Les Enfants des Astres de Kloana

Les rayons solaires brillent fort dans le ciel d’azur. Une brise chaude fait onduler la surface de la mer. Des Plumeline effectuent leur danse sur la plage, sous le regard intrigué de dizaines d’humains. Un doux parfum marin règne dans l’air de la ville d’Ekaeka, où les jumeaux viennent d’arriver. Plusieurs jours se sont passés depuis la mort de leur mère. Ils ont fait un long chemin jusqu’ici, où ils logent dans une chambre d’hôtel depuis deux jours. Sander et Mana ont fait plusieurs recherches avant d’arriver en ville. En effet, ils doivent rencontrer quelqu’un qui pourra les aider ; c’est ce qu’a indiqué la lettre de leur mère. Les jeunes adolescents ont donc tout mis en œuvre pour retrouver cette personne et cela a été possible grâce aux économies léguées par leur mère. Cependant, tout deux sont conscients qu’ils seront obligés de gagner de l’argent par eux-mêmes s’ils veulent survivre. Mais pour l’heure, Mana et Sander ne souhaitent qu’une chose : avoir des réponses aux nombreuses questions qu’ils se posent.

Mana est allongée sur le lit, pensive, se demandant à quoi peut ressembler l’homme qu’ils vont voir aujourd’hui. La jeune fille a mené les recherches pour contacter cet homme, tandis que son frère a utilisé son habile diplomatie pour lui donner rendez-vous dans l’après-midi. Satisfaite, Mana prend une brosse douce et nettoie son Efflèche. Le Pokémon apprécie l’attention de la jeune fille et le lui montre en lui donnant des petits coups de becs affectueux sur son épaule. Elle sourit en voyant son Pokémon heureux et insouciant. Ces moments de complicité sont devenus pour elle des instants très précieux ; à tout moment, elle redoute que les hommes vêtus de noir les retrouvent et menacent de les tuer. Mana vit avec cette peur constante, cependant elle fait tout pour ne pas le montrer. La jeune fille ne veut pas inquiéter davantage son frère, qui assume la lourde responsabilité de la protéger, comme il l’a promis à leur mère. Mana lève la tête et observe Sander, debout près de la fenêtre, les yeux perdus dans le paysage urbain. Son Matoufeu somnole sur son lit. Pour la première fois, Mana remarque à quel point Sander est mâture pour son âge, à la différence de ses anciens camarades de classe. Et avec les évènements récents, le contraste est devenu encore plus flagrant.

La jeune fille se lève et s’approche de lui, posant une main réconfortante sur son épaule. Sander détache son attention du paysage et la regarde, quelque peu surpris par le geste de sa jumelle. Elle lui sourit avant d’enlacer son cou.

« - Ne t’inquiète pas trop. Nous nous en sortirons, ensemble, et je te promets de devenir plus forte. Alors ne porte pas seul tout ce poids sur tes épaules. »

Ces murmures prononcés à son oreille, Mana se desserre son étreinte tout en continuant à lui sourire. Cette fois, Sander répond à son sourire et la remercie. Elle retourne auprès de son Pokémon sous l’œil protecteur et affectueux de son frère. Mana s’allonge et ferme les yeux, entourant de ses bras l’Efflèche venu près d’elle. Une douce chaleur s’empare d’elle ; apaisée, elle s’assoupie en peu de temps.

*****
"Je suis encore au sommet d’une montagne. Mais que se passe-t-il ? Pourquoi je me retrouve à nouveau ici ? La dernière fois, j’étais avec Sander… Et là, je suis toute seule. J’ai froid, ce vent glacial me gèle jusqu’aux os. Et la pluie battante ne m’aide pas non plus."

La jeune fille fait quelques pas, avant d’apercevoir à nouveau une forme floue devant elle. Cette fois, la chose semble plus petite, mais n’en demeure pas moins étrange. Elle lévite et avance vers Mana. La jeune fille recule, se rapprochant du précipice. Jetant un œil derrière elle, Mana réalise qu’elle n’est plus qu’à quelques pas de la chute.

"Qu’est-ce que ça me veut ? C’est un peu différent de la dernière fois…"

Elle observe attentivement ce qu’il se trouve devant elle et y aperçoit comme une petite pierre rose en son centre. Celle-ci brille d’une lueur qui fait frissonner Mana. La forme indistincte s’approche davantage, obligeant Mana à reculer encore. Cependant, elle perd l’équilibre et tombe dans le vide. Incapable de crier, Mana regarde droit devant elle, constatant que la chose s’est penchée comme pour l’observer pendant qu’elle chute. L’adolescente ferme les yeux et entend une voix qui lui est familière…

Ré…veille… toi…
Réveille… toi…
Réveille-toi…

*****
Mana ouvre les yeux. La première chose qu’elle a vue est le mur blanc de la chambre d’hôtel ; c’est à ce moment qu’elle a réalisé que ce n’est qu’un rêve. Efflèche endormi à côté d’elle, elle se relève et cherche son frère des yeux. La jeune fille entend le bruissement de l’eau dans la salle de bain et devine que Sander prend une douche. Elle lève la tête et voit l’heure affichée sur l’horloge ; il est bientôt midi. La rencontre avec cette personne aura lieu vers quatorze heures, il lui reste donc encore du temps pour se préparer. Au moment où Mana se met debout, Sander sort de la salle de bain, à moitié habillé. Ses cheveux humides laissent tomber quelques gouttes sur sa nuque qui ruissellent dans son dos. Son jean foncé est ajusté d’une ceinture noire. Le jeune adolescent n’a pas encore remarqué que sa sœur est réveillée, et il se dirige nonchalamment vers son lit, où son t-shirt bleu est soigneusement plié.

« - Evite d’oublier la moitié de tes affaires, la prochaine fois. »

Sander sursaute en entendant la voix de Mana. Légèrement gêné, il baisse la tête quand celle-ci, ses vêtements en main, se dirige à son tour vers la salle de bain. Le garçon soupire, toujours embarrassé. Pour une raison qu’il ignore, il ne parvient pas à se calmer. Il enfile rapidement son t-shirt et laisse ses pensées vagabonder. Il prend conscience de la sévérité des paroles de Mana, cependant il se rend aussi compte que sa sœur a été tout aussi gênée en le voyant ainsi. Il l’a vue rougir, après tout. Prenant sa tête entre ses mains, il fait le vide dans sa tête et cherche à tout prix à oublier cette scène. Sander parvient à se concentrer et à réfléchir au rendez-vous de l’après-midi. Alors qu’il formule déjà des questions dans son esprit, Mana ressort de la douche, habillée et les cheveux encore mouillés. Portant une robe violette assez pâle, elle ne voit pas que celle-ci devient humide à cause de ses cheveux. Soupirant à nouveau, il s’approche de sa jumelle et l’aide à sécher ses cheveux correctement avec sa serviette.

« - Et toi, n’oublie pas de bien te sécher les cheveux, tu risques d’attraper froid »

*****
Après avoir déjeuné à l’hôtel, les jumeaux sont partis vers le centre d’Ekaeka, cherchant la mairie de celle-ci. C’est le lieu de rendez-vous avec cette personne. Arrivés un peu en avance, ils attendent patiemment, assis à une balustrade. Les minutes s’écoulent lentement et Mana perd peu à peu patience. A un moment, Sander voit un homme, la chemise déboutonnée et portant des lunettes, qui semble chercher quelque chose aux alentours. Ou plutôt… chercher quelqu’un. Il fait signe à Mana de suivre son regard ; elle confirme qu’il s’agit bien de cet homme. Ils descendent de leur rambarde et se dirigent vers l’homme, un peu agité. Quand il les voit, celui-ci s’immobilise, bouche bée. Apparemment, lui aussi a reconnu les jumeaux.

« - Hey, Sander, Mana ! Cela faisait longtemps, dîtes-moi ! commence l’homme avec entrain.
- Professeur… C’est toujours aussi difficile de vous contacter, lui répond froidement Mana.
- Eh oui, je suis désolé, avec mes recherches j’ai été assez occupé ces derniers temps…
- Professeur Euphorbe, pourrions-nous discuter dans un endroit plus calme ? le coupe Sander.
- Oh, relax ! Vous me semblez un peu nerveux tous les deux. Vous n’avez qu’à venir chez moi ! Nous y serons plus tranquilles. »

Les deux adolescents le suivent sans mot dire. Euphorbe semble content de les revoir. Plusieurs fois, ils se sont rencontrés à l’école, et c’est d’ailleurs de lui qu’ils ont obtenu leurs premiers Pokémon, un Flamiaou et un Brindibou à l’époque. Les jumeaux lui sont reconnaissants en de nombreux points : pour ce qu’il leur a appris, pour son aide, sa gentillesse et sa bonne humeur…
Le trajet n’a pas été très long. Ils arrivent devant une petite maison blanche ; le professeur sort son trousseau de clés, mets plusieurs minutes avant de trouver la bonne et ouvre finalement la porte d’entrée. Il invite les jeunes à s’asseoir dans le salon et va leur préparer du thé. Décoré modestement, le salon n’en reste pas moins propre et agréable à regarder. Quelques éléments farfelus, comme une statue étrange ou un tableau très coloré viennent ajouter une touche de fantaisie. L’homme revient après quelques minutes et leur sert chacun une tasse. Il inspire profondément avant de prendre la parole.

« - Alors, que me vaut cette visite ? Comment vont vos parents, d’ailleurs ? demande-t-il avec le sourire.
- Eh bien… nos parents… nous ont quittés il y a plusieurs jours maintenant. Ils ont été assassinés. répond Sander, la voix brisée.
- Non… C’est impossible… répond Euphorbe, sa bonne humeur disparue.
- Saviez-vous qu’ils n’étaient pas nos vrais parents, Professeur Euphorbe ? »

Mana vient de poser cette question sans sourciller. Ses yeux impassibles semblent pourfendre ceux de l’homme, qui baisse la tête, affichant une expression troublée sur le visage. Sander déglutit péniblement ; il ne s’est pas attendu à ce que sa sœur se montre si directe.

« - Notre mère nous a laissé une lettre avant de partir, reprend Mana. C’est comme cela que nous avons appris que nous avons été adoptés. Et elle nous indique, à la fin de cette même lettre, que vous êtes le seul à pouvoir nous aider.
- Mana… murmure Sander surpris du calme de sa sœur.
- Je le sais depuis le début, répond Euphorbe d’un ton sérieux.
- Comment… ?! intervient Sander, interloqué.
- J’ai longtemps travaillé avec vos parents. Vous l’ignorez car ils ne voulaient pas que vous sachiez, mais Christ et Jeanne, ceux qui vous ont élevés, étaient de brillants scientifiques. »

La nouvelle secoue les jumeaux. Le cœur de Sander bat à tout rompre, tandis que Mana commence à trembler, signe qu’elle perd son calme. Son frère pose une main sur la sienne, la réconfortant quelques peu. Il prend une inspiration avant de poser une question plus délicate.

« - Connaissez-vous nos vrais parents ? »

Sander sent la main de sa sœur trembler davantage. Elle se rapproche de lui, n’osant même plus regarder le professeur dans les yeux. Malgré son sang-froid, la jeune fille est incapable de faire face à ce genre de révélations.

« - … Non, je ne les connais pas. Personne ne les connait. répond-il après un long silence
- Pourquoi ?! Nous avons été… Abandonnés ?!? s’emporte soudainement Mana, les larmes aux yeux.
- Eh bien… Pas vraiment, réplique le professeur avec un sourire gêné, en posant sa main droite sur sa tête. Voyez-vous… Les circonstances de… votre découverte… sont quelques peu… surprenantes.
- Que voulez-vous dire ? demande Sander, étonné de cette réponse.
- Hmm… A l’école, on vous a appris qu’il y a environ treize ans, il y a eu des changements climatiques très soudains, sur l’ensemble du monde, n’est-ce pas ? Alola avait été gravement affectée, puisque comme vous le savez, il y a des volcans près de nos îles.
- Oui, et donc ? Où voulez-vous en venir, Professeur ? demande Sander, inquiet de ce que va leur révéler le professeur.
- C’est en cette période qu’une… »

Le Professeur Euphorbe est soudainement arrêté par ses explications. Des coups violents à la porte et des menaces retentissent. Les jumeaux pâlissent ; les hommes en noirs les ont finalement retrouvés. Euphorbe les regarde, l’espace d’un instant, avant de les emmener vers l’arrière de la maison. Il déverrouille une porte et vérifie qu’aucun garde ne les y attend. Par chance, les hommes n’ont pas remarqué qu’il y a une deuxième porte, donnant vers un tout petit jardin entouré d’une clôture, pouvant être facilement escaladée. Le professeur a tout juste le temps de retourner dans son bureau et récupère une Pokéball, qu’il tend aux jeunes adolescents. Avant de les faire partir, il leur adresse ces quelques mots :

« - Prenez soin de cette Pokéball, il s’agit de la plus grande expérience de vos parents. Et ne vous inquiétez pas pour moi, dit-il alors que Sander s’apprête à parler, je connais ces hommes, j’arriverai à les embrouiller. En attendant, quittez la ville au plus vite, nous nous retrouverons. Et surtout… méfiez vous d’Æther ! »