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Aide-toi et le ciel t'aidera de Kydra



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Informations

» Auteur : Kydra - Voir le profil
» Créé le 03/12/2011 à 19:47
» Dernière mise à jour le 28/01/2013 à 13:26

» Mots-clés :   Aventure   Présence d'armes

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Chapitre 15 : Blabla Dodo
Je passais les deux jours qui suivirent à ne rien faire. En un sens, je me reposais au moins. Je désespérais en pensant que toutes mes prochaines journées ressembleraient à celle-là. Un Nosféralto que je connaissais mal avait pris la tête de mon ancien groupe. Ténèbres-Ailées y était remplacée par un Linéon, Frappe-Zigzagante. Je ne voulais surtout pas avoir de nouvelles de leurs missions. D'abord, je craignais qu'ils eussent tué Vassili. Ensuite, rester dans la forêt pendant que les autres se battaient ne me plaisait pas du tout. Je préférais ne pas attiser mon désespoir en écoutant leurs histoires héroïques. Je me sentais horriblement seul. Je ne l'étais pas vraiment, physiquement parlant. Mes amis me rendaient souvent visite. Nous discutions de tout et de rien. Comme je ne voulais pas aborder les combats, il ne restait pas grand-chose. Ce que nous disions restait creux. J'avais perdu la profondeur de la relation qui existait avec eux avant, puis après, entre Vassili et moi. Nous ne parlions pas, tous les deux, et pourtant, notre cohabitation était plus intense que tous ces vains bavardages.

Je cueillais des baies, tissais des toiles, préparais des pièges. Je ne faisais rien. Ces actions ne m'intéressaient pas. Il n'y avait rien de plus lassant que ces taches. Je ne méprisais pas ceux qui les faisaient, ils étaient utiles. Ce n'était pas mon cas. Je me sentais inexistant. J'avais été formé à me battre. C'était ma façon de servir le groupe. Ce que je faisais ces jours-là ne servait qu'à remplir un vide. Il fallait que je produisisse. Je n'étais pas à ma place, je le sentais. Quand je regardais les Pokémon ramasser les provisions ou faire les autres travaux qu'on leur confiait, je voyais qu'ils étaient heureux de pouvoir aider. Paradoxalement, plus ils se réjouissaient, moins je me sentais bien. Ils ne faisaient qu'amplifier ma sensation d'incongruité. J'étais là comme un Pokémon feu dans la mer. Je me trouvais de plus en plus différent d'eux.

Certains Pokémon n'osaient plus m'adresser la parole. Ils étaient inquiets de celui qu'ils croyaient que j'étais devenu. J'avais une réputation de traître, malgré le soutien de Protectrice-Colérique. Malin-Fureteur faisait comme si je n'existais pas. Quand il me croisait, il avait simplement un petit air satisfait et un regard méprisant. J'en finis par croire qu'il avait réussi à se convaincre lui-même de l'histoire qu'il avait inventée à mon sujet. Je ne pouvais pas m'empêcher de penser à l'histoire de Brûlant-Agité. J'incarnais en quelque sorte le Capumain de couleur différente de cette légende. Tel que lui, j'apportais avec ma présence des événements mauvais. J'entendais que certains racontaient des horreurs sur moi, mais ils se taisaient quand j'approchais. Ils m'inventaient des agissements irréels pendant le temps où j'avais été absent. Je devenais le maudit, celui à qui il ne fallait pas parler. Ceux qui disaient ne pas prendre ces histoires au sérieux paraissaient quand même méfiants, signe que je n'avais pas toute leur confiance. Ils le montraient moins que les autres, mais restaient toujours un peu dubitatifs. Ils gardaient plus leurs distances que ce qu'il n'auraient fait auparavant. Je ne pouvais pas vraiment leur en vouloir. J'espérais seulement que cela leur passerait avec le temps.

Je cueillais encore machinalement des baies, protégé du soleil brûlant par le feuillage. Même à l'ombre il faisait très chaud. Je ne pensais à rien du tout. Je n'arrivais pas de toute manière à réfléchir. Je préférais d'ailleurs cet état. Au moins, je ne retournais pas tous mes malheurs. Mes souvenirs étaient tous plus douloureux les uns que les autres. Coupe-Tout arriva, essoufflée. Au départ, je ne la vis même pas tellement je ne prêtais attention à rien. Quand elle cria mon nom, je faillis sursauter alors qu'elle me regardait depuis quelques minutes déjà.

...............- Je viens voir si tu vas bien. Tu ne t'ennuies pas trop ? On pense toujours à toi, Terreur-des-Hommes et moi en tout cas. On a hâte de te revoir parmi nous.
...............- Je vais comme je peux. Mais je ne me sens pas vraiment à ma place, c'est tout. Tu veux quelques baies ? demandai-je pour changer de sujet.
...............- On a vu les deux Zigzaton ce matin, dit-elle en prenant la nourriture que je lui tendais. Ils vont beaucoup mieux que la dernière fois quand on les avait laissés chez eux. Par contre, on dirait qu'ils ont pris un coup de vieux. Ils étaient beaucoup plus sages. Ils n'ont presque pas posé de questions et ils nous ne nous ont pas gênés pendant que nous travaillions. J'espère qu'ils ont quand même encore le loisir de s'amuser, ce serait dommage d'être déjà comme ça à cet âge-là !
...............- Ne t'en fais pas pour eux. Il leur faut sans doute du temps, mais ils s'en remettront. C'est comme pour moi, en quelque sorte... Je finirai bien par m'habituer à nouveau. C'est une période transitoire. Je pense que c'est déjà une bonne chose qu'ils se promènent encore ensemble dehors.
...............- Ca m'a fait penser à Ténèbres-Ailées... continua la Rattatac. Sa mort m'attriste énormément. J'aimerais tellement la voir revenir. A chaque fois que je vois un Cornèbre...
...............- Je sais, dis-je en soupirant sans la laisser terminer. Moi aussi j'ai été bouleversé. Mais il nous faut regarder vers le futur. On ne peut pas continuer à nous morfondre comme ça. Surtout que cet événement ne me rappelle vraiment que de mauvais souvenirs. Il faut que je tourne la page et pour ça, il vaudrait mieux ne plus parler de ce moment.
...............- C'est à cause de l'humain ?
...............- En partie, mais pas comme je l'aurais pensé. Je crois que la situation est encore plus complexe que ce que veut bien nous expliquer Protectrice-Colérique.

Coupe-Tout s'éloignait. Elle n'avait qu'approuvé rapidement ma dernière phrase. Elle n'avait sans doute pas du tout envie de commencer à parler d'humains ou de débattre au sujet de la maîtresse et c'était beaucoup mieux ainsi. Finalement, elle se retourna d'un coup et reprit :

...............- Ah, aussi... Les Granivol ont de nouveau fait parler d'eux. Ils ont été enlevés en masse récemment par des humains. Ils ont prétendu que nous en étions responsables, avec Gueriaigle. Bien entendu, ils ont tort. Nous ne sommes plus vraiment en bons termes à cause de cette affaire.
...............- Oui, ce sont les échangeurs. Ils en avaient plein dans des boîtes, des Granivol et aussi des Floravol. Je n'ai rien pu faire pour eux, ils étaient bien trop nombreux, mais je les ai vus, dans la plaine. Il est trop tard pour eux maintenant.
...............- Tu devrais peut-être en parler à Protectrice-Colérique...

Elle partit rapidement, prétextant qu'elle devait retourner accomplir ses taches. Elle ne me mentait certainement pas, seulement, je n'appréciais pas qu'on me rappelât les devoirs des combattants. Je ne souhaitais pas aller parler à la maîtresse du Floravol que nous avions trouvé. Je n'avais pas envie de lui raconter ma vie avec Vassili et encore moins qu'il avait un Pokémon avec lui, en partie grâce à moi. A mes yeux, elle ne semblait plus aussi fiable qu'auparavant. Je voulais prendre mes distances avec notre guerre. Je lui en voulais aussi de me poser des questions qu'elle savait vexantes. Elle n'avait qu'à se débrouiller seule pour arranger les relations avec les Granivol. De toute manière, je ne les appréciais pas vraiment, ces Pokémon. Ils étaient bien trop superficiels pour moi. J'espérais seulement que Pierre-Montagneuse, qui écoutait toutes mes conversations depuis qu'il devait me surveiller, ne jugerait pas cette information assez importante pour la lui rapporter. Je ne me faisais pas trop d'illusions non plus.

Terreur-des-Hommes vint me trouver dans la soirée. Elle s'arrangea pour éloigner l'espion de Protectrice-Colérique suffisamment pour pouvoir me parler en privé. J'ignorais comment elle avait réussi son coup, l'essentiel était qu'elle y fût parvenue. Sans cette amie, sur qui je pouvais toujours compter, je me demandais bien ce que je serais devenu.

...............- Coupe-Tout m'a parlé de votre discussion. Elle n'a rien vraiment remarqué, mais je me doute bien que tu as des tonnes de problèmes sur le cœur. Dès qu'elle m'a rapporté tes paroles, je n'en ai plus douté ! Protectrice-Colérique ne saura rien, tu peux en être sûr...
...............- Je n'ai plus rien à faire ici, me livrai-je après l'avoir remerciée d'être venue. Je suis presque considéré comme un ennemi parmi les miens. Sans compter que je sens qu'on me méprise. J'ai l'impression de n'être plus qu'un paria dans cette forêt. On dirait que je suis devenu humain en dix jours, à leurs yeux. C'est peut-être imaginaire, parce que j'ai passé des moments difficiles. Seulement, cela me pèse quand même. Cueillir des baies, ce n'est pas de mon ressort. Je ne suis plus rien et tout semble me le rappeler.
...............- Je ne dirais pas que ton malaise n'en rajoute pas à ta paranoïa... Pourtant, je ne peux pas te dire que le comportement des autres n'a pas changé. C'est un peu comme si tu étais un nouveau. Tout finira par rentrer dans l'ordre, ne t'en fais pas.
...............- Ce n'est pas vraiment le seul problème...

Je me lançai dans des explications. Terreur-des-Hommes était la seule à qui j'acceptais de parler de Vassili. Personne ne pouvait comprendre à part elle. Je lui donnais le plus de détails possibles sur ce que j'avais vécu. Je voulais qu'elle comprît mes sentiments à l'égard de cet humain, bien que je ne fusse pas sûr moi-même de ce que j'éprouvais à son égard. Je lui racontais aussi mes préoccupations sur le bien-fondé de nos combats. Pour résumer, j'étais déboussolé. J'avais l'amère impression que la montagne de mes certitudes s'effritait sous mes pieds. Je tombais alors dans l'incertitude. Elle ne m'interrompit jamais. Plus je parlais, plus elle me comprenait, je le sentais. J'avais bien fait de me confier à elle. Je ne m'attendais pourtant pas du tout à sa conclusion. Je pensais plutôt qu'elle essaierait de me raisonner et de me convaincre de tout oublier. Elle me demanda ce que je comptais faire. Cela me perdit encore plus. Je ne savais pas quoi répondre, je me demandais même si la question n'était pas chargée d'arrières pensées. J'eus l'impression qu'elle essayait de me faire dire quelque chose. Pourtant, elle n'insista pas sur sa demande et changea légèrement de sujet.

Elle me rappela qu'elle avait elle aussi vécu quelques temps aux côtés d'un humain. Après mon départ, elle avait tenté de rassembler ses souvenirs sur cette période. Elle était très jeune à cette époque et il ne lui restait que des images. Elle ne se rappelait très précisément que de son abandon, peu avant la guerre. Cependant, il lui semblait que son père, avec qui elle était restée chez le dresseur la rassurait sur son avenir parmi les humains. Elle ne dit rien sur la période qui suivit son départ forcé. Ce que je lui racontais à propos de Vassili l'étonnait un peu, car elle ne s'attendait pas à ce qu'il fût aussi agréable. Pourtant, elle s'attendait, contrairement à moi, à ce que nous nous supportions. Elle me quitta en me conseillant simplement de réfléchir à mon avenir. Elle pensait que je pouvais, à terme, retrouver une vie normale ici. Elle insista particulièrement sur ma capacité à prendre mon destin en main. J'y voyais des paroles à double sens, elle m'inquiétait plus qu'elle ne me rassurait.

Une bonne partie de la nuit, je tournais ses paroles dans ma tête. Je ne pouvais pas m'empêcher de penser que c'était ce qu'elle voulait. Elle essayait de m'amener à me rendre compte de quelque chose, mais je ne voyais pas quoi. Voulait-elle dire que je devais quitter la forêt, ou plutôt qu'il fallait que je prisse du plaisir dans ce que je faisais ? Après maintes réflexions et suppositions, je finis par me convaincre qu'elle n'avait pas voulu me guider. Elle voulait sans doute que je fusse bien dans ma peau. Autrement dit, ma situation n'était pas celle qu'elle devait être. Il fallait uniquement que je me décidasse sur ma conduite. Je devais cesser de m'interroger indéfiniment pour enfin trouver ma voie. Elle avait voulu me démontrer que je devais réfléchir. Elle avait réussi, puisque je ne dormis que très peu cette nuit-là.

Je pouvais quitter la forêt, retourner à la solitude et vivre en Pokémon indépendant. Avec un peu de chance, je finirais par trouver un groupe qui m'accepterait. N'ayant ainsi plus de contact avec les humains, je recommencerais une nouvelle vie. C'était une chance pour moi de prendre un nouveau départ. Je pouvais aussi m'accommoder à ma nouvelle mission. Quand j'étais encore un guerrier, je ne méprisais pas les Pokémon qui ne se battaient pas. Je pouvais continuer les matches amicaux, Nuit-Aveugle était toujours partant de ce côté. Sans doute, si je me montrais bien intégré, je regagnerais un peu de considération de la part des autres. Même si cette option paraissait sage et la plus facile, elle ne me convenait pourtant pas vraiment. Je me voyais très mal dans cette position. Je pouvais aussi désobéir à notre maîtresse. Si je me battais aux côtés des guerriers, ils finiraient bien par se rendre compte que j'étais toujours fidèle. A force, je regagnerais peut-être une place honorable dans le groupe. Je doutais de nos raisons, pas suffisamment cependant pour hésiter lors des affrontements. Je risquais d'avoir encore des problèmes, mais après tout, je n'étais pas vraiment à un ennui près. Regagner ma notoriété me plaisait...

Je me demandais s'il m'était possible de m'enfuir pour retrouver Vassili. Nous aurions pu rester tous les deux avec Dynavolt. J'avais envie de retrouver sa compagnie, mais je ne voulais pas laisser Terreur-des-Hommes et les autres avec qui je m'entendais encore. J'étais un Pokémon, je ne devais pas renier mes origines. De plus, avec la situation actuelle, vivre avec un humain n'était pas vraiment la meilleure option. Je me demandais d'ailleurs ce que deviendrait Dynavolt. Malheureusement, plus j'y pensais et plus j'imaginais le pire. La vie en commun d'un Pokémon et d'un humain ne pouvait pas tenir longtemps. L'un d'eux serait forcément tué d'ici peu et l'autre abandonné à son sort. Le survivant serait encore plus rejeté que moi. Au même titre que je ne pouvais pas souhaiter une telle vie à mes compagnons des dix derniers jours, je devais me résoudre à écarter cette idée pour moi aussi.

Je choisis finalement d'essayer de retrouver au plus vite une place au sein du groupe. Si ma tentative devait échouer, je prendrais alors la première option. La vie en solitaire avait aussi des avantages. Je n'aurais plus à me soucier des problèmes entre humains et Pokémon et je ne pourrais pas m'en vouloir de ne pas avoir tenté de m'intégrer à nouveau parmi mes amis actuels. Je me promis de chasser au plus vite mes souvenirs sur la période d'exil que j'avais vécue. Il ne me restait plus qu'à réfléchir à ma conduite envers Protectrice-Colérique. Je préférais lui en parler, mais j'avais peur qu'elle refusât. Comme le sommeil m'empêchait de réfléchir encore un peu, je remis au lendemain ces considérations.