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A travers le vent de Titichat13



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» Auteur : Titichat13 - Voir le profil
» Créé le 31/10/2016 à 12:03
» Dernière mise à jour le 31/10/2016 à 12:03

» Mots-clés :   Aventure   Drame   Présence de personnages du jeu vidéo

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Chapitre 1 : Innocence
Un matin de plus. Un matin de plus dans cette petite chambre individuelle qui l'avait vue grandir. Il n'y avait que le nécessaire, ici : un petit lit douillet, un petit bureau en bois, une petite chaise assortie, un petit tableau au mur, une petite commode, pour ses affaires... ... Oui, tout était petit, car cette chambre était normalement réservée à un enfant. Le soleil inondait la pièce. Il était encore tôt mais, sous ses latitudes, cela ne comptait guère. Ah... le soleil ! L'astre brûlant était, pour Aléa, tant son gardien que son ami. Souvent, il brillait jusque dans ses rêves, comme pour lui insuffler du courage et de la force, même après s'être couché. Il était temps de se préparer ! Ouvrant celle de ses deux fenêtres qui donnait sur l'aube, Aléa passa sa tête au dehors pour emplir ses poumons de l'air marin d'Alola, comme elle le faisait chaque matin. Le vent ébouriffa un peu plus ses cheveux noirs et frisés, caressant au passage sa peau café-au-lait, et un large sourire illumina son doux visage en cœur. Ses yeux noisettes pétillèrent comme un feu d'artifice à l'idée de ce que lui réserverait cette journée. Elle ouvrit l'autre fenêtre, pris quelques vêtements dans son étagère et fila comme un Zéblitz à la douche.

Elle courut même si vite qu'elle faillit heurter quelqu'un...

« Aléa ! Regarde donc où tu vas !
- Pardon, directrice ! Je ne vous avais pas vue ! répondit-elle en sautillant sur place, pressée de repartir.
- Oh ! Voyons ! Tu connais bien mon prénom, il me semble ! s'insurgea gentiment l'intéressée.
- Oui, mam'zelle Gaïa !
- Et tes bonnes manières, jeune fille ? D'ailleurs... Ne serais-tu pas en retard ?
- Seulement si j'arrive APRES le professeur ! rétorqua-t-elle en tirant la langue avant de détaler au plus vite.
- Eh bien, eh bien... soupira Gaïa avant de crier, hâte-toi ! »

Elle avait toujours été comme ça, cette petite. Énergique, joyeuse, espiègle et désordonnée au possible ! Gaïa la connaissait bien. Après tout, elle l'élevait dans son orphelinat quasiment depuis sa naissance. C'était une histoire terrible. Après trois jours d'observation, les médecins avaient conclu qu'Aléa et sa mère pouvaient rentrer chez elles. Son père avait spécialement quitté le travail plus tôt pour les raccompagner. C'était probablement un jour très heureux mais sur le chemin du retour, qui longeait une falaise escarpée, un éboulement eut lieu, dû au réveil annuel du volcan de l'île voisine. S'en suivit un terrible carambolage dont Aléa seule sortit indemne. Un véritable miracle que ce tout petit être pleurant au milieu des carcasses de voitures. Ce jour marqua profondément la directrice, car c'est plus tard, dans la soirée, après avoir gardé Aléa sous observation quelques heures, que l'on sonna à sa porte pour lui confier le nouveau-né endormi, qui portait encore le petit bracelet de son prénom. Elle dirigeait le seul orphelinat de l'archipel, cela n'avait donc rien d'étonnant. Mais jamais elle n'avait eu à prendre en charge un si jeune enfant.

Elles s'étaient donc rencontrées ainsi et Gaïa avait donné à sa petite protégée tout l'amour d'une mère. Quand elle fut en âge d'être enfin adoptée, personne ne voulut d'Aléa, cependant. Une rumeur s'était répandue sur l'archipel. Celle de l'enfant qui aurait survécu au drame non pas par miracle, mais par malédiction. Certains la décrivaient possédée par un Pokémon spectre. D'autres disaient qu'elle avait provoqué l'accident pour se nourrir de l'âme des défunts, ou les sacrifier pour un Pokémon malfaisant. Les gens prirent peur. Tous refusèrent de simplement la voir, lui parler. Son prénom était de notoriété publique et Gaïa ne pouvait se résoudre à maquiller son identité pour outrepasser de si vaines superstitions. Le seul point positif était que l'orphelinat n'était jamais vide. Certes, il y avait assez peu de monde, car l'établissement ne pouvait accueillir que dix orphelins et, fort heureusement, il y avait assez peu d'accidents ou d'abandon. Cependant, il y avait toujours au moins deux ou trois âmes en plus d'elles pour égayer un peu le bâtiment en rondins de bois.

Il n'avait, du reste, rien d'austère ! Montée sur pilotis car près du rivage, la bâtisse ressemblait à une très grande cabane à étage. Au rez-de-chaussée, on trouvait la salle d'eau, avec des cabines de douches individuelles, généralement « réservées » par leurs occupants habituels. Il y avait aussi la cuisine et la salle à manger, une seule et même pièce, qui constituait le cœur de vie de l'orphelinat. C'était, par ailleurs, là que donnait l'entrée. Sans oublier la salle d'activités, qui regroupait une modeste bibliothèque, une télévision et un PC, principalement destiné au contact avec les autres îles. A l'étage se trouvaient les onze chambres, dix pour les enfants et une pour la directrice, et, enfin, la « salle au trésor », ainsi nommée car elle renfermait tous les déguisements et toutes les décorations de fêtes.

Les orphelins étaient rarement tristes, dans l'orphelinat Gaïa, car tout était mis en œuvre pour qu'ils s'y sentent comme chez eux. De plus, même s'il était assez isolé, car placé sur une petite île quasiment sauvage, les enfants se réveillaient tous les matins avec quelques surprises incongrues. Que ce soit le chant d'un Plumeline dansant le flamenco sur la table de la salle à manger ou les têtes d'un Noadkoko apparaissant soudain à une fenêtre du premier étage, c'était, chaque jour, un émerveillement renouvelé. L'un des avantages de ne pas vivre en ville était la floraison de rencontres Pokémons. Si vous alliez sur la plage, vous trouviez des Bacabouhs et des Trépassables tentant de reproduire les constructions des enfants, ou de les aider à les produire. Les plus aventureux de ces derniers s'équipaient du matériel de plongée que gardait également la salle au trésor pour observer les Froussardines former des bancs sous l'eau, ou des Concombaffes s'agripper et se fondre aux Corayons. C'était du vieux matériel de plongée, offert par la Sylphe SARL lors d'une action de charité, vingt ans auparavant. Ondine, la championne du type Eau de Kanto, utilisait, lors de spectacles sous-marins avec ses sœurs, les mêmes instruments. Vieux matos mais toujours aussi solide ! Petits et grands s'en donnaient toujours à cœur joie, avec.

Les enfants de l'orphelinat Gaïa en sortaient souvent bien plus épanouis qu'ailleurs, riches d'expériences que la grande ville ne leur aurait sans doute jamais permis de vivre. La plupart des adoptés avaient gardé contact avec la directrice et l'appelaient affectueusement Baba Gaïa. Il faut dire qu'avec ses cheveux bruns virant poivre-sel, la cinquantaine venant, toujours relevés en chignon, ses rondeurs et sa bonhomie naturelle, sa peau hâlée, elle avait l'air d'une montagne de pofiteroles. Le mot étant cependant trop long, les enfants avaient cherché un nom de gâteau court et facile à prononcer, d'où le baba. Qui plus est, cela lui allait à ravir, compte tenu du fait qu'elle faisait des gâteaux avec les orphelins à peu près tous les jours. Cela dit, la plupart des adoptés, bien que honteux de l'abandonner, dans un premier temps, appelaient et voyaient régulièrement Aléa, également. Le week-end, elle allait les rejoindre sur l'île de Ekaéka, pour aller voir un film du Pokéwood ou manger des Glaces Volutes, tout droit importés d'Unys.

D'ailleurs, en parlant d'Aléa, n'était-elle pas en retard ?

En effet, après une rapide douche, elle attrapa une galette à la mode d'Illumis que Gaïa avait préparé ce matin-là et fonça sur la plage, suivant sa courbe pour atteindre le Laboratoire d'Agrégation des Professeurs Pokémon, aussi appelé LAPP. C'était de là que tous les professeurs Pokémon recevaient le droit et les fonds nécessaires à leurs recherches. C'était aussi là qu'ils se réunissaient et échangeaient, à l'occasion, sur leurs découvertes, découvertes ensuite consignées dans une immense banque de données souterraine. Le LAPP servait également d'observatoire pour les Pokémons spécifiques à Alola, tant ceux endémiques que ceux dont les formes différaient des autres régions. Par exemple, les Noadkokos étaient très différents, à Kanto : bien plus petits, plus ronds, avec seulement trois têtes et de type psy plutôt que dragon ! C'était un certain Professeur Chen qui l'avait rapporté. Comme se devait être étrange ! Il y avait encore tant de choses à apprendre...

Et c'était là le travail d'Aléa : assister le professeur Hibis dans l'observation de la faune d'Alola, puis compiler ces données et les comparer à celles des autres régions. Cela impliquait un gros travail à la fois de terrain, de traitement de données et de synthèse. Mais l'observation ne s'arrêtait jamais vraiment car le LAPP était un bâtiment assez particulier. Sur cette île, si petite et si peu habitée qu'elle avait pour nom Honahana, l'Île Perdue, une forêt tropicale couvrait la majeure partie des terres, le reste étant constitué de plages. L'orphelinat était situé au Sud, sur la plage, justement. Le LAPP, lui, se dressait à l'orée de la forêt, sur la côte Est. Chaque matin, Aléa était ébloui par la vision de beauté qu'offrait le Laboratoire. C'était une immense verrière à facettes, en partie sur la plage, en partie dans la forêt. Le soleil levant l'illuminait toujours comme un gigantesque diamant. Son design était inspiré des yeux de Pokémons tels que Ténéfix et Mimitoss, ce qui donnait l'impression que c'était l’œil de l'île elle-même ! Cette partie était d'ailleurs surnommée la verrière Ténéfix.

Quand on y entrait, à première vue, le LAPP se divisait en deux. A droite, la partie recherche, composée de nombreux ordinateurs, d'un amphithéâtre faisant face à une estrade et un écran de projection, et d'un « bloc » cafeteria. Ce bloc, couvert, regroupait une cuisine et une salle à manger, ainsi que des toilettes et un ascenseur pour le sous-sol. Entre le bloc cafeteria et la partie ordinateurs/conférences, il y avait un grand espace vide, qui servait surtout à se dégourdir les jambes, mais menait également à l'escalier des passerelles supérieures, tout à droite. Il n'y avait pas d'étage, dans l'immense verrière, mais des passerelles d'observations en sillonnaient le plafond, permettant aux chercheurs de se mettre à la hauteur de la canopée sans prendre le risque d'effrayer le sujet de leurs études. Certains scientifiques, venus de Hoenn, avaient comparé ces pontons aériens, en acier, à ceux, en bois, d'une ville nommée Cimetronelle. C'était un nom si exotique !

A gauche de l'entrée, les chercheurs avaient réussi à recréer différents environnements, de la forêt tropicale au désert brûlant, en passant par les eaux salée et douce. L'agencement était si bien travaillé qu'on s'y sentait comme dans un jardin. Cet espace, quasiment pas investi par les chercheurs, servaient de transition pour les Pokémons en convalescence. En effet, sous la verrière et l'espace de travail, accessible par ascenseur seulement, un centre Pokémon interne, ou CPI, comme tout le monde l'appelait, permettait aux scientifiques de recueillir les Pokémons délogés ou blessés par l'activité des hommes et de les soigner, avant de les réintroduire dans leur habitat naturel. Sur ce même étage reposait la banque de données, d'énormes rangées d'ordinateurs, gardiens du savoir Pokémon. Toutes les connaissances actuelles y étaient stockées, et elle ne cessait de s'agrandir.

Quand on se rapprochait et que l'éclat du soleil n'était plus aussi aveuglant, on pouvait voir, sous le dôme, des dizaines de scientifiques s'affairer, comme autant d'Apitrinis dorlotant une Apireine. Et, de fait, la façade entièrement en verre du bâtiment permettait aux chercheurs, même en tapant leurs rapports, d'observer alentour les Pokémon, sans les déranger.

C'était d'ailleurs en grande partie la raison pour laquelle Aléa y travaillait depuis ses dix-huit ans. Elle en avait vingt-quatre, désormais, mais elle ne se lassait toujours pas de cette vie. Selon Gaïa, elle avait appris à marcher en se tenant à la pince d'un Crabagarre ! Toute sa vie, elle l'avait autant passée avec les Pokémons que les humains. Elle aurait pu devenir dresseuse, mais, même si elle avait toujours voulu voyager, quitter Alola lui brisait le cœur. De plus, ce n'était pas une compétitrice dans l'âme. Elle préférait utiliser sa grande énergie dans la protection et l'entraide que dans le combat ou le concours. Lorsque le Laboratoire d'Agrégation avait proposé à l'orphelinat une visite guidée, elle s'était montrée tellement intéressée que le Professeur Hibis, déjà en charge, à l'époque, lui avait promis un poste d'assistante, dès qu'elle serait en âge. Elle avait constaté, dans les infrastructures, la présence du CPI, ce qui l'avait d'autant plus convaincue d'accepter la proposition d'Hibis. Par la suite, Aléa avait souvent aidé aux soins en calmant et rassurant les Pokémons avant une intervention. Le LAPP était l'endroit idéal pour elle ! Elle était en permanence avec les Pokémons, sans les blesser et même en les aidant et en les protégeant !

Et la Ceriz sur la Pofiterole, c'était qu'elle était payée pour « travailler » tous les jours dans ce paradis ! L'argent n'était clairement pas sa motivation première, mais quand elle s'était consacrée aux recherches du Professeur Hibis, elle avait promis à Gaïa d'aider à supporter les charges de l'orphelinat. Bien qu'en grande partie financé par l'archipel d'Alola, l'orphelinat d'Honahana nécessitait de fréquentes réparations et restait difficilement à flots. Aléa le voyait bien, par moments, dans les yeux de Baba. Elle savait aussi que, la nuit, pendant des années, Gaïa s'était levée pour cuisiner et échanger ses malasadas et ses Lava Cookies contre des denrées de bases pour les orphelins. Le salaire d'une assistante n'était pas mirobolant non plus, mais il soulageait grandement Baba Gaïa. C'était donc une joie de tous les instants, pour Aléa, d'être utile à la fois aux Pokémons ET à l'orphelinat.

« Tu es en retard, jeune fille ! l'interpella le Professeur Hibis depuis l'une des passerelles d'observation du dôme. Tu t'es encore servi du soleil comme réveil ? Ne t'avais-je pas prévenu que nous devions partir TOT en exploration, ce matin ?
- Pardonnez-moi, Professeur ! J'ai dû... commença-t-elle, confuse.
- … Manquer le réveil, comme toujours ! Oublions cela ! Nous avons repéré une horde de Goupix, sous la tutelle d'un Feunard particulièrement grand, qui descendait la montagne ! Mettons-nous en route ! »

Ce qu'ils firent, le Professeur Hibis ouvrant la marche.

C'était excitant, pour Aléa, car jamais elle n'avait vu de Goupix ou de Feunard, ces Pokémons privilégiant l'éloignement et la montagne. Les spécimens d'Alola étaient d'ailleurs bien différents de ceux recensés ailleurs, car respectivement de type Glace et Glace/Fée. Or, ce sont, à la base, des Pokémons Feu. Décrits, dans les rapports, comme de majestueuses créatures, ils ne descendent jamais dans les plaines, qui, en plus d'être rares, sont bien trop chaudes pour eux. Quelque chose devait les attirer. D'autant que ces espèces étaient connues pour vivre très longtemps ET posséder des pouvoirs magiques spécifiques et mystérieux. Peut-être sentaient-ils un appel singulier ? Un autre Pokémon les convoquait-il ? pensa-t-elle.

« Professeur... ? osa-t-elle, timidement, demander.
- Tu as déjà tiré tes propres conclusions, n'est-ce pas ? répondit-il en se tournant vers elle, un grand sourire éclairant son visage émacié.
- Eh bien... Serait-il possible... ?
- Qu'un événement unique ou particulièrement rare a forcé ces Pokémons à descendre de la montagne sacrée ? Évidemment ! Mais...
S'agit-il d'un changement de leur environnement ou... d'un Pokémon ? »

La question resta en suspens, faisant battre leurs cœurs d'un espoir ardent. Pouvaient-ils faire LA découverte du siècle ? Un Pokémon assez puissant pour exhorter les solitaires Goupix et Feunards à subir la chaleur des plaines ? Un Pokémon dont aucune légende ne parlait, mais d'une puissance inégalée ? Même si le changement concernait l'environnement de cette petite horde, c'était une avancée majeure. Rien de tel ne s'était jamais produit. La perturbation pouvait toucher un champ magnétique particulier, l'alignement prochain de certains astres, le manque de gibier, et tant d'autres choses encore ! Auquel cas, il reviendrait au LAPP la charge de protéger cette famille, en attente d'un nouveau foyer. La zone de Glace n'était jamais activée car la plupart des Pokémons vivant à Alola n'en avait pas besoin. Ils auraient enfin l'occasion de la voir en action ! Les concepteurs du LAPP avaient décrit cette partie comme « une patinoire entourée de neige, naturellement créée à partir de l'humidité de l'air ». Sur quoi Aléa et le Professeur s'étaient extasiés comme des enfants. Le Professeur Hibis avait même appris à danser le tango à Aléa, à cette simple annonce !

C'était un homme grand, très mince, les traits tirés sur son visage émacié, une longue mèche de ses cheveux bruns et bouclés, attachés en queue-de-cheval, lui retombant toujours sur le nez. A priori, il paraissait terriblement austère et froid, comme un Kaorine. Mais quand on le connaissait bien, c'était, au fond, un véritable Nounourson, gentil mais animé d'une énergie passionnée dès qu'il parlait de Pokémons. Âgé, tout comme Gaïa, d'une cinquantaine d'années, il avait décroché son diplôme de chercheur Pokémon très jeune. C'était le troisième plus jeune de l'histoire, à seulement vingt-deux ans, juste derrière un certain Professeur Orme, à Johto, qui l'aurait eu à vingt ans tout pile, et un certain Régis Chen, qui l'avait eu dès sa majorité ! Le Professeur Hibis appréciait aussi la musique et la danse, autant qu'un Plumeline ! Il ne ratait jamais une occasion de danser, surtout avec son assistante préférée, et tout instant de joie méritait quelques pas.

Même s'il revêtait une longue blouse blanche au LAPP, en exploration, il était toujours vêtu d'un vieux short kaki, de chaussures de randonnée et d'un t-shirt tellement délavé que la couleur marron d'origine en devenait imperceptible. Son sac-à-dos contenait toujours un pull et un sac de couchage, au cas où l'observation prendrait plus de temps que prévu. Aléa était donc habituée à faire de même, en plus de prévoir de l'Eau Fraîche (que le Professeur Hibis oubliait TOUJOURS) et quelques Baies, récoltées sur le chemin. Nanana, Mangou, Tamato, Goyav, Papaya... Toutes foisonnaient sur cette île, permettant un bon repas, même improvisé. Elle portait une tunique longue et légère, couleur jaune pâle, et un mini-short en jean foncé. Elle n'avait que peu de tenues lui permettant de se fondre dans le paysage et elles attendaient toutes le lavage hebdomadaire de Baba, à l'orphelinat. Celle-ci était confortable, ce qui lui suffisait.

Ils avaient pris le bac, ce matin-là, pour atteindre l'île d'Ula-Ula, l'une des quatre principales de l'archipel d'Alola, où se dressait la montagne sacrée. A ses pieds, la ville de Frimavent, principalement axée sur la pêche, la méditation et les temples, s'était développée, sans pour autant empiéter sur la nature environnante. La montagne occupait tout le centre de l'île et les Goupix et Feunard descendaient par le versant opposé. Il fallait traverser la forêt et se dépêcher, car ils seraient, sans aucun doute, plus rapides qu'eux à arriver à la plaine. L'avancée était laborieuse, tant la végétation était dense, mais tous les sens d'Aléa étaient en éveil. Elle percevait tous les mouvements des Pokémons. Les Croquines qui se couraient après à l'ombre des fougères, les Bombydous et Rubombelles qui bourdonnaient de plaisir en récoltant du pollen... Il y avait aussi les ombres fuyantes à leur approche ou les bruissements d'ailes lointains, accompagnés de cris de Picassaut... Toute la forêt semblait en fête.

Les rayons du soleil jouaient avec le feuillage. La chaleur montait progressivement et l'atmosphère devint vite étouffante. Un petit groupe de trois Goinfrex s'était endormi sur le ventre d'un énorme Ronflex, sans doute bercé par sa lente respiration. Les bébés Goinfrex restaient longtemps près de leur mère et ils aimaient à bondir sur son ventre comme sur un trampoline, quand ils ne couraient pas partout pour trouver de la nourriture. Aléa en avait déjà été témoin. Il était,donc, fort probable que ces petits fussent ceux du Ronflex assoupi. Cette chaleur serait, sans aucun doute, insupportable pour la petite horde gelée qu'ils allaient épier. Les Goupix pouvaient utiliser leurs queues pour créer une poche d'air glacé autour d'eux et les Feunards savaient générer des cristaux de glace avec leurs fourrures. Cela irait sûrement, mais Aléa ne pouvait s'empêcher de s'inquiéter pour eux.

A l'approche de la clairière, les cœurs du Professeur et de son assistante se mirent à cogner dans leurs poitrines. L'excitation de voir un événement unique, la crainte de le perturber, le sentiment d'êtres privilégiés, tout se mêlait en une symphonie d'émotions qui leur fit presser le pas. A l'orée de la forêt, ils cherchèrent un poste d'observation convenable puis regardèrent alentour... et ce qu'ils virent leur coupa le souffle.

Le majestueux Feunard, descendu de la montagne sacrée, était effectivement là, entouré de cinq adorables Goupix, jouant à se poursuivre et se mordre les oreilles. Mais il n'était pas seul. A leur arrivée, étaient également présents une Sucreine, un Argouste, un Draïeul, un Lucanon, un Lougaroc, un Chelours, une Rubombelle, un Bourrinos, un Floramantis, un Ekaïser, et un Quatermac. Tous ceux qui en avaient été entourés de leurs involutions, s'amusant et se chamaillant joyeusement, dans une heureuse cacophonie. Les autres disposaient d'une suite de spécimens moins imposants, ce qui laissait penser qu'ils étaient dominants. Quasiment tous les Pokémons d'Holunono vivant hors de l'eau s'étaient réunis, en petite horde suivant un meneur. Un Bâillement suivi de lourds bruits de pas annonça la venue, tardive, du Ronflex et de ses petits. Tous en cercle, les Pokémons volants posés sur la montagne, ils semblaient attendre quelque chose.

C'était déjà bien plus que ce que les deux chercheurs ne pouvaient espérer, mais quelque chose attira le regard de tous les Pokémons en même temps, et Aléa et Hibis suivirent le mouvement. Ils aperçurent alors une forme éblouissante. Impossible de distinguer clairement ce qui produisait cet éclat, mais cela semblait avoir quatre pattes. Avec autant d'étonnement que de joie, ils comprirent que leurs présomptions étaient fondées : un Pokémon avait convoqué tous les autres. Visiblement, il réfléchissait à ce point l'éclat du soleil qu'il en brillait tout autant. D'une forme semblable à celle d'un Némélios mâle, il était nettement plus imposant, et ce n'était pas un effet de la lumière aveuglante qu'il émettait. Il avança au centre du cercle de ce qui devait être une assemblée Pokémon et s'arrêta, relevant la tête dans une posture royale. Tous les petits s'étaient calmés et rangés aux côtés de leur dominants. De là, le mystérieux maître des lieux salua chaque meneur d'un signe de tête, tournant dans le sens des aiguilles d'une montre, et tous lui rendirent son salut d'une révérence à leur façon. C'était un spectacle époustouflant. Autant de Pokémons dominants qui courbaient l'échine afin, semblait-il, de prêter allégeance au Pokémon solaire.

Le Professeur Hibis ne pouvait contenir sa joie et se trémoussait sur place. S'il n'avait pas craint de rompre le rituel qui se déroulait sous leurs yeux, il aurait déjà été en train de chanter et danser de bonheur. Aléa elle-même était dans la plus complète extase. En cinq années de recherche, d'observation et de soins donnés aux Pokémons, jamais elle n'avait été touchée à ce point. Elle avait bien ressenti une immense joie quand le petit Nounourson qu'ils avaient recueilli, après qu'il ait tenté de traverser une route, s'était remis à manger, puis à marcher. Quand il avait quitté le CPI, un Dodoala et un Rocabot lui avaient tenu compagnie, dans la zone tropicale, pour le rasséréner. Sa maman pleurait tous les jours autour du centre et leurs retrouvailles furent terriblement émouvantes, bien qu'heureuses, pour l'ensemble du personnel. Mais, là, c'était différent. Comme si elle était traversée par toutes les émotions du monde en même temps, le bonheur dominant le reste. C'était tout simplement la plus merveilleuse des expériences, à ses yeux. Comme de nager dans un océan de lumière. Et un dernier événement acheva de la combler. Le Pokémon rayonnant, lentement, tourna sa tête dans sa direction. Malgré l'éclat lumineux, elle SAVAIT, du fond de ses tripes, qu'il la fixait. Elle ne pouvait voir ses yeux, aveuglée comme elle l'était, mais elle sentait la profondeur de son regard. Il la LISAIT, comme un livre. Il sondait son cœur et, loin d'être effrayée, elle trouvait cette présence en elle chaude et rassurante, comme le soleil qui la veillait. Puis, après un long moment, il lui adressa un signe de tête et, des larmes de joie plein les yeux, elle le lui rendit. Ils restèrent ainsi, face-à-face, quelques instants encore, puis le Pokémon brillant poussa un puissant Râle Mâle avant de tourner les talons, dissolvant ainsi l'assemblée.

Le Professeur Hibis n'avait pu suivre ce dernier échange, tant l'ardeur de la lumière lui brûlait la rétine. L’événement entre Aléa et le Pokémon mystérieux lui avait échappé, mais pas l'émoi de son apprentie. Elle avait les yeux humides et avait ses mains près sa gorge, la bouche entrouverte, comme si elle asphyxiait. A peine lui effleura-t-il l'épaule que ses larmes se déversèrent. Elle sanglotait comme une enfant, secouée de spasmes et de hoquets. Quand elle se fut suffisamment calmée pour parler, il demanda :

« Dis-moi... Que s'est-il passé EXACTEMENT quand je regardais ailleurs ?
- J'étais... Il... balbutia-t-elle.
- Allons, allons, murmura-t-il d'un ton doux en passant son bras autour de ses épaules. Tu peux tout me dire, tu le sais.
- Le Pokémon... Il m'a... Il m'a vue. »

Il ne répondit rien mais ses yeux s'agrandirent. Elle comprit instantanément que cela nécessitait de plus amples explications, mais aucun mot ne venait. Finalement, après avoir longuement réfléchi, elle finit par reprendre ses esprits et put enfin décrire l’événement :

« Il était au milieu des Pokémons dominants, il venait de finir de tous les saluer...
- Jusque là, j'ai pu voir. C'était, d'ailleurs, passionnant ! s'exclama-t-il, des étoiles plein les yeux.
- Oui... »

Elle ne pouvait s'empêcher de sourire face à tant d'enthousiasme. La bonne humeur du Professeur était toujours extrêmement communicative. Après un bref échange de regards et de sourires, elle continua :

« Après, donc, avoir fait le tour des Pokémons présents, il... Il s'est tourné vers moi et... C'était comme si son cœur était entré dans le mien.
- Tu veux dire... Comme un Pokémon télépathe ? J'ai entendu parler de ce genre de capacités mais elles sont extrêmement rares et ne concernent que des Pokémons vraiment très puissants ! s'extasia Hibis. Comment était-ce ?
- Eh bien... hésita-t-elle. Comme s'il comprenait tout de moi, et que je comprenais tout de lui. Il ne m'a pas parlé. C'était... Comme si nous étions un seul être.
- Pas de mots ? s'étonna le Professeur.
- Non... C'était vraiment... comme une fusion. »

En parler la détendait. Assise sur les fesses, les bras autour de ses jambes, celui du Professeur enserrant ses épaules, il était plus facile de se concentrer et d'analyser cet instant si singulier. Ainsi que toutes les émotions qui y étaient liées.

« Vous savez, j'ai toujours apprécié le soleil...
- Ça, oui ! Assez pour lui confier ton réveil, d'ailleurs... la morigéna-t-il gentiment.
- Désolée ! dit-elle avec un mélange entre espièglerie et innocence, avant de reprendre, plus solennellement. C'est juste que... Ce Pokémon, quand il était dans ma tête, j'ai eu l'impression qu'il ETAIT le soleil.
- Vraiment ?
- Vraiment.
- Alors... Se pourrait-il qu'en vérité, tu aies un lien spécial non pas avec le soleil mais avec lui ? »

Elle se redressa d'un coup, délaçant l'étau de ses bras, le dos raide, repoussant brutalement l'étreinte du Professeur. C'était comme si un Raichu de passage lui avait lancé un Tonnerre ! L'idée était tellement évidente qu'elle ne l'avait pas envisagée. Aléa se tourna vers Hibis, et il comprit immédiatement qu'il avait vu juste. Et face au raz-de-marée de questions qui s'apprêtait à la submerger, elle finit par ne garder que les deux plus importantes, à ces yeux : était-ce le Pokémon solaire qui avait veillé sur elle jusque dans ses rêves ? L'avait-elle déjà rencontrée ? Mais le Professeur la coupa dans ses réflexions en soulevant une autre énigme :

« Pourquoi as-tu pleuré, après son départ ? »

La réponse passa les lèvres d'Aléa, dans un murmure, avant même qu'elle ne la conscientise :

« Parce que j'ai perdu le soleil... »

C'était ce qu'elle ressentait. Comme quand elle était près d'un Boumata trop longtemps puis qu'elle s'en allait : la différence de température la faisait frissonner. De la même façon, la communion de son âme et de celle du Pokémon astre la laissait comme vide et glacée à l'intérieur. La gentillesse du Professeur l'avait un peu remise, mais ce n'était pas LUI. Elle se sentait incomplète, à présent. Elle voulait le revoir, désespérément. Ce n'était pas de l'amour, elle le savait bien, mais un lien tout aussi fort. Il FALLAIT qu'elle le revoit. Il l'appelait. Il avait toujours été là. Et elle ne cessait de se demander pourquoi.

Ils rentrèrent au LAPP et relatèrent leurs aventures, mais Aléa semblait ailleurs. Toute sa bonne humeur habituelle s'était évaporée. Elle avait toujours autant d'énergie, mais elle était distraite. Dans les jours qui suivirent, le Professeur Hibis la surprit souvent à regarder vers le soleil, à travers la verrière. Gaïa, de son côté, s'inquiétait de voir sa protégée si mélancolique. Cet état ne lui ressemblait guère. Comme si toute la tristesse de son existence l'avait rattrapée d'un coup, et qu'elle n'était plus assez forte pour la repousser de son sourire. Même quand elle sortit avec ses amis, ses pas la menèrent près de la plage de Melemele, situé à l'Ouest. Elle y admira le couchant avant de reprendre le bac pour rejoindre l'orphelinat. La lumière du soleil avait déserté ses rêves et pour Aléa, c'était comme si elle avait été désavouée.

La solitude qui emplissait son cœur était telle que, environ deux semaines après avoir rencontré le « Lion Solaire », comme on l'appelait au LAPP, elle décida de ne pas rentrer immédiatement et de vagabonder sur la plage. Une fois de plus, elle se dirigea à l'Ouest, comme pour capter les derniers rayons de lumière de cette journée. Alors qu'elle avançait, tête baissée, en traînant les pieds, un éclat singulier attira son regard... Il était là, droit devant elle. A mesure que le soleil se couchait, il devenait moins éblouissant. Il allait dans sa direction, à son rythme, comme un reflet de l'âme d'Aléa. Il s'arrêtèrent à quelques pas l'un de l'autre et le Pokémon s'assit, comme pour attendre qu'elle vienne à lui. Enfin seuls et face-à-face, Aléa resta, un moment, interdite en découvrant le vrai visage du Pokémon rayonnant.

D'un blanc de Lait Meumeu, sa fourrure semblait rigide. Sa crinière, également, et en la voyant, on ne pouvait s'empêcher d'y voir une sorte de fleur ardente, exactement ce qu'Aléa pensait du soleil. Des éclats orange, à l'instar des gemmes de Ténéfix, étaient incrustés dans sa crinière et sur l'équivalent de nos chevilles. Sa queue était piquée d'une pierre noire, de la même matière, semblait-il, que le bout de ses pattes. Ses yeux bleus, enfin, dégageaient une infinie sensation de sagesse, de puissance et de force. De toutes les questions qui brûlaient les lèvres d'Aléa, une seule sortit de sa gorge :

« Quel est ton nom ? »

Alors, il entra à nouveau dans son cœur et y déposa la réponse, qu'elle comprit sans aucun son : Solgaleo.