Pikachu
Pokébip Pokédex Espace Membre
Inscription

L’œil du phare de M@xime1086



Retour à la liste des chapitres

Informations

» Auteur : M@xime1086 - Voir le profil
» Créé le 20/10/2017 à 19:52
» Dernière mise à jour le 20/10/2017 à 19:55

» Mots-clés :   Alola   Amitié   Johto   Présence de personnages du jeu vidéo

Si vous trouvez un contenu choquant cliquez ici :


Largeur      
Panne d'inspiration
L'immense porte de Konikoni déroulait ses belles lettres dorées sous le crépuscule. Les tuiles en métal précieux s'allumaient tandis que dans les rues pavées, derrière, se réveillaient les lanternes et les vitrines. Les quatre drapeaux, là-bas, remuaient faiblement. Les passants finissaient leurs courses de l'après-midi ; au loin un léger brouillard s'insinuait sous les nappes de l'astre solaire.
Les étals n'avaient pas eu le temps de sombrer dans la demi-obscurité. On avait paré au problème de luminosité. Les touristes pourraient continuer leurs achats jusque dans la soirée en même temps qu'avaient lieu les animations organisées par la municipalité.

A la boutique d'encens, les ventes ne désemplissaient pas. Les deux sœurs qui se chargeaient de conseiller les clients connaissaient un vif succès dans la petite ville isolée. Leur stand installé tout près de la porte imposante permettait à quiconque qui entrait ou sortait de ne pas rater leurs nouveaux produits. La stratégie marketing fonctionnait même encore aujourd'hui. On se bousculait pour masser ses Pokémon au bon doigté des deux sœurs Lomi Lomi. Des Pokémon venus de tous horizons se mêlaient dans l'attente d'être chouchoutés.

Oléa ne s'arrêta pas pour humer la bonne odeur qui s'échappait d'un chaudron en terre cuite ; elle était déjà assez en retard.
Pas le temps non plus pour la boutique de Capsules Techniques. Elle daigna jeter un regard à travers la vitrine colorée de la Salle à Mèche. Peut-être devrait-elle se couper les cheveux plus courts ? Cela faisait un moment qu'elle n'était pas allé chez le coiffeur...

Juste à côté, le magasin Alola Mode remplaçait sa garde de robe par une nouvelle collection annonçant l'été. Les paréos habillaient les mannequins. La capitaine d'épreuve jugea leurs couleurs soit criardes soit pâlotes. Il n'y avait pas de véritable équilibre ; ce ne serait pas là qu'elle irait acheter ses tenues.

Son regard tomba sur ses propres habits. Propres, ils étaient loin de l'être. Au moins, elle avait teint le tissu elle-même sans le vouloir mais le résultat était là : un patch de couleurs tantôt vives tantôt douces qui n'avaient rien à envier à celle de la chaîne de magasins bien connue d'Alola.
Apparemment les couronnes de fleurs redevenaient à la mode. Elle faillit s'arrêter tant on pouvait les assimiler au Pokémon Guérilande. Etait-ce un hommage ? Elle irait demander ça à l'occasion.

A présent, elle traînait des pieds. Elle s'était dépêchée et s'était essouflée. Sa légendaire non-endurance l'avait terrassé ; elle devait reprendre son souffle. Sa démarche lui permit d'observer le coucher du soleil qu'on devinait à l'horizon. Les vieilles baskets qu'elle avait aux pieds frottaient les dalles ; le crissement que provoquait sa manière de marcher faisait qu'on lui demandait de ne pas traîner des pieds quand elle était accompagnée. Là elle était seule, elle s'autorisait ce petit extra.

« Hé vous ! »

Le vieil homme de la boutique de remèdes l'apostropha. Elle crut que c'était pour lui vendre un antidote.

« Arrêtez de traîner des pieds, ça fait fuir les clients.
- Vous n'en avez même pas. Il faut vous détendre, monsieur. »

Elle s'était attendu à ce qu'on lui dise de marcher en levant à chaque pas les semelles de ses chaussures. Que cela vienne d'un homme placé derrière son comptoir ne la surprenait plus. Si les Pokémon avaient pu parler, ils lui auraient dit de mieux se tenir.
Sa réponse coulait comme du miel, avec une lenteur et une adhésion approximative. Sans doute l'homme fut vexé car il disparut derrière un rideau de perles, grommelant sur la nonchalance de la jeunesse. Sauf que ce trait n'était décelable que chez Oléa à l'excès ; elle avait accumulé l'indolence de toute la jeunesse d'Alola à elle toute seule.

N'ayant pas succomber à la préparation d'encens de toute à l'heure, ses papilles l'amenèrent devant la porte du restaurant familial de son amie Barbara. Celle-ci n'était pas là, évidemment. La fine cuisinière l'attendait comme tous les autres capitaines d'épreuves. Elle n'eut pas la force de se remettre à marcher plus vite. Une fenêtre ouverte trahissait la préparation d'un plat qui sentait admirablement bon. Oléa se remit sur le chemin en espérant que ce que leur cuisinerait la digne héritère du restaurant serait aussi alléchant.
Les paroles de son père lui revinrent en mémoire :

[i]« Cesse de manger n'importe quoi Oléa ! Les légumes sont bons pour la santé, tu en as besoin pour ton développement physique et intellectuel ! »/i]

Après le sermon qu'il lui avait fait lorsqu'il l'avait découvert en train de se goinfrer de Malasadas alors qu'ils devaient passer à table une heure après, elle avait résolu de peindre les légumes que son père vénérait. Il avait accroché la série de tableaux aux murs, fier que sa fille retrouve de l'estime pour ces aliments détestés par la majorité des personnes. Même si cela n'avait pas empêché Oléa de reprendre ses mauvaises habitudes alimentaires ; peindre des légumes lui avait dispensé d'en manger. Son père ne lui en tenait plus rigueur, certain que sa fille s'y mettrait un jour ou l'autre puisqu'elle avait peint de si belles oeuvres. On ne pouvait pas détester encore les légumes après les avoir représenté aussi joliment !

La boutique que tenait Alyxia étincelait derrière les vitres. Les pierres, les roches, les orbres avaient revêtus leurs habits de la nuit qui les assombrissaient sans rien enlever de leur charme brute.

Pour la première fois depuis son entrée dans la ville, elle eut envie d'entrer pour s'acheter une des pierres qui faisaient la renommée de la jolie doyenne. Tarinorme, derrière la façade, la salua en inclinant son gros nez sur un desk en bois massif. Au vu de l'heure et de l'avancée lente mais certaine de la pénombre, elle continua sa marche. Elle serait la dernière, comme c'était la coutume depuis qu'avait lieu les réunions annuelles des capitaines d'épreuves. On pouvait expliquer cela par le retard d'Oléa mais également par la présence sédentaires de Barbara, Néphie et Alyxia qui avaient leur toit ici-même. Elles n'avaient qu'à traverser la rue pour atteindre le phare.

D'ailleurs, la maison de la jeune pêcheuse aux cheveux bleus arrivait après la joaillerie. Les persiennes étaient closes. A l'ouest, un ponton de bois menait habituellement à un navire stationné pour les touristes et qui, régulièrement, était en partance pour Kanto. On disait de ce beau bateau tout en bois qu'il était l'ancêtre du célébrissime St.Anne. Le capitaine ne démentit pas la rumeur sans pour autant l'approuver. Cela faisait ses affaires.
Le vide qui succédait à la cité quand Oléa posa ses yeux sur la place vacante où aurait dû se tenir le navire lui fit songer à la propre absence qu'elle ressentait dans ses oeuvres. L'inspiration avait prit le large, elle aussi. Mais sans promesse de retour.

Elle se retourna, cherchant du réconfort dans les lumières bien installées au coeur de la ville. Le toit rouge du Centre Pokémon dominait cette effervescence de la nuit. Cela aurait fait une belle peinture ; seulement, Oléa n'avait pas emmené ses pinceaux ni ses crayons. C'était la première fois qu'elle sortait de chez elle sans prendre dans son sac un carnet. Ce qu'elle avait sur le dos paraissait aussi léger que son coeur était vide d'âme.
Sans humeur elle passa sous la seconde porte de la ville qui indiquait qu'on en sortait sans vraiment la quitter. En effet, le phare qui se trouvait derrière cette frontière appartenait à Konikoni.

Un trio de Pikachu se donnait en spectacle sous les applaudissements d'un public composé majoritairement d'enfants. Sans prêter attention aux têtes tournées dans sa direction, elle traversa la scène installée qui la séparait du phare. Les petits la huèrent d'avoir interrompu la prestation des Pokémon rongeurs. Pour leur répondre, elle traîna des pieds exprès. Cela les exaspéra d'autant plus. Elle sauta par dessus le portail peint en blanc avec une agilité étonnante qu'on n'aurait pas soupçonné chez une fille aussi apathique.

Elle gagna le phare et y pénétra. Tous ses amis s'étaient installés au dernier niveau, pour admirer la vue qui s'étendait aussi bien au delà de la mer qu'au dessus des bois qui encadraient la ville. La montée des escaliers fut lente et pénible pour Oléa. Elle monta dix marches, souffla et s'assit, recommença ainsi de suite jusqu'à atteindre la salle d'où des éclats de voix trahissaient la présence des autres capitaines.
Ces derniers, réunis autour d'un pot au feu, l'avaient entendu grimper.

« On a reconnu ton traînement de pieds, fit remarquer Kiawe en se levant. »

Chacun des six autres capitaines la salua. Quand ce fut au tour d'Alyxia, cette dernière parut être la seule étonnée.

« Autant nous sommes tous habitués à ton retard qui est ta marque de fabrique ; mais dis-moi : qu'est-ce qui est arrivé à tes cheveux ? »

Oléan saisissa une mèche sans comprendre où voulait en venir son amie.

« Tes cheveux ne sont pas repeints de bleu, de vert ou de rose. Aurais-tu un souci artistique ? Ton chandail n'a pas été victime de tes coups de pinceaux depuis longtemps, à en juger par les tâches incrustées et sèches. »

La peintre ouvrit de grands yeux, ébranlée par cette analyse parfaite de sa situation. Comment pouvait-on lire en elle la transparence émotive ? Sa gorge se noua ; elle crut éclater en sanglots devant toutes ces paires d'yeux braquées sur elle.

Barbara l'invita à goûter son plat, changeant ainsi de sujet car le malaise qu'on sentait chez Oléa était plus que palpable. Les larmes qu'elle n'avait pas versée après le verdict d'Alyxia coulèrent pendant sa dégustation.

Tous gardèrent le silence. Personne n'avait faim ; la capitaine spécialiste des Pokémon fées était la seule à manger et pas avec grand appétit. Elle tâchait de faire honneur à la cuisine de son amie mais ses pleurs ne se tarissèrent pas. Pour relever un peu la bonne humeur de ses compagnons, Néphie raconta une anecdote qui lui était arrivée il n'y a pas si longtemps.

« Un jour que j'allais à la pêche, j'ai fait une prise étonnante. »

Comme personne ne posait de questions, elle continua :

« J'ai repêché un slip ! »

Il y eut une toux qui marqua la gêne et le malaise. La jeune fille s'était attendue à des éclats de rire ou du moins à des sourires compatissants mais les têtes s'étaient figées dans une immobilité pudique. Tous regardaient le sol comme s'il y était inscrit un message qui visait à les rassurer. Oléa plongea la cuillère en bois dans le pot-au-feu et la regarda remuer sous l'effet des bulles remontant à la surface.

« Je comprends qu'on puisse jeter à l'eau un slip ; c'est un manque de goût que d'en porter un. On devrait condamner tous ceux qui en ont chez eux. »

Chrys releva la tête. Il eut l'impression qu'on s'adressait directement à lui. Une rougeur subite couvrit ses joues ; pour masquer son changement subit de couleur, il attrapa la cuillère dans le plat et se versa une portion dans une assiette.

« Et qu'est-ce que tu proposes comme sous-vêtements ? Parce que c'est bien beau de critiquer les slips mais quand on a dix ans, on ne porte pas encore de caleçons. »

Un débat entre Kiawe et Althéo rendit l'âme aux murs froids de la salle. On se mit à table au milieu des rires que suscitait la colère douce-amère de Kiawe vis à vis de son homologue. Celui-ci faillit, pour appuyer son propos, enlever son magnifique pantalon immaculé mais les filles le retinrent. Elles avaient eu chaud mais les rires ne cessèrent pas. On dévora le pot-au-feu avant d'entamer le coeur de la discussion. Plusieurs sujets seraient abordés.

« Commençons la réunion si vous voulez bien ! s'exclama Margie, battant des mains pour rassembler l'attention dispersée. J'aimerais savoir si je suis la seule ici à vouloir changer mon épreuve du Tour des Îles.
- La mienne me convient, répondit Althéo.
- Si les challengers pouvaient me pêcher un beau nageur cela ne me déplairait pas... »

Comme Néphie avait prononcé tout haut sa réflexion qu'elle croyait avoir gardée pour elle, on la regarda mi-amusé, mi-outré.

« Chrys ?
- Je suis en pleine expérimentation d'un Lucanon mécanique capable de rivaliser avec le Lucanon dominant que je juge trop proche de la retraite pour imposer une vraie difficulté aux dresseurs.
- Et s'il y a des coupures d'électricité comme tu nous as habitué ces derniers temps ? l'interrompit Kiawe.
- Justement, ce robot paliera les pannes par sa concentration en volts. »

Le plus jeune des capitaines, petit génie en informatique, venait de les perdre. Ils acquiesçaient mais ne comprenaient pas un traître mot du charabia qu'il leur servait avec tant d'assurance.

« Kiawe ?
- Je ne sais pas. Trouver une épreuve qui n'exclue pas mes Ossatueur tout en leur faisant pratiquer la danse locale, ça me semble compliqué...
- Barbara ?
- Ma Floramantis reste la terreur de tous ceux qui sont passés à Alola. Il paraît qu'on vante sa coriacité jusqu'à Johto ! C'est dire ! »

Margie avait fait le tour. Oléa avait gardé le silence et s'était levée. Devant elle s'étendait la mer et là-bas, l'inconnu.

« Et toi Margie ?
- J'envisage de déménager mon épreuve dans un vrai manoir bien ténébreux. Il faut que je l'aménage pour qu'il plaise à Mimiqui.
- Oh oui, une maison à décorer !
- Althéo, je connais tes goûts. Tu vas la rendre propre alors que je souhaite l'inverse.
- Pourrais-je apporter ma petite touche ? »

Elle répondit par un hochement de tête qui ne laissait aucun doute sur sa prochaine participation. Alyxia rejoignit la peintre sans prêter attention à la question qui lui incomberait de répondre pour compléter le statut des nouveautés d'Alola cette année.

« Je suis la seule à ne pas proposer d'épreuve. Je suis si prise par la peinture que je ne me soucie pas de la place que convoite tant de diplômés du Tour des Îles. C'est égoïste ; après tout les artistes ne sont-ils pas par essence égoïstes en ignorant les régles morales et bienséantes qui régissent le monde, en s'isolant dans le but d'appartenir à l'Art, la seule chose capable de les consoler, de les rendre heureux ? »

Oléan se remit à pleurer mais l'étreinte de son amie n'y changea rien.

« L'Art ne parvient plus à me satisfaire. J'ai chuté de l'inaccessible pour atterir dans ce que j'ai cherché à fuir : mes obligations. Il ne me reste que deux voies incompatibles : mériter de reprendre ma place d'artiste ou de faire une croix et intégrer les rangs des Hommes. Qu'est-ce que cela fait d'être capitaine, d'appartenir au monde qu'on a toujours renié ? »

Elle s'adressait à ces hommes et femmes qui la fixaient, mal à l'aise. La bouche qui tremblait de lâcher la sentence trembla.

« J'ai perdu mes ailes... Je ne suis plus rien, je n'ai plus rien, je suis dépouillée de ma valeur, celle qui me différenciait. Que vais-je devenir ? Est-ce que j'arriverais à m'intégrer ou devrais-je encore m'exiler ?
- Ton inspiration reviendra.
- Comment trouver ma place ? Je m'apprête à commencer une nouvelle vie sans savoir ce qu'elle me réserve. Si elle m'abandonnait comme Lui ? »

Alyxia tira de sa poche une pierre ovale et lisse. Elle la présenta à son amie qui la questionna du regard.

"Prend-la. C'est une orbe particulière. D'après une légende, elle ne se met à briller qu'entre les mains d'une personne au coeur pur. Quand elle se mettra à étinceler, tu sauras que le temps n'est pas venu pour toi d'abandonner la peinture. Promets-moi que tu persisteras ?"

Alyxia la recueillit dans ses bras, les épaules affaissées pas le poids de la détresse. Dans le poing d'Oléa dormait le caillou aux paupières douces, ne demandant qu'à s'ouvrir dans un avenir promis par sa lumière.