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Eclipse de Lundwing



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Informations

» Auteur : Lundwing - Voir le profil
» Créé le 28/10/2016 à 15:21
» Dernière mise à jour le 30/10/2016 à 23:53

» Mots-clés :   Drame   Slice of life

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Pétales Iridescentes - Futur
C’était certainement le sort qui était réservé à ceux qui fuient les organisations. Un exil long et incertain, loin de toute chose. Elle l’avait fait et cela l’avait détruite. A toujours regarder derrière son épaule, toujours faire attention autour de vous. Tout cela était devenu une sorte d’habitude nécessaire, un second habit secret qui vous collait à la peau. Et puis cela devenait carrément obsessionnel. Vous finissez par vous découvrir car vous êtes las de cette vie sans aucun sens. Vous voulez vous battre, vous voulez montrer à la surface du monde que vous existez et qu’une repentie avait le droit d’exister. Par le passé, elle avait tendu des filets qui avaient ramenés parfois des gros poissons de l’organisation. Parfois des sbires. Pour elle, qu’importe le degré d’importance qu’ils avaient, pour Leane c’était surtout qu’ils avaient chacun et chacune deux mains qui pouvaient servir à détruire. Son ange gardien punissait.

Assise dans son rock in chair, Madame Cranbell contempla les remous lents et paresseux des vagues et ses prunelles bleutées laissaient entrevoir une profondeur d’âme telle que personne ne pouvait en imaginer l'étendue. Le soleil était à son zénith, énorme boule orange dorée sur fond de ciel sans nuage qui continuait sa lente course vers le crépuscule de l’horizon. Les hauteurs rocheuses semblaient être des dents à l'appétit vorace mais impuissantes à manger l’espace aérien. Une légère brise maritime secouait paresseusement les quelques feuilles de palmiers postés en avant garde de la mer puis, dans un vent ascendant, des Goélise caquetèrent dans un ballet aérien, cherchant certainement à coloniser quelque nouveau lieu. C’était ça la beauté de la nature, cette toile de maître haute en couleurs et en détails pour quiconque prenait le temps de s’arrêter quelques instants. La nature n’était pas qu’une question d’observation. Il faut aussi écouter, sentir, toucher, communiquer. Il faut accepter de se laisser prendre dans une spirale d’émerveillement sans fin, sans repères et aller là où le cœur le désire. Avant qu’elle ne quitte l’organisation, elle voyait cela avec ses yeux humains. Son ange gardien lui avait rappelé tout cela à travers ses yeux verts. Leane réalisa alors ce voile opaque s’étirant avec le temps et cachant cet émerveillement naturel qui nous entoure. Et elle compris surtout que ses convictions profondes pour la cause qu’elle défendait - de manière plus ou moins légale - n’étaient que du vent.

Tôt ou tard, l’organisation la retrouverait et ce serait en la personne de Bart Miellers. Elle eut un franc sourire en repensant à ce nom douteux. Quelle terrible celui-là… Impossible d’oublier son visage, ses fossettes et ce visage anguleux qui l’avait fait fondre lorsqu’elle n’était qu’une gamine écervelée rêvant de révolution. Il voulait changer le monde lui aussi, le rendre plus beau. Elle avait fini par le tuer. La revoir après tant d’années dans le journal local l’avait d’abord alarmée puis elle accueillit la nouvelle avec sérénité. N’était-ce pas ce qu’elle désirait plus que tout ? En finir avec cette fausse vie pleine d’escapades ? Si elle regrettait de l'avoir tué ? La blague. Elle ne cherchait même pas à comprendre comment est-ce qu’il avait fait pour survivre, le genre pugnace de Salim lui correspondait bien.

Leane Cranbell était une femme fatiguée à présent, usée de toute cette fuite en avant. Usée de devoir toujours jouer un rôle pour n’éveiller le moindre soupçon sur elle. Terriblement usée à tel point que cette fatigue perpétuelle se manifestait comme une chape de plomb sur ses épaules allant jusqu'à lui courber le dos. Et maintenant, la seule chose qu’elle désirait était le repos de ses vieux os et profiter des derniers jours sur Alola en ne jouant plus le rôle d’une madame je-sais-tout.

Il était plus que temps que quelqu’un sache la vérité. Elle se leva et alla chercher un papier et un crayon. Comme animée d'une énergie nouvelle, elle se mit à écrire, les mots virevoltants et claquant dans son esprit, comme si c'était l'ultime défi de sa vie à relever.

[Cher Commissaire Howkins
Je vous prie de m’excuser pour cette manière cavalière de m’adresser à vous mais voyez-vous, les rumeurs ont tellement bon train à Ekaeka qu’il serait dommage que certaines pies aillent imaginer que j’ai une quelconque aventure avec nous et fasse fuir vos prétendantes – non pas que vous n’êtes pas séduisant mais je vous trouve pas assez énergique comme garçon et prendre comme accointance ce bon à rien de Mauricio ne vous donnera pas plus de crédit à mon égard. J’ai beaucoup de choses à vous dire alors je tâcherai d’être brêve.

Je m’appelle Abigaëlle Rose-Marie Leane Cranbell et je ne suis pas réellement originaire d’Alola mais plutôt d’Illumis. Mes parents habitaient ici effectivement, à Ekaeka ici même. Je suppose que vous avez eu vent de l’horreur dans laquelle l’archipel fut plongé lors du colonialisme si bien qu’ils m‘ont permis de fuir en secret le pays pour que je puisse avoir un avenir. J'ai atterri à Kalos et j’ai été marié à Salim Terrebel, homme que vous devez connaître certainement puisque d’après le journal local, vous auriez interrogé un certain Bart Miellers. Non, ce n’est pas un hasard si vous repérez une anagramme. Il s’agit d’un des hommes de main d’une organisation dont vous avez certainement entendu parler : la Team Flare. Un homme très dangereux que je croyais avoir éliminé il y a six mois.

Lorsque je suis revenu pour la première fois sur les vestiges du passé, je fus frappée par la bonté de ces gens. Blessés jusqu’au plus profond de leur être par ces envahisseurs d’une cruauté sans nom, ils n’avaient pourtant pas hésité à aider mon ami et son pauvre enfant – vous le connaissez, il s’agit de Mauricio. Leur histoire avait touché les habitants de l’île. Son frère, le sergent Spencer Goodman, venait aussi de temps en temps aux nouvelles. Contrairement au projet de « monde meilleur » que me promettait à tort et à travers Salim, Goodman me montrait une autre facette de la vie et le calme et la sérénité que lui inspirait la nature. Et passé le malaise de l'île insulaire, je me plaisais de plus en plus ici. Salim de son côté s’était plus entiché des bonnes grâces des descendants des colonisateurs à défaut de pouvoir profiter du séjour. En réalité, il cherchait des supports financiers pour la Team Flare et j’ai appris à cet instant que beaucoup d’argent sale transitait entre ces îles. Des sommes tellement astronomiques dont j’ai oublié le montant exact mais cela tournait autour de plusieurs milliard de pokédollars. Et puis, je ne vous apprendrai rien : quand vous êtes détenteur de beaucoup d’argent, vous obtenez d’un coup beaucoup d’amis. Je suppose qu’à ce moment-là, Salim a dû aller se confier à l’un de ces colonisateurs que nous faisions chambre à part et que je fréquentais Spencer Goodman de plus en plus souvent. J'étais tombée amoureuse de lui.

Nous avions eu une aventure une nuit. Salim l’a su et il était entré dans une colère noire ce soir-là en me promettant qu'un jour, il me le ferait payer. J'ai eu extrêmement peur, je savais de quoi il était capable. Et lorsque je commençais à perdre la foi, j'ai vu la vérité. A travers les yeux émeraudes du gardien de l'équilibre, j'ai vu et j'ai compris ce qu'il me restait à faire. En l'an 1979, lors d'une soirée d'hiver ,j'ai empoisonné Salim Terrebel avec une des plantes exotiques trouvées dans le coin. Je l’ai empoisonné car j’ai commencé à comprendre que toutes ses promesses de monde meilleur n’étaient que l'ambition d'un malade mental.

J’ai voulu ensuite m’enfuir de cet endroit mais il y avait encore Mauricio. Que faire ? Goodman a su ce que j’avais fait et il m’a aidé à dissimuler le corps dans le jardin en friche de son frère. Sous la cabane en bois. Enfin j’ai cru qu’il était mort mais vous savez comme moi qu’il est bel et bien vivant et je vous avouerai que je ne comprends pas ce qui a pu se passer. Du fait, je suis resté finalement à Alola, n'ayant nul part où aller. Notre relation était restée secrète, personne ne l'a su, pas même Mauricio ou son père. C'était bien comme ça. De temps en temps, quelques "connaissances" m'étaient envoyées mais elles ne restèrent jamais très longtemps. Une ex-membre de la Team Flare ne pouvait décemment pas devenir une femme à racontars et à scandales ! Insensé ! J'ai survécu de cette façon.

Je ne sais pas si vous savez mais derrière le tableau de maître du colonel Goodman se trouve une… Boîte à secrets. Spencer Goodman n’avait jamais voulu se suicider, nous projetions de nous marier. Je pense que c’est Salim qui l’a tué, uniquement pour me faire souffrir. Vous y trouverez aussi un dossier accablant qui devrait bien faire du tort à la fondation Aether, financée sur l’argent du colonialisme. Spencer l’avait découvert un peu par hasard. Je n’ai jamais aimé les associations caritatives, ils jouent tous très mal la comédie.

Je vous ai donné tout ce qui reste de mon trésor, prenez en soin je vous en prie. Spencer était un homme bien. Prenez soin aussi de Mauricio, il compte beaucoup pour moi.

Bien à vous.



Elle ne voulait pas signer directement la lettre. Après tout, elle l’avait déjà plus ou moins fait en se présentant. A défaut elle préféra bien appuyer la feuille de papier avec ses doigts pour laisser un maximum d’empreintes digitales possible. Tandis qu’elle s’affairait, une étrange créature quadrupède, toute de vert et de noir vêtue venait d'apparaître à ses côtés. Ce pokémon ressemblait à un chien en tout bien si ce n’est au niveau de son museau et de ces différents hexagones lui donnaient une allure terrible tel un canidé justicier. Leane était contente de le revoir une dernière fois. C’était rare qu’il se manifeste à elle, uniquement dans les moments les plus importants de sa vie. Elle comprit tout de suite.

« Merci de t’être occupé de moi depuis tant d’années. Tu dois partir à présent »

Leane lui donna l’enveloppe et Zygarde partit dans la fraction de seconde qui suivit. Quelques heures plus tard - le temps que le poison fasse effet - elle s’écroula le long de la plage tout seule, au milieu de la nature qu’elle et Spencer aimaient tant. Sereine.