Chapitre 14 - Oliville I
Le froid, perfide, réveilla Elza d'un sommeil comateux. Elle sentit qu'elle se trouvait dans un lit, et devina que sa couverture devait être tombée. Elle bougea légèrement sa main, les yeux clos, afin de trouver de quoi se réchauffer, mais tandis qu'elle éraflait le lit du bout de ses ongles, une douleur aigüe lui traversa la main. D'un bloc, les souvenirs de sa dernière mission pour Twilight s'imprimèrent sur sa rétine.
Un pokémon qui hurlait ; des sbires de tous les côtés ; Alexandre et Candice assommés ; Hélio transformée presque de force ; et cet ongle, cet ongle arraché qui la faisait maintenant souffrir d'une douleur localisée, tambourinante, lancinante comme une pendule d'horloger.
Elle ouvrit les yeux et vit Zan allongé à ses côtés, endormi. Se redressant maladroitement, elle caressa doucement la tête de son ami avec sa main blessée dont un doigt était enroulé d'un épais pansement réparateur. Le pokémon ouvrit les yeux et des perles salées virent se former au coin de ses yeux. Il enlaça sa dresseuse d'un gémissement rauque, et elle lui rendit son étreinte, les sourcils froncés, le cœur battant.
Il s'en voulait. Depuis son arrivée sur les lieux, la veille, Zan se morfondait. Il ne cessait de se dire qu'il aurait du rester avec sa dresseuse, au lieu de paresser avec les pokémons de Matthew. Il l'aurait défendu, crocs et ongles, pour l'arracher des mains de ces brigands sans pitié. Il aurait fait du mal pour elle, il aurait tout brisé sur son passage. Le sentiment d'impuissance qui s'était infiltré dans ses veines depuis cet instant où il l'avait retrouvé, allongée au sol, la main blessée, coulait diffusément en lui, comme un poison, brûlant et tranchant.
Elza le sentit. Elle reçu cette décharge comme une gifle. Au contact rugueux des écailles tremblantes de son pokémon, de son starter, de son ami… Elle soupira au creux de son cou.
« Zan… Ne sois pas triste. Je vais bien. Hélio était là. Ils ne m'ont rien fait, tu vois, je suis entière… » Murmura-t-elle dans le silence lourd de la chambre.
Zan la regarda dans les yeux, et il vit qu'elle ne lui en voulait pas le moins du monde. Il s'en sentit soulagé, mais paradoxalement, une boule d'angoissa resta coincée au travers de sa gorge.
Le crocodile se défit de son étreinte et laissa sa place à Chinchou et Dizzy qui tremblaient d'inquiétude derrière lui.
« Mes chéris… ! » Sourit Elza. « Vous êtes tous là ! »
Elle caressa le crâne de Chinchou et embrassa le museau de Dizzy qui se cramponna à elle d'une façon désespérée, agité de soubresauts d'une rare violence.
« Dizzy, je vais bien ! » Répéta-t-elle. « Où est Hélio ? »
Ses trois pokémons s'entreregardèrent, gênés.
« Où est elle ?! » Demanda vivement Elza en se levant brusquement.
Douleur.
Ses genoux plièrent sous l'effort. Elle avait oublié que ces enfoirés lui avaient donné un coup de matraque dans les jambes avant de partir.
Agenouillée, recroquevillée et le visage grimaçant sous la douleur inattendue, ce fut comme ça que Myxilia la trouva, entrée en catastrophe dans la chambre après avoir entendu du bruit.
« ELZA ! » S'écria la coordinatrice.
« Myxilia ? » S'étonna Elza, levant les yeux vers la nouvelle venue. « Mais… Tu n'es pas à Sinnoh ?
- Je suis venue des que j'ai su, Elza ! Retourne te coucher ! » Vociféra la brune en empoignant la fillette.
« Où est Hélio ?! » Cria Elza tout en se laissant porter jusqu'à son lit.
« Elle va bien ! Elle est simplement fatiguée. L'infirmière Joëlle a été obligée de la garder en observation… Elle était un peu jeune pour évoluer, et elle a dépassé ses limites contre tous ces pokémons… »
Elza sursauta, et son cœur fit un bon dans sa poitrine. Sa joie à l'idée de revoir Myxilia s'effaça d'un bloc face au poids de cette révélation : elle avait commit une grave erreur en faisant évoluer Hélio, et son pauvre pokémon aurait pu mourir. Mourir.
Elle hoqueta, choquée, les yeux révulsés.
« JE VEUX LA VOIR ! » Hurla-t-elle à Myxilia tout en lui donnant un coup.
***
Hélio allait bien. Elle semblait emprunte d'une terrible fatigue, mais sembla rayonner des l'arrivée de sa dresseuse.
« Hélio ! » Sanglota Elza en prenant sa protégée dans les bras. « Je t'aime… Tu vas bien ? Je m'en veux tellement, je suis désolée, désolée… »
La petite fille serra fort pyroli contre elle, caressant doucement sa fourrure douce, réchauffée par ses flammes tièdes. La jeune pokémon gémit en retour, jurant à sa dresseuse qu'elle ne lui en voulait absolument pas.
Myxilia, les épaulées voutées, accolée à l'encadrement de la porte, soupira de soulagement. L'infirmière Joëlle donna quelques recommandations à la brune, puis elle se retira, les laissant savourer de plaisantes retrouvailles.
Elza sortit de la salle de soins avec Hélio dans les bras, et Myxilia sur ses talons, quand des cris attirèrent son attention.
« …D'UNE FILLETTE DE CET AGE LA ?! NON MAIS VOUS VOUS RENDEZ COMPTE DES RISQUES QUE VOUS LUI AVAIT FAIT PRENDRE ?! N'AVEZ-VOUS AUCUN SENS DES RESPONSABILTES ?! ET SI ELLE S'ETAIT FAITE TUER ?! »
Dans une petite pièce, loin de la foule du Centre, Elza vit Candice et Alexandre en proie avec un PokéMatos enragé. Derrière l'écran du téléphone, un homme d'une trentaine d'années aux cheveux auburn s'égosillait sur les deux pauvres membres de Twilight. Ils avaient l'air à la fois contrit et ennuyé.
« Qu'est-ce que… ? » Demanda Elza d'une petite voix.
Alexandre et Candice se retournèrent, et l'homme aperçu Elza dans le champ de vision de l'appareil.
« Elza Delouvre ? » Demanda-t-il.
« Oui ?
- Je suis Peter, le chef de Twilight. »
Elza resta interdite un instant.
« J'espère que tu vas bien ? » Demanda-t-il.
Elza trouva qu'il semblait réellement soucieux de sa santé, c'est pourquoi elle répondit en souriant :
« Oui, je vais très bien, et Hélio aussi. »
Elle montra à l'ancien Maître de la Ligue Kanto la petite pyroli dans ses bras, qui couina comme pour confirmer ses dires.
Son visage se détendit.
« Tant mieux. » Sourit-il en retour. Son regard se tourna de nouveau vers les deux adolescents, et il se fit dur comme l'acier. « Vous avez commis une grave erreur, d'envoyer une jeune fille de dix ans à peine dans les bras d'une organisation dont on ne sait pratiquement rien ! SCOD est peut être aussi perfide que n'importe quelle Team, il ne faut jamais sous estimer un ennemi !
- Mais je vais bien ! » Coupa Elza.
« La n'est pas la question ! » Siffla Peter, irrité. « Tu as été engagé parce que tu avais, selon Myxilia, des aptitudes intéressantes au combat, mais il n'empêche que tu n'as pas encore même terminé ton voyage initiatique ! Tu as encore beaucoup à apprendre et à progresser avant de pouvoir effectuer des missions aussi importantes que celle-ci ! Alexandre et Candice ton envoyé dans un endroit qui n'est pas fait pour une jeune fillette comme toi, et tu devrais t'estimer heureuse de t'en sortir entière. »
Peter se pinça le nez entre le pouce et l'index.
Candice avait la tête baissée, mais Elza pouvait voir qu'elle fulminait, car son corps se soulevait avec saccades, troublé par sa respiration furieuse. Alexandre, lui, contemplait Peter avec un air placide, tout en jouant avec une PokéBall.
« Je sais tout ce dont est capable une Team. » Lança le blond d'une voix glacée.
Son regard azuré croisa celui de Peter, et le Maître cilla et soupira, seul connaisseur avec Myxilia de la signification de cette phrase.
Peter releva les yeux vers la foule rassemblée.
« Elza va terminer son voyage initiatique. Elle ne doit plus, dès à présent, faire AUCUNE mission qui soit, si ce n'est demander à des dresseurs d'arène de nous rejoindre si elle les juge digne de confiance. Est-ce compris ?
- Oui. » Souffla Myxilia, faisant sursauter tout le monde. « J'y veillerais. »
Peter la sonda un instant, indéchiffrable, puis il dit simplement, en guise d'au revoir.
« J'y compte bien. Je te fais confiance, Myxilia. » Et la communication cessa.
Des lors, Candice laissa exploser toute sa colère.
« NON MAIS QUEL CON ! De quoi je me mêle ?! »
Alexandre l'attrapa par les épaules et la traina loin du PokéMatos.
« C'est bon, ne t'en fais pas. Ca ne sert à rien de crier, maintenant. »
Pour une raison inconnue, elle se contenta de renifler et de suivre le garçon.
Plus tard, alors que Myxilia embrassait Elza rapidement pour lui dire au revoir afin de retourner rapidement à son poste à Sinnoh, Elza lui demanda :
« De quoi parlait Alexandre quand il a dit qu'il savait à quel point les Teams pouvaient être cruelles ? »
Myxilia se tendit.
« Et bien… Je ne crois pas que ça soit à moi de te le dire.
- Quoi ?! Mais… ! » Vociféra la brune.
« De toute façon, je ne suis pas au courant des détails. Il n'en n'a jamais vraiment parlé. Oublies cela, ça n'a pas vraiment d'importance.
- Je pense que si, sinon Alex ne serait pas dans cet état ! Il n'est jamais très joyeux, mais il n'a jamais eu des paroles aussi froides depuis que je le connais ! »
Myxilia darda ses yeux clairs sur elle.
« Ca n'est pas à moi de te raconter. » répéta-t-elle. « Je dois y aller maintenant. »
Elle sortit de son sac une Ball de laquelle sortit un pokémon oiseau immense qu'Elza n'avait jamais vu. Un pokémon spécifique de Sinnoh, se dit elle.
« Etouuuuuur' ! » Cria le pokémon en décollant, l'adolescence sur son dos.
Et son amie disparut dans le ciel gris.
Elza était bien décidée à trouver Alexandre pour lui tirer les vers du nez, mais lorsqu'elle demanda à Matthew s'il l'avait vu, celui-ci fut contraint de lui répondre que le blond et son amie Candice avaient déjà déserté la ville depuis un moment. Ils avaient même laissé derrière eux le PokéMatos.
« Quoi ?! Mais c'est dingue ça ! Et au revoir, alors ?! »
Elle posa ses mains sur ses hanches, les sourcils froncés.
« Pff. » Souffla-t-elle. « Il me faut du café ! »
Matthew éclata de rire.
***
« Très bien. » Annonça Matthew. « L'arène d'Oliville est au nord de la ville, mais on dit que sa championne est souvent au phare. Du coup, on peut passer par le phare, au sud, pour visiter et demander à la championne – si elle est là-bas – un match pour notre prochain badge. T'es d'accord ? Après, il faudra qu'on se paye des places dans le Ferry qui nous descendra à Irisia ! Mais d'ici là, la journée touchera à sa fin, si tu veux mon avis. »
« Ca me va ! En route pour le phare ! » Lança gaiment Elza.
Cela faisait deux semaines que les deux enfants restaient au Centre Pokémon afin de surveiller l'état d'Hélio. La petite pyroli allait vraiment mieux, et l'infirmière avait assuré à Elza qu'elle pouvait reprendre les matchs et les entrainements dans la limite du raisonnable. Elza, soulagée et heureuse, avait alors passé la matinée à courir avec sa protégée, et à l'entrainer à l'aide de ses autres pokémons.
« Vous êtes prêts, les gars ?! » Demanda-t-elle avant d'ajouter : « Et Hélio ? On va sûrement devoir affronter la championne dans la journée, va falloir vous surpasser, ça devient de plus en plus dur !
- Oui. » Dit Matthew. « C'est une fille, elle s'appelle Jasmine et se bat avec des pokémons de type acier. Il est donc préférable d'utiliser des pokémons de type feu pour la vaincre. Avec Goupix à mes côtés, je suis sûr de gagner !
- Et moi, avec Hélio, je ferais trois à zéro ! Elle n'a aucune chance, hein ma belle ?! » Sourit Elza en souriant d'un air déterminé à pyroli.
« Par contre, après, il va falloir se dépêcher. On a trainé longtemps ici, et on est déjà fin octobre. La compétition approche à grands pas, et j'espère qu'on n'y sera pas en retard. »
Elza blêmit.
« Quoi ?! C'est impossible, je dois devenir Maîtresse cette année ! Je vais tous les battre ! » S'emporta-t-elle.
« Ne t'en fais pas. Si on ne traîne pas, ça ira. »
Le temps semblait être de nouveau de saison ce mois-ci. Le froid était déjà mordant, la pluie tombait régulièrement et aucune canicule incongrue n'avait dérangé ce fragile équilibre. Equipés de leurs pulls et de pantalons chauds, Elza et Matthew descendirent au sud de la ville à la rencontre du très célèbre phare d'Oliville.
Les embruns de la mer chatouillèrent leurs narines d'une douce odeur salée. Le vent soufflait plus fort ici, et, régulièrement, un rayon de lumière brillante s'évadait depuis de l'immense tour ronde, frôlait l'horizon de l'océan puis se fondait dans les contours des immeubles de la ville.
Il était encore tôt dans l'après-midi, mais la fraicheur et le gris du ciel assombrissait déjà le jour qui ne cessait de décroître avec la tombée du soleil. Au dessus d'eux, un troupeau de cornèbres profitaient du courant ascendant pour planer au dessus de la mer, observant d'un œil curieux des corayons qui s'ébrouaient avec leur dresseuse en combinaison de plongée.
Immédiatement, Elza eut envie d'aller la rejoindre pour profiter d'un moment de détente aquatique avec ses pokémons. Mais Matthew la pris par la main et l'entraîna à l'intérieur de l'immense tour qui faisait toute la réputation de la ville.
L'intérieur était entièrement fait de pierres grises, éclairés brillamment par de petites lampes blanches. Il y avait une grande foule au rez-de-chaussée et à peine eurent-ils ait quelques pas qu'une hôtesse les aborda avec un petit sourire.
« Bonjour et bienvenue dans le Phare d'Oliville ! Le premier étage est visitable à souhait, cependant les étages supérieurs ont été conçus pour faire des matchs pokémon. Aussi, de nombreux dresseurs attendent des adversaires et il est possible que certains vous proposent des combats. Passez une bonne journée ! »
L'hôtesse se retourna pour accueillir un autre groupe de touristes.
« Des matchs ! Génial ! » S'exclama Elza, enthousiaste. « Allons-y ! »
Elza et Matthew ne s'attardèrent pas sur le rez-de-chaussée, et grimpèrent immédiatement dans les étages supérieurs. Aussitôt, un gamin à peine plus âgé qu'eux aborda Matthew.
« Hey, salut toi ! Ca te dirait un match ? Mon rattatac est au top ! »
Matthew suivi le garçon en se frottant les mains. Elza, laissée derrière sans plus de cérémonie, se retrouva un peu vexée et décida de continuer à monter sans lui.
Au deuxième étage, Elza trouva déjà deux groupes de combattants en plein affront. Elle les observa un moment, jugeant avec sa maigre expérience du combat que – quand même – ce papillusion était faible, et que sa dresseuse ne savait pas lui ordonner les bons gestes au bon moment ; mais que – en revanche – ce joliflor avait des fleurs aussi tranchantes que des lames de rasoir et que son maître savait frapper l'adversaire là où ça faisait mal.
Elza monta encore une volée de marches et arriva à l'étage suivant. La, elle se fit bousculer par une fillette qui descendait rapidement les marches en portant son pokémon K-O dans les bras. Elle leva les yeux et croisa le regard froid d'un garçon qui semblait avoir son âge. Des yeux bleus foncés et des cheveux marron, un rebelle, qui la fixait d'un air sombre.
Le garçon leva sa Pokéball et demanda d'une voix glacée :
« Un match ? »
Elza déglutit. Ce garçon avait l'air perturbé, effrayant. Pourtant il semblait calme, et n'avançait même pas vers elle. Son attitude, si elle n'était pas menaçante, était cependant très froide, et Elza hésita une minute avant de s'avancer vers lui en acceptant.
« Un contre un. » Murmura le garçon d'une voix placide. « Drackhaus, je te choisis. »
Elza retint sa respiration. Drackhaus. Ce pokémon ne lui disait rien du tout ! Il ressemblait à un gros cocon rond et blanc, affublé de quatre pattes et de deux petits yeux jaunes perçants. Elle se mordit la lèvre. Ce garçon la regardait avec tellement d'arrogance ! Elle hésitait à sortir son pokémon de peur qu'il ne se moque d'elle.
« Qu'est-ce que tu fabriques ? » Dit-il. « Magne-toi, je n'ai pas que ça à faire. »
Elza resta bouche bée. Elle fronça les sourcils et décida d'attaquer avec Chinchou, qui manquait d'entraînement.
« En avant, mon Chou ! » Lança-t-elle. Puis, sans attendre : « Attaque bulles d'eau !
- Esquive, tempêtesable. » Répliqua calmement son assaillant.
Un nuage de poussière envahit la salle. Elza se protégea les yeux de son bras, tandis que son adversaire mettait sur son nez des lunettes de soleil opaques. Les bulles d'eau de Chinchou éclatèrent au contact du sable sec, inefficaces.
« Drackhaus, attaque séisme, et tu le mets K-O maintenant. » Ordonna le garçon.
« Quoi ?! » Hoqueta Elza. « Chinchou, attaque pistolet à eau ! »
Mais le pokémon adverse fit trembler le sol du phare et des pierres commencèrent à inonder le terrain. Chinchou se retrouva coincé entre deux énormes rochers, et tandis qu'Elza hurlait pour qu'il se sauve, Drackhaus se rua sur le pauvre pokémon poisson et l'assomma d'une attaque coup de boule dévastatrice.
« Le match est terminé. » Dit le garçon tandis qu'il rappelait son pokémon et que le sable retombait en volutes sur le sol. « Les jeunes dresseurs de Johto sont encore plus nuls que je ne le pensais ! Y-a-t-il un seul adversaire à ma taille dans ce phare ? »
Il partit en jouant avec sa Pokéball, le rire moqueur.
Elza serra les poings de rage. Les larmes menacèrent de faire surface mais elle ravala sa honte et récupéra Chinchou dans ses bras.
« Ca n'a pas d'importance. » Dit-elle. « Ce garçon était mauvais comme la peste. Je le hais. »
***
Matthew la retrouva à l'avant dernier étage, essoufflé.
« Dis donc ! Tu as couru pour monter ou quoi ?! » Questionna t-il, les mains sur les genoux, courbé en avant.
« Non. Je n'ai pas rencontré de dresseur. » Mentit-elle. « Alors je suis vite arrivée en haut. Viens, on est presque arrivés. »
Ils montèrent la dernière volée de marches et arrivèrent au sommet du Phare. C'était une pièce circulaire entièrement vitrée, où des gens se pressaient derrière des jumelles géantes afin d'apercevoir la mer ou le continent.
Elza s'approcha de l'un deux et regarda à travers les oculaires.
« Oh ! » S'exclama-t-elle. « Je vois une île ! »
« Oui, c'est Irisia. » Répondit Matthew en souriant. « Quand nous aurons battu Jasmine, c'est là que nous irons.
- Ca a l'air joli… » Murmura la brune en observant la montagne qui se découpait de l'océan.
Alors qu'Elza observait avec attention les alentours du port d'Oliville (« Oh ! Un groupe de tentacool, regarde ! ») Matthew fit le tour de la pièce et il ne vit pas la championne. Un groupe de jeunes lui dirent alors qu'elle était à l'arène en ce moment, et qu'elle y serait toute la journée. Il les remercia et retourna annoncer la nouvelle à Elza.
« Ah, bon. » Répondit-elle. « Et bien, allons à l'arène alors. Cette visite était des plus agréables, de toute façon ! » Rit-elle en ignorant le goût amer que prenait sa bouche quand elle repensait au garçon de tout à l'heure.
Ils remontèrent au nord de la ville et entrèrent dans l'arène. La, une femme d'une vingtaine d'années les accueillit.
« Bonjour. » Dit-elle d'une voix douce. « Je m'appelle Jasmine. Vous venez pour des badges ? Allons-y. »
***
« Jasmine gagne le match ! Matthew de Doublonville est déclaré perdant ! »
La réplique de l'arbitre raisonna dans les oreilles des deux enfants. Le cœur de Matthew battait la chamade. Une défaite. Sa première défaite.
Son monde s'écroulait. Après avoir obtenu sans faille ses quatre premiers badges, il n'avait jamais songé à la défaite. Elza, la mine sombre, posa la main sur son épaule.
« Nous reviendrons. » Déclara t-elle.
Elza aussi avait perdu. Ecrasée, broyée, humiliée pour la deuxième fois de la journée par un Steelix bien trop puissant pour ses pauvres pokémons. Les deux enfants sortirent de l'arène avec le cœur lourd et marchèrent d'un pas las vers le Centre Pokémon.
« Bonjour, Infirmière Joëlle. » Saluèrent-ils. « Nous venons faire soigner nos pokémons.
- Ah. Vous revenez de l'arène, hein ? Oui, je reconnais la les dégâts de Steelix. Jasmine est vraiment forte, beaucoup de dresseurs échouent à Oliville. Vous devriez faire comme beaucoup de jeunes dresseurs et descendre par de ferry à Irisia. Vous reviendrez à Oliville en remontant vers le nord. » Indiqua la jeune femme aux cheveux roses.
Matthew et Elza considérèrent son idée. Il est vrai qu'après avoir subi une telle défaite, avec tant de facilité pour Jasmine, ils manquaient d'entraînement. Ils décidèrent donc de suivre le conseil de l'infirmière et de réserver un billet pour le ferry qui reliait Oliville à Irisia.
Tandis qu'ils descendaient au sud de la ville, ils croisèrent deux scientifiques qui tournaient autour d'un corayon à l'air perdu.
« Combien mesures ses pointes dorsales ?
- Dix-sept centimètres ! C'est un beau spécimen. Taux de poison… Soixante-sept pourcent. » Répondit le second en brandissant des appareils de mesure sophistiqués.
Elza et Matthew les regardèrent, intrigués. Ils avaient plus d'une heure avant le départ du bateau.
« Sa couleur est rose vingt et un. Légèrement brillant. Les écailles sont lisses et brillantes, il est en parfaite santé ! » Déclara le plus vieux.
Le jeune scientifique, qui semblait être son apprenti, lui accrocha une balise et le remis dans l'eau.
« Voilà, petit ! Roule ma poule et montre-nous le chemin de votre migration ! »
Il lui fit un petit signe d'au revoir tandis que le premier scientifique abordait Elza et Matthew.
« Bonjour les jeunes ! Qu'est-ce que vous faites là ? Les études scientifiques vous intéressent ?
- Bonjour, messieurs. » Répondirent-ils.
« J'étais intriguée. » Dit simplement Elza. « Vous étudiez les pokémons ?
- Pas seulement. » Dit le jeune scientifique. « On étudie surtout les aspects chimiques et physiques de leurs constitution, et c'est plutôt fascinant, je dois dire !
- Ah, ça… » Renchérit l'adulte, les yeux dans la vague, le sourire aux lèvres. « Je m'appelle Jumber, et voici mon apprenti Alton. Nous sommes chimistes ! Enchantés. »
Tout le monde se serra la main. Jumber était grand et brun, il avait l'air heureux et la chimie pétillait jusqu'au fond de ses yeux. Alton était plutôt gringalet à côté de lui, blond, il avait l'air espiègle et intelligent de celui qui en sait toujours plus que vous et était avide d'en apprendre encore plus chaque jour.
« Ooh ! Qu'avons-nous là ? Montrez-moi vos pokémons, les jeunes ! » Ordonna Jumber.
Elza donna la Ball de Zan à l'homme qui l'ouvrit sans hésiter.
« Un Crocodil ! » S'exclama l'homme, ravi. « Quel beau mâle ! »
Alton se plaça devant Zan et lui posa un espèce de capteur sur le crâne.
« Ton pokémon est au niveau vingt huit ! Il est très en forme, et sa meilleure statistique est l'attaque. » Puis il passa à Dizzy. « Niveau vingt sept ! Il est… Arceus ! Il est foudroyant de vitesse ! » Balbutia le blond.
Dizzy ricana, fier de lui, tandis qu'Elza riait discrètement.
« Il faut que je voies ça ! Pourrait-il faire un sprint ?! » S'enflamma Alton.
Elza acquiesça et Dizzy s'élança à grande vitesse. Les deux scientifiques étaient bouche bée.
« Quelle vitesse…
- Incroyable.
- C'est la première fois que…
- Tu permets ? » Demanda Jumber. Mais sans attendre, il se saisit de la fouine et l'étudia sous toutes les coutures en marmonnant. « Un jour, j'ai aussi vu un pokémon qui était aussi rapide, c'était un cornèbre. Il était jeune pourtant et…
Alton soupira et continua d'étudier les pokémons d'Elza.
« Ne l'écoutez pas, il passe son temps à raconter des anecdotes de sa vie ! Il ne s'arrête jamais ! Bon, voyons ce pyroli. Niveau vingt deux, ah, les v'la ! … Je veux dire, il est en excellente santé – elle pardon, oh, une pisseuse ! – même si à votre niveau de parcours, elle manque d'entrainement. Sa meilleure statistique est l'attaque également. Et en dernier, un loupio ! Qu'il est chouuu ! »
Sans prévenir, alors que Jumber radotait moult anecdotes d'enfance à Matthew qui l'écoutait poliment, Alton brancha deux pinceaux aux extrémités électriques du pokémon poisson.
« Un, voila qui est intéressant, il a de l'énergie, le petit ! Et le niveau… Oh ! Oh. C'est étrange, vraiment étrange.
- Qu'est-ce qui est étrange ? » Demanda Jumber en se levant d'un bond. « Oh ! » Fit-il en regardant l'appareil tendu par Alton. « Mais, ça n'est pas bien grave, ça arrive des fois… » Ajouta-t-il en se grattant le menton.
« Que se passe t-il ?! » S'alarma Elza. « Il va bien ?!
-Ah, oui ne t'en fais pas, ton pokémon est en pleine santé. » Dit Alton. « Mais il y a un problème avec son niveau, regarde par toi-même. »
Elza regarda l'appareil et vit un chiffre indiqué. Trente quatre. Etait-ce son niveau ? Dans ce cas il était fort, bien plus entrainé que les autres !
« Trente quatre ? » Demanda t-elle.
- Oui. C'est son niveau.
- Mais c'est génial ! » Cria t-elle en prenant son bébé dans les bras.
Matthew sembla voir lui aussi le problème car il fronça les sourcils.
« Est-il sous Pierre Stase ? » Demanda Jumber.
« Non, non. J'espère qu'il évoluera vite, d'ailleurs !
- Et bien. Il aurait du évoluer en fait, c'est ça le problème. Cela fait cinq niveaux que ton Loupio devrait être un Lanturn. » Expliqua-il.
« Oh. » Répondit-elle simplement. « Mais, c'est pas grave, hein ? Vous venez de dire que ça arrive, parfois !
- Oui, certains pokémons attendent le bon moment pour évoluer, bien sûr. Cela ne devrait pas tarder ! » Rit Jumber.
« Mais il faut que tu saches que c'est très rare quand même, et qu'il ne faut pas que ça tarde trop, Elza. » Dit Matthew. « Un pokémon a besoin d'évoluer pour se sentir bien et apprendre.
- Chinchou va très bien ! On va s'entraîner et il va bientôt évoluer, hein Chin' ? » Répliqua Elza, un peu vexée.
« On ne dit pas ça pour t'embêter, fillette. C'est juste important. Un jour, ma fille a eu une copine qui avait un pokémon dans le même cas que toi. C'était ma grande fille, celle de trente ans maintenant – j'ai neuf enfants, vous savez ? – et elle a attendu deux ans avant qu'il n'évolue, à son grand dam parce que… »
Et le scientifique repartit dans une vieille anecdote.
Les enfants restèrent un peu avec les deux hommes. Matthew fit également examiner ses pokémons, et tout allait bien. Finalement, ils se dirent au revoir sur le pont qui menait au ferry, et les jeunes montrèrent leur ticket au vigil qui gardait l'entrée du bateau.
Le pont en bois grinçait un peu sous leurs pieds, l'air sentait l'iode et le monde marin. Ca et là, des touristes prenaient le soleil, assis sur des chaines longues ou bronzant autour de la piscine aménagée sur le pont extérieur. Un marin les conduit à leur cabine où ils s'installèrent le temps d'une sieste.
Le voyage allait durer presque une journée en entière. Ils débarqueraient donc le lendemain, au coucher du soleil, à Irisia, la célèbre île de Johto.
Lorsqu'Elza se réveilla, elle observa d'abord la mer par derrière le hublot de sa chambre mais elle sentit qu'elle serait mieux dehors. Elle sortit discrètement, laissant Matthew dormir. Il était tard, la nuit était installée et Elza se renfrogna en se disant que si elle restée éveillée maintenant, elle serait toute décalée par rapport aux heures du jour. Elle retourna se coucher et se força à se rendormir.
La houle et les mouvements de balancier du bateau la réveillèrent une deuxième fois. Il était à peine sept heures du matin, et la nuit inondait encore le pont du ferry. Mais elle n'avait plus sommeil. Heureuse de ne pas avoir la nausée, elle descendit à la cafétéria où elle but un café tranquillement. Il n'y avait là que quelques marins qui s'affairaient à nettoyer les lieux, et un couple de sexagénaires incapables de dormir à cette heure.
Elza sortit sur le pont. La piscine clapotait doucement. A sa surface, des ballons et des bouées se ballotaient, abandonnées là, la veille, par des enfants.
L'air était frais, il faisait à peine une dizaine de degrés, et le vent ébouriffait ses cheveux. Elza décida qu'elle les couperait plus courts une fois à Irisia. Accoudée au bastingage, elle laissa sortir Zan, Chinchou, Dizzy et Hélio de leurs PokéBalls, pour qu'ils puissent apprécier avec elle le noir de l'océan se fondre avec le bleu brillant d'étoiles du ciel. Hélio s'installa entre les jambes de sa dresseuse et s'allongea, les yeux perdus dans la mer.
Songeait-elle aux moments qu'elle aurait pu passer dans l'eau si elle avait évolué en aquali ?
Dizzy s'installa sur la tête d'Elza et, roulé en boule, il humait les relents amers du sel et écoutait le bruit des vagues sous la coque du ferry.
Tout était si lent, si calme. Dans son cœur, pourtant, il sentait les pulsations rapides de ses tremblements impatients.
Chinchou se pencha en avant des balustrades et eut envie de plonger, de visiter les abîmes de l'océan, se sentir les algues chatouiller son ventre, de rencontrer ses semblables. Il ressentit une pointe de vide dans son cœur, sans en comprendre la raison. Soudain, une ombre noire glissa sous le ferry. Il la vit nettement, des contours d'oiseau et deux yeux rouges et luisants !
Chinchou se recula pour prévenir sa dresseuse, mais déjà la créature avait disparu sous le navire et se trouvait probablement déjà loin. Il laissa son cœur se calmer et se remit à fixer l'eau mouvante d'un œil torve, l'esprit plein d'interrogations.
Zan était à côté d'Elza. Ils faisaient presque la même taille maintenant. Il était si heureux avec elle.
Zan fixait calmement la mer, au loin, quand une lueur orangée perça sa pupille.
Il sursauta et appela Elza. La dresseuse et tous ses pokémons se tournèrent vers l'est. Le soleil se levait, perçant l'horizon de ses rayons rougeoyants, déchirant avec une beauté infinie le ciel et l'eau.
Les volutes dorées du ciel se reflétaient dans l'eau, et peu à peu, l'astre solaire s'échappa de la ligne d'horizon, baignant le ferry d'une aurore chatoyante et rouge, se dorant au fur et à mesure de sa montée dans le ciel.
Peu à peu, les étoiles et la lune disparurent, remplacés par un soleil salvateur.
Elza plissa des yeux pour l'observer encore se détacher complètement de l'océan. Autour d'elle, tout était calme. Le chuchotement de la mer les berçait tous, et le bien être l'envahit.
Tout était bien.