Chapitre 5
Chapitre 5
Mais, alors que je voyais le petit seul et désemparé je ne pus rester immobile. Sans me rendre compte de ce que je faisais, je m'approchai de lui. J'ignore ce qui me poussa à agir ainsi. Sans doute était-ce parce que j'avais une part importante de responsabilité dans ce qu'il lui arrivait. Du haut de mon trône d'argent, je ne prenais jamais la peine de prêter attention aux problèmes des « fourmis ». Bien que je sois le plus au courant des pokémons légendaires sur leurs habitudes, je ne jugeais pas intéressant de regarder ces personnes qui sortaient de l'ordinaire. Mais depuis que j'avais été expulsé de mon petit paradis par un coup de patte dans la queue par Arceus, la réception s'en ressentait. J'avais cru les connaître, mais je ne savais rien d'eux. Et je ne savais rien non plus des malheurs que j'avais pu causer.
Alors que je m'avançais, quelqu'un me devança. Ou plutôt quelqu'une. La jeune fille qui était nouvelle elle aussi. Si je me souvenais bien, elle s'appelait Lisa. Elle marcha tout doucement en direction du petit Timmy et, une fois qu'elle fut à sa hauteur, elle s'accroupit devant lui et lui releva la tête pour le regarder droit dans les yeux. S'ensuivit une conversation de chuchotis que je ne pus comprendre mais où - semblait-il - se racontaient des choses sur un ton doux et rassurant pour l'une, étranglé et terrorisé pour l'autre. Timmy regardait de tous côtés, comme s'il ne se sentait pas en sécurité. Je me décidai enfin à bouger et le pris dans mes bras. Sans avoir même connaissance de ce qui s'était dit à l'instant, je lui chuchotai au creux de l'oreille :
- shuut ! Tout va bien. Tu es en sécurité ici.
- Mais… répliqua le petit garçon, le ton entrecoupé de sanglots, il… Il va revenir et il…
Il ne put terminer sa phrase, tant sa lèvre tremblait, et éclata en une crise de larmes. Ne sachant que trop bien de qui il parlait, je m'empressai d'essayer de le rassurer :
- S'il revient, je te protègerai.
- Tu ne demandes pas qui est le « il » s'étonna l'enfant.
- Nous savons tous très bien de quel horrible personnage tu parles, résonna la voix d'Ambre, plus déterminée que jamais. Et je te promets que, si il ne pose ne serait-ce qu'une patte sur toi, ou même si il se pointe pour prendre d'autres vies, il n'en ressortira pas vivant, ou alors il ressortira avec nos morts sur la conscience.
Son discours avait tout ce qu'un discours pouvait avoir d'héroïsme, mais, malheureusement, cela ne rassura pas le garçon.
- Je serai fort, murmura-t-il, au bord des larmes. Mais de toute façon, on va tous mourir.
Il chouina de nouveau. La fille aux cheveux bleus hurla sur Ambre :
- Ah, bravo ! Il pleure, maintenant.
Puis elle s'empressa de l'enlacer et de lui murmurer d'autres mots doux à l'oreille. Il se calma.
- Madame trop parfaite. Grinça Ambre entre ses dents.
J'étais du même avis qu'elle. Soudain, une voix forte retentit derrière nous.
- Vous êtes durs. Vous avez vu comment elle calme le petit ? Moi, je l'admire.
Nous nous retournâmes comme un seul homme. Devant nous se tenait un petit garçon noir et petit aux habits bleus, avec un peu de ventre mais pas beaucoup, qui portait un bandana de la même couleur sur son front. Il avait l'air, habillé comme ça, d'un petit gamin. Mais, soit il avait notre âge, soit il avait sauté des classes, car je l'avais vu dans le fond de la salle, sans lui prêter beaucoup d'attention, mais j'avais retenu son visage. Il avait les cheveux bruns, les yeux marrons, et il avait les joues rosies par le froid. Sauf qu'il ne faisait pas froid. Peut-être par la honte… Mais il n'avait aucune raison d'avoir honte…
Alors que j'essayais de deviner la raison des joues rosées du garçon, je me sentis tiré en arrière. Ambre avait dû me trouver ennuyeux et m'avait entraîné à sa suite, lâchant, pour seule justification :
- viens, on va manger ! Et dépêche-toi, il ne restera plus rien !
*************
Nous sortîmes du réfectoire, le ventre plein. Aujourd'hui, nous avions eu comme menu
« couscous et boulettes de viande » Le couscous était bon, mais j'ai laissé les boulettes de côté, préférant ne pas prendre de risques. Qui sait quels pauvres pokémons les humains avaient charcutés pour nous les fournir ? Le garçon au bandana et la fille aux cheveux bleus que nous avions croisés n'avaient, par contre, pas décidé de nous lâcher. Et Timmy restait accroché à la fille aux cheveux bleus - Lisa, me rappelai-je - comme à une bouée de sauvetage. Tout ce petit groupe nous suivit pendant un moment, jusqu'à ce qu'Ambre, au bord de la crise de nerfs, ne leur hurle de partir. Mais ils continuèrent de nous suivre quand même. L'ambiance était lourde, et personne ne pipait mot. Puis, Le garçon au bandana, timidement, s'exprima :
- Euh… Bonjour…
Il essayait d'éviter nos regards, cherchant quelque chose pour le poser, quelque chose qui ne soit pas nous.
- Je… Je m'appelle Aryn. Continua-t-il.
Puis, il prit une grande inspiration, et nous regarda en face, les joues rouges comme une pivoine.
- Et vous ?
Comme personne ne répondait et que ce pauvre Aryn recommençait à jeter des coups d'oeils furtifs sur ce banc, sur cet arbre, je me décidai à prendre les devants.
- Je suis r… Je veux dire je m'appelle Paul. Voici Ambre, Lisa, et Timmy.
Je désignai tour à tour les personnes que j'énonçais. Quand j'en arrivai à Lisa, Je vis Aryn rougir. De l'amour ? Non… Quand même pas à ce stade…
J'évoquai le nom de Timmy. Mais quand je m'approchai de lui, il se cacha derrière Lisa. Je me demandai pourquoi, alors je posai la question à Ambre. Celle-ci me répondit, allant droit au but :
- Tu lui fais peur. Il a peur de la teinte de tes cheveux.
- Comment ça ? Lui répondis-je. Il a les cheveux verts, lui aussi !
- Oui, mais il a peur d'une teinte de vert particulière. Et, apparemment, c'est celle de ta chevelure. Et puis, couplée avec du noir, ça le terrifie vraiment beaucoup. Ça lui rappelle Rayquaza. En plus, cette teinture ne te va pas, tu devrais l'enlever.
Je tiquai. Je n'aimais pas que l'on qualifie ma couleur de cheveux de teinture.
- Te te signale que ce n'est pas de la teinture. Lui répondis-je, agacé. Sinon, que devrais-je dire de celle que tu utilises pour tes cheveux ?
J'avais été d'une parfaite hypocrisie, mais Ambre avait l'air de s'en moquer. Passant de son visage placide habituel à son visage placide-mais-avec-une-pointe-d'étonnement, elle me demanda :
- Pourquoi t'énerves-tu pour des cheveux ? Je disais juste que les cheveux bicolores, ça n'existe pas.
Puis, elle continua, cette fois avec un soupçon subtil d'amusement dans le regard (un soupçon que je n'aimais guère, car je savais d'expérience qu'il n'annonçait rien de bon)
- Si tu veux ressembler à un zoroark chromatique, c'est ton choix…
- Je te signale que les zoroarks chromatiques ont le pelage qui leur fait office de « cheveux » violet et rouge sur les pointes. Ne manquai-je pas de lui rétorquer
ce à quoi elle répondit, me mettant dans une rage folle :
- Si tu le vois comme ça, je pense que tu ressemblerais plus à Rayquaza. Ce qui est bien pire, je pense que tout le monde est d'accord là-dessus.
Tous les autres hochèrent la tête. Je serrai les poings et grinçai des dents, à défaut de leur hurler dessus des choses qui pourraient me trahir.
Je vis les pokéballs de mes compagnons (on se demande bien où ils les avaient trouvées, si on prend en compte qu'une école des dresseurs classique dénombre 99 pourcents d'élèves sans pokémons qui en recevront un à l'issue de leur scolarisation) remuer violemment. Je n'étais pas un pokémon de type psy, mais je sentais pourtant leur inquiétude jusqu'ici. Avaient-ils senti quelque chose de spécial en moi ? Cela m'inquiéta plus qu'autre chose et j'oubliai mon énervement. Toutes les pokéballs arrêtèrent bientôt une à une de remuer, sauf celle d'Ambre. Au contraire, celle-ci bougea de plus en plus fort, de plus en plus vite, si bien qu'elle força sa propriétaire à baisser les yeux. Elle la prit dans sa main, et Lisa se pencha pour mieux voir en lui demandant :
- Bah qu'est-ce qu'il a, ton pokémon ? Il fait ça, d'habitude ?
Ambre hocha négativement la tête, au moment où son pokémon -un chamallot- se libéra, les yeux plissés. Il semblait en colère. Il parut chercher quelque chose du regard, et, quand il me vit, me fixa intensément. Alors que je m'apprêtais à demander à Ambre pourquoi il faisait ça, il commença à me charger. Il me percuta violemment et je tombai à la renverse. Alors qu'il s'apprêtait à me lancer une déflagration -mais bon sang, comment avait-il pu apprendre une attaque pareille ?- Ambre le prit dans ses bras et lui murmura des mots doux.
- Là, là, tout va bien. Tu vois, il est à terre, il ne me fera pas de mal.
Le chamallot tenta bien de protester, mais sa voix avait perdu de l'assurance. J'essayai de faire semblant de ne rien remarquer, mais je ne pus m'empêcher d'écouter ce qu'il disait.
- Mais, maîtresse ! Ce gars là, il n'est pas humain. Il est surpuissant ! Si tu avais senti ce qu'il dégageait ! Et pourtant, je ne suis pas un lucario, hein ! Mais il est trop fort pour que ça ne se remarque pas. En plus il était en colère ! On va tous mourir !
Celle-ci, bien entendu, ne comprit rien de ce qu'il avait dit. Mais son front se plissa tout de même d'inquiétude. Elle se leva, puis me dit :
- Tu sais, d'habitude, il ne réagit comme ça que face aux menaces.
- Comment peux-tu le savoir ? Les Pokémon ne parlent pas ! Lui demandai-je, surpris.
- Je le sais parce qu'à chaque fois qu'il a fait ça auparavant, c'était en présence de l'agent Jenny. Me répondit-elle. Mais tu n'es pas dresseur. Tu ne peux pas donc comprendre le lien qui se tisse entre un dresseur et son pokémon.
- Le lien qui se tisse… Commençai-je interloqué.
Moi qui avais toujours pensé que les pokémons obéissaient aux humains par intérêt commun et rien d'autre…
Je voulus continuer, mais Lisa me prit la parole alors que j'ouvrais la bouche.
- La police ? Tu as des problèmes avec la police ?
- Si ça ne vous ennuie pas, je préfère ne pas en parler, grinça Ambre, devenue encore plus froide qu'en temps normal.
Un silence se fit. Silence qui fut brisé par la voix un peu moins hésitante d'Aryn.
- Vous savez, demain c'est visite découverte aux quatre coins de la région, dans les plus grosses entreprises du coin, et les lieux les plus conseillés aux touristes : La société Devon, de mérouville, le centre spatial, de chez nous, le musée océanographique, de poivressel, le lavandia sea, près de myokara, le projet abandonné de new lavandia, en périphérie de la piste cyclable, le musée des arts de Nénucrique, le site météores, entre autéquia et mérouville, et le pilier céleste, un peu nulle-part, accompagnés de Marc, sa nièce et de Pierre Rochard en personne !
J'avais arrêté d'écouter après le centre spatial, car c'était cette infrastructure qui m'intéressait, mais je redressai l'oreille à la mention du site météores et du pilier céleste. Peut-être que ça me changerait un peu les idées. Cela faisait longtemps que je n'avais pas visité le pilier de l'intérieur, et je connaissais le site météores, mais je ne l'avais jamais visité. Cette école devenait intéressante.
Des « oh ! » et des « ah ! » résonnèrent à l'énonciation du nom du maître de la ligue. Des personnes s'étaient attroupées autour de nous. Seuls moi, plongé dans mes pensées, Ambre, qui n'en avait visiblement fichtrement rien à faire, et Lisa, qui ne s'en étonnait pas, on se demandait pourquoi, même si, personnellement, j'avais ma petite idée là-dessus, ne réagîmes pas.
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