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A l'aube du pouvoir (T.1) de Raishini



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Informations

» Auteur : Raishini - Voir le profil
» Créé le 03/09/2012 à 14:02
» Dernière mise à jour le 16/11/2013 à 14:44

» Mots-clés :   Fantastique   Hoenn   Présence de poké-humains   Sinnoh

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Chapitre 17 : Celui qu'il a toujours craint
Quand les rayons de l'aurore naquirent, une constellation de taches lumineuses explosa sous les paupières de Jérémie. Rafraîchi par l'atmosphère humide, il frissonna légèrement et se leva.

Quelque part à sa droite, il crut voir la silhouette incertaine d'un animal. Lorsqu'il braqua son regard dessus, elle s'évanouit. Jérémie soupira de déception. Ses Pokémon lui manquaient. D'ailleurs, hormis Shino et ceux des Orokami, il n'en avait pas vus. A croire que ces fantastiques créatures l'évitaient comme la peste.

A côté de lui, Cyril ronflait en toute quiétude, indifférent à la lueur du jour et aux divers bruits qui résonnaient alentour. Le visage de Jérémie s'ourla d'un sourire facétieux. Son ami se gratta le flanc dans son sommeil et marmonna quelque chose d'indistinct. Le réveiller serait certainement des plus amusants...

Un craquement soudain le fit sursauter. Aussitôt, une forme indistincte semblable à une boule de plumes multicolore tomba entre ses jambes, répandant un pépiement affolé dans son sillage. Interdit, Jérémie contempla un perroquet au plumage tapageur qui se démenait pour se relever.

Après plusieurs secondes d'effort, l'oiseau surmonté d'une crête en forme de note se stabilisa et s'ébroua. Il ouvrit des yeux proéminents et mobiles, visiblement hagard.

Son regard se posa alors sur Jérémie, et il recula maladroitement.

- Attends, ne t'en va pas, s'il te plaît ! l'implora le garçon en tendant une main douce et patiente vers le volatile. Je n'en peux plus de ne pas voir de Pokémon. Reste, je t'en prie.

Prêt à s'envoler, le perroquet tourna la tête vers lui d'un air indécis. Une lueur indéchiffrable passa dans ses yeux globuleux et il recula de quelques pas.

" Je peux te faire confiance ? Peut-être bien... Tu n'as pas l'air d'être comme les autres. Tu es différent. "

Si Jérémie pensait que l'oiseau ne l'écouterait pas, il s'attendait encore moins à ce qu'il lui parle. Et pourtant, le perroquet s'adressait à lui d'une voix basse, comme deux personnes l'auraient fait en plein aparté. Sidéré, Jérémie resta bouche bée et en oublia même de respirer une fraction de seconde.

- Tu peux me parler ? dit-il enfin, aspirant une grande bouffée d'air pour évacuer la boule qu'il avait au niveau de la gorge. Je savais que les Pokémon étaient bien plus intelligents que nous ne voulions l'admettre et qu'ils comprenaient le langage humain, mais de là à le parler...

" Non, je ne parle pas le langage humain. C'est toi... qui comprends ce que nous disons, répondit le perroquet en semblant être amusé par sa réaction. Si tu ne me crois pas, écoute. Et là, tu comprendras. "

Auparavant, Jérémie n'entendait que la voix du Pokémon, profonde et si semblable à celle d'un homme. Désormais, il notait dans son timbre quelque chose qui se rapprochait du craquètement. Et malgré tout, il déchiffrait ces bruits.

" Les Pokémon comprennent les humains. A présent, tu nous comprends nous. Comme tes pairs d'ailleurs. "

- Vous voulez dire les Pokéman ? souffla Jérémie en essayant vainement de reprendre une expression égale.

Le perroquet trahit pour la première fois un accès de colère contrôlé et agita une aile furieuse :

" Si tu fais référence à ces humains dotés de pouvoirs similaires aux nôtres, oui. Nous les haïssons, car aucun d'entre eux n'a su se montrer digne du don que leur avait fait Arceus, si involontaire soit-il de sa part. Parmi tous les Pokéman que j'ai croisés durant mon existence, tu es le premier que je ne vois pas exploiter ses capacités pour s'en prendre à nous. C'est en cela que tu es différent. "

Maintenant qu'il le détaillait plus amplement, Jérémie remarqua que le Pokémon semblait vieux et usé. Son plumage était froissé et clairsemé par endroits, son bec usé. De plus, une cicatrice courait en travers de son torse. Jérémie en fut peiné. Il approuvait la rancœur de son vis-à-vis. Il savait aussi à quel point un homme pouvait se montrer fourbe et cruel lorsqu'il disposait du pouvoir.

- Très bien, reprit-il d'une voix conciliante. Je ne peux qu'être de votre avis. Seulement... vous semblez connaître les Pokémans depuis longtemps.

" J'ai eu affaire à d'autres Pokéman bien avant que tu ne sois né mon garçon, remarqua le perroquet en laissant échapper un ricanement pareil à un croassement. De plus, Arceus ne laisse pas ses enfants dans l'ignorance. Dès le moment où il a été réveillé, nous savions que la menace était à nouveau d'actualité. De fait, nous fuyons les humains plus que jamais, et surtout les Pokéman. Vous dégagez une aura que nos sens affinés nous permettent aisément de distinguer des autres, voyez-vous. "

" C'est donc pour ça que je n'en ai pas croisé un seul jusqu'ici, songea aussitôt Jérémie. "

Titubant légèrement, l'oiseau le sonda puis reprit :

" Mais ainsi que tu peux le voir, je suis vieux et faible. Je suis tombé des hauteurs de cet arbre. Heureusement pour moi, ton cœur semble pur et innocent. Du moins l'est-il encore. "

Mal à l'aise, Jérémie préféra détourner la tête pour faire mine de s'intéresser à une plante lointaine. Ces propos insinuaient le doute en son esprit. Après tout, pourquoi donc serait-il différent des autres ? Ne tomberait-il pas à un moment donné dans le piège que constituaient ses capacités ? Parviendrait-il à en user partialement et loyalement, à ne l'employer que pour faire le bien ? Rien n'était moins sûr...

" Néanmoins, je pressens en toi un grand avenir, rajouta le perroquet d'un ton plus guilleret. Tu aurais pu m'attaquer, me transformer en jouet vivant... Or, tu ne l'as pas fait. Et rien que ça prouve que tu es encore du bon côté. Alors laisse-moi te le demander, toi qui semble être l'ami des Pokémon... sauve-nous. Sauve-nous ainsi que l'humanité du joug des mauvais Pokéman. Je t'en supplie. "

Désabusé, Jérémie ne sut quoi répondre. Indiscutablement, l'intonation du perroquet laissait présumer un grand trouble ainsi qu'une profonde résignation. Il était plus criant de vérité que l'on ne pouvait l'imaginer et Jérémie hésita.

Le garçon aurait voulu lui dire qu'il était faible, inexpérimenté et certainement pas assez courageux pour affronter la menace. Il aurait également souhaité lui avouer que lui-même était effrayé, au moins autant que ses congénères. Mais cela lui coûtant trop, il déclara avec l'impression de faire une erreur monumentale :

- Je te promets de faire tout mon possible. Les Pokémon sont mes amis et je ne laisserai personne vous faire du mal !

" Merci, nous ne te serons à jamais reconnaissants. Puisses-tu prospérer dans la réussite, ami des Pokémon ! "

Émettant une note envoûtante et mélodieuse, le perroquet battit des ailes et s'éloigna de son perchoir pour disparaître dans l'immensité de la jungle. C'est ce moment là que Cyril choisit pour se réveiller et marmotter, l'œil vitreux :

- Ssssqui sss'pppassseee ?

- Rien, lui assura un Jérémie encore perdu dans ses conclusions. Absolument rien.

Pokémon #441
- Tu es sûr qu'il vaut mieux pas s'orienter sur ce chemin là plutôt ?

- Puisque je te dis que le prisonnier m'a certifié que les entrepôts sont à l'Est ! Prête une oreille attentive aux autres pour changer ! Ton avis n'est pas irréprochable tu sais !

- Oui mais il me semble que nous avons dérivé. Au vu de la topographie, ce serait pas si étonnant !

- Écoute, si tu penses que c'est là, tu n'as qu'à y aller ! Je t'en empêcherai pas !

Excédé, Jérémie mit quelques pas de distance entre lui et Cyril. Il voulait toujours avoir raison. Et ça avait le don de l'exaspérer.

- Toi et ta manie du dernier mot ! lâcha Cyril en levant les yeux au ciel avec dédain. Moi je te dis qu'au vu de la position du Soleil, c'est plutôt vers le chemin de gauche qu'il faut s'orienter. Tu as beau être intelligent, tes connaissances sont loin d'être infaillibles. Tu n'as pas la science infuse, alors arrête de considérer que mon opinion est inférieure à la tienne ! Accepte un peu que les autres te montrent le chemin pour une fois.

Bien que Cyril tentât d'apaiser l'ambiance en parlant plus ou moins sereinement, Jérémie marqua son mépris. Hors de question qu'il reconnaisse son tort. C'était plutôt à lui de le faire. Que son ami ait vécu en compagnie d'un brillant scientifique n'y changeait rien. Il avait raison, LUI, un point c'est tout.

- Très bien, de toute façon tu es trop borné pour admettre ton erreur, conclut Cyril d'un ton amer. Le premier qui trouve les quais pourra aller voir l'autre et se fendre la poire un bon coup. On verra bien qui rira le dernier.

- Ouais, c'est ça ! lança Jérémie.

D'un pas vif et rageur, il prit le chemin qui s'offrait à lui tandis que Cyril emprutait l'autre. Le sentier qu'ils avaient suivi de prime abord s'était scindé en une fourche. Dès lors, ils avaient eu du mal à s'accorder.

A présent, les voilà séparés pour des bagatelles, dérivant chacun sur une ravine de terre. Le fait que ce sillon étroit parût être l'œuvre d'une ancienne rivière confortait Jérémie dans son hypothèse. Mais il regrettait à présent d'avoir laissé Cyril tout seul.

Les hommes d'Orowind étaient encore à leurs trousses, et ce matin avait bien failli être leur dernier : sans l'avertissement de Cyril qui avait distingué des signaux électriques plus loin, les garçons seraient descendus trop tôt de leur arbre et auraient été confrontés à une imposante troupe de soldats.

Heureusement pour eux, la ramure de leur perchoir les avait dissimulés à l'ennemi mieux qu'ils ne l'espéraient. Après que la cohorte fût passée, une liane égarée leur avait alors fourni un bon moyen pour descendre silencieusement. Puis ils avaient repris leur marche.

Dans tout cela, ce qui étonnait Jérémie était sans nul doute sa capacité d'absorber les chocs : en à peine quelques heures de sommeil, il avait récupéré de ses précédentes batailles et s'en sortait sans la moindre courbature. Et Cyril en était arrivé au même constat. Même ses blessures guérissaient à vue d'œil. Elles étaient déjà des marques blanches et luisantes, traces d'un mauvais souvenir éteint.

Certes, s'il subissait une attaque plus importante, peut-être ne se remettrait-il pas aussi bien. Mais en pleine jungle - où toutes sortes de germes pullulaient -, il était bon de se savoir qu'on cicatrisait vite.

Le chemin décrivit une courbe et Jérémie constata qu'il s'éloignait de sa direction, - plus qu'il ne le pensait. Peut-être que Cyril avait raison. De surcroît, il commençait à être angoissé. Sous le coup de la colère, il n'avait pas réalisé que se séparer de son compagnon revenait à le laisser seul. Tout seul. A présent, la réalité le frappait dans toute sa splendeur.

Alors qu'il allait rebrousser chemin, fermement décidé à excuser sa conduite honteuse, un ressac caractéristique alerta ses oreilles. Une odeur de sel, puissante et vivifiante, s'insinua dans ses narines. Interpellé, le garçon fit un second demi-tour et courut à perdre haleine, écartant fougères et lianes sur sa route.

L'absence d'obstacle faillit le déséquilibrer quand il émergea de la jungle. Devant lui, une étendue de roche s'évasait pour former une large esplanade naturelle. Elle se terminait au loin par un à-pic dont Jérémie ne put deviner que les contours. Des embruns charriés par le vent pleuvaient en gouttes fines sur les rebords.

Voilà ce qu'il cherchait !

Sur sa droite, une pente douce menait à un vaste embarcadère où s'amassaient nombre de navires, tous divers de formes et de tailles. Le bâtiment de tôle crénelée qu'il apercevait là-bas... ce devait être l'entrepôt.

- Alors j'avais raison, marmonna Jérémie en s'enorgueillissant. Hé, hé, c'est Cyril qui va faire la tronche !

- Je dirais plutôt que TOI, tu vas en prendre plein la tronche, ajouta une voix caverneuse.

Jérémie frémit et tenta d'asséner un coup de coude à l'aveuglette. Il n'en eut pas le temps : le choc qu'il ressentit dans le dos lui coupa le souffle et lui arracha un cri de douleur... Un cri comme jamais il n'en avait poussé. Cette offensive manqua de lui briser les vertèbres et le propulsa plusieurs mètres en avant.

- Tiens donc, je tombe finalement sur un petit morveux en premier. Moi qui espérais rencontrer Tobias ou le rouquin...

- Alors tu n'auras pas perdu aux changes... Dynamo !

Peinant à se relever et crachotant, Jérémie ne vit pas immédiatement les deux nouveaux interlocuteurs. En revanche, il entendit un crépitement - comme si deux feux d'artifices se rentraient dedans - puis un gémissement étouffé, comparable à celui d'un ours.

- Jérémie, ça va ? lui dit quelqu'un en l'aidant à se relever.

- Cyril ?

Les taches de rousseur de son ami étaient reconnaissables entre mille. C'était bien lui.

- Mais quand as-tu... ?

- Dans les secondes qui ont suivies notre départ, acheva Cyril en se frottant le nez d'un air. Je me suis dit que c'était bête de voir notre binôme se briser pour si peu... Et puis je pouvais pas te laisser tout seul, regarde dans quel pétrin tu t'es encore fourré. Dès que je te surveille plus, c'est toujours la même chose !

Devant eux, une véritable montagne de muscles se releva. Au milieu de son visage taillé à coups de serpe, deux yeux noirs brillèrent d'un éclat féroce. En ajoutant à cela une carrure de géant et un crâne tatoué sur la joue gauche, il faisait singulièrement peur. Parallèlement, ses arcades sourcilières proéminentes et ses longs bras lui donnaient l'allure d'un étrange gorille.

Lissant son bouc auburn comme si de rien n'était, l'homme se releva.

- Ce Dynamo... c'est un des hommes de Tobias, non ? remarqua Jérémie en fronçant les sourcils. Donc, ça veut dire...

- Exactement, le coupa Cyril d'un ton ferme. Auparavant, c'était une bête incontrôlable. Et je peux le dire pour l'avoir personnellement affronté. Mais maintenant qu'il a subi une transformation, maintenant qu'une partie d'Arceus vit en lui... je suppose que c'est un vrai démon. Pour preuve, mon éclair ne lui a presque rien fait.

- Vous aussi vous venez chercher vos Pokémon ? lança Dynamo en jetant un coup d'œil aux quais qui se profilaient en contrebas. Je dois dire que j'ai hâte de lâcher mon Salamandra pour qu'ensemble, nous mettions tout à feu et à sang ! Et vous, que pensez-vous faire ?

Tout en lui était immonde, depuis son air rusé jusqu'à son ton mielleux. Jérémie le détestait rien que pour ça - et aussi parce que son dos le lancinait toujours. A côté de lui, il vit une moue de désespoir s'étaler sur le visage blafard de Cyril. C'en était trop...

- Nous allons te mettre une bonne raclée, rétorqua finalement le garçon en réprimant sa peur. Tu es sans aucun doute un de ces mauvais Pokéman. T'abattre reviendrait donc à nous débarrasser d'une menace !

Bien loin de paraître vexé, Dynamo lâcha un rire guttural. Un rire singulièrement dépourvu d'humanité. Enfin, une larme à l'œil tellement il était hilare, il déclara :

- Crois-tu franchement que tu as une chance blanc-bec ? Et puis, parler de " mauvais " Pokéman... Comme s'il y en avait des bons ! Ne me dis pas que tes capacités ne commencent pas un minimum à t'intéresser ? Je suis certain qu'au fond de toi, tu tires orgueil de cette supériorité que tu as sur les humains ordinaires ! Et si ce n'est pas le cas... c'est que ton tour viendra en temps voulu. C'est ainsi, tout Pokéman finira submergé par sa soif de puissance. Il se moquera de son prochain. Tu ne feras pas exception. Sauf... si je te tue, ici et maintenant !

Jérémie se tendit brusquement. Le ton de Dynamo venait de changer radicalement. On y sentait pointer une note funèbre, comme l'ombre d'un oiseau de proie prêt à s'abattre. Sur son flanc, le garçon constata que Cyril frémissait et suait. Chose tout à fait inhabituelle de sa part qui le surprit désagréablement.

- On tremble déjà le rouquin ? commenta Dynamo en gloussant de plaisir. Le fait que j'aie encaissé si facilement ta décharge t'aurais découragé à ce point ? Très bien. Dans ce cas j'irai vite, promis !

Des réflexions s'insinuèrent en Jérémie sans qu'il puisse faire le tri. Qui était donc ce type ? Quel était son pouvoir ? Pourquoi Cyril en avait-il peur plus que de raison ? Pourquoi...

- Attention !

L'espace d'un instant, Jérémie demeura ébahi. Lorsqu'il se retrouva allongé sur le sol, le bras de Cyril autour de l'épaule, ses sens demeurèrent émoussés. Puis le déclic se fit et il reprit conscience de la réalité.

Il n'avait même pas entrevu l'attaque ennemie. Sans le sauvetage incroyable de son ami, peut-être ne serait-il déjà plus de ce monde. A sa droite, leur adversaire s'était figé, la paume pointée vers l'endroit où le torse de Jérémie se trouvait auparavant.

Dynamo resta fixe et promena vers eux son regard cave, telle une effroyable gargouille douée de vie. Une puissance souveraine, une aura maléfique émanaient de cet individu. L'atmosphère semblait se plier sous la volonté de ses prunelles d'ébène. Jérémie ne trouvait pas comment appréhender ce nouvel adversaire. Sans aucun doute était-il le plus féroce qu'il ait jamais affronté.

" Il n'a même pas montré de véritable pouvoir que je suis déjà surpris, pensa l'adolescent, maudissant sa négligence. Sa vitesse d'exécution est dingue. Si je ne veux pas être un poids mort, il va falloir que je me montre plus vigilant à l'avenir. "

Dissimulée par un masque de peur, l'expression joviale de Cyril semblait disparaître. Il n'était plus qu'un fantoche. Tout espoir l'avait quitté.

Jérémie serra les poings en l'observant. Ce qui constituait la nature même de son ami donnait l'impression de se liquéfier sous ses yeux. Se liquéfier pour laisser place à une entité différente, dépourvue de tout ce qui en faisait la personne qu'il appréciait...

- Ce que je peux aimer voir les gens souffrir ! assura Dynamo en pivotant pour faire face aux deux adolescents. Rien n'est plus beau que la mort quand elle est donnée par ma main ! Ah, je me mets même à faire de la poésie...

Cet homme était décidément fou. Quoiqu'il pût arriver, il irait visiblement jusqu'au bout. Jérémie soutint Cyril pour le forcer à se relever. Puis il sonda Dynamo, cherchant à déceler une quelconque faille. Ce qui n'était pas une mince affaire. Le Pokéman n'était manifestement qu'un condensé de muscles et de haine imperturbable. On ne pouvait pas espérer soulever en lui des regrets ou même un quelconque sentiment. La folie était son unique impératrice.

- Bien, admirez la classe du vrai guerrier, dit ce dernier en braquant une main verticalement, les doigts en éventail. Dites merci à tonton Dynamo... car je vais vous exploser au point que vous ne sentirez rien !

L'air se distordit autour de son poignet. Peu après, un faisceau de lumière irradia les alentours. Quand Dynamo replia son bras, celui-ci était bardé par une cuirasse noire aux reflets métalliques. Ses doigts étaient désormais prolongés par des griffes dignes d'un redoutable prédateur.

Le Pokéman s'était muni d'une prothèse mortelle et Jérémie l'observa, statufié. Dynamo s'ourla alors d'un rictus : de toute évidence, l'intérêt de son adversaire l'enivrait de fierté.

- Jérémie... balbutia soudainement Cyril en tirant sur la manche de son uniforme. Ça ne sert à rien. En venant ici, je croyais pouvoir le prendre en traître. Mais même ainsi, c'est inutile. Tu n'as qu'à observer le résultat. Il faut aussi que je te dise une dernière chose, ajouta-t-il après un bref silence. Cet homme... est celui qui a tué mes parents.

Le garçon regarda son ami sans le voir. Cette nouvelle l'atterrait et le jetait dans un gouffre, nourri par des années de peur et de doute. Il n'arrivait pas à y croire. Dynamo, l'homme monstrueux qui les lorgnait comme deux immondices, était le meurtrier qui avait fait tant de mal à Cyril ?

Comment cette ordure pouvait-elle encore se regarder en face ? Comment pouvait-elle les détailler avec tant de satisfaction ? Comment pouvait-elle rester là et ne pas... implorer son pardon à Cyril ?!

- Je jure... que je te tuerai ! hurla Jérémie en sentant ses membres se déplier spontanément pour le propulser vers Dynamo.

Son antagoniste releva la tête pour lancer un nouveau rire proche de l'aboiement. Puis, alors que Jérémie n'était plus qu'à trois mètres de lui, il fendit l'air de ses griffes. Celui-ci parut lacéré, déchiré au moment même de ce geste. Sur le qui-vive, Jérémie se déporta et tira une gerbe de glace vers Dynamo.

Toutefois, aucune récidive ne lui fut permise car l'ennemi riposta derechef avec son autre bras. Le garçon recula d'un bond pour se tenir hors de portée et contempla son œuvre.

Dynamo avait le bras droit enfermé dans la glace, lequel pendait le long de son flanc. Son gauche, en revanche, était libre et arborait également le revêtement cuirassé. Là où le géant avait frappé, le sol était déchiqueté et labouré. Jérémie resta stupéfait par une telle force et se félicita intérieurement d'avoir esquivé ses assauts dévastateurs. Surtout que Dynamo disposait d'une remarquable faculté d'adaptation.

- Tu as aimé ces deux attaques ? remarque le colosse en brisant la glace qui l'entravait comme du papier de verre. Je me suis inspiré de l'attaque Dracogriffe pour la mettre au point !

Ainsi, tout s'expliquait. Dynamo s'appuyait sur le monde Pokémon pour innover avec son pouvoir. Un pouvoir qui était d'ailleurs de type Dragon. Par conséquent, la glace devait être son point faible, sa hantise par excellence.

Ces conclusions hâtivement formulées, Jérémie décida de jouer sur la défensive. L'antagoniste semblait être bouillonnant et impulsif, chose qui pourrait lui donner un certain avantage.

Quelques secondes plus tard, les faits donnèrent raison au garçon qui plaqua ses mains à terre. Une véritable barrière à l'éclat adamantin s'éleva de terre pour faire obstacle à Dynamo, qui armait ses poings et courait vers lui.

- Pathétique ! marmonna l'homme d'un ton cinglant.

En dépit de la confiance qu'il plaçait en son mur, Jérémie ne put réprimer un geste de recul instinctif. Chose qui lui sauva la vie. D'un coup hargneux, Dynamo réduisit le rempart en miettes et écorcha le bras gauche du garçon. Celui-ci vacilla sur plusieurs mètres et retomba lourdement sur les fesses, désarçonné.

- Tu ne m'amuses vraiment plus ! tonna Dynamo avec férocité. Mais où sont donc passés les robustes combattants que je m'attendais à affronter ? Je suis déçu... Meurs !

Empli de volonté meurtrière, il pointa ses deux mains sur Jérémie. La brûlure aiguë de sa coupure fit grimacer le garçon qui se releva maladroitement. Seuls quelques échanges avaient suffi pour pointer du doigt le fossé qui le séparait de son adversaire. Aigri, Jérémie acceptait durement mais fatalement cette réalité. Sa vie allait s'achever. Ici et maintenant.

Derrière lui, le garçon perçut le souffle généré par des rouleaux de vagues : ses pas l'avaient mené près de la falaise. Dans un mouvement d'espoir ridicule, il porta son regard en contrebas. Cruelle déception s'il en est. Des récifs acérés semblables à des glaives de roche émergeaient en pointant vers le ciel, prêts à empaler quiconque chuterait.

- Ne cherche pas, tu es fait comme un rat ! assura Dynamo en revêtant son expression la plus sournoise. Maintenant... A-D-I-E-U.

Au creux de ses paumes jointes, une sphère naquit et crépita tel un brasier à la faim dévorante. Terrifié - mais aussi fasciné - par ce globe de mort, Jérémie ne parvint pas à remuer un muscle. Ses membres tétanisés le lançaient douloureusement et ses entrailles se tordaient en tous sens, comme voulant s'échapper.

Enfin, Dynamo envoya un rayon aux teintes crépusculaires. Dans un sifflement d'obus, le projectile s'étendit jusqu'à Jérémie...
Désarroi comme amertume se bousculèrent en lui tandis qu'il baissait les bras, prêt à accueillir la mort. Périr si bêtement... Quelle honte.

Par-delà le roulis et les rafales, Dynamo rit à nouveau. Voilà donc le dernier son qu'il entendrait...

C'est alors qu'une ombre masqua à Jérémie la vue du rayon. Les bras en étoiles... Cyril le défendait.

Avant que Jérémie ait pu esquisser le moindre geste ou la moindre parole, le projectile frappa Cyril de plein fouet. Le monde sembla alors s'écrouler.