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L’œil du phare de M@xime1086



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Informations

» Auteur : M@xime1086 - Voir le profil
» Créé le 20/10/2017 à 19:55
» Dernière mise à jour le 29/10/2017 à 10:30

» Mots-clés :   Alola   Amitié   Johto   Présence de personnages du jeu vidéo

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Une bouteille à la mer
Au milieu de la nuit, dans le port d'Oliville, avait lieu un événement isolé, calfeutré dans le silence du plus grand "monument" de la ville. Le phare qui faisait la fierté de Johto livrait ses bras à la naissance d'un Pokémon particulier aux coeurs de tous ceux qui connaissaient l'histoire de Phary. Il n'échappait à personne que le Pokémon, sorte de mascotte électrique de la région, avait été malade il y a de cela plusieurs années. Son amie avait cru sa maladie incurable et avait confié ses maigres espoirs à un dresseur de passage. Il s'était rendu à la pharmacie d'Irisia et était revenu avec l'antidote miraculeux qui tira Pharamp de ses douleurs. Il défia Jasmine et la vainquit.

Ce même Pharamp s'apprêtait à livrer au monde une descendance. Un Oeuf protégeant le petit être verrait la lumière lunaire pour premier astre. Aux côtés de la mère en plein travail, Jasmine, seule personne autorisée à franchir l'étage du bâtiment, humectait son front.
La ravissante jeune femme alternait les positions : tantôt courant d'un lavabo à l'autre pour humidifier les serviettes ; tantôt observant l'avancée de la ponte. On lui avait noté un numéro d'urgence dans le cas où l'épreuve ne se déroulerait pas comme convenu.

Au dessus de leurs têtes tournait l'ampoule du phare, imperturbable dans sa transmission du message salvateur. Un léger bruit trahissait sa présence mais les deux amies ne faisaient plus attention à ce qui pouvait leur arriver, suant déjà assez.
Toutes les fenêtres avaient été fermées pour ne laisser entrer aucun courant susceptible de fragiliser Pharamp. Il faisait chaud ; des étincelles crépitaient aux extrémités des cornes du Pokémon. On avait prévenu Jasmine que des coups de jus pouvaient la blesser ; elle n'évaluait pas le risque, n'y prêtait aucune incidence. Qui souffrait le plus ? Qu'est-ce que c'était qu'une décharge -n'en avait-elle pas subi pendant ses entraînements avec ses Magneti ?- en comparaison avec une ponte ?

Ce n'était pas comme si l'attaque était volontaire. Il arrivait à n'importe quel être vivant capable de se défendre de donner un coup, de frapper, de blesser durant toutes sortes de manifestation de douleurs. Si elle s'était retrouvée à la place de Phary et qu'elle devait serrer la main de quelqu'un, qui ne constaterait pas que cette étreinte serait aussi douloureuse pour celui qui tend sa main que pour celui qui la serre ? On ne lui en tiendrait pas rigueur car dans le "feu de l'action", elle ne se serait pas rendu compte de sa force. C'était le même cas pour Pharamp même s'il ne s'agissait pas de mains serrées mais de décharges électriques. Jasmine était solide, elle en verrait bien d'autres.

Une tension nouée au niveau de la gorge de Pharamp la fit haleter. Des soubresauts la remua dans le lit. Jasmine n'osa plus bouger. Suspendue aux tremblements frénétiques qui parcouraient le Pokémon, la jeune femme perdit l'assurance qu'elle s'était forgée dans le cas où elle devrait assumer seule la naissance. Bien qu'elle eut peur que ces mouvements confus, parfois violents, ne la fasse pâlir, sa tête ne se détourna pas. Dans ses yeux, la peur s'effaçait par degrés. Que pouvait bien chercher Pharamp, sinon du réconfort, de la force dans cette paire de joyaux auburns ? Les marques de crispation se détendirent au dessus des fins cils de la jeune championne pour ne laisser paraître qu'une plage lisse de peau blanche.

Ce calme encouragea la femelle électrique à se détendre. Il fallut anticiper la dernière poussée, la décisive. La tension accumulée s'évacua dans un orage d'étincelles. Des particules crépitantes traversèrent toute la pièce, manquant de toucher Jasmine. Elle ne vacilla pas, gardant le cap tel un capitaine en pleine mer. La tempête se calmerait ; dompter la nature lui semblait être dans ses cordes.

L'installation au dessus d'elle reçut une violente décharge. Le courant alimentant le phare vola en éclat. Un flash les aveugla avant qu'un épais noir ne tombe comme un rideau froid sur la pièce. La pression de l'électricité ambiante brisa l'ampoule, répandant des éclats de verre en une pluie tranchante. Pharamp observa cela avec plus d'inquiétude qu'elle n'en avait pour sa ponte. Jasmine, par un geste de la main, invita deux de ses Magneti à nettoyer l'espace des débris même si pour cela il lui avait fallu en recevoir dans le bras. Les morceaux, heureusement, n'étaient que de fines lamelles qui lacérèrent la peau en surface.

Comme l'obscurité s'était faite, Jasmine ne voyait plus rien. Un cri succéda à l'obscurité. Elle chercha, tatônna, pour repérer l'endroit d'où arriverait l'oeuf. Une rondeur la fit presque sursauter. Sa main se heurta à la chaleur d'un objet ovale qui s'avançait à chacune des poussées. Elles demandaient un effort difficile à exiger après des heures de travail et de sueur.
Jasmine, tandis que sa main restait collée à l'oeuf, quêtait des éclats de verres qui auraient échappé à ses balayeurs. Son bras meurtri la fit grimacer, l'obscurité dissimula sa souffrance lancinante. Elle balaya d'un geste rapide les quelques traces de l'ampoule crevée puis concentra son attention sur l'oeuf.

Dehors, la lune apportait son pâle rayon. La gemme frontale de Pharamp s'illumina en même temps que l'extrémité de sa queue. L'opacité du rouge ne fut pas une transition facile pour les yeux de Jasmine qui se fermèrent pendant quelques instants. Dans son dos, une brûlure remontait jusqu'à sa nuque. La lune s'insinua comme le courant d'une rivière, traversant les terres jusqu'à sa source.
Quand elle ouvrit les paupières, l'oeuf était sortit non pas sans infliger d'ultimes faiblesses à la mère. Jasmine comprit que quelque chose ne se déroulait pas normalement lorsque s'étaient éteintes par battements les deux gemmes, comme un coeur cesse de battre.

Il n'y avait plus que la lune pour la guider. Elle attrapa le fruit de tant d'efforts non sans pousser un cri. Une marre de sang noyait les taches zébrées de l'oeuf. Son sang-froid la quitta en même temps que la lune décida d'accorder son rayon à l'ailleurs. Elle sentit un froid l'envelopper, prendre ses bras, les maintenant dans une léthargie. La nouvelle lune que formait son visage pâle s'aligna à la véritable pépite céleste. Les Magneti n'avaient pas reculé de leur poste, leurs pupilles exorbitées dans le spectacle sanglant qu'offrait la dépouille sans vie de Pharamp.

Jasmine tira de son sac une serviette. Le numéro du médecin ne se lisait pas, même sous le rayon lunaire. L'astre refusait de lui accorder sa lumière. Sans d'autres possibilités de lisibilité, Jasmine se crut perdue. L'absence de courant ne permettait pas de passer d'appels.
Son regard jusque là calme se teinta de rancune envers la lune qui s'habillait du seul nuage à l'horizon.

Soudain, un flash plus aveuglant que le premier, fit reculer Jasmine. Ses mains ne lui permirent pas de se protéger de l'averse lumineuse qui remplissait la pièce, le phare, la mer. Elle saisit l'occasion d'un faiblissement du rayon pour décrypter l'adresse du médecin. Les Magneti n'avaient eu qu'à fermer leur unique paupière. Elle ordonna à l'un d'eux d'aller chercher l'homme qui habitait à ce numéro. Le Pokémon acier mémorisa l'adressa et disparut par une fenêtre laissée ouverte.

La lumière retourna à sa source. Au loin, il y eut un comme un lever de soleil étalant sa suprématie éclatante sur le reste de la mer. L'horizon se colora d'une blancheur et d'une dorure non plus blessante mais apaisante pour les yeux.
Jasmine sortit sur une des plateformes du phare. Quelque chose au loin s'éteignait. La mer devint aussi claire qu'un parchemin d'une grande finesse. Elle put y voir nager la flore marine comme en plein jour. Sauf qu'en plein jour, la surface cachait ses résidents. Qu'est-ce que cette lumière capable de faire éclater les frontières, de réveler l'indicible, ce qui n'est pas visible à l'oeil nu ? La lune se trouva un rival si bien qu'elle éclipsa son habit nuageux pour marquer son retour.

Jasmine n'avait d'yeux que pour l'intervention qu'elle jugeait divine de l'objet brillant. Le ciel aussi sombre que les abysses devint une carte où se rejoignaient des étoiles liées par la surprise d'être découvertes dans leur sommeil. Le mur qu'avait dressé le soleil éphémère s'écroula en un point qui ne devint bientôt qu'une faible lueur mourrante.
Elle ne sut décrire le sentiment qui lui vint au coeur ; après la ponte, après le sang, il y avait ce message de détresse jeté à la mer, qu'elle recevait dans un moment où c'était à elle d'appeler à l'aide. Les rôles s'inversèrent : Jasmine n'était plus la noyée à qui l'on jette une bouée, elle devint la bouée pour celui qui s'était manifesté.

Là, suspendu au dessus de la mer, petite silhouette gracile cheveux aux vents, que pouvait-elle apporter à l'autre, tout là-bas ? La lumière cessa d'exister, privant Jasmine de sa respiration. Des larmes se répandirent sur sa robe légère. Quelque chose dans sa poitrine se dérégla, bloquant son cœur pendant de longues secondes. Elle vacilla. On la privait du seul secours qu'elle n'avait pas attendu au delà des mers. Elle sombra dans l'inconscience avant d'être réveillée par le retour de Magneti et du médecin.