens, monte sur la moto. On ne va pas faire patienter mon père plus longtemps.

Il se raidit.

- Ah... On n'y va pas en marchant ? Je me disais que comme il fait beau, une petite promenade aurait pu être agréable...

Une promenade ? Il est bizarre.

- Une autre fois, pourquoi pas mais là mon padre nous attend. Il va nous engueuler ou même partir sans nous si on arrive pas à temps. Dépêche-toi, monte !

Blafard, il enjambe véhicule un peu en retrait derrière moi avant de s'agripper maladroitement à mes hanches. Shéro a l'air stressé comme s'il redoutait quelque chose. Il est très chelou comme mec, je n'arrive pas vraiment à le comprendre.

- Allez, lui dis-je en vrombissant le moteur, accroche-toi bien, c'est parti mon kiki !


***
Shéro

Arrivé au port, je ne peux m'empêcher de pousser un long soupir de soulagement. J'ai cru pendant le trajet que mon cœur allait lâcher. Un danger public, cette fille au volant est un danger public. Si Arceus existe, nul doute qu'il protège les mauvais conducteurs d'une quelconque manière que ce soit et Nyx en fait partie. Rien qu'aujourd'hui, on aurait dû percuter au moins deux véhicules sans interventions miraculeuses du Créateur. Le souffle coupé, je me lève du véhicule.

Devant moi se tient un vieux bateau à la coque rouge. Je m'attendais à un truc nettement plus petit, genre une chaloupe en bois pourri qui flotte à moitié sur l'eau. Ça me rassure dans un sens, je ne me voyais pas affronter la mer avec une embarcation en bois.

- Mon père a mis tout l'argent de l'héritage de ses parents pour acheter ce truc, me dit la jeune femme d'une voix douce. C'est notre petit bijou, on en prend soin.

Nous montons tous les deux sur le navire à l'aide d'une passerelle. Je remarque qu'il y a déjà quelqu'un à bord. C'est un quinquagénaire aux cheveux foncés et au teint halé. Le visage sévère et fatigué, il arbore une très mauvaise mine. Surtout en nous voyant arrivé. Je devine qu'il s'agit probablement du père de Nyx.

Elle commence à parler à son paternel en dialecte de Mele-Mele. Celui-ci, apparemment furieux, lui répond d'un ton sec et en criant. Je ne comprends rien du tout à ce qu'ils se disent entre eux mais ça n'a pas l'air d'être très amical. Après un échange pour le moins violent, la vendeuse me fait signe de la suivre.

- Qu'est ce que vous vous êtes dit ? J'avais l'impression que vous vous disputiez.

Elle hausse les épaules.
 
- Nada. C'est toujours comme ça avec lui.

Sur ces mots, elle entre dans ce qui semble être la seule cabine du bateau. L'atmosphère à l'intérieur y est asphyxiante, la salle est remplie de fumée. Il y a des machines un peu partout ainsi que beaucoup de petits déclics mécaniques qui s’enchaînent à tour de rôle. Une odeur de pétrole flotte dans l'air ambiant, de brûlé aussi. La chaleur y est difficilement soutenable. Une large fenêtre donnant vers le ciel céruléen donne de la lumière à la pièce carreler de métal rouillé. Enfin, un gouvernail trône au centre, devant les machines. Ce dernier détail me met la puce à l'oreille quant à l'endroit où nous nous trouvons.

- Voici la cabine de commandement, dit Nyx en allumant les ventilateurs. C'est moi qui pilote aujourd'hui !

Je fais semblant d'être impressionné. C'est apparemment ce qu'elle attend comme comportement de ma part.

- Wow, la classe. Quand j'étais petit, je voulais devenir capitaine d'un bateau. C'est dingue que ça existe vraiment des gens qui ont ça comme métier.
 
- Bof, si tu veux piloter, je te laisse généreusement la place. Je déteste ça, je suis super nulle. Autant conduire une moto, c'est facile mais ça, c'est un enfer. Je n'arrête pas de faire des conneries avec.

Connaissez-vous la définition du mot «effroi» ? Cela signifie  l'épouvante parfaite. C'est le paroxysme de la peur, le pinacle de l’anxiété. C'est sentiment que l'on ressent quand aucun de nos muscles ne se daigne à bouger, paralysés par la terreur. La mort succède bien souvent à l'effroi. C'est ce qui le rend si terrible.

Beaucoup de gens pensent directement à un univers magique et fantaisiste quand ils entendent ce mot. C'est bien normal, qu'est ce qui dans la vie quotidienne pourrait causer la frayeur la plus abjecte qu'il soit pour transformer l'être humain en un être tétanisé ? Et bien je vais vous expliquer ce qui peut vous provoquer cela.

Quand vous êtes avec une personne que vous ne connaissez pas bien, vous ressentez l'appréhension.
Quand vous êtes avec une personne qui a failli vous tuer car elle est par exemple une mauvaise conductrice vous ressentez la peur.
Quand cette même personne qui, inconsciente de son incompétence, loue ses actions suicidaires au point d'y injecter le terme « facile » pour qualifier ses capacités, vous ressentez la terreur.
Et quand, toujours la même personne, vous apprend qu'elle va piloter un engin qu'elle ne peut visiblement pas diriger au point qu'elle reconnaît elle-même sa nullité la plus parfaite dans le domaine tout en sachant que vous allez être séparé de la terre de centaines de mètres de flotte et que vous n'aurez aucun moyen d'y échapper en cas d'accident, là, à ce moment précis, vous ressentez ce qu'on appelle l'effroi.

Je caricature peut être un peu mais j'ai quand même franchement la pétoche. Je n'ai jamais conduit un bateau de ma vie mais entre que ce soit elle ou moi qui le fasse, je préfère parier sur mon talent inné plutôt que sur le sien.

- Je vais essayer de m'en charger, dis-je à peu près confiant. Comment on pilote ce truc ?
 
Elle hausse une nouvelle fois les épaules.

- Bah je sais pas trop... Je sais que le gouvernail, ça sert à se diriger. Mais les machines, aucune idée comment ça fonctionne. Je n'ai jamais rien pigé à ces trucs-là.

Orienter le navire dans la bonne direction ne me semble pas trop compliqué. Il reste à résoudre le problème des machines. J'ai ma petite idée là-dessus. Ni une ni deux, je prends mon unique PokéBall pour faire apparaître mon ami.

- Moti ! Pénètre dans la machinerie, largue les amarres, à vapeur toute et fais en sorte que tout fonctionne bien. Je me charge de le diriger.

Le Pokémon Spectre s'exécute devant le regard incrédule de la vendeuse. C'est maintenant à mon tour de jouer.

- C'est par où ?

- Quelque part par là, dit-elle en pointant le milieu de l'océan.

Les mains moites, je tourne lentement le gouvernail. Il est difficile à faire tourner mais j'arrive plus ou moins à bien m'orienter. Quelques manœuvres de roue plus tard, je m'élance enfin dans la bonne direction à prendre. Le navire part tout seul. C'est un véritable jeu d'enfant quand on a quelqu'un pour s'occuper des machines. Je dois juste faire attention à bien tourner les manches quand il le faut et le tour est joué.

- T'as l'air doué gringo, me-dit elle d'une voix chantante. J'ai bien fait de t’emmener avec moi.

Je me sens fier.

- Tu fais quoi dans la vie ? Reprend-t-elle de façon plus terre à terre. Je te ne l'ai jamais demandé mais... Je te vois chaque fois en pleine journée au marché, c'est un peu chelou comme horaire de travail.

- Je ne travaille pas encore. Je suis toujours aux études, en dernier année de lycée très exactement. Je suis expatrié ici depuis un an, j'étudie à la maison. J'ai une prof qui vient parfois le matin mais je suis chez moi le reste de la journée. Donc voilà, j'ai le temps d'aller faire les courses quand il y a besoin.

Elle sourit.

- C'est bien d'étudier. Tu sais, j'ai quitté l'école à quatorze ans, mon père aurait voulu que je la termine mais ça n'a pas été possible. Mes parents avaient absolument besoin d'une personne en plus pour les aider dans leur travail... Et y avait que moi. Bah, ça m'aura au moins permis d'apprendre un peu l'Unyssien. Si je n'y avais pas été, je ne pourrais pas parler avec toi.

Ses lèvres s'étendent de nouveau en un rictus. Pour la première fois, je me sens un peu déstabilisé. Je ne sais pas trop expliquer ce que je viens de ressentir. C'est comme si une chaleur venu des tréfonds de mon corps s'était mise tout à coup à échauffer mes veines. Mon ventre s'est noué, je me mets à stresser pour une raison inconnue. Je ne connais pas encore bien Nyx mais quelque chose en elle me perturbe. Je me mets à la fixer sans rien dire.

Nos yeux s'entrecroisent. Je détourne le regard. Elle laisse échapper un soupir mélangé d'un rire de gêne. Je me sens obligé de reprendre la parole.

- Un bon truc pour apprendre l'Unyssien est de regarder des séries sous-titrées. C'est ce que je fais moi pour réviser en plus des listes de vocabulaire. Et puis, pour la prononciation aussi. Écouter les derniers tubes aident beaucoup pour la prononciation, si tu comprends les paroles bien sûr.

Elle me dévisage.

- Tu regardes Gamme de Trône ?!

- Ouais ! Toi aussi ? Je suis à la toute dernière saison. Mais je n'ai pas trop compris, pourquoi au dernier épisode l'archiduc tue son beau-frère ?

Elle parait choquée.

- Tu n'as pas compris ? Mais c'est hyper fastoche à comprendre pourtant. Ce n'est pas vraiment son beau-frère car sa sœur a couché avec l'oncle de la cousine par alliance du neveu du chambellan du clan d'en face. Sauf que comme son mari en même temps a été le fils adoptif du comte du territoire d'en face et qu'ils devaient se marier avec la princesse qui était la demi-sœur du fils cadet du père de...

Je me remets à l'observer sous tous les angles tandis qu'elle continue ses explications. Qu'est ce que je regarde exactement ? Je ne sais pas trop. D'abord ses cheveux crépus qui cascadent joliment jusque dans le bas de ses épaules. Puis ses formes avenantes bombant certaines parties de son corps qui ne l'enlaidissent pas. Je jette enfin un coup d’œil à son visage pendant qu'elle parle. Elle a une belle peau basanée qui lui donne un air exotique accompagnée de ses grands yeux amandins. Et puis, en dehors de son physique, j'aime bien sa personne. Elle est drôle, marrante et elle parle bien. J'ai beau dire ce que je veux, malgré une petite appréhension, j'aime bien être à ses cotés.

-... Et alors, pour pouvoir prendre sa place, il l'a tué. Voilà, t'as compris maintenant ?

Je n'ai rien écouté.

- Ouais, c'est quand même vachement tarabiscoté ce genre de truc. Si tu manques un épisode pendant quelques semaines, tu ne comprends plus rien à la suite.

- C'est ce qui fait la marque des plus grands scénarios... Hé regarde, mon padre te fait signe.

Je tourne la tête vers la vitre. Son père lève le pouce, la mine reconnaissante.

- Pourquoi il me fait ça ?
 
- Je suppose qu'il trouve que tu conduis bien. Fais lui signe, ça lui fera plaisir.

Je m'exécute.

- Ton père a l'air d'être un fameux bonhomme. Il a dû en voir des belles et des pas mûres au cours de sa vie.

- C'est vrai, il est très courageux. Ça fait quarante ans qu'il parcourt la mer sans relâche et pourtant, il ne s'en lasse jamais. Il rentre parfois bredouille, parfois enrhumé mais il finit toujours par reprendre le large. Sa vie de pêcheur a beau être dure, il ne s'en plaint jamais. Au fond, son seul regret est de ne jamais avoir eu de garçon. Je ne peux pas lui en vouloir, il a toujours fait en sorte que je ne manque de rien. On se dispute beaucoup mais je crois qu'avec le temps, il a fini par m'apprécier. Ça ne sert à rien de se faire la gueule, je n'ai pas de zizi et puis c'est tout.

Sa remarque me fait rire. Je ne me sens pas triste pour elle. Pas car je suis un salopard hein mais juste car on n'a pas du tout vécu la même chose. Je ne peux pas comprendre ce qu'elle peut ressentir et vice-versa. D'aussi loin que je me souvienne me mettre à la place des autres à toujours été quelque chose que j'ai détesté faire. Je me sens hypocrite en m'appropriant leurs vies. Cela dit, je suis touché par ce qu'elle me raconte bien sûr. C'est une humaine comme moi. Même sans comprendre, je peux m'imaginer à quel point une situation pareille peut être désagréable à vivre.

Cela dit, je suis un peu hébété. Je ne sais pas trop quoi lui dire. Pourquoi il faut toujours que quand je commence une discussion avec quelqu'un mon interlocuteur commence à s'étendre sur sa vie mélo-dramatique ?  C'est très frustrant. Qu'est ce que je dois répondre exactement ?

- Je suis sûre que tu t'entendrais bien avec papa, reprend-t-elle pour mon plus grand bonheur. Tu pourrais lui parler de tes études ou même des Pokémon. Mon père est un grand amateur de Pokémonologie tu sais. N'est-ce pas choupinet ?

Sur ces mots, elle prend son Pokémon dans ses bras.

- C'est bien un Darumarond ? Dis-je en désignant sa créature. Il parait que ce sont de très bons partenaires de combat.

- Je préfère dorloter mon choupinet du matin au soir. Les matchs, ce n'est pas trop mon truc, c'est plus un truc de mec généralement. Il faut dire que quand vous pouvez jouer à qui à la plus grosse, les hommes sont souvent au rendez-vous.

Le Pokémon et sa Dresseuse se sourirent ensemble... Et moi, je me sens rougir. Cette fille m'envoûte. Hier soir, avant d'aller dormir, je craignais que cette journée tourne mal et que mon corps coule dans des eaux tumultueuses. J'avais raison d'avoir peur car le naufrage est bel et bien arrivé. Elle vient de me faire chavirer.