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Destins liés ~Crépuscule~ de fan-à-tics



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» Auteur : fan-à-tics - Voir le profil
» Créé le 04/03/2011 à 19:39
» Dernière mise à jour le 04/03/2011 à 19:39

» Mots-clés :   Présence de personnages de l'animé   Présence de poké-humains   Présence de shippings

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Film - La Reine des Dominos (partie 3)
Pour fêter la sortie NOIR ET BLANC !
Bonne lecture !


-Chapitre partie 3 – La reine des Dominos

« - C'est quoi Dieu ?
- Tu vois quand tu fermes les yeux et que tu désires un truc très fort. Et bah Dieu c'est le mec qui en a rien à foutre. »

Le désert d'Hoenn n'attirait personne, rien qu'une étendue vaste et étouffante. Seuls les archéologues ou les dresseurs passionnés, s'y aventuraient, et ce n'était jamais par plaisir. Pourtant, la famille d'Ambre, Les irving, s'y était installée, sans complexe. Ils y allaient et venaient à leur guise. De mémoire d'habitants de la ville située sur la Falaise, il n'y avait jamais eu de tels inconscients.

Et cela les arrangeait énormément.

La cité prospérait, elle était considérée comme l'oasis dans cet enfer, elle apportait réconfort et bienêtre aux visiteurs impromptus, et à la fois protection, grâce à sa place dans le paysage. Elle était imprenable, les rafles des Pokémons, rendus fous par la chaleur, ne les atteignaient pas, trônant au sommet de leur muraille naturelle. Même les rayons solaires, sous la couche de pierre dans laquelle se creusaient leur demeure, se diluait, sur l'onyx.

En revanche, les microbes, eux, invisible plaie, il les craignait.

Si la ville ne manquait pas de commerçant, de bâtiment de loisir, d'eau, grâce aux nombreuses nappes phréatiques…Elle manquait cruellement de fonctionnaires. Professeurs, on en trouvait dans d'autres villes et les enfants se voyaient envoyés aux quatre coins d'Hoenn pour étudier, sur le dos de Pokémons volant au service de la communauté. Cela n'était pas un problème urgent, le système fonctionnait parfaitement ainsi. Mais les médecins…La cité n'en possédait aucun. Certains connaissaient quelques remèdes, la famille Irving particulièrement, mais jamais il n'y avait eu le moindre hôpital, et encore moins de pharmacie. La chaleur rendait malheureusement quoi que ce fût de tel, impossible.

Là, intervenait enfin, ces inconscients, capables de traverser le désert et ses dangers, comme s'ils n'avaient été rien de plus qu'un vulgaire chemin terreux. Quand l'épidémie frappait, alors, parfois, même les fous, peuvent devenir un espoir.

Eliza, la mère d'Ambre allait et venait, un masque sur le visage, entre les couloirs, sombres mais frais de sa maison souterraine, et la chambre abandonnée –depuis maintenant quelques années- de sa fille.

-Qu'est-ce qu'il fout, au juste, cet abruti ? moi j'ai mis une journée à l'emmener à l'hôpital d'Antéquia. Une journée seulement, à le porter et et à escalader a montagne ! Et monsieuur met une semaine, juste pour aller chercher des médicaments !

Furieuse, elle fit claquer avec violence le drap mouillé qu'elle tenait, et Raven le rattata, se carapata pour se cacher sous un meuble. Apeuré.

-Il pourrait téléphoner. Il pourrait juste appeler que je sache qu'il n'est pas mort dans le désert ! Maiiiis noooon ! Monsieur s'en fiche ! Monsieur sait que les médocs et les medecins ne peuvent rien pour Sarah, dooonc il s'en fout ! Mais lui il ne se coltine pas les parents de sarah inquiets ! Il ne doit pas supporter leurs jérémiades !

Rattata couina, désolé et impuissant face à la colère d'un de ses dresseurs.

Eliza lâcha finalement son linge pour donner un coup de poing de rage dans le mur. Geste qui aurait du la faire souffrir et entre autres la calmer. Mais son bras passa dans la matière comme un couteau dans du beurre réchauffé.

On peut alors comprendre pourquoi rattata partit à toute trombe en geignant, pour se réfugier directement dans la chambre auprès de la malade.

C'est à ce moment, il faut l'avouer, mal choisi, que la silhouette imposante de Salem, père d'Ambre et Asbel, se dessina au bout du corridor. Il comprit immédiatement son erreur.

-TU ES ENFIN LA !

Salem chercha instinctivement des yeux une sortie de secours, mais il n'eut pas le temps de dire quoi que ce soit, tout juste de faire volte-de-face pour se retrouver nez à nez avec sa chère et tendre épouse. Qui n'avait plus rien de tendre en cet instant.

Il avisa la dizaine de mètres, où elle était censée être, une fraction de seconde plus tôt ; puis, la petite femme debout qui lui barrait le chemin, fulminante. Rapide.

-Je déteste quand tu fais ça, tu sais ? Maugréa-t-il.

L'expression d'Eliza se durcit.

Malgré le mètre soixante tous mouillés d'Eliza contre le poids lourd et géant qu'il était…Il n'avait aucune chance. D'ailleurs les murs non plus, et toute pauvre personne qui oserait contempler le massacre. Eliza visait en effet très mal et n'avait que faire des dommages collatéraux. Salem était persuadé qu'elle était capable de tuer d'un seul et unique regard. Et une petite voix lui soufflait qu'elle n'allait pas tarder à s'en servir pour la première fois, sur lui.

Mince, il avait toujours cru qu'Ambre serait la première à l'étrenner.
Apparemment disparaitre pendant trois jours après être tombée dans la lagune, pour revenir à la maison couverte de boue avec des jeux vidéos, sur le dos d'un kécléon, dont elle se servait de sa langue comme harnais…Etait moins grave qu'être un tout petit peu en retard pour livrer des médicaments.

-Attends Eliza chérie, je peux tout expliquer ! Déclara-t-il précipitamment, après ce vague schéma mental sur la hiérarchie des plus grosses bêtises de la famille.

Eliza arqua un sourcil. Elle lui donnait trente secondes. Salem hésita entre expliquer qu'il avait pris tout son temps parce qu'il savait qu'il allait payer des médicaments pour rien, vu qu'ils n'auraient aucun effet sur Sarah…Ou aller cherche très vite ses protections pour survivre au combat contre sa femme. Mais il savait pertinemment que même s'il en mettait sa conjointe visait tellement mal qu'elle frapperait n'importe où, sauf dessus.

C'était décidé pour son anniversaire il lui offrirait des lunettes.

Il récitait mentalement ses prières, encore face au dilemme, quand une voix surgit dans leurs dos. Tout occupés qu'ils étaient à leur vieux jeu de couple, ils n'avaient pas remarqué qu'une jeune femme s'était glissée chez eux.

-Je dois commencer à apporter du popcorn ou vous allez directement passer aux regards haineux, et accusateurs, avant de vous balancer des insultes, pour s'achever sur une étreinte trop hétéro pour être intéressante ?

La remarque provenait d'une rousse aux yeux dorés, presque flamboyants, Sary se tenait là, l'air imperturbable, admirant juste le spectacle. Evidemment.

Cela eut au moins l'avantage de détourner la colère d'Eliza sur une autre cible. La mère d'Ambre fit volte-face et toisa la jeunette avec rage.

-Il était temps que tu arrives toi.
-J'étais en cours à nénucrique.

Sary haussa les épaules et désigna un petit sac contenant très certainement une pile de devoirs qu'elle exécuterait en présence de sa meilleure amie. Eliza posa ses mains sur ses hanches ; et lui envoya son œillade mortelle, l'arme ultime de toutes les mamans –à croire qu'elle était livrée en même temps que le premier gamin. Imparable, ce regard faisait ressurgir honte et culpabilité, même la plus cachée et injustifiée. Il suffisait d'une seule phrase pour souligner ce concentré de colère, cette déception qui fusait de ses prunelles.

-Tu sais très bien de quoi je veux parler.

Voilà, le « tu-sais-très-bien ». Sary n'avait plus aucune chance. Salem avait même déjà vu Ambre, sous l'effet de ce regard, fondre en larmes, parce qu'elle avait mangé du chocolat. Ce qui était, tout simplement ahurissant.

-Non je ne vois pas. Rétorqua Sary sans même sourciller.

Salem tressaillit, et manqua de hurler. Cette gamine lui filait parfois de ces trouilles, comme elle pouvait le faire rire aux éclats.

-Le prof Armand nous a donné un tonne de devoirs, et surtout, il a abordé un thème important que je dois lui expliquer, elle est capable d'entendre et comprendre ce que je dis, ou alors elle est toujours à l'agonie ? Finit par marmonner la jeune femme d'un ton agacé et impatient.
-Sarah va très mal, comme tout le reste de la nature. Elle perçoit trop facilement c'est choses là, et ça la rend malade. Donc non, tant que la nature n'ira pas mieux, elle n'ira pas mieux. Gronda sévèrement Eliza. –Peu importe les médicaments, et peu importe l'inquiétude de ses parents.
-C'est la raison pour laquelle je suis en retard d'ailleurs, j'ai étudié un peu l'écosystème environnant…Et Malheureusement il est au plus mal. Les plantes réagissent en conséquence, pour survivre, et les Pokémons se retrouvent totalement dépassé par le changement, ils ne trouvent parfois plus la nourriture…Et même j'ai constaté certaines mutations chez certains. Si ça continue comme ça nous risquons de voi…

Eliza lui pinça vigoureusement et il ne termina pas sa phrase, grimaçant de douleur.

D'accord, il avait compris, ce n'était pas le moment de plaider sa cause, et il n'était pas pardonné.

Pourtant, son anxiété n'en restait pas moins complète sur le sujet. Les variations climatiques absolument chaotiques entraînaient des mini-révolutions à diverses échelles, et cela partout dans le monde. Des déserts comme ici se retrouvaient noyé sous les eaux sans préavis, les plantes faites pour survivre sous un soleil de plomb mourraient et les Pokémons qui résistaient aux coulées de boues, se voyaient privés de leur foyer, leur repères, leurs nourritures. Que se passerait-il, quand il ne neigerait plus à Frimapic ? Ou quand la sécheresse allait s'abattre sur Azuria ? Personne ne pouvait prévoir à quel point ces désastres influenceraient leur terre. D'ailleurs, les savants n'étaient même pas certains que la planète accepterait encore longtemps la moindre présence humaine, si peu apte à la mutation évolutive, contrairement aux Pokémons.
Lui qui était pourtant un spécialiste dans ce domaine, avançait dans un flou imposé, bien plus rassurant que ce que ses calculs et prévisions annonçaient.
-La nature est dans un état pitoyable. Concéda Eliza d'un hochement grave, les bras croisés. – Je le sens. Mes enfants sont encore probablement trop jeunes pour le percevoir consciemment, mais leur désir de migration, de liberté, est surement lié à ça. Ils sentent au plus profond d'eux qu'ils doivent fuir, évoluer. Leur instinct parle.
-Ou alors ils avaient juste envie d'indépendance et marre du cocon familiale. Contesta Sary froidement.
-Je peux résister à la maladie grâce à mon expérience. –La coupa abruptement Eliza, mécontente- Mais il faut vraiment que tu enseignes à Sarag à se maîtriser, parce qu'à moins qu'il y ait un miracle et que la terre aille mieux, elle va juste finir par mourir d'épuisement. Et je n'ai PAS DU TOUT ENVIE D'ANNONCER CA A SES PAUVRES PARENTS !

Malgré le hurlement de la dernière partie du discours, Sary ne cilla pas, elle ne cligna même pas des paupières, mais se cura l'oreille, comme importuner par un son désagréable.

Un silence lourd comme le plomb s'imposa entre eux. Et finalement, Eliza poussa un grognement furieux, et baissa les bras.

-Bien puisque tu t'en fiches, que ton amie meurt, c'est toi qui leur annoncera ! Mais je te trouve vraiment insensible, c'est ton amie non ! Nous t'avions confié ma fille et mon fils ! Je te croyais un tant soit peu-
-Parle -moi sur un autre ton Eliza, pour qui te prends-tu ? Siffla Sary.

Ses prunelles mordorées étincelèrent d'énervement, et Eliza se tût presque immédiatement, à la grande surprise de Salem. Sary lâcha sans ménagement son sac à dos, qui s'écrasa sur le pavé dans un bruit sourd. Le père d'Ambre et Asbel sursauta. Surpris par la mine froide et surtout supérieur de la cousine de sa fille.

-Je n'ai pas d'ordres ou de conseils à recevoir de te part Eliza. Tu n'es encore qu'un nouveau né. Tous les deux vous n'êtes encore que des bébés !

Elle fit un grand geste, comme pour bien montrer la distance qui les séparait, et les deux adultes présents, baissèrent la tête face à la plus jeune pourtant. Sary attendit quelques secondes, comme pour s'assurer qu'on ne lui rétorquait rien, puis elle fit quelques pas dans le couloir, le bruit de ses talons tapant le sol, résonnant tout autour d'eux, durement.

-Vraiment, vous les jeunes, vous vous croyez tous en mesure de donner des leçons. Alors que vous n'en être qu'à votre première vie, c'en est risible.

Elle s'assit sans ménagement sur une commode encombrant le passage, et elle croisa, bras et jambes, pour observer à nouveau ses deux interlocuteurs.

-Si vous croyez que Sarah a peur de la mort, vous vous trompez lourdement. Je croyais pourtant que vous l'aviez compris vous aussi ! Comme Ambre l'a intégré si aisément !
-Ne mêle pas notre fille à ça ! Maugréa Salem, qui sentait le ressentiment monter en lui au fur et à mesure que la plus jeune prenait son ton condescendant.
-Vous avez décidé de la mêler à ces histoires à l'instant même où vous avez choisi d'avoir un enfant. Alors je la mêlerais à ça si l'envie m'en plait. J'ai veillé sur elle au même titre que vous. Vous les premières vies vous…
-Ce n'est pas parce que nous venons tout juste de voir le jour et que nous n'avons pas encore été réincarnés, que nous devons choisir de ne pas profiter de la vie ! S'insurgea Eliza en prenant la main de son mari dans la sienne, déterminée.

Sary les toisa, hautainement, puis détourna la tête dans un soupir exaspéré. Comme habituée à ce discours. Cela encouragea malheureusement Eliza à continuer.

-Et d'ailleurs, Sarah serait triste d'infliger ça à ses parents ! Ils l'aiment, si elle venait à disparaitre…
-Sarah a connu, et connaîtra beaucoup de parents qui l'aimeront, ou pas. Quelle différence avec ce couple là, sa peine a-t-il plus de valeur qu'un autre ?
-Tu ne veux même pas essayer quoi que ce soit pour l'aider, ton instinct ne te crie pas d'aider le monde ? S'offusqua Salem, dépassé.
-Si elle meurt, c'est que c'était écrit, et que cela devait se produire ainsi. Et puis pourquoi devrais-je me fatiguer à sauver votre précieuse dimension ? Elle n'a rien de plus que l'infinité d'autres. Je n'ai que faire de ce monde, je le quitterai forcément. Déclara Sary, sans émotion.

Elle se redressa et continua devant les mines stupéfié des deux autres :

-La mort n'affecte que les vivants qui y survivent. Le mort lui, s'en fiche, il est mort. Alors, si tout le monde périssait, au même instant…Ne peut-on pas dire, en un sens que c'est la plus belle fin qui soit ? Personne ne survivra à la perte d'un être cher, et tous le suivront pour l'après, s'y retrouveront. Oui, je trouve que c'est la plus belle fin que l'on puisse trouver.

Pour la première fois Sary afficha un sourire, tendre, chaleureux. Qui disparut presqu'aussitôt.

-Mais enfin, même si cela se produisait, nous serions à nouveau tous séparé par les réincarnations dimensionnelles, et tout serait à recommencer. Seule la fin de tous les mondes, de l'espace et du temps apporterait enfin cette accalmie.

Eliza ouvrit la bouche, mais Sary la coupa aussitôt.

-Quoi, tu es indignée ? Cela fait 19 vies, Eliza. 19 vies que je me traîne en tant que Gijinka. Sarah en est à sa cinquième. Vous vous venez de voir le jour, vous ignorez encore ce que c'est, que de voir les êtres qui vous est cher pendant toute une existence, vous oubliez dans l'autre, pour suivre leur propre chemin. Vous ignorez la perte et tous les inconvénients de la vieillesse, puisque vous ne l'avez encore vécu. Alors, ne me parle pas de mort Eliza, tu ne sais pas ce que c'est la mort. Tu n'as ni expérimenté l'esclavage, ni la potence, et encore moins l'agonie comme je l'ai fait.

D'un geste sec du poignet, elle pointa la lampe derrière Salem, et celle-ci s'alluma, l'ampoule grésillant.

-Quand vous maîtriserez vos pouvoirs comme je le fais, nous en reparlerons. Quand vous aurez vécu autant que…
-C'est justement ça ! Comment peux-tu rester de marbre alors que tu as tous ses pouvoirs en toi ! N'est-ce pas le but des gijinka de préserver l'équilibre ? Tu es en mesure de changer les évènements alors pourquoi…
-J'en ai assez de bouleverser les évènements à chaque nouvelle vie ! Eructa Sary déployant toute sa colère.

L'ampoule de la lampe explosa.

-Vous croyez peut-être qu'être un héros est une partie de plaisir ? Ce n'est qu'un long chemin de souffrances et de sacrifices, sans la moindre certitude de survivre, de réussir…Et même parfois de reconnaissance ! J'ai vu dans gens me jeter des pierres, me reprocher mes actes, qui étaient pourtant tous tourné vers la sauvegarde de leur dimension !

Salem plissa des paupières, tâchant d'imiter le regard accusateur de sa femme, en vain. Il ne parvint qu'à attirer l'attention sur lui.

-Quoi Salem ? Tu vas me dire quoi ? Que c'est mal ? Votre fille était plus conciliante, cela lui était totalement égal, cette histoire de bien et de mal. Son instinct de Pokémon est bien plus développé que le votre.

Devant leur expression, leur incompréhension, elle siffla :

- Bien, mal ? Les Pokémons n'ont que faire, de cette norme imposée par les humains. La moralité, qu'est-ce donc ? Toutes ces notions si fondamentales pour nous leurs sont absentes, ils agissent juste selon leurs instincts et leurs cœurs. Peut-on les blâmer pour cela ? Ont-ils tort d'ignorer ce qui est bien ou ce qui est mal ? Dis-moi Salem…Lequel de nos deux peuples s'en sort le mieux aujourd'hui ? Les humains, ou les Pokémons ?

Salem se tût, sachant définitivement quelle réponse se révélait exacte.

-Mais les Pokémon souffrent des erreurs et de la moralité des humains. Affirma Eliza.
-Ils souffrent de leurs erreurs, certes. Mais certainement pas de leur moralité Eliza. Ils n'en ont que faire. Elle ne les atteint pas, ils ne la comprennent même pas !
-Cependant les Gijinka sont à moitié Humains, eux…Ils peuvent…Et ils doivent…
-Les Gijinka ne doivent rien, ils sont comme les Pokémons spectateurs du Destin et des Dimensions. Ils n'agissent qu'au nom de leurs instincts.
-Et ils doivent intervenir…

Sary grogna.

-Vous m'agacez à la fin ! Vous voulez que je vous dise ? Je n'agirai vraiment pour cette foutue dimension, quand un Pokémon sera corrompu par la moralité humaine ! C'est-à-dire JAMAIS !

Un ricanement résonna à cette phrase, mais ce n'était pas celui de Sary, ni même les parents Irving, bien trop catastrophés.

Une jeune femme, avançait vers eux, tremblotante, blême et encore suintante de maladie. Sarah, donc les cheveux avaient repris leurs couleurs d'origine, châtains, en raison de son mauvais entretien ces derniers jours, elle rigolait innocemment, comme pour apaiser l'orage tumultueux se déchainant dans cet espace réduit.

-Si cela se produisait Sary…Si vraiment un Pokémon venait à être corrompu par la moralité Humaine…J'ai bien peur que cela marque la vraie fin du monde dont tu rêves ! Encore plus si ce Pokémon devient un Gijinka !
-Sarah, tu te sens mie…Commença Eliza.

Elle ne put qu'entrapercevoir la mine fiévreuse de la convalescente, qui se tenait sur ses deux pieds, par la seule force de sa volonté. Sary sauta de son perchoir et se jeta dans les bras de sa meilleure amie pour l'étreindre.

-Bah alors, après tout ton discours insensible, comment peux-tu agir de la sorte ! Un peu de froideur que diable : Plaisanta Sarah avec un sourire attendri.
-La Ferme ! Grommela l'autre, la voix frémissante de sanglot.

Salem arqua un sourcil de surprise, puis il reconnut l'enfant, la cousine d'Ambre, la fille de la sœur d'Eliza, celle qu'il avait toujours connu. Il la préférait largement ainsi.

-Allons allons ! Je suis là, et je ne m'en vais pas. Tu ne seras pas toute seule ne t'inquiète pas Sary. Tu sais quoi, je ne crains rien, je n'entends même pas Eléanora ! Je vais peut être pouvoir reprendre les cours et de nouveau embêter le prof Armand avec toi !
-Ne parle pas de cette crétine d'Eléanora….S'il te plait…Marmonna Sary en l'étreignant un peu plus fort. – E-Et j'étais inquiète…uniquement parce que tu dois me faire disparaitre ! Si tu meurs avant de m'avoir effacée qu'est-ce que je deviendrai moi ? Je devrais encore errer une vingtaine de vie je le sens bien avec ma poisse habituelle !

Sarah ne ricana pas. Elle ferma simplement des paupières, douloureusement. Eliza et Salem s'échangèrent une œillade, et eux aussi resserrèrent leurs mains l'une dans l'autre. En guise de soutien.

Le Gijinka était voué à la solitude la plus complète…L'immortalité à laquelle bien des hommes aspiraient les harassait, les usait, dévorait. Et seul un Gijinka, au sacrifice de sa vie, pouvait en effacer un autre, le rendre de nouveau mortel, commun, briser ce cycle des lamentations.

Eliza espéra, tout comme Salem à cet instant, ne jamais avoir à chercher aussi longtemps que Sary pour découvrir son bourreau, lorsque les vicissitudes des existences les aurait trop longtemps écrasé de leurs poids.

Hélas, cela aussi, tout comme le sort de leur dimension en cet instant, malgré toute la force de leur sang mêlé, demeurait à l'avenir incertain.


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Il était étrange comme l'esprit parvient parfois à occulter la douleur. En cette fin de mois, quelques semaines après la fête, Eléanore se tenait, assise sur une des collines surplombant les terrains d'entrainement, juste songeuse.

Ses années d'exiles et de peines lui paraissaient lointaines et brumeuses, tout comme sa résignation. En vérité, tout paraissait enrobé dans un voile de brouillard, sa joie comme sa souffrance.

Peut-être était-ce l'absence de Miyu, à laquelle elle essayait simplement de ne pas songer. Ou simplement l'incongrue de sa situation toute neuve.

Eléanore avait toujours avancée suivie de son convoi funèbre, de son fardeau. Elle courrait sans cesse, et ne faiblissait jamais de peur tomber dans l'étau de son cercueil. La Fatalité, en en sens, transcendait les émotions, elle les rendait uniques et dangereuses. Elle le voilait d'un pâle halo incandescent, aussi résistible qu'une lueur dans la pénombre pour un papillon de nuit. Qu'étaient Roméo et Juliette sans le glas de la fin sonnant lors du dernier acte ? Ou encore Eléanora et Ion ? Elliot et Lucilla ? Toutes ces histoires d'amour à la destinée tragique, ces unions contraires entre les adorateurs de la lune et les courtisans du Soleil, sans le crépuscule sanglant de leur existence, de la même couleur que la passion…Que devenaient-elles ? Rien de plus que des romans de soubrettes.

Elle ne regrettait pas la maladie qui s'estompait progressivement de son corps, comme le témoignaient les tâches noirs de plus en plus pâles sur sa peau…Mais elle se sentait comme creuse. Ce n'était ni de la déprime, ni même de la joie. En vérité, elle aurait plus appelé ça du « rien du tout » ou du vague à l'âme. Juste l'étreinte de la mélancolique, à la fois si tendre et si pénible.

Entourée de ces Pokémons, devant l'étendu des choix qui s'étendaient à ses pieds, elle contemplait, hésitante. Rarement dans sa vie elle n'avait compris aussi bien la peur paralysante de Daniel sur le changement.

Ash dut pressentir l'anxiété de sa dresseuse, car, alors qu'il dormait paisiblement derrière elle depuis une bonne heure, il se réveilla. Dressant le cou jusqu'à elle, il enfonça son museau à la naissance de ses épaules et y souffla une fumée noire et chaude.

-IIIH !

Eléanore fit un bond, la moitié du visage couvert de suie, les cheveux roussis et surtout, encore toute tremblante sous le chatouillis impromptu ayant cassé toutes ses pensées.

-Ash ! Grommela-t-elle, les joues rouges.

Le dracaufeu noir pouffa, envoyant encore quelques panaches de fumée dans l'atmosphère.

Eléa observa son Pokémon, d'abord blasé, puis un sourire taquin, sadique lui monta aux lèvres.

-Tu veux jouer à ça ?

Sans préavis elle se jeta sur lui et commença à chercher un point sensible pour l'attaque guiliguili. Malheureusement, elle sous-estimait la carapace d'écailles de son starter, et s'affaira quelques secondes sans grand succès. Tout au plus elle le grattait.

-C'est pas juste ! Grommela-t-elle, mauvaise joueuse.

Et comme pour confirmer ces dires, Ash se laissa rouler sur le côté, emportant avec lui sa dresseuse, qui se retrouva bientôt face contre terre, à moitié écrasée.

-Je viens de comprendre ce que doit ressentir un pauvre pikachu sous l'attaque plaquage d'un wailord…Siffla Eléanore.

Elle exagérait, mais n'empêche qu'elle ne pensait pas que son petit bébé qu'elle avait tenu dans ses bras au stade de salamèche, puisse peser si lourd sur ses épaules. La nostalgie s'engouffra en elle, et se dégageant, elle vint s'asseoir tout contre lui, songeuse.

-Maintenant c'est toi qui me porte, hein ? Marmonna-t-elle. –J'suis pas trop lourde ?

Ash se gorgea, et bomba le torse avec fierté.

-Je ne me souvenais pas que tu étais si vaniteux Ash !

Le Pokémon feu lui lécha sa joue toute noire sous les cendres, et sa langue râpeuse arracha un rire à Eléa.

-Par contre ça je m'en souviens !

Elle le serra tout contre lui.

-Je vais pouvoir ne pas te donner…Je vais pouvoir te garder avec moi si l'opération réussit….Et Pilou…Et…Et tout les autres…Murmura-t-elle, attendrie.

Elle ferma les yeux, essayant d'imaginer le tableau. Elle désirait donner Pilou à Gabriel, à la base, le cadet Kazamatsuri devait le nier, mais elle avait bien remarqué sa collection de chapeaux dans sa chambre, et connaissant les préférences vestimentaires de sa pikachu…Elle aurait sûrement été plus heureuse avec lui qu'avec régis, qui l'aurait probablement érigé au rang de souvenir vivant, ou encore avec Sacha. Typhlosion, elle n'avait pas d'autres noms pour lui que Christelle, et elle ignorait si son Pokémon lui en voulait encore, elle supposait que non, mais ne pouvait en être persuadée, même avec ses dons. Evoli serait revenu auprès de Daniel…Juste retour. Elle aurait confié Hope à Samantha, plus par sentimentalisme que pour véritable raison. Quant à Ash…Elle n'avait jamais eu le courage de décider vraiment.

Quelle drôle de sensation, que de ne plus penser ainsi !

-Faudra être sage chez mes parents, hein ! Ils n'aiment pas me voir avec des Pokémons alors profil bas ! Ordonna-t-elle, dans un élan de lucidité.

Ash hocha vigoureusement du chef déterminé, mais il cracha une petite gerbe de flammes accidentellement, trop enthousiaste.

Ouais, elle doutait de la capacité de rester discret de son starter, mais enfin !

-Surtout si Daniel passe à la maison, hein ! Pas de jalousie !

Le Dracaufeu noir fit une moue ennuyée.

Touché, coulé.

-Hey, Eléanore, tu planifies déjà ton retour ?

Eléa sursauta, et elle admira Samantha remonter la colline jusqu'à elle, son Libegon la tenant par le col pour l'empêcher de glisser. La dresseuse d'Ash ne put retenir un rougissement.

-Oui c'est stupide, je sais. On ne sait même pas vraiment si ça marchera et moi je planifie déjà tout…J'ai un peu trop d'espo…
-Non surtout pas ! –La coupa Sam brutalement. –C'est génial de te voir aller de l'avant ! Enfin, remarque avant on avait l'impression que tu t'en fichais de la mort, mais tu t'en fichais de l'avenir aussi alors…Ca fait du bien de voir…Enfin tu vois !

Les yeux de Samantha brillaient de ravissement. Oui elle voyait.

-Tu trouves que je suis trop peu préoccupée par ma mort ? Marmonna Eléa, un peu déboussolée.

-NON ! –Se rattrapa précipitamment Sam. - Je veux juste dire, que tu parles de ça, comme si tu n'avais pas peur ! Si ça t'indifférait totalement, de mourir, comme ça, à cause d'une stupide maladie. Enfin tu vois…On aurait dit…On dirait que tu ne crains pas la mort.

Elle détourna les yeux, comme intimidé à la simple évocation de ce mot. Eléanore elle, leva les yeux au ciel, et flatta l'encolure d'Ash, tout en blottissant contre son flanc. Songeuse.

-Hm…Non c'est faux. Analysa-t-elle.

Samantha pencha la tête sur le côté, étonnée, et son amie affirma :

-Je la crains, énormément. La mort.

Elle secoua la tête, comme pour en chasser les idées parasites, et déclara :

-Je la crains, mais je sais qu'elle est inévitable, voilà toute la différence. Et pour te dire vrai, je crains plus que tout autre chose, de mourir à cause de ma maladie.

Samantha la dévisagea, perplexe.

-En fait, quand j'ai réalisé que j'allais mourir, je n'ai d'abord pas compris, j'étais trop petite. Et ensuite, je l'ai accepté. Et c'est vrai, qu'en toute logique, quand je pense à ce moment, ça ne m'effraie pas, je trouve ça presque normal. C'est logique, comme si on te disait que ce soir on allait servir ton plat favori, tu ne t'attends pas à autre chose. Expliqua maladroitement Eléa.

L'élève d'Akira Yuki arqua un sourcil.

-Quelle comparaison bizarre !

Eléanore haussa des épaules.

-Peut être, mais c'est comme ça que je le ressens. C'est inévitable. Et dans mon ancienne position, ça me semblait normal. Dans mon ancienne position, je n'ai pas peur de la mort.
-Mais tu viens de dire… !

Eléanore la coupa, sentant son regard et son âme s'assombrir alors qu'elle continuait :

-Mais, quand ma dernière heure arrivera, quand je la sentirai venir, je sais que je craindrai la mort. Parce que, même dans mes derniers efforts, je sais qu'elle me fauchera, et je serai totalement impuissante et désarmée face à elle. Quoique je fasse, quoique je veuille encore faire, elle m'aura, même si je lutte de toutes mes forces, elle sera plus forte que moi. –Elle porta une main à sa gorge, comme craignant de ne plus pouvoir respirer- Et…Rien que d'imaginer, cette situation, cette idée, me fais trembler. Etre totalement impuissante, sur la toute fin, être au plus bas de la dignité, alors même qu'on quitte ce monde ! C'est horrible ! Tu ne trouves pas ?
-Mais…Commença Samantha.
-Je ne veux pas mourir comme ça. Je veux partir d'une façon que j'aurai choisie. Je veux vaincre cette mort imposée : Même si ça signifie que je me la donne moi-même. Je veux partir aussi digne que je suis venue. C'est tout. Je veux partir en vainqueur contre cette fatalité abjecte.

Samantha et Eléanore se turent, et le silence s'imposa. Eléa ignorait si son amie pouvait réellement comprendre cet état d'esprit. Cette détermination qui l'avait maintenue en vie jusque là. Elle l'avait déjà expliqué à Pierre Steven Rochard…Mais lui aussi, lui avait renvoyé cette même expression, estomaquée. Peut-être que seuls les condamnés pouvaient réellement cerner cette pensée. Comprendre le besoin de se retirer sans éclaboussure.

- Mais maintenant…

La voix de Sam, hasardeuse, effrayée, la ramena sur terre. Soulignant tout le paradoxe, toute l'étrangeté du chao de ses sentiments actuels. Elle leva simplement la tête vers elle, et soupira, sans savoir où aller :

- Maintenant…c'est bizarre.

Et Etrangement, Samantha sourit en ouvrant les bras vers elle, comme pour imiter le large panier de choix s'offrant à elle.

-Tu as enfin le temps ! Tu peux enfin te préoccuper de ton avenir, de ton bonheur, arrêter cette mascarade dans cette organisation, revoir tes parents ! Tu as le temps Eléa, enfin, tu as le temps, et tu peux ne plus te soucier de ce genre de tracas.

Si l'opération réussissait.

-Tu n'en es pas heureuse ? Bafouilla son amie, la mine accablée.
-Si…Si bien sûre que je suis heureuse, c'est juste, que c'est…Déstabilisant.

Oui, voilà, c'était exactement ça.

- Que veux-tu dire ?

Peut-être que ces mots là, étaient la clef de ce qu'elle retenait jusqu'à présent, ou peut-être simplement, avait-elle besoin de le déclarer à haute voix pour le réaliser véritablement, en tout cas, Eléanore n'eut aucun mal, cette fois, à souffler, penaude :

-En fait, tout mon être, toute ma personne, est une séquelle de cette maladie. Je n'ai jamais pris la peine de regarder vraiment, de regretter, d'étudier. J'ai toujours cru, que comme mes jours étaient comptés, je devais continuer à avancer, coute que coute.

Eléa ferma les yeux.

-Au final, c'est un peu la théorie des Dominos. Ma maladie devient…La Reine des Dominos. Sans elle…Je serai devenue une petite aristo, préoccupée par ses propres plaisirs, je ne serai peut être jamais allée en voyage initiatique, ou peut être au contraire, que j'y serai allée à temps. A ce moment là, je ne t'aurais jamais rencontré, ni toi, ni Daniel, ni personne. J'ai toujours refusé de penser au Si. Aux peut être. De me contenter de ce que j'ai, et ce que j'ai fait. Mais…Mais si ma maladie disparait…Si…Si…Si…Tout me revient droit dans la face. Parce que mon avenir en dépend maintenant, de mes décisions. J'ai détesté les Si pendant si longtemps, et maintenant…Ils semblent comme…Devenu indispensables.

Samantha ne prononça pas une phrase pour l'interrompre. Des si découlaient tant d'hypothèses, tant de scènes, tant d'images dansantes devant ses prunelles…Le méli-mêlo des destins se démêlait. Comme une cascade de fils ondulant aux contacts des peut-être. Elle admirait tantôt une gamine présomptueuse et sûre, tantôt une fillette un peu trop câline, s'accrochant aux bras de son père et de Régis, tout en marchant vers un autel immaculé.

Si elle n'était jamais partie de chez elle, que serait advenu de ses sentiments envers Régis et Sacha ? Elle l'imaginait facilement se marier avec le savant, sans hésitation, bien que Sam se doutât que le mariage fasse parti des souhaits de son amie.
Elle n'aurait certes jamais vu Daniel…Que serait advenu alors le garçon perdu dans la forêt de Jade ?
Aurait-elle rencontré Silver, Gold et Cristal, voir même entendu parler de Twilight ? Et elle ?

Un frisson lui remonta l'échine, pendant que son imagination taquine s'amusait à lui montrer son jeune elle, suivant un Yuki, exaspéré à la simple idée de débuter un voyage initiatique…Elle se voyait entrer dans l'arène de Jadielle, innocemment, pour ne plus jamais en ressortir. Sans Eléanore, ses pas l'auraient forcément conduit droit devant Giovanni, pour récolter son badge. Mais personne ne serait venu à son secours. Jamais.

Cette constatation lui donna un haut-le-cœur, et elle plaqua sa main sur son cou, om demeurait encore les cicatrices de sa cure.

L'avenir semblait se distordre devant elle, tout comme ses entrailles, tandis qu'Eléa continuait sa mélopée des Si.

– Si ma maladie disparaissait…Je n'ai jamais rien prévu de tel, je n'ai absolument aucune idée de ce que je veux devenir…De ce que je suis vraiment. Est-ce que je suis paresseuse en fait, Est-ce qu'avoir le temps…me confortera trop dans mes choix ? J'ai peur en fait. Je n'ai jamais écouté en cours, tout ce que j'ai fait, c'est toujours dans un but fixé, préétablis, qui avait une limite dans le temps. Même le dressage de Pokémon, j'ai toujours élevé Ash, en pensant qu'un jour je devrai le confier à une autre…Et là…Là je ne sais plus…

Alors, comme par magie, les visions s'arrêtèrent, l'abandonnant, encore frissonnante et en nage.
Samantha baissa les yeux vers son amie, encore chamboulée par cette sorte de transe, et arriva à articuler un pauvre rictus.

– Tu peux tout faire Eléanore. Tu as le choix, plus que jamais dans ta vie, tu as tous les choix.

Mais sa réponse hésitante, encore mal remise de l'instant passé, ne rassura pas Eléa qui leva les yeux vers elle, avec détresse :

– Mais et si je fais le mauvais choix ? Ce n'est pas comme si, j'allais mourir le lendemain, ce choix, je devrai vivre avec pendant des années, des lustres !
– C'est le fardeau de tout humain, tu croyais sincèrement pouvoir y échapper ?
- j'y ai échappé, toute ma vie, j'y ai échappé ! S'exclama Eléa. - Et là, d'un coup…Ce que je suis, une part de moi vole en éclat. En un sens c'est merveilleux, dans un autre, ça en devient terrifiant.

Samantha s'assit près de sa camarade, se laissant presque tomber sur le sol, les jambes encore molles. Pourtant ce fut avec une force sans commune mesure qu'elle annonça :

- Moi…Je suis certaine…Que tu surmonteras cette peur. Parce que je te connais, rien ne te paralyse.

Eléa secoua la tête en signe de dénégation.

- Tu connais celle que je suis malade. Peut être détesteras-tu la Eléa bien portante.

L'idée lui apparut si absurde, si décalée, invraisemblable, qu'elle vexa Sam. Alors quoi, au début de leur relation, n'avait-elle pas cru avoir une amie tout à fait saine –bon un peu folle. Et pis, n'était-ce pas le rêve de tous ceux qui la côtoyaient, justement, de connaitre ce qu'elle deviendrait, cette Eléanore pleine de vie ?

C'était juste saugrenu. Qui espérerait une amie ayant une date, une échéance ? On ne se liait pas avec une personne pareille, même s'il était puéril de songer ainsi, quand on commence à aimer quelqu'un, on souhaite toujours voir le lien durer éternellement.

- Non. Je l'adorerai toujours, parce que comme tu dis, ce remède, ne te séparera que d'une part de toi. Tu resteras celle que j'ai toujours connue. Celle…qui, en un sens, m'a sauvée.

Eléa rougit, malgré ses hésitations, devant l'assurance de Sam. L'assurance, qui, paradoxalement, lui manquait cruellement depuis quelques jours, une fois l'euphorie de la nouvelle retombée, seule avec ses pensées et le calendrier vide de sa chambre.

-Je te respecte, et je te fais confiance Eléa, je sais, que tu resteras la même. Après tout, on ne change pas si facilement.
-J..Je ne veux juste pas faire les mauvais choix…j'ai toujours dit aux autres de ne pas fuir mais…En fait j'ai peur…
-Quoi de fuir ? S'offusqua Sam – Tout le monde le fait !

Pourtant Samantha capta le regard mal à l'aise que lui envoya Eléa. Et elle saisit l'allusion.

-Oh.

Son sang, sa joie retomba. Mais elle ne fut pas furieuse, elle constata, juste, elle constata :

-Tu as peur d'être comme moi.

L'expression qu'arbora son amie ne laissa pas de place aux doutes. Les lèvres pincées, ses prunelles vertes vissées sur ses pieds, elle bafouilla :

-C'est juste que…
-Que quoi ?

Son ton fut un peu trop cinglant et sec. Samantha avait trop longtemps redouté ce jugement de la part de son amie, pour contrôler jusqu'à son timbre. Mais au moins cette brutalité parut raviver la fougue d'Eléanore qui se redressa brutalement et lui envoya une œillade ferme :

-C'est juste que je ne comprends pas. Avoua-t-elle simplement.

Cette fois par contre Sam arqua un sourcil de surprise.

-Je ne comprends pas…Comment tu peux agir avec Silver comme ça. Je veux dire, quand tu m'as dénoncée à mon père, je pouvais trouver une logique, mais à ça, non. Je ne comprends pas que tu puisses lui en vouloir pour avoir eu peur, alors que toi tu as peur de lui parler. Je ne comprends pas, et j'ai peur de comprendre un jour. J'ai peur d'agir de la même manière stupide avec un proche. J'ai peur que la perspective d'un avenir, ne me fasse oublier à quel point chaque lien est précieux, je ne veux pas en détruire un, volontairement comme tu le fais, à cause d'une petite irritation…
-Ce n'était pas une petite irritation. –La coupa Sam, froidement. –Silver m'a mentie, il m'a trompée ! Il savait et il n'a rien dit et ça je ne peux pas le supporter ! Savoir qu'il a su, qu'il a entendu que je ne souhaitais rien de plus au monde que de retrouver ma vraie famille, et qu'il ait décidé de se taire…Ca m'insupporte !

Mais Samantha se figea devant l'œillade accusatrice d'Eléanore.

-Lui par contre je le comprends parfaitement. Il a eu peur de ta réaction, comme moi j'ai eu peur de t'avouer mon secret un jour. Est-ce que tu m'en as autant voulu quand tu as su la vérité sur ma maladie ? Pourquoi avec moi tu as accepté si facilement que je t'ai trompée, alors qu'avec lui, tu fuis avec de fausses excuses ?

L'argument fit vaciller les certitudes de Sam, mais elle s'en moucha.

-Ce n'est pas pareil !
-Si c'est pareil ! Rétorqua Eléa la voix étranglée. –C'est exactement pareil à mes yeux. Je te trouve même injuste avec lui ! Tu n'étais pas là quand il a fallut aller te sauver…Tu n'as pas vu à quel point il était terrifié à l'idée d'affronter son père ! Mais il l'a fait ! Il l'a fait pour toi ! Il n'a pas fui comme il le fait d'habitude, comme vous le faites tous les deux d'ailleurs ! Vous êtes bien frères et sœurs, tout le dit dans votre comportement. Mais lui, il n'a pas fui pour aller te sauver, ce jour là, alors que toi…Tu ne fais que ça depuis trois ans !

La vérité frappa Sam de plein fouet, mais elle était bien trop vive et douloureuse, elle passa avec autant de plaisir dans son gosier qu'un abo suintant de poison. Elle serra des poings jusqu'à s'en blanchir les phalanges.

-Pourquoi tu me dis ça maintenant hein ? Avant ça t'était égal !
-Je dis ça maintenant parce qu'il a l'air malheureux maintenant. Je dis ça maintenant parce que…Parce que…

Elle se tût, et bafouilla.

-Je ne sais pas pourquoi je dis ça maintenant ! Je ne sais pas ! C'est juste que…J'imagine le futur, et je me dis que je veux pas que tu continues à être fâchée avec lui…Et…
-Tu avais dit que tu ne te mêlerais jamais de mes affaires comme ça ! Siffla Sam, avec fureur.

Et à sa plus grande surprise, Eléanore fondit en larmes.

-Je sais ! M-Mais…tu vois tu détestes déjà celle qui…Celle qui…

Elle ne parvint pas à terminer sa phrase, secouée par les hoquets. L'attitude de son amie déboussola Sam. Elle n'avait jamais cru que ce genre de scène puisse se produire. Eléanore pleurait rarement, contrairement à elle.

-N-Non ! Je ne te déteste pas ! Tenta-t-elle, paniquée devant les sanglots de plus en plus forts de sa rivale. –C'est juste que tu m'avais dit…Je croyais… - Mais la colère pointa de nouveau, bien que teintée de tristesse – Tu m'avais juste dit que le sujet était clôt.

Mais ses mots ne parvinrent pas jusqu'à Eléa, qui tâchait d'écraser ses larmes sur ses joues, de recouvrer un tant soit peu de dignité, la mine exaspérée, rageuse contre sa propre personne, sa propre faiblesse. Plus qu'embarrassée par sa réaction pathétique. Pourtant, le visage de Silver, terrifié à l'idée d'affronter son père la tourmentait en cet instant, et il lui apparaissait comme la pire des trahisons de se rétracter ainsi. De fuir.

Elle le lui devait. Elle se le devait.

Aussi méchant que puisse être cette pensée, elle n'en demeurait pas moins vraie au fond de son cœur : elle ne désirait pas devenir comme eux, comme Sam et Silver, à toujours éviter le sujet qui fâche.

Pourtant comme elle craignait cette situation comme elle lui était insupportable ! Si elle perdait son amie, elle aurait à supporter bien plus longtemps son courroux, peut-être pendant des années, les années que lui offrait l'opération.

Le silence perdura, tendu, entre elles, seulement entrecoupé par des reniflements agacés.

-Oublions ça. Tu veux ? Marmonna Sam, finalement, la tension retombant, tout à la contemplation de son amie tourmentée.
-Non ! Si je…je le fais…Non !
-Alors quoi, tu veux quoi au juste ?
-Que tu parles à Silver, que tu essayes au moins ! Que…Que tu ne te fâches pas pour ça !
-C'est trop tard je suis déjà fâchée !

La remarque cinglante atteignit sa cible en plein cœur, qui vacilla.

-Je…Je…

Eléa se mordit la lèvre.

-Et bien tant pis si tu es fâchée ! C'est comme ça, dans la vie on ne fait pas tout ce qu'on veut c'est tout ! Et…Et…Et je préfère rester franche et être en paix avec moi-même plutôt que d'avoir à supporter ça encore des années !

Samantha tituba, sonné, tandis qu'Eléanore, poussée par la fatalité de la dispute, continuait. A croire qu'elle ne parvenait à être elle-même que sous la menace d'une quelconque fin.

-Tu as la chance d'avoir un frère ! De pouvoir le voir, le conseiller ! Tu sais ce que je donnerai pour pouvoir juste prendre Emilyon dans mes bras ?
-Ne me fait pas le coup du 'tu sais ce que je donnerai pour être à ta place !' On a déjà donné là-dessus ! Et Aucune de nous n'a aimé !

L'évocation de cette journée, où elles avaient toutes deux vécu en suivant l'emploi du temps de l'autre, jeta un froid. Elles se détournèrent. Aucune d'elle ne voulant céder. Eléanore attrapa le museau d'Ash et recommença à le caresser, et Samantha l'imita avec son libegon.

-De toute façon, tu vas le voir, ton petit frère, et tu vas bientôt le prendre dans tes bras…Maugréa finalement Sam.

Le visage d'Eléanore s'illumina et inévitablement Samantha recouvra le sourire.

-Je parlerai à Silver. Renonça-t-elle.

Devant la mine à la fois ravie d'Eléa, et abasourdie, elle ajouta avec fermeté :

-Mais uniquement parce que tu me le demandes ! Je parlerai avec lui et je lui demanderai des explications, mais si ça ne me plait pas, la situation restera comme elle est ! Compris ?
-Tu lui parleras vraiment ? Ignora royalement Eléa.
-Oui. Promit Sam.

Elle se savait piégée, mais en l'instant, elle ne voulait juste pas perdre son amie pour une dispute aussi futile. Puis, après tout, Eléa n'avait pas précisé de date butoir, la discussion pouvait donc tarder. Peut-être qu'en effet, elle fuyait, mais elle avait toujours été plus heureuse ainsi.

-Et tu parleras à Yuki aussi !

Sam écarquilla des yeux ; écarlate :

-Non mais tu crois pas que pousses le bouchon un peu loin là ? Silver ET Yuki !?
-Oh allez c'est pas compliqué d'être franc !
-Dit la fille qui avait peur la seconde d'avant de ne plus être franche ! Bah je vais te dire Eléa, tu ne changeras jamais ! Malade ou non ! Tu es une peste manipulatrice !
-Qui parvient toujours à ses fins ! Rigola Eléa en essuyant ses dernières larmes. –Allez !
-Non !!
-Oh arrête, tu n'as pas changé, non ? Tu l'aimes non ?

Samantha soupira, mais ne put retenir ses rougeurs.

-Oui mais si…
– Ah non, ne te mets pas à paniquer et à faire des 'si' fait-le c'est tout ! La coupa-t-elle.
-Je te préférai quand tu paniquais !
–Moi c'est moi, et toi c'est toi. Fait ce que je te dis point !
-Tu te rends compte au moins que tu fous en l'air toute la conversation d'un peu plus haut ?
-J'aime bien foutre en l'air plein de trucs !

Ah ça. Eléa était en effet la Reine dans la théorie des Domino.

– Mais pour qui tu me prends à me donner des ordres !? Et tu sembles bien sure de toi d'un coup ! S'emporta faussement Sam, exaspérée.
- Une amie m'a réconfortée et maintenant je suis au top je ne doute plus de rien !
- Ah j'aurais du me taire !
- Trop tard ! Allez Sam, il faut que tu te bouges un peu, parce que c'est bien gentil de penser à moi, mais et ton bonheur à toi alors ? Hein ?

Samantha se figea et Eléanore l'observa, avec ce petit air mutin, omniscient. Elle lui sourit.

-Tu sais ce que je veux dire, pendant trois ans, t'as passé ton temps à me coller et à me demander si j'allais bien et tout le tralala, maintenant, mon problème est réglé, c'est à ton tour.
-J-Je ne vois pas de quoi tu parles ! Comme si je me souciais plus de toi que de moi, n'importe quoi, hé, redescend sur terre, t'as les chevilles qui enflent ! Bafouilla l'élève de Yuki prise au pied du mur.

Soudain Samantha fut prise d'un doute horrible et elle rugit :

-NE ME DIS PAS QUE TOUT LE CINEMA DE TOUT A L'HEURE C'ETAIT UNIQUEMENT POUR EN ARRIVER LA !

Et pour toute réponse Eléanore lui tira la langue.

-Je gagne toujours ! Tu devrais le savoir !
-C'est faux et tu le sais bien !
- N'empêche que moi, non seulement j'ai deux ans de moins que toi et un petit ami, mais en plus j'ai un frangin !

Alors là…Là…Elle dépassait les bornes, fulmina Sam.

– Et ouais, je gagne, encore et toujours, faut croire !
- N'importe quoi ! Répliqua Sam écarlate.
– En combat Pokémon, en amour, en familleeee…Continua de chantonner la gamine.
- Je peux te battre quand je veux !

Elles échangèrent une œillade pleine de défi. Puis, alors, comme un éclate un ballon de baudruche crissant sous la pression, Eléa souffla, taquine :

- On parie ?

Samantha vacilla. Et là, comme libérée de tout par cette simple phrase magique, elle cédèrent. Elles éclatèrent d'un même rire commun. L'écho de leur joie et leur mélancolie s'entremêlèrent conjointement avec les notes claires se diluant dans l'atmosphère. Les cœurs juste gonflés de souvenirs et leurs âmes simplement ébahie par tant de chemin parcouru pour en revenir à ce même point. Ce tout premier point.

– Dire que c'est comme ça que tout a commencé…Souffla Samantha, émue.

Eléa haussa des épaules, innocemment, mais parfaitement coupable dans les faits. Samantha la prit dans ses bras. Son amie répondit à son étreinte, et en profita pour lui camoufler une unique larme.

Non, c'était faux, rien de toute cette conversation n'avait été planifiée. Jamais. Mais simplement échanger quelques mots avec elle, se disputer, se battre, avait suffit à lui rendre ses certitudes. Samantha l'ignorait peut-être, mais sa présence suffisait à Eléanore pour se reprendre, elle était la plus forte d'entre elles. Elle incarnait son pilier, sa confiance, son assurance. Elle se fichait éperdument de ses mots encourageants, de ses paroles réconfortantes, elle n'en avait cure, elle n'en avait pas besoin. Tout son être demandait juste à être auprès d'elle, à la normalité de leur relation, à leur quotidien, les mauvais côtés comme les bons. Elle n'attendait pas de Sam autre chose que ce qu'elle était, et elle l'avait appris, la nuit si horrible où la vie d'Ash avait tangué entre la vie et la mort, le soir où elle lui avait simplement dit ce qu'elle pensait, un simple « Quoi tu n'es habituée à ce qu'on dise que tu vas mieux ? ».

-Sam…Tu parleras à Silver et Yuki, hein…Tu me le promets ? Murmura-t-elle doucement.
-Oui, promis, je le ferai un jour. Soupira Sam, rendant les armes.

Elle savait bien que Sam veillait sur elle. Il lui semblait que tous l'imitaient, tous la couvaient du regard, la surprotégeaient. Mais elle, elle désirait simplement qu'ils se soucient d'eux-même, de leur propre avenir et bonheur.

Maintenant, il était temps qu'elle apprenne à prendre, sa vie, ces années qui lui appartenaient, en main. Toute seule.

Il était impossible de savoir si on prend le bon choix. Mais tant que Samantha l'acceptait, tant que ses amis l'accueillaient avec le même sourire, alors…Le changement ne l'effrayait plus.

-Cool, alors on y va ! Lança-t-elle guillerette à sa camarade.

Elle se leva et prit Samantha par la main, mais celle-ci, devint écarlate, et bafouilla :

-Quoi, tout de suite ?
-Bah oui enfin !
-Nan mais j'ai dit un jour ! Un jour comme dans le futur ! LE FUTUR !

La dresseuse d'Ash ouvrit la bouche, mais Sam la coupa et lui asséna amusée :

-Et ne me dit pas que tu n'en as pas. Parce que tu en as.

Eléanore sourit.

« « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « «

Paul soupira, exaspéré. Depuis déjà plusieurs jours, il était excédé, mais là c'était la goutte d'eau qui faisait déborder le vase.

D'accord, la mission était de suivre Ambre, pour la protéger coûte que coûte. Mais de là à jouer les nounous il y avait un gouffre, que dire un Abîme, un CONTINENT. Peu importe qu'il n'y ait aucun lien entre l'abyme et le continent, le fait était qu'il ne serait pas nounou. Déjà qu'il ne maternait pas ses propres Pokémons, alors une fille !

Richie dut sentir que la moutarde montait au nez de leur surveillant, car il abandonna sa tâche –compter les sous qu'ils avaient réunis à la force de petits boulots pour Ambre, et travail avec la police pour lui- et se leva. Sparky se dépêcha de ranger leurs salaires durement gagnés dans leur bourse commune.

-Je vais la réveiller, si vraiment c'est trop pour toi. Mais je continue à dire que c'est mesquin de la réveiller son jour de congé.

Paul le fusilla du regard, signe qu'il n'en avait rien à foutre, littéralement.

Richie haussa des épaules, et croisa les bras derrière sa tête pour lancer, tout en se dirigeant vers sa tente :

-J'en connais un qui a bien besoin d'un petit tournoi.
-J'y serai DEJA si MADEMOISELLE daignait se réveiller à l'heure !

Et il dépassa Richie, pour entrer dans la tente. Le dresseur au pikachu pensait le sujet clôt, Ambre détestait être réveillée de façon brusque le matin, et allait éjecter l'inconscient : problème réglé. Sauf qu'au lieu du cri guerrier de sa chère et tendre, il perçut plutôt un :

« HIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII ! »

Digne d'une fillette.

Richie, calme –il savait reconnaitre le cri de détresse d'Ambre maintenant- entra à l'intérieur, et blasé, lança :

-Qui vient de crier comme une gamine ?

Paul fit volte-face, avec son habituel expression furieuse et avec la promptitude des mecs désirant sauvegarder leur honneur il pointa du doigt Ambre. Sauf qu'Ambre mâchonnait du chocolat et le pointait du doigt depuis que son petit ami était arrivé. Raté.

C'est alors que Richie remarqua que quelque chose clochait, sa chevelure en bataille paraissait bien plus anarchique que les matins ordinaires. C'est alors que la tignasse d'Ambre, bougea et que deux yeux turquoise globuleux y apparurent.

« HIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII ! »

Deuxième prise. Sparky réfugié dans ses bras, Richie avait fait un bond en arrière, et Paul, revanchard, marmonna :

-Qui vient de crier comme une gamine ?

Un point partout.

Ambre dut comprendre ce qui troublait tant les garçons, et ôta de sa tête, une drôle de petite araignée au pelage aussi jaune que ses cheveux. Elle frétillait, aussi petite qu'une paume, mais pleine d'énergie, ses grands yeux azure pétillant. Elle devait être chargée d'électricité statique, car quelques mèches sur le crâne d'Ambre suivirent la petite bête, comme aimantée.

-Regardez c'est drôle…Ca fait woosh. Sourit Ambre, en baladant la créature au dessus de sa tête, de manière à diriger sa chevelure comme un monstre tentaculaire.

Les jeunes hommes s'autorisèrent à ne pas rire.

-Un type me l'a donné hier pendant ma tournée de distribution des journaux.C'était ..N…N…truc. En N. Les cheveux verts, casquette. Bizarre.
-Tu as accepté une bestiole d'un Inconnu que tu qualifies toute seule de BIZARRE ? Ragea Paul.
-Il avait du chocolat. Se justifia Ambre le plus naturellement du monde.

Richie se claqua le front, la situation beaucoup trop familière à son gout. Un jour elle finirait dans les bras d'un pédophile et lui briserait le cou pour lui voler tout son chocolat. Il le sentait venir.

-Tu acceptes le chocolat de la part d'un inconnu…Tes parents ne t'ont rien appris ou tu as juste du mou dans la cervelle ? Eructa Paul.
-Si tu n'étais pas d'accord, il suffisait de me dire non, au moment où il me l'a donné. Classa l'Irving, sans hésitation.

Toucher en plein dans le mille. Elle savait pertinemment qu'elle l'avait semé à vélo ce jour là, et que s'il avait voulu protesté, il lui faudrait, d'abord accepter qu'il avait failli à sa mission de surveillance, ensuite qu'elle pédalait plus vite que lui.

Paul décida de grommeler.

-Il faut que je lui trouve un nom…Décida Ambre en gratouillant le ventre de la créature gazouillante.
-C'est un Pokémon d'Unys…Marmonna Paul. J'en ai vu là-bas. Mais j'ai oublié son nom...
-C'est pas Isshu ? Atchu…heu…
-Non, Unys.
-Tu veux vraiment garder cette bestiole, Ambre ? Les coupa Richie.
-Bah oui, toi tu as bien Sparky…

Ce dernier grogna, montrant des dents, très hostile à l'idée d'avoir un rival, de la même couleur et type que lui qui ose se fondre avec le pelage de la petit amie de son dresseur.

-Voyons voyons…Je pourrais t'appeler Bestiole mais ça ferait tâche dans mon équipe quand même. Ils ont tous des noms de jeux vidéos. –Jaugea Ambre et toisant la petite bête.

Le visage de Richie s'illumina.

-Oh oui mais bien sûr ! Léon Tales of Destiny ! Lloyd Tales of Symphonia…Farah Eternia...! J'étais fan de ces jeux quand j'étais gosse je les avais tous ! Comment j'ai pu ne pas deviner !
-Oui ! Moi aussi j'étais fan, c'est un garçon d'une réunion des champions d'arène qui m'a converti, quand j'étais petite ! Mais J'adore aussi star océan 2…
-Oui mais les autres ils sont pas terribles ! Confirma le dresseur.
-Puis j'aime final fantasy jusqu'au 10, après ils ont changé le mode de combat c'est devenu chiant.
-M'en parle pas !

De toute évidence Paul dérangeait. Il ne tenait même pas la chandelle vu le degré puéril de la conversation.

-Je vais l'appeler Colette ! Décida d'un coup Ambre.
-Tales of Symphonia !
-Oui ! J'aurais aimé l'appeler Rena mais elle ne lui ressemble pas du tout… !
-Et si c'est un mâle ? Hasarda Paul, en désespoir de cause.

Les deux autres se tournèrent vers lui, étonné.

-Oui et alors ? Lança naïvement Ambre. –On l'appelle comme on veut y s'en fiche le Pokémon. Hein, tu t'en fiches ?

La tarentule gazouilla.

Ces gens étaient juste timbrés. Ils donnaient déjà des surnoms à leurs Pokémons –effort inutile- mais en plus ils ne se montraient même pas sérieux sur ce sujet.

-Oh, Ambre, tu as une tâche là, près des côtes…Remarqua Richie.
-Oh, ah oui, Tiens je saigne ! Confirma la jeune femme en soulevant sa chemise pour voir une belle balafre suintante.

Vu les tâches dans son sac de couchage, ça avait saigné toute la nuit.

-Je me demande comment je me suis fait ça…
-Probablement un mauvais rêve et une mauvaise manip'.
-Ou peut-être quand j'me suis entraînée avec Paul hier.
-Ou quand on est allé cueillir des pommes pour les Pokémons…

Ou peut-être simplement quand elle était tombée de la falaise qu'elle escaladait pas plus tard que la veille à minuit, songea Paul.

Pendant que les deux amoureux discutaient, naïvement, l'heure tournait. Ils allaient définitivement être en retard pour le tournoi. Et comme pour le narguer, Colette fit crépiter son pelage avec joie.

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L'eau était glacée, mais ce n'était pas vraiment cela qui dérangeait Daniel. Là au milieu des remous, simplement concentré sur le mouvement de ses bras et de ses jambes dans sa longue brasse mécanique, d'un bout à l'autre du lac du Qg, il la percevait toujours. Bien sûr, il savait qu'elle était imaginaire, que ce ne devait être que le résidu d'un souvenir, un fantôme pour ainsi dire. Néanmoins, elle restait, tapie au fond de lui et surgissait sans préavis, paralysant ses membres plus efficacement que toute attaque cage-éclair.

Ramoloss vogua jusqu'à lui et frotta son museau contre la joue de son dresseur. Daniel tourna la tête dans sa direction, essayant pour une fois de diversifier, d'égarer ses pensées.

Malheureusement, depuis l'accident, dès qu'il pénétrait dans l'eau, rien ne parvenait à le détourner de l'appréhension. Aucune pensée parasite, juste une cohue chaotique, des cris intérieurs et des craintes à demi-volées, exactement la même panique l'ayant submergé avant qu'il ne tourne de l'oeil.

Il essayait de se souvenir, comment il avait pu un jour être serein en nageant dans la mer ou même un liquide. Il lui semblait que toutes ces certitudes, ce passé, s'étaient évaporés, enfuis loin de lui. Etait-il possible d'oublier à ce point ce qui avait été une passion ? Il lui arrivait parfois, dans les mauvais jours, en dessinant, de croire qu'il n'arrivait plus à rien, que tout ce qu'il dessinait était fade et sans saveur, mais cela s'était toujours restreint aux thèmes sur les arts. Jamais sur cette bulle d'accalmie, ce refuge qui avait grandi en lui.

A présent son refuge ressemblait plus à un enfer. Un enfer aussi glacé que le pôle nord.

Soudain, elle le saisit, cette main aussi puissante qu'un étau lui enserrant le poignet, tous ses muscles se raidirent, et il lui sembla couler à pic. Flobio se jeta à l'eau et le ramena à la surface presqu'aussitôt, mais Daniel resta longtemps pantelant à la surface à essayer de reprendre son souffle.

Tremblant il extirpa son bras hors du lac et l'admira. Dénué de toute cicatrice ou marque. Elle n'avait rien de spéciale. Si ce n'est que c'était celle qu'Harry avait agrippé dans un dernier relent de vie.

Lentement, avec l'aide de ramoloss et Flobio, il nagea jusqu'à la rive et y remonta. Sans un mot, avec une une caresse pour chacun en guise de félicitation, il se mura dans son mutisme. Les doigts crispés sur ce boulet qui le traînait jusqu'au fond de l'abysse, cette tare lui crevant sa bulle de repos. Les battements de son cœur reprenaient un rythme normal, à mesure qu'il serrait plus fort son bras. Bientôt, les idées parasites réaffluèrent, suivant la douleur qu'il se causait volontairement, il la compressait pour faire disparaitre le spectre invisible de sa culpabilité, et celle-ci se dissipa presque. Elle retourna se cacher au fond. Tout au fond.

Daniel se laissa tomber contre l'herbe fraîche, détendu. La respiration encore un peu trop rapide, il ferma les yeux et se laissa bercer par le doux tumulte sans cohésion de ses songes anarchiques.

De nouveau des paroles de chansons sans véritables raisons, du NickelBack, du Rascal Flatts, du Disney, peu importait. Tout, tout lui convenait. Tout à part cette sensation.

Un sourire lui monta aux lèvres, en même temps qu'une phrase ironique.

« Heureusement qu'Eléa va vivre, sinon, qu'aurais-tu fait ? Tu n'aurais pas supporté un mort de plus. Tu le sais. »

Ce cadavre suffisait déjà à anéantir ces petits îlots de sécurité dans sa vie, l'eau et le sommeil. La veille il avait rêvé stupidement qu'il se trouvait devant un dilemme, -il n'arrivait pas vraiment à en décortiquer les détails- mais quelqu'un dans le groupe devait se dénoncer, et être prêt à périr.
Eléanore s'était avancé, alors que le Daniel du rêve, savait, percevait qu'il était l'incriminé. Harry pointait alors une arme droit sur Eléa, et lui envoyait une balle en pleine tête.

Il ne savait même pas pourquoi une arme à feu. Il était presque persuadé de n'en avoir jamais vu une vraie. Mais le choc, la souffrance avait pénétré si violemment son être, l'injustice, l'impuissance…Tout avait été si hideux, qu'il ne se serait jamais cru dans un songe. Jusqu'au toucher du visage d'Eléa, la vision de sa frimousse blême, les yeux clos, qu'on aurait pu croire juste assoupie, si elle n'avait pas eu un trou en plein milieu du front. Tout lui était apparu si réel !

Daniel passa une main sur son regard clôt. Embarrassé par ces séquelles cauchemardesques de la nuit dernière.

« J'ai lu une fois que le cerveau ne pouvait pas se rêver mort. Sinon il meurt véritablement, c'est pour ça qu'on se réveille juste avant de mourir, dans nos plus forts cauchemars…Et probablement pour ça que dans les cauchemars, ce sont souvent les autres qui meurent ou partent. » Se souvint-il, en vrac.

Il aurait presque préféré plutôt que de subir une telle perte, même en songe.

« Soit c'est une marque de stress et de tes peurs les plus profondes, soit se sont tes désirs inassouvis. Daniel. Que préfères-tu psychopathe-en-devenir ? »

Daniel se retourna sur le côté, rageur.

« A ton âge on pense au sexe, on fait des rêves érotiques, pas ça. »

Heureusement une chanson de son frère, tiré d'un anime, vint étouffer les propos de la voix. Et Daniel se perdit à nouveau dans son propre esprit. Rassuré.

-Danny !

Il sourit, en entendant l'écho de la voix d'Eléanore. Il adorait ce genre de petite surprise dans ses rêves, quand il était seul. C'était peut-être le plus beau son qui puisse bercer ses méditations. Il adorait tout simplement ces quelques notes, les différentes intonnations qu'elle pouvait prendre, juste en prononçant son prénom. Personne, ne l'avait prononcé de manière si belle à ses yeux –ou plutôt ses oreilles.

Un baiser sur ses lèvres posé à la va vite, le ramena sur terre, dans un monde bien de chaire et de sang. Eléanore au dessus de lui, réajusta la cascade de cheveux tombant sur la frimousse de son petit ami. Elle lui sourit.

-J'ai eu une grande conversation avec Sam. Et je tiens à te dire, que je comprends ta peur du changement maintenant. Avoua-t-elle avec son habituelle petite moue, fière d'elle.

Il se redressa, et la contempla, attendant simplement la suite, qu'elle ne tarda pas à donner. Comment lui le silencieux, avait-il put tomber amoureux d'une gamine parlant plus vite que l'éclair et surtout, franche comme pas deux ? Il l'ignorait, tout comme il ignorait qui était Sam. Parfois il trouvait cela agréable de ne pas savoir.

-En fait, j'ai compris. Mais j'ai aussi appris à la surmonter. En dix minutes !

Elle ouvrit ses deux mains comme pour lui afficher ses dix doigts.

-Je vais t'apprendre ! Annonça-t-elle, ni plus ni moins, le regard brillant.

Daniel eut un rictus, mais il s'approcha d'elle, la nicha dans ses bras et posa sa tête dans le creux de son cou.

-Arrête tu me déconcentres, je peux pas t'apprendre si tu fais ça ! Rigola Eléa.

Daniel enleva ses mains et se remit à genoux, en mode studieux. Eléanore fronça les sourcils ; puis elle roula des yeux. Sans préavis elle se posa sur les jambes de Daniel et annonça :

-L'importance, c'est d'avoir un pilier central. Dis-toi, que tu peux changer, tant que tu auras cet ami, qui t'acceptera, c'est que tu auras fait les bons choix, et si tu fais les mauvais, si tu le vois s'éloigner de toi, c'est que tu as fait une erreur ! Et il sera encore temps de rectifier le tir !

Daniel rit timidement, malheureux.

-Tout semble simple quand c'est toi qui le dit. Avoua-t-il.

Sa petite amie le dévisagea une seconde, peinée de le voir sceptique, puis elle croisa les bras, et annonça :

-Attends, tu vas voir.

Il attendit, dans le silence, lui laissant le temps de songer. Il se contenta simplement de lui passer les bras autour de la taille. Brusquement Eléa sortit de son mutisme et s'exclama avec conviction :

-Quand je serai guérie…La première chose que je ferai, c'est aller voir mes parents, et les serrer dans mes bras. J'irai voir mon petit frère, et…Et je lui dirai que je l'aime, et que chaque jour passé sans le voir, sans le serrer dans mes bras, je le rattraperai.

Daniel sourit, très peu soucieux du manque de cohérence avec le début de la conversation, il connaissait bien trop Eléa pour tomber dans le panneau. Tout était lié.

Ou alors elle avait encore bu.

Daniel médita sur cette possibilité.

- Puis, je pense que j'attendrai un peu, avant de me remettre à voyager. Histoire de rattraper mes notes en math, mes mauvais résultats et tout le reste…J'ai intérêt à bien écouter grand père et ses conseils en économie cette fois, parce qu'il faut croire que je vais vraiment hériter de l'univers Sarl finalement ! Continua la dresseuse d'Ash, qui se mit à regarder le ciel, là où tournait en rond, tel un rapace, le dit Pokémon noir, fulminant.

-C'est ce que tu veux ? L'interrogea simplement Danny, patient.
-Je ne sais pas, je verrais bien, tant que je peux continuer à avoir mes Pokémons avec moi, et combattre. Participer à des tournois…Peu importe le boulot, je serai heureuse je pense.

Elle haussa des épaules et Daniel resta silencieux devant tant d'assurance et de détermination. Il grimaça. Elle le remarqua.

-Un problème Danny ?
- N..Non c'est juste, que tu as l'air si sûre de toi, tu n'as aucun mal à imaginer ton avenir, tu n'as vraiment pas peur de lui. C'est une chance.

Eléa l'observa, une moue qu'elle attribuait généralement à ses manipulations, puis elle emprunta un air grave et sérieux.

-Tu te trompes ; j'ai la trouille. J'ai vraiment rien foutu en classe, et franchement tous les conseils pour gérer une entreprise, c'est sorti aussi vite que c'est entré. En plus, il va falloir que j'affronte mes parents…J'ai vraiment la trouille. Ils ont toutes les raisons du monde de m'engueuler cette fois ! J'm'en fiche qu'ils me déshéritent mais des fois ils lancent des regards, genre « j'ai honte de toi » pendant des semaines. C'est flippant.

La plaisanterie sonna dans le vide. Daniel arqua un sourcil.

-Mais…C'est juste, que même si l'avenir est loin et s'annonce difficile pour le moment, c'est moi qui le choisis. Si c'est un avenir que je choisis, alors je sais que je ne regretterai rien, même si c'est dur par moment.

Danny rit et répéta :

-C'est tellement toi, de dire ça. Encore une fois tout à l'air si simple dès que tu en parles.
-En fait, c'est grâce à Sam que je m'en sors maintenant….Mais, mais c'est parce que c'est simple en vérité ! C'est vous les humains qui faites toujours tout compliqué de pas grand-chose ! Et j'ai failli tomber dans le piège tout à l'heure, avec tous ces « si » qui me passaient par la tête.

Danny se renfrogna légèrement et annonça avec sagesse, sans se soucier du fait qu'elle le catégorisait dans les « humains » et s'en excluait :

-Mais des fois on échoue, des fois on ne choisit pas…Et même quand on choisit, les choses changent, pas forcément comme on le souhaite.
-Si tu restes là à avoir peur de l'échec, et du changement, tout restera en état, mais toi, inévitablement, tu avanceras. C'est le meilleur moyen de ne pas choisir. S'exclama la dresseuse, d'une voix vigoureuse.

Ils échangèrent une œillade, qui aurait put être de défi, si le garçon aurait été pourvu seulement d'une once de compétitivité. AU lieu de ça, il souffla ému :

-J'aime ta simplicité Eléa.
-Moi aussi je l'aime ma simplicité. Je la garde ! Rigola-t-elle. –Mais J'aime t'entendre rire.
-Moi je suis incapable de trouver un avenir. Marmonna Danny, penaud.

Eléa s'appuya contre lui, et l'obligea à s'allonger contre le sol, encore une fois au dessus de lui, elle l'observa, supérieure, et lui envoya une moue taquine, complice, juste confiante, pour deux. D'un voix douce elle lui murmura :

-Et bien… Moi je sais ce que tu feras après demain, tu resteras avec moi. Et encore, dans quelques mois, quand je serai guérie…je sais ce que tu feras.

Elle joua avec ses doigts, mimant une personne marchant le long de son torse, pour remonter son menton et venir caresser le bout de son nez. Daniel eut un sourire ;

-Ah oui ? Ricana-t-il.
-Oui !

Elle leva le nez puis le frotta contre celui de son petit ami, pour lui chuchoter, les joues rouges :

-D'abord, tu viendras avec moi, tu m'accompagneras voir mes parents et les affronter, parce que juste ta présence et celle de Sam, m'aidera à leur faire face.

Danny passa ses bras autour de son cou, et hocha du chef, pour approuver, n'entendant même pas le second prénom présent dans la phrase.

-Ensuite, tu iras probablement chez toi, et je me présenterai comme ta petite amie à ta mère, cette fois. Et pourquoi pas après, tu viendras avec moi et Sam faire un nouveau voyage. Pas de méchant cette fois, juste le monde immense et ses milliers de chemins à explorer.

Elle lui posa un tendre baiser du bout des lèvres, et plongea ses iris d'espérance dans celles disparates de son camarade.

-Et après… ? Souffla Danny.

Eléa se détacha de lui à regret, se remettant en position assise d'un mouvement ample.

-Après…Après on grandira, et il faudra trouver un boulot. Tu as une idée de ce que tu veux faire ?

Danny prit appui sur ses coudes, sans se relever, et fit un « non » nonchalant de la tête.

Eléa croisa les bras et réfléchit, songeuse, elle maugréa à vive voix, un doigt sur le bout de son menton :

-Pas chanteur vu que tu as la trouille, ni artiste puisque tu as horreur de la compétition…Hum…Et shiney hunter ça doit pas rapporter des masses, ça t'oblige à changer tout le temps de maison…

Danny ne put qu'approuver ce fait. Même si en cet instant, une pensée fugitive lui rappela la raison pour laquelle il avait débuté cette quête. Il remercia silencieusement la chance, qui lui avait permis de dénicher un shiney capable de la soigner. Il sentait qu'il n'aurait pas pu retourner sur les routes, pas encore, pas avec le cadavre d'Harry dans l'ombre de chacun de ses pas.

Soudain, Eléa poussa une exclamation

-Je sais ! Tu pourrais faire Dealer !

Danny pencha la tête sur le côté.

-Dealer de spores de Pokémons shiney ! Acheva-t-elle en rigolant.
-Je commence ma carrière avec rafflésia alors. Rit timidement Danny en retour.
-Tu as la tête pour l'emploi ! Un vrai shooté ! Ajouta-t-elle.
-Oui on me le disait souvent à l'école.

Leurs rires bien plus timides que ceux qu'elle partageait avec Sam, s'entremêlèrent, elle n'y perçut pas de libération, mais des sons teintés d'embarras er de gêne et pourtant, aux accordes si tendres, demandeurs de promesses idylliques.

-Plus sérieusement, tu peux devenir ce que tu veux…On a le temps. Journaliste, chanteur, même champion d'arène, fermier qui sait, ça n'a pas d'importance tant que l'on est heureux. Finit par décider Eléa, avec un sourire.

Danny finit par revenir à son niveau, imitant sa mine rationnelle et posée. Il se tourna vers elle, et avec calme, abandonnant tout droit, juste souhaiteur, il demanda :

-Et pour nous…Tu arrives à voir l'avenir de nous ?

Eléa fronça les sourcils, et rétorqua aussitôt :

-Je n'ai pas ce pouvoir là.

Daniel sembla désolé.

-Mais je sais que pour l'instant, je t'aime, et que ça me suffit amplement. Et j'ai la stupidité de croire, que tant que je t'aime, nous resterons tous les deux. Continua Eléa sans oser le regarder, tant la niaiserie de ses propres paroles la sidérait.

Bien sûr elle n'obtint aucune réponse, et les battements de son cœur affolé, couvert de honte, tonnèrent dans sa poitrine.

-Je sais, c'est tristement simplet comme raisonnement. On est pas dans un conte pour enfants… !

Alors qu'elle essayait de chasser ses rougeurs d'embarras, une main lui caressa la mâchoire et lui fit tourner la tête. Son regard rencontra celui éternellement doux de Danny.

- Ce n'est pas simplet. C'est aussi ce que je ressens. C'est ce que je veux croire. Affirma-t-il

Eléanore afficha un sourire victorieux. Et Daniel recula, étonné, mais surtout, plus que gêné : avait-il dit une bêtise plus grosse que lui encore une fois ?

-Tu vois, en un sens, tu crois en l'avenir, comme ça.

La simple constatation d'Eléa le pétrifia. Pendant une seconde, il ne prononça pas un mot, juste figé dans sa propre surprise. Pas un son, pas une sensation. Puis lentement, une chaleur diffuse se propagea au creux de son estomac, apaisante, sereine.

« C'est cette sensation. »

Celle-là, qui l'avait envahi, dans le tendre remous de l'océan, cette bulle de tendresse et de certitude. La paix.

-A travers toi, j'arrive à croire en l'avenir. Souffla-t-il alors, redécouvrant cette analyse à la mesure qu'il la prononçait de vive voix.

Eléa ricana, et plaqua ses poings sur ses hanches, faussement accusatrice :

-Dit tout de suite que je choisis ton avenir pour toi !
-C'est un peu vrai aussi. Articula le garçon, haussant les épaules, dénonçant l'évidence.
- Danny ! S'empourpra Eléanore.

Il ne put retenir un rire.

-Danny…S'attendrit la dresseuse.

Il leva simplement le nez vers elle tandis qu'elle lançait :

-Je sais ce que je veux faire plus tard.
-Ah oui ?

Eléa leva les yeux vers le ciel, où tournoyait toujours Ash, et la brise fit voleter quelques unes de ses mèches rebelles, comme pour emporter son vœu :

-Je veux être heureuse.

Elle planta ses prunelles dans celle de son petit ami, et ajouta, avec un sourire lumineux :

- Je veux entendre le rire de mes amis, de mes proches…De Sam, de toi. Chaque jour.

Elle lui prit la main et la serra fort. Si fort. Comme pour ne jamais la lâcher.

-Je veux être avec mes Pokémons, peu importe le travail, ou la longueur des journées…Je veux juste, qu'une fois arrivée au bout du bout, me dire 'Bon c'était amusant, mais maintenant, je suis fatiguée'.

Elle posa sa tête sur son épaule.

-Je veux que vous fassiez parti de cet avenir.

Elle ferma les yeux.

-Je veux que tu en fasses parti.

Daniel posa sa tête contre la sienne, et pendant une brève seconde, observant le vide de l'horizon, il se surprit à entrapercevoir les brumes de ces scènes encore à venir. Son cœur se gonfla de milliers de sensations.

-C'est un avenir…Que j'apprécierai de vivre. Murmura-t-il amoureusement.

Et il ferma les yeux pour juste savourer le présent. Car l'avenir viendrait bien assez tôt, ils avaient encore le temps d'y rêver.

-Oh, et tu es tout mouillé, c'est super désagréable. Grommela Eléa brusquement.

Daniel en tomba à la renverse en s'écartant d'elle brusquement sous le rire moqueur de sa petite amie.

-Je voulais aussi te prévenir…Je ne trouve plus Miyu…Donc si tu le vois, préviens-moi.
-Je croyais que personne à part toi ne pouvait le voir… ?
-Toi…tu l'as vu, quand il avait pris ma place. Tu l'as vu. Alors…

Elle se serra contre lui, avec mélancolie.

-Je croyais que c'était désagréable ?
-Oh tais-toi…Maugréa-t-elle, mauvaise joueuse.

Il passa de nouveau ses bras autour de sa taille, tous deux allongés dans l'herbe, enlacé, à regarder les cieux, et le tourbillon noir qu'était Ash, entre les nuages immaculés.

-Tu sais…peut-être que miyu est allé voir un ami pour fêter la nouvelle….Comme nous pour la fête. Il devrait revenir.

Eléa sourit, et songea qu'elle aurait apprécié une telle excuse.

-…Mais est-ce que Miyu sait voler ? Bafouilla brutalement Daniel, perplexe.

Et elle ne put s'empêcher d'éclater de rire.

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Lucas se promenait, l'esprit serein, léger. Il avait l'impression depuis plusieurs jours, de danser constamment, d'évoluer en plein ciel.

Tout s'arrangeait. Tout allait enfin pour le mieux.

Ses parents lui parlaient chaque semaine, pour parler de ses actes « héroïques » pour Twilight. Daniel se remettait, Samantha souriait et surtout Eléanore allait vivre. Rien ne pouvait entacher son bonheur tout neuf.

Oh bien sûr, la joie n'amoindrissait pas son intelligence affutée, et il remarquait bien que tous les membres de Twilight revenaient un à un au Qg, parfois abandonnant leurs missions. Ceux qui ne pouvaient pas venir, se déplacer, était joignables à tout instant à la salle de conférence, il y croisait Marc et Pierre Rochard à chaque fois qu'il partait discuter avec ses parents.

Cette ambiance annonçait sûrement une action de masse, une contre-attaque fulgurante. Mais pour le moment, Lucas ne s'en souciait pas. Chris, Angie et Gabriel travaillaient sur le cadeau. Daniel se soignait, Eléa et Sam profitaient…Et lui il s'entraînait. Il aimait cette routine là. En en sens, jamais il ne comprit aussi bien la névrose de son meilleur ami, contre toute évolution et changement, plus qu'en cet instant précis. Il désirait que tout demeure en cet instant.

Aussi, quand il rentra dans le chalet, claironnant, et qu'il trouva Cristal en pleurs sur le canapé, il eut l'impression que son monde entier s'ébranlait. Inquiet, il se précipita vers elle. Elle tenait dans son poing, une lettre, toute froissée sous sa poigne. Le regard dans le vide, elle déversait d'énormes sanglots, sans expression.

-Cris…Balbutia-t-il, mal à l'aise.

Il la secoua légèrement, mais elle oscilla sans autre réaction. Cette fois, un étau comprima la poitrine de Lucas. Une douloureuse réminiscence lui montant aux yeux. Exactement comme au soir d'Argenta, il n'était pas parvenu à consoler Samantha de sa déception. Le même shéma se reproduisait.

-Je vais chercher ton frère…Et…Balbutia-t-il, déçu, furieux contre sa propre impuissance.

Il esquissa le geste pour se lever, mais elle le retint, auprès de lui, par le t-shirt. Elle ne bougeait pas, son geste paraissait plus tenir de la mécanique instinctive que de la conscience de sa présence. Pourtant, ce comportement suffit.

Patient, Lucas s'installa à ses côtés, rouge, crispé et nerveux comme un adolescent face à son premier amour. Il resta comme ça, presque paralysé, jusqu'à ce que la porte ne s'ouvre à nouveau.

Yuki revenait de l'entrainement, avec Samantha, Eléanore, et un Daniel trempé de la tête aux pieds. Ils firent trois pas dans le salon et admirèrent la scène qui s'offrait à eux avec des avis partagés.

-Vous pouvez aller chercher Silver et Gold ? Bafouilla Lucas, écarlate. –Elle ne veut pas me lâcher ! Précisa-t-il.

Il perçut distinctement la petite lueur amusée d'Eléa ; voire pleines de sous-entendu, et il manqua de mourir sous l'afflux de sang empourprant ses joues. Samantha elle aussi paraissait plus que ravie.

-Je vais les chercher ! Chantonna-t-elle, avant de partir sur un pas guilleret.

Lucas hésita à lui rappeler que Cristal pleurait dans ses bras et que son attitude se révélait un tantinet déplacé.

-Moi j'vais chercher Silver, parce qu'il doit être le plus loin possible de Gold en ce moment ! Enchaîna Eléa, d'aussi bonne humeur.

C'est vrai que depuis la fête, Lucas n'avaient jamais vu ces deux là ensemble. A croire qu'ils étaient fâchés.

Daniel et Yuki vinrent s'asseoir face au couple, plus compatissants, et attendirent avec Lucas.

-Qu'est-ce qu'elle a ? Hasarda Yuki.

Lucas haussa des épaules, mais devant le silence, à la suite de sa réponse muette, il manqua de se gifler. Comme si Akira pouvait percevoir un tel mouvement avec sa vue !

-Je ne sais pas, elle ne veut pas répondre.
-C'est peut-être la lettre. Tenta Daniel, en pointant du doigt le trésor que tenait fermement la jeune femme.

Il essaya de la prendre, mais quand il constata la poigne de Cristal, il se ravisa. Et cela valait mieux, vu que ce garçon était capable de s'assommer en essayant de retirer con propre pantalon, Lucas n'osait même pas imaginer ce qu'il risquait de subir en tentant de voler son bien à la cadette des Heart.

Finalement, Gold et Silver accoururent, d'une même cadence, oubliant leurs différents une seconde, pour se précipiter vers la malheureuse. Samantha et Eléanore derrière firent la tope-là, visiblement très fières d'elle. La sœur de Silver semblait elle aussi d'humeur à pardonner et oublier ses propres rancunes. Cela en devenait bluffant.

Le bonheur avait-il vraiment ce pouvoir là ? Se demanda une seconde Lucas, ébahi.

-Qu'est-ce qui t'arrive frangine ? Lança Gold en s'agenouillant près de sa cadette, soucieux.

Silver ne pipa pas un mot, mais il semblait tout aussi embarrassé par le malaise de la plus jeune du trio.

La voix de son aîné sortit Cristal de sa torpeur, qui lâcha Lucas, à regret, pour porter ses mains à sa bouche, tremblante comme une feuille, les larmes inondant ses yeux.

-J'ai…J'ai…Hoqueta la brunette.

Les enfants se penchèrent vers elle, craignant le pire.

-L'A…L'académie…Médecine…L'ac…

Lucas sursauta, il savait qu'au lendemain de la mort de Yoann, Cristal s'était inscrite dans un programme pour suivre des cours par correspondance, et réaliser son rêve, devenir médecin Pokémons. Les Heart, et principalement Cristal, n'ayant pas les moyens pour de telles études, elle y avait renoncée, mais Peter avait proposé de payer entièrement le cursus, à la condition qu'elle suive une option lui permettant de connaître les bases de la médecine humaine également.

Il déglutît difficilement, sachant combien le projet tenait à cœur à Cristal. Il s'agissait après tout du rêve de son existence, son avenir.

-l'Ac…Bredouilla la jeune femme.
-Bon tu vas cracher le morceau oui ou non ? S'écria Silver excédé, un doigt sur ses tempes battant la mesure de son agacement.

Cristal vacilla, et Eléanore frappa la tête du rouquin en guise de représailles, celui-ci gémit, mais à part une œillade noire à la concernée indifférente, il ne réagit pas. En revanche, le visage de Cristal s'orna soudain d'un sourire, et elle souffla, époustouflée, de grosses larmes dégoulinant toujours de ses joues :

-J'ai réussi le premier examen !

La menace voilée et lointaine, la peur, agonisa, s'enfuit, comme l'air d'un ballon de baudruche percé. Et alors qu'il avait été si ardu de lui arracher un seul mot, Cristal se mit à déblatérer à la vitesse de l'éclair, avalant presque de travers ses propres mots tant ils glissaient sur sa langue avec saveur :

-J'ai réussi le premier examen, En septembre je commence un internat dans un Centre Pokémon comme assistante ! Je vais aider une infirmière Joelle pendant 5 ans puis j'aurais ma licence ! j'ai…j'ai réussi je vais devenir médecin Pokémon ! J'…j'ai eu la mention Bien…j'ai eu la mention Bien et…Et…

Elle laissa échapper à nouveau un énorme sanglot soulagé.

-Maman avait tort je suis assez intelligente pour être médecin !

Un long Silence suivit sa déclaration, où chacun la fixa, à la fois avec consternation, soulagement, colère pour les avoir tant effrayés, et surtout, félicité. Enfin, le ballon implosa. Ils se jetèrent sur elle, et l'embrassèrent sans commune mesure. Tandis que la brunette continuait de pleurer à chaudes larmes, répétant en boucle que sa mère avait tort, comme une prière, Lucas l'étreignit, plus fortement encore que les autres.

-C'est génial : c'est génial ! Il faut fêter ça ! Scandait-il, tout aussi bouleversé que la principale concernée.

Enfin, tout allait dans le bon sens. Pour chacun d'entre eux.

Emporté par les élans de joies qui fusaient à droite et à gauche, le cœur battant la chamade, sentant tout contre lui une Cristal, riant et hoquetant à la fois, s'enivrant du parfum de ses larmes et de son bonheur, il lâcha :

-Il faut que tu aies Ptiravi maintenant que tu deviens une infirmière !

Tous les spectateurs se turent soudainement, figés.
Le temps que l'information monte au cerveau et Lucas réalisa pleinement ce qu'il venait de dire : il s'empourpra.
Inquiet il se tourna, presque craintif, vers Samantha, appréhendant sa réponse.

Pourtant cette dernière, après une seconde d'hésitation, sourit.

-Oui ça me semble logique. Quelle infirmière tu ferais si tu n'avais pas de ptiravi ! S'exclama-t-elle.
-M-Mais…Ce n'est pas ton…Bafouilla Cristal.
-Si c'est moi qui ai donné Ptiravi à Lucas. Affirma la brune, sans même sourciller. –Il devait représenter mes sentiments à son égard.

Yuki tressaillit dans la foule, imperceptiblement.

-Mais…Continua Samantha. –Tu es aussi mon amie Cristal. Une grande amie. Et que Lucas te donne Ptiravi ne signifie pas qu'il m'oublie pour autant. Cela me semble même légitime. Ptiravi est né, dans vos bras à tous les deux, et tu t'en occupes depuis toujours avec lui.
-En fait, c'est un peu comme Hoshi ! Décida Eléanore, sûre d'elle.

Ceux qui ignoraient l'anecdote arquèrent un sourcil.

-C'est…Hoshi c'est mon Millobelus…C'est ce le Pokémon qui nous unit Daniel, Samantha, Eléa, et moi…Il représente notre amitié…Parce qu'on l'a vu naître, tous ensemble…
-Je persiste à dire qu'on aurait du l'appeler autrement ! Plaisanta Eléa.
-En fait tu n'as capturé aucun de tes Pokémons…Tous t'ont été donné. Constata froidement Silver, amusé.

Lucas s'empourpra.

Oui, à part Chamallot et Juncko…Mentali et Noctali lui avait été donné par Daniel…Ptiravi par Samantha. Hoshi par Eléanore et les autres…Et Enfin Gallame par la Famille Kazamatsuri. Malgré ce fait peu reluisant pour un dresseur, Lucas ne put contenir un sourire attendri. Autant de compagnons Pokémons, que d'amis inestimables à ses yeux. Chacun s'apprêtait d'une valeur sentimentale, se parait d'une histoire propre.

Il ne regrettait en rien ces captures. Elles témoignaient du chemin parcouru au fil des années, de ces pas qui le menait aujourd'hui là où il se trouvait, entouré, heureux.

-Je trouve que c'est parfait ! S'exclama Eléanore, au bout d'un moment.

D'un pas conquérant, elle s'avança vers Gold, Silver et Cristal, qu'elle plaça côte à côte. Ceux-ci, enfin, les deux garçons, semblèrent se rappeler leurs disputes et affichèrent une mine récalcitrante, mais elle ne dura pas. Lucas se leva, la pokéball de ptiravi dans ses mains.

Le Pokémon bébé rose apparut dans un rayon rouge.

-Bien. Nous avons Hoshi qui montre notre amitié à nous quatre…Avoua Eléa, les bras croisés. Et vous vous aurez Ptiravi. Qui montre notre amitié à nous…

Elle parut hésiter.

-Sept, précisa Silver, exaspéré.

Eléanore rougit furieusement.

-N'importe quoi : Yuki est aussi dans la balance ! Ca fait 8 t'es nul en math Silver !

Elle lui tira la langue avec provocation tout en attirant Akira de leur côté. Le rouquin roula des yeux vers le ciel, mais un rictus amusé étira ses lèvres devant l'expression accablée de Gold. Lucas plaça précautionneusement le Pokémon dans les bras de Cristal, comme le bien le plus précieux. Le petit Pokémon regarda son maître, se demandant bien ce qui lui arrivait, puis se blottit contre celle qui avait toujours agit comme une mère.

-Trouve lui donc un nom. Proposa Samantha, altruiste à Cristal.
-Oui, nous c'est Daniel qui a nommé Hoshi ! Enchaîna Lucas, ravi.

Le concerné pencha la tête sur le côté, cherchant à clarifier ses souvenirs.

Le trio de Jotho s'entreregarda, perplexe, puis comme le plus naturellement du monde, Cristal lança :

-On l'appelle comment ?
-J'en sais rien, ça nous concerne pas nous, non ? Rétorqua Silver.
-Bien sûr que si ! S'offusqua Gold.
-Par lien de cause à effet, on peut même dire que ça relie Angie et Chris…Puisqu'ils sont tout « Monsieur Silver ! Monsieur Silver » Piailla Cristal, séchant les vestiges de ses dernières larmes dans un rire moqueur.

Silver grogna, imaginant trop bien la scène pour éviter le mal de crâne.

-Alors, on l'appelle comment ? On l'appelle comment ? S'impatienta Gold.
-Boule de gomme. Proposa Silver.
-Oon croirait entendre Eléa quand on devait nommer Hoshi. Constata Daniel avec un sourire.
-Tu me compares à Silver là ?
-C'est mal ?
-Non. Rigola la concerné en enlaçant son petit ami, un peu perdu par ce qu'il avait fait, ou pas de mal.
-Bon vous le nommez ou pas ? Rappela Akira. –On a pas toute la vie…
-Si si maintenant j'ai toute la vie ! Clama Eléa, ravie.
-Oh arrête avec ça ! Eclatèrent de rire tous les autres.

La dresseuse d'Ash fit la moue vexée, et fut bien tentée de leur envoyer son Pokémon jaloux en guise de châtiment.

-Il faut choisir un nom qui a un rapport avec Hoshi. Décida Cristal avec un rougissement, plongeant brusquement son regard reconnaissant dans celui de Lucas.

Tous deux se sourirent, touchés.

-Un nom en rapport avec Etoile, lumière ou Soleil donc…Constata Gold un peu trop bruyamment.

Les deux amoureux vacillèrent, surpris par la conversation, comme plongés dans l'eau froide après une étreinte illusoire. Ils se détournèrent l'un de l'autre, écarlate, ce qui ne manqua pas d'attiser les moqueries des spectateurs.

« Un prénom en rapport avec le Soleil. Comme le prénom Lucas, ça me plait. » Songea cependant Cristal, en caressant Ptiravi.

-Pourquoi pas Céleste… ? Proposa finalement Silver, après un moment de silence.

Tous le dévisagèrent comme s'il venait à l'instant de se mettre à danser nu tout en chantant des cantiques religieuses. Fait hautement improbable, inutile de le préciser.

-Oh mon dieu, Silver est le Daniel du groupe ! S'exclama Eléanore.

Aucun des deux concernés ne comprit la blague.

-Céleste…Ca me plait. Murmura Cristal, pensive.
-Va pour Céleste alors ! Approuva Samantha.
-On fait un baptême ou un truc dans le genre ? Interrogea Gold.
-Ouais, et c'est Akira qui va faire le prêtre ! S'enjoua Eléa.
-Hon quelle galère je connais aucun serment moi !
-Oui mais vous êtes le seul Adulte. Lança Sam.
-Ca reste encore à prouver. Marmonna Silver.
-Attention c'est monsieur maturité qui parle…

Et tout s'acheva dans un rire conjoint.

Céleste la Ptiravi devint le Pokémon de Cristal. Elle ignorait encore à quel point ce Pokémon la réconforterait et lui apporterait la force et le courage dont elle aurait cruellement besoin dans les années à venir. Pour l'instant, le petit bout de chou n'incarnait que l'amitié entre le trio de Jotho, que le lien avec leur ami de Twilight, ses doux sentiments à l'écart de Lucas, et sa réussite. Pour le moment, Céleste, à l'instar d'Hoshi à une époque, incarnait une joie fugace, ce moment d'accalmie de félicité ou tout semblait les réunir et les rapprocher.

Ces moments éphémères, que l'on nomme simplement bonheur.
Hélas, il n'est pas de plus volatile illusion que celle-ci, glissant simplement entre les doigts de ses poursuivants, les emmenant dans une quête éternelle, dont les victoires jamais ne durent.

Quelques jours plus tard, Eléanore se remit à cracher du sang.

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Elle fulminait, elle n'avait plus été aussi furieuse, depuis…Depuis…Depuis qu'elle avait balancé un cocktail Molotov sur la voiture d'un des amants de sa mère, tient. C'était pour dire son niveau de mauvaise humeur.

-Je peux dire quelque chose ? Hasarda Shagi ; sur l'écran du vidéophone, blasé.
-NAN.

Il roula des yeux.

-Arisa peut dire quelque chose.
-NAN !

Nouvelle moue, agacée de la part de l'interlocuteur.

-Donc en gros Makanie, tu nous as appelés, interrompant un moment particulièrement sympa…Pour te plaindre ? Résuma-t-il.

Si la rouquine n'avait pas été d'aussi mauvaise foi, peut-être aurait-elle répondu la vérité. Oui.
Elle désirait se plaindre, parler de se ventre préominent qui l'encombrait, de ses seins de plus en plus soumis aux lois de la gravité et qui ne cessait de mouiller ses hauts avec du lait dégueulasse –trop sucrée- et surtout, surtout, de l'alien qui n'allait pas tarder à être éjecter de son corps pas un trou minuscule.

Alors son utérus et son vagin avaient le droit de se plaindre. Qui voulait se risquer à contredire son vagin et son utérus ? HEIN ?

De toute évidence, Shagi bien à l'abri à des centaines de kilomètres de distance, n'en avait cure de ses réclamations.

-Bon, si c'est tout ce que tu as à nous dire…Je vais y aller. Encore tu m'aurais invité pour casser la gueule à Aaron, mais là franchement, faut pas exagérer.
-Passe-moi Arisa, elle au moins elle peut me comprendre ! Marmonna Makanie, aussi tendue qu'un arc, le regard flamboyant.

Et là, Shagi lui tira la langue.

-Tût, mauvaise réponse.

Elle n'eut pas le loisir de s'interroger longtemps sur la signification de sa dernière phrase, la mine d'Arisa s'afficha sur l'écran. Elle sut immédiatement qu'elle arrivait mal.

-J'étais en train de m'entraîner contre Shagi.

Aie. Makanie redouta le pire.

-Et j'étais en train de gagner.

D'un seul coup, les maugréassions de son corps lui parurent dérisoires et elle fut ravie d'être très, très loin d'Arisa.

-Vous allez bien tous les deux ? Où êtes vous ? Qu'est-ce que vous faites ? Vous reviendrez bientôt me voir ou vous avez un nouvel objectif… ? Asséna-t-elle le plus rapidement possible espérant noyer le magicarpe.
-Oui, on va bien tant que tu n'interromps pas nos match. On est à Unys. On se prépare pour un tournoi de Pokémon dragon contre le champion. Non on ne reviendra pas avant que Peter n'ait disparu de la surface de la terre. Et Enfin Oui, mais il ne te regarde pas. Au revoir.

Sur-ce la connexion s'interrompit.

Un moment de silence passa.

-Ils ont l'air en forme ! Murmura Aaron à son oreille patient, marchant sur des œufs.

Il n'aurait jamais du dire ça.

-Ils m'ONT DIT EN REVOIR SANS RIEN DU TOUT !

Le champion des Pokémons insecte bondit en arrière, effrayé tandis que son amante, saisissait l'appareil de communication et le secouait comme un prunier.

-Vous n'AVEZ PAS LE DROIT DE RIEN JUSTE AU REVOOOIR ! JE VEUUUX AU MOINS MON « JE t'EMBRASSEEE » Je suis même pas avec vous et maintenant j'ai même plus de je t'embrasse à la fin de nos apppeeellls !

Avant de fondre en larmes.

-OH MON DIEEUUUU J'AIIII RUIIIINE MA VIE !

Aaron jeta une œillade en arrière, à l'adresse de Lucio, qui lui haussa les épaules, sans lever les yeux de son livre.

-J'espère pour toi que cette fois, elle est sous le coup des hormones. Rigola Adrien. – Sinon t'es vraiment foutu !
-M-Ma-mais non enfin…c'est un ange de douceur ma Ma-Makanie. Tenta désespérément Aaron.

Un crac significatif les informa que le vidéophone était mort. Encore.

-Ca fait le cinquième. Soupira le champion Psy de sinnoh, dépité.
-Allons Makanie calme-toi ! Tu sais je t'aime moi et je t'embrasse autant que tu veux ! Essaya en désespoir de cause.
-Ouais je sais ça ! Mais là chuiis occupée ! Fut la seule réponse qu'il obtint.

Il y eut un silence accablé.

-POURQUOI TU ME DIS PAS 'JE t'AIME MOI AUSSI » ?! Où EST MON JE TAIME MOI AUSSI ?!

Et devant leur collègue en pleine crise d'hystérie, si similaire à celle de sa future, Adrien siffla.

-Y-a-t il des chances pour qu'Aaron soit aussi affecté par les hormones de Makanie ?
-Non aucune. L'informa Lucio tout en tournant la page de son ouvrage, indifférent.

De l'autre côté, les deux amants continuaient tantôt à fondre en larmes, tantôt à hurler, quémandant un peu de tendresse à tout le monde sauf à celui ou celle prêt à lui en donner.

-Tu crois qu'on peut demander une mutation dans un autre chalet ?

Lucio se leva, et se dirigea simplement vers une autre salle. Abandonnant son ami dans cette situation cacophonique. Il fut bien puni car à peine arrivé de l'autre côté de la cloison, qu'il trouva Marion, recroquevillé contre le pied du lit, le regard dans le vague.

Malgré tout, il aimait beaucoup Marion, c'était une femme certes au caractère changeant, et aussi velléitaire qu'une gamine de cinq ans à qui l'on demande de respecter des responsabilités d'adultes…Mais elle était aussi intelligente, -supérieurement intelligente- et savait quelle attitude adopter avec n'importe qui. Parfois fille modèle, parfois rebelle. Il appréciait cet aspect, qu'on pouvait qualifier d'hypocrite, quand on ignorait qu'elle se comportait de cette façon simplement pour ne déplaire à personne.

Aussi la voir dans cette situation relevait de l'étrange.

-Un problème ?

Et c'est seulement après que la phrase eut franchi la barrière de ses lèvres, qu'il se demanda si, inconsciemment, il ne cherchait pas vraiment à être le psy de toute la troupe.

Marion tourna la tête dans sa direction, absente, puis revint à sa position initiale, sans un mot. Elle montra juste une sorte de bâtonnet blanc à l'embout bleu. Positif.

Oh merde.

Ils furent donc deux à se retrouver recroquevillés, les yeux dans le vague, contre le pied de lit.

L'une parce qu'elle ne savait pas vraiment comment annoncer ça au principal concerné.
L'autre parce qu'il allait se retrouver encerclé par deux femmes enceintes hystériques.

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Silver dormait profondément. Et Gold le regardait de loin depuis plusieurs minutes. Il essayait, sincèrement, de détourner son attention, de regarder plutôt me magnifique soleil de début Avril.

Mais rien à faire, malgré le tumulte du salon, malgré le beau temps –totalement incongru pour une chaine de Montagne comme celle sur laquelle se trouvait le Qg- il ne parvenait pas à s'y résoudre.

Comme d'ailleurs Silver réussissait à dormir paisiblement, allongé sur le canapé, le visage réfugié dans le creux de son coude, au milieu d'un Yuki écoutant un documentaire sur le tournoi d'Avril, Cristal qui cuisinait –la plus bruyante, il la soupçonnait d'utiliser le mixer volontairement- et d'une Eléa téléphonant à Régis, encadrée par une Samantha plus que curieuse, ne cessant de poser questions sur questions.

Il aurait du commencer à en avoir l'habitude. Il avait déjà essayé, durant ces trois dernières années, de renoncer à lui, de se détourner. Mais peut-être le manque de temps –après tout ne faisait-il pas parti d'une organisation secrète de justiciers ?- d'opportunité, et probablement surtout d'envie, avaient voué chacune de ses tentatives pas un échec. Dès qu'il côtoyait une fille, il la comparait à Silver, -si le roux l'apprenait, il pouvait creuser sa tombe-. Tout comme, quand il admirait le ciel clair par la fenêtre, il songeait à ce que Silver en penserait.

Il détestait définitivement être amoureux. Il compatissait enfin à tous les chagrins d'amour que sa sœur avait essuyé, et qu'il avait du épancher.

Pire, ce foutu sentiment encombrant s'alourdissait de jour en jour, le pressant, l'opprimant. A croire qu'il adorait se faire rejeter et mépriser. Parce que c'était bien ce qui se passait. En tout et pour tout, depuis la fête, c'est-à-dire au moins un mois ; son ancien rival lui avait parlé trois fois.

« Laisse moi tranquille – j'ai mal à la tête – j'ai besoin d'être seul »

Voilà il les avait toutes retenues ses fichues phrases ! Songea Gold le cœur serré et la gorge sèche et celles-ci s'alliaient généralement d'une mise à distance de sécurité. A dire vrai, les seuls moments où Gold pouvait approcher Silver d'aussi près c'était bien quand il dormait comme ça.
Heureusement, il agissait de la sorte de plus en plus souvent. Un vrai paresseux, à croire que ses maux de têtes n'étaient pas simplement des excuses.

Non c'était forcément des excuses. Et en langage Silver cela signifiait « Je veux plus te voir Gold tu me gênes avec tes sentiments ». Bon peut-être pas la dernière partie sur les sentiments, mais le principal message « dégage » était bien là.

Le brun soupira, laminé, mais son regard mordoré demeura vissé sur le roux, histoire de repasser une couche.

En un sens, en l'observant comme ça, gold réalisait, ou plutôt se rassurait. Le fils de Giovanni avait en effet une carrure assez frêle, malgré son habileté sous-jacente, affublé de sa longue tignasse flamboyante, de ses traits fins et de son regard clair, il pouvait presque passer pour une femme. Si seulement il avait put être une femme. Tout aurait été tellement plus simple. Malheureusement il manquait à Silver un double détail au niveau du torse pour ça. Et un truc en trop au niveau de l'entre-jambe aussi.

Gold soupira de nouveau, dépité.

Si Silver avait été une femme, il aurait put prendre sa main, dans son sommeil. Tout paraitrait naturel. Elle le narguait cette main pendante. Dans les mangas que lui avaient prêté Chris et Angie –il ne voulait pas savoir comme le duo se les procurait- c'était toujours quand le héros prend la main de son amour, alors qu'il dort, que celui-ci marmonne des aveux bien trop lourd. Un doux « je t'aime Gold » n'aurait pas été de refus. Même si ce n'était pas une déclaration éveillée.

Silver grimaça dans son sommeil, et Gold sentit son cœur palpiter, d'une espérance stupide. Il se pencha au dessus du rouquin pour ne pas manquer une miette des paroles qui lui échapperait.

Télépathie ou pas, on ne le saura jamais, le roux avait du percevoir les désirs du brun, et comme pour l'en dissuader définitivement, il se redressa brusquement.

Les têtes de deux protagonistes se heurtèrent dans un « Bong » très révélateur quant au contenu de leurs crânes vides. Gold tituba en arrière, sonné, et Silver retomba contre son lit de fortune. Il
fit un large mouvement du bras qui heurta la lampe de la table basse pour la briser en milles-morceaux. Très fier de lui, l'endormi ricana un « salopard » avant de se tourner pour se nicher contre les coussins du sofa.

Gold dut se remémorer qu'il avait écopé de plus d'un bleu et d'un œil au beurre noir en dormant avec le roux et il décida de ne plus jamais croire ce que disait les mangas Yaoi de sa sœur et du duo de psy-timbrés. Ce cliché c'était du n'importe quoi. Il décida d'aller vite soigner sa lèvre fendue avant le réveil de cette brute épaisse.

Les mangas mentaient c'était de la publicité mensongère !

Une pensée fugace lui traversa l'esprit : « Super il me déteste et m'envoie promener même dans son sommeil. » et il se retira en traînant des pieds. Sa vie était un véritable capharnaüm.


S'il avait été un peu moins tourné vers lui-même et ses problèmes de cœur, peut-être aurait-il perçu la lueur de panique perçant dans la voix d'Eléanore, devant le vidéophone.

-Tu sais, c'est normal que tu sentes tes jambes plus faibles et il est possible que tu recommences à tourner de l'œil. Ca fait un mois que je t'ai injecté le produit, et c'en était vraiment, mais vraiment une infime quantité. Il est logique que ses effets s'estompent. La temporisa Régis, à l'autre bout du fil.

Derrière lui, une jeune fille aux cheveux vert, en blouse de savant, allait et venait, une dizaine de métamorph bondissant à sa suite, rattrapant les diverses feuilles et autres capsules qu'elle laissait tomber dans sa précipitation.

-Elle se remet à cracher du sang aussi. Informa Samantha, assez anxieuse elle aussi, la mine sérieuse, tâchant d'envoyer une œillade grave jusqu'au scientifique.
-C'est normal, c'est normal. Je le répète, c'est simplement parce que la dose est trop petite et n'a pas été appliqué directement sur les masses tumorales.
-Mais ça veut dire que je devrai subir plusieurs opérations ? Je veux dire, si l'effet s'estompe dans le temps…Je vais faire des rechutes et on devra me réopérer…Non ? Bafouilla Eléa.

Régis se tut, et pendant une seconde, Samantha discerna une faible incertitude, peut-être même une crainte. Elle déglutit difficilement et resserra sa prise sur son amie, dont les épaules bleuirent sous sa pression inquiète.

-Il est possible que tu fasses une rechute. Mais l'opération t'apportera au moins une dizaine d'années en plus ! Et ce n'est qu'une possibilité, mais vraiment infime. Bien sûr, si la maladie avait été moins avancée, j'aurais put te dire avec certitude que ça n'arrivera pas, mais…
-Mais dans le pire des cas, c'est une opération lourde tous les dix ans ? Conclut Samantha.
-Vraiment, vraiment dans le pire des cas. Répéta l'ami d'enfance d'Eléanore.
-M-Mais, tu avais dit que l'opération en elle-même, n'était pas spure à 100% non ? Bredouilla Eléa.

Régis ne répondit rien. Il baissa des yeux.

-Tu estimais à 50% de chances. Une chance sur deux de survie à l'opération ! Lui rappela Eléa avec fermeté.
-Non maintenant je dirai plutôt 60% ! Se défendit Régis. –Nous avons mieux étudié les procédures, et grâce aux cellules de métamorph de Duplica, nous aurons des levures en grandes quantités et j'ai engagé un excellent chirur…
-Régis !

Cette fois le savant paraissait véritablement mal à l'aise.

-C'est 10 ans de plus Eléa. 10 ans de recherches, de progrès de plus. 10 ans c'est énorme. Bafouilla-t-il, embarrassé.
-Puis…60% c'est plus que la moitié ! Enchaîna Sam d'un timbre tremblant, trahissant ses propres doutes.

Les lèvres de la dresseuses d'Ash se pincèrent et instinctivement elle porta la main sur son cœur. Il pulsait encore de vie, et sûrement, grâce à la méthode de Régis, pour encore longtemps…Néanmoins, quelque chose avait changé en elle. Elle ne parlait pas de la disparition de Miyu, qui l'inquiétait énormément. Non cette différence s'insinuait en elle lentement, se tapissait au fond d'elle-même, et revenait par vague, par pique, sans cesse. Accentuant le mauvais pressentiment qui la tiraillait depuis cette découverte funeste, le lendemain de la fête.

-Oh !

Régis sursauta, et décidant de rehausser l'ambiance, il enchaîna :

-Tu m'avais dit que tu voulais cette opération avant la fin mai ! Je suis en train de débattre sur la date avec un hôpital, qui est censé rester discret…Mais Normalement, grâce à Duplica – il rougit imperceptiblement- nos cultures auront atteint le nombre qu'il faut pour le 10 Mai. L'Opération se fera dans la semaine qui suit. Elle durera environ 20 heures.

Eléanore tressaillit, blême.

-Oh. Super. Envoya-t-elle la voix chevrotante.

Régis sourit.

-Tout ce que tu as à faire jusque là, c'est être prudente et faire attention à toi. Ne pense à rien d'autres que prendre soin de toi. Je t'envoie un message dès que j'ai la date.

En arrière fond, Duplica dut glisser sur son propre métamorph car une masse rose indistincte vola et la jeune femme se retrouva les quatre fers en l'air, tout ce qu'elle transportait lui retombant sur la tête. La conversation coupa sur un « DUPLICA CA VA ? » inquiet.

Ni Sam, ni elle ne parlèrent, après l'interruption de la discussion, Samantha se contenta de la dévisager, appréhendant sa réaction. Le cœur tous les deux lourds.

-…C'est toujours ça !

Leurs deux voix rauques s'entremêlèrent l'une à l'autre dans cette faible consolation, et elles esquissèrent un rictus.

-Ca te dirait…Un Match pour se changer les idées ? Finit par proposer l'élève de Yuki, sans grande motivation elle aussi.
-N-Non merci. Eluda Eléa, le gosier sec.

Samantha écarquilla des yeux, puis après une seconde, elle lança, hagarde :

-Tu veux y réfléchir seule ?

Eléa l'observa une seconde, tout aussi perdue. Non, elle ne voulait pas être seule. C'était bien ce qu'elle souhaitait le moins. Pourtant elle n'avait pas envie d'en parler non plus. Elle désirait digérer l'information. La peser….Puis faire comme si rien n'allait jamais changer. Comme si, tout cela n'était rien de plus qu'un détail insignifiant, aussi stupide que de choisir le diner de ce soir. En un sens, elle savait que Sam n'arriverait pas à surmonter ce sujet.

-Tu veux bien ? Grinça-t-il à contre cœur, sentant les larmes perler.

Samantha fit la moue, scruta la pièce, de ses prunelles bleu outrmer aux reflets d'argents, comme pour y dénicher une chance, une réponse…Dans un dernier élan, un dernier sursaut de combativité, elle serra les épaules d'Eléa et la prit dans ses bras. Puis elle se retira. Peut-être avait-elle, elle aussi besoin de d'accepter.

La jeune adolescente se dressa, les jambes en cotons, mais toujours en état de marche. Elle fit quelques pas, et sortit du chalet, s'éloigner de cette ambiance maussade. Peut-être y laisserait-elle son cafard derrière elle.

Si seulement Miyu avait été auprès d'elle…Pour en discuter. Son absence commençait cruellement à lui peser.

Une colère sourde monta en elle, comme une douleur suintante, qui ne déborde seulement lorsque nos yeux se posent dessus. D'une seconde à l'autre la souffrance en devient insupportable alors qu'auparavant on ignorait même jusqu'à son existence.

Son regard se posa sur un banc qui longeait l'avenue principale. D'un geste brusque et vain elle le renversa d'un coup de pied. Ca ne faisait rien. Ca ne soulageait même pas. Le granit eut beau se briser et s'étaler sur l'herbe fraîche, la fureur ne redescendit pas. Pire elle s'accentua. Peut-être à cause de l'indolence dont le bouc émissaire s'était paré tout en se cassant, en tout cas ses battements de cœur battirent à ses tempes et ses joues s'empourprèrent.

-RAAAAAH !

Le hurlement, quoiqu'il tienne plus d'un grognement guttural une fois passé sa gorge endommagée, lui échappa. Elle ne savait même pas pourquoi elle réagissait ainsi.

Etait-elle fâchée contre Régis et ses idées d'opérations ? Etait-elle vexée de la fuite de Miyu ? Du comportement de Samantha qui n'avait toujours parlé à personne ? Se haïssait-elle pour accepter cet espoir, si incertain, d'être incapable de s'en décrocher ?

Elle qui avait toujours reniée les si, et écrasé tout embryon d'illusions de guérison…Maintenant qu'elle s'y était plongée toute entière…Elle ignorait si elle pouvait se montrer capable d'y survivre. Elle avait pourtant cru en être débarrassée après sa conversation.

Ses genoux ployèrent et elle s'adossa contre les ruines de sa colère alors qu'un sanglot lui montait à la gorge. Elle posa son front sur ses genoux,

-Meeerde…Siffla-t-elle, le timbre étranglé.

Mais qu'est-ce qui lui arrivait au juste ? Depuis quand faisait-elle des colères ainsi ? Paniquait-elle ?

Inconsciemment elle palpa sa poitrine et son souffle se coupa alors qu'une pensée la submergeait :

Ils allaient l'ouvrir de part en part. Ouvrir son thorax, ses jambes…Tout. Régis y assisterait. Des gens dont elle ignorait jusqu'aux identités se préparaient à la découper vivante sur une table d'opération, pendant de longues heures. Et elle allait être totalement impuissante, écartée du résultat, exclue de toute intervention. La réussite ou l'échec de cette épreuve, ne dépendrait pas d'elle. Soit les médecins gagnaient. Soit la maladie l'emportait.

Ses poings se serrèrent convulsivement, et elle les porta à ses cheveux. Elle désira passer les mains dans sa chevelure, comme pour éclairer sa vision, clarifier ses idées, mais ses doigts se comprimèrent sur son crâne, prêt à tout arracher.

Pourquoi c'était si difficile de réfléchir d'un seul coup ? Ce n'était que sa vie ! Elle l'avait tellement mise en jeu qu'elle en perdait le compte. Depuis quand tout cela avait-il changé ? Elle n'avait pourtant pas hésité une seconde pour sauter du toit du Qg Opale, pour se jeter à la rescousse de son père, de Samantha…

« Maintenant j'ai tout à perdre. Tu as fait des plans, tu as fondé des espoirs, fait des promesses. Et tu vas tout perdre. » Réalisa-t-elle soudain, dans un éclair de lucidité atroce.

Elle avait accepté l'espoir, et avec lui, tout ce qu'impliquait les attaches à la vie.

Quand bien même le comprenait-elle, elle ne put interrompre ses tremblements, et se recroquevilla sur elle-même.

« Calme-toi Eléa. Calme-toi. » Tenta-t-elle se raisonner mentalement, la gorge sèche, et la langue comme gonflée, écrasant son gosier.

Elle ferma les yeux.

« Tu croyais quoi ? Tu te vantais. Tu faisais comme si de rien n'était…Mais tu savais que tu paniquerais à l'approche de la mort. Tu le savais ma vieille. Je le savais. On peut se retenir, appréhender avec froideur, mais une fois devant, y-a plus de faux semblants. »

Elle déglutit.

« C'est pour ça que je voulais partir dignement, par ma seule volonté, mon seul choix. »

Ses genoux s'entrechoquèrent, tandis qu'elle saisissait.

« Mais l'opération ne te donne plus le choix. Alors tu dois vivre. Tu dois réussir. Même si tu souffres le martyr après une opération pareille. Même si…même si ça doit se répéter tous les dix ans. Tu vas vivre. Il faut que tu vives. Tu as prévu de vivre ! »

Elle songea aux frimousses épanouies, tout simplement heureuses, des gens durant la fête, parfois abasourdis par la nouvelle, d'autres juste enivré par le miracle. Les mines soulagées de Samantha et Daniel. Un rictus lui monta, bien que faible et hésitant.

Elle souhaitait tellement continuer de les côtoyer, ces sourires là. Elle désirait voir son frère ! Serrer son père et sa mère contre elle ! Avoir la chance de goûter à tout ce que sa condition lui avait dicté, imposé depuis toujours. Une vraie perspective, un vrai avenir.

« Ne pense à rien d'autre, à part prendre soin de toi. » Avait dit Régis.

Eléanore releva les yeux vers le ciel.

« Ne pense à rien » Se persuada-t-elle. « Surtout pas à l'opération. Surtout pas au fait qu'ils vont t'ouvrir et que tu n'y peux rien. Surtout pas au fait que tu t'es peut-être fourvoyée et donné de faux espoirs. Rien. R-I-E-N »

Malheureusement, elle voyait surtout les lettres du mot s'afficher en gros caractères sur les nuages.

« Peut-être que Miyu sait voler après tout. Et il est allé faire un tour dans les nuages pour fêter la nouvelle. Ca doit être bien de voler. »

Elle tiqua.

« Attend, Miyu sait voler ? Je veux dire jusqu'à présent, il lévitait…Mais il peut s'éloigner à ce point de moi ? »

Etrangement, elle pensa au concours d'Argenta, l'étrange impression pendant l'entracte. La fatigue. Surtout au lendemain de l'aventure. Mais elle secoua la tête bien vite. Impossible, cela lui paraissait impossible que Miyu puisse s'écarter à ce point d'elle.

« Peut-être a-t-il été emporté par un coup de vent… »

Elle leva de nouveau les yeux vers les cieux. Et se sentit affreusement bête.

« Quelle idée absurde ! C'est impossible ! »

Néanmoins la vision d'un Miyu se pâmant devant elle et brusquement déstabilisé par la bise, lui arracha un ricanement.

« Toute façon, il ferait n'importe quoi pour me faire chier cette peste ! Il a du apprendre. A voler. Ou à se faire emporter par le vent. » Conclut-elle.

L'absurdité de ses propos l'étonna elle-même. Certes, Miyu se montrait parfois taquin, mais pas à ce point. Pas dans des moments aussi cruciaux.

« Peut-être…Qu'il a fait comme quand j'étais petite. C'est vrai ; il a disparu de ma vie quand j'étais gamine. Mais il est resté tapi en moi pour ressortir après le mont Sélénite…Puis il a refait pareil à Lavanville. Il a peut-être juste besoin de calme pour méditer. »

Cette idée lui plut. Elle paraissait plus plausible.

« Il pourrait quand même se manifester cet imbécile, j'aurais bien besoin de parler avec lui. » Se rengorgea-t-elle.

Les évènements futurs assombrirent de nouveau son regard, et elle frissonna, sursauta, et secoua la tête avec véhémence, serrant les dents.

« Non ne pense à rien. RIEN ! »

-Eléanore ?

Toute chamboulée, elle perçut à peine l'appel dans son dos, aussi quand un jeune garçon se posta devant elle, la dominant de toute sa hauteur, elle dut cligner plusieurs fois des yeux avant de saisir qu'il n'était pas apparu tel un fantôme.

Ce n'était pas Miyu, mais Trax.

L'adolescent à la chevelure violacée, en pétard, arborait un manteau à fourrure noire, et portait encore un lourd sac à dos. Ses grands yeux gris glacé, la fixaient, si pétillants, qu'elle comprit avant même se discerner son sourire.

-Je viens de rentrer de mission et j'ai appris la nouvelle ! Lâcha-t-il avec une joie sans camouflage.

Sa peau blême rougit sous l'émotion et il abandonna son paquetage sur le sol, pour lui tendre la main. Il la remit debout sur ses jambes, et écarquilla d'autant plus les yeux en la voyant esquisser un pas vers lui, emportée par son enthousiasme.

-Mais c'est vrai alors ! Tu peux marcher ! Tu…

Il éclata de rire et la prit dans ses bras. Eléanore retint un frisson d'effroi. Elle l'aimait bien, mais à chaque fois qu'il la tenait, elle avait l'impression qu'un serpent effleurait sa peau. Sûrement un illusion due à sa phobie, car si le dresseur élevait les Pokémons serpents, et était sa bête noire en combat, il ne possédait aucun attribut du reptile.

-Faut fêter ça ! Décida sans préavis Trax.

Eléanore ouvrit la bouche, pour lui dire que c'était déjà fait, mais il la prit de vitesse – un exploit-.

-Je sais ! Allons nous promener dans la grotte Argenté ! Prend tes Pokémon ça va être extrême là-bas ! Absolument génial ! Y-a des Pokémons sauvages ultra-forts ! On fait celui qui arrive à en battre le plus jusqu'au sommet !

Normalement, Eléanore aurait été plus que partante pour une telle aventure, mais encore une fois la première pensée qui l'assaillit après cette proposition fut :

« Ca a l'air dangereux. »

-J-Je crois que je vais jouer mon joker et passer mon tour. Ca m'a pas l'air prudent ça. Bredouilla-t-elle.

Trax se figea et la dévisagea, abasourdi.

-Prudent ?

Eléanore se pétrifia à son tour.

-Toi ? Appuya sur la plaie Trax, encore plus ébranlé.

De nouveau les craintes assaillirent Eléa, dont le sang se glaça dans ses veines.

-Depuis quand tu es prudente et trouillarde Eléanore ? Bredouilla le dresseur de serpent, de plus en plus déboussolé.

C'est vrai ça…Depuis quand ?

Depuis qu'elle avait tout à perdre.

Eléa porta sa main à sa bouche pour contenir un nouveau hurlement. Estomaquée par sa propre attitude. Trax resta planté devant elle une seconde, puis la remarquant tout aussi perdue que lui, il abandonna, baissa les épaules, et balança un « Bon…Bah à la prochaine alors, on trouvera autre chose pour fêter ça… » Dépité. Tout en s'en allant il lui envoya une œillade qu'Eléa reconnut aussitôt.

De la pitié.

Ce n'était pas volontaire. Trax n'était pas un garçon méchant, juste impulsif et belliqueux. Mais l'aversion était là.

« Sois prudente »

Les mots de Régis se répercutèrent en elle.

« Ne pense à rien d'autre que prendre soin de toi. »

Ses jambes flageolèrent inconsciemment et Eléa se mordit les lèvres jusqu'au sang.

« Je vais vivre. » Se répéta-t-elle, de plus en plus faiblement.

Elle joignit les mains et fit craquer ses articulations sous la pression de ses propres interrogations quand la scène, juste au lendemain de la soirée la frappa. La scène stupide, où elle avait hésité devant cette simple plaque de verglas. Ses inquiétudes qu'elle avait confiées à Sam, par la suite, la frappèrent de plein fouet.

C'était vraiment ça vivre ? Craindre à chaque instant…De voir sa propre existence s'achever sur un balan accident ? Redouter à chaque geste, chaque choix, de tout risquer ? Se restreindre, à chaque instant, s'empêcher de réaliser pleinement ses désirs, sous prétexte qu'ils sont dangereux ?

« Miyu. Je dois voir Miyu. »

Ce n'était plus cette simple rengaine, qu'elle répétait depuis la fête, cela devenait un besoin primal, indispensable. La panique la paralysant toute entière. Elle scruta, l'horizon, frénétiquement. Tombant à chaque nouvelle œillade sur un paysage vide.

Les battements de son cœur cadençant son inquiétude, son désarroi, ils recouvraient presque toutes ses pensées logiques. Puis, la simple remarque de Daniel lui remonta en elle.

« Peut-être qu'il est allé fêter ça avec un ami comme on l'a fait nous. »

L'évidence, ou plutôt le choix restreint, s'imposa.

Salomée.

Avant même qu'elle ne le comprenne pleinement, elle courrait en direction de l'excavation abritant la tueuse de Mew. Si seulement elle avait su vers quoi elle se précipitait…Mais la terreur avait du obscurcir bien plus que son jugement en cet instant.

La frimousse de Salomée s'ornait rarement d'un sourire, et Eléanore sût à l'instant même où elle le découvrit, qu'elle le haïssait. Cette manière de dévoiler ainsi ses dents blanches, d'hausser les pommettes, tout en elle, respirait de l'innocence et de l'attrait, jusqu'au bel engouement, au doux carmin teintant ses joues. Cette femme, aux allures d'anges, à la chevelure flamboyante, irradiait d'une aura de gravité et de justice. Et c'était justement, cette auréole qu'on lui conférait de bonne grâce, cette envie irrépressible qui saisissait les tripes, nous forçait à écouter sa voix envoûtante, à suivre ses pas, qui ne plaisait guère à Eléa.

Pourtant, aussitôt le gijinka de la mère de Silver, fit trois pas en sa direction, dansant à moitié, que toute animosité envers elle s'envola, tout comme la panique qui l'avait guidé jusqu'ici, comme une feuille morte balayée par le vent hivernale, la bise glacée de la mort puis de la renaissance printanière qui suivrait.

Si Silver avait hérité des traits de sa mère, c'était surement de son charme, de sa capacité à attirer des amis, à faire marcher ses proches dans l'ombre de son sillon, qu'il le souhaite ou non. En une seconde, cette femme venait d'apaiser, de balayer ce qui la faisait trembler la seconde auparavant. Son pouvoir en devenait presque terrifiant.

-Eléanore, quelle joie, j'ai appris grâce à notre lien la bonne nouvelle. Elle commence à dater d'ailleurs, tu aurais pu venir me voir plus tôt quand même…

Eléa pouffa tristement, et haussa des épaules, étonnée, que cette fois, elle se remémore d'elle et ne lui demande pas son prénom, comme ça lui arrivait assez régulièrement, même si depuis l'épisode sur Giovanni, où elle avait intégré son esprit quelques heures, cela arrivait beaucoup moins.

-Sens-tu cette joie, cette douce chaleur qui émane de l'extérieur, toi aussi ?

Salomée ferma les yeux, et prit les mains de la gamine entre les siennes, à la manière d'une prière, comme espérant lui transmettre le flux de sentiments qui psalmodiait autour d'elle. Puis, brusquement, elle tiqua, ses sourcils se froncèrent douloureusement, et elle ouvrit ses paupières pour dévisager l'enfant gravement :

-Où est Miyu ?

Eléa grimaça, et elle palpa simplement le pourtour de son regard, aussi flamboyant et profond que deux émeraudes, dénonçant l'absence de liaison avec le spectre de Mew qui la hantait. Ainsi donc, il n'était pas avec elle…

Son cœur se compressa.

Quelle stupidité aussi de croire que son ami ait rendu visite à son assassin pour une quelconque raison ! Cela en était presque risible tant cela n'avait ni queue ni tête, la peur qui avait accaparé son esprit et corrompu ses pensées avaient du chambouler toute sa logique !

Salomée sembla capter cette inquiétude, son désarroi, et elle ricana doucement, avant de murmurer maternellement :

-Oh ne t'inquiète pas, il doit juste être épuisé. On ne fait pas disparaître les restes de ce que nous étions facilement. Au contraire. Le seul moyen de tuer un gijinka, est soit l'arcane secrète d'un autre gijinka, soit, la fin de la promesse qui a unie les deux êtres qui nous fondent. Rien de tout cela n'est arrivé, n'est-ce pas ?
-La promesse ? Hasarda Eléa, confuse.

Salomée caressa simplement le visage de l'enfant, et sourit avec compassion :

-Le jour de la fusion…Le sentiment qui vous a uni, Miyu et Eléanore Sarl, n'est autre que le désir de vivre, le plus longtemps possible, de voir ce monde jusqu'à ne plus en pouvoir. Cette promesse est impossible à briser, contrairement à la mienne. Le gijinka que tu es, ne risque donc jamais de disparaître de cette manière.
-La votre ?

Salomée plissa les yeux, et pour la première fois Eléanore crut entrevoir une facette de sa personnalité réelle. Le sourire à la fois mélancolique et emplie de Haine qui étira les lèvres de la Salomée lui arracha un frisson glacial le long de l'échine.

-Le Celebi sur lequel je me construis, est mort dans les laboratoires de Giovanni, son dernier souffle, n'a été que rancune et malédiction à l'encontre de ses bourreaux et du monde. Holly quant à elle a croupi trop longtemps dans les geôles, on lui a fait croire à la mort de ses enfants, son cœur a cessé de battre, avec la volonté d'infliger la même souffrance qu'elle avait enduré à ceux qui l'avaient menée à la tombe. Elle en est venu à haïr sa stupidité, ses propres faiblesses, son impuissance face à un destin trop cruel. C'est sur le désir de vengeance que je suis née.

Salomée se redressa et plaqua une main sur son cou, là où trônait encore le collier de métal enserrant son être, l'emprisonnant par delà la fin de ses tueurs. Le regard vague, d'un bleu aussi froid que le ciel, marbré d'une incandescence argentée, encore flamboyante de douleur.

-Si seulement elle n'avait jamais croisé Giovanni, si seulement elle avait accepté à quinze ans, son destin. Alors, Silver ne serait jamais né. Samantha non plus. Il aurait été mieux, que ces deux enfants n'aient jamais existé, ainsi, rien n'aurait empêché Holly de revenir en arrière, de corriger ses erreurs, de sauver Celebi grâce au paradoxe temporel, l'arcane des Guardian.

Eléa tressaillit, blême, alors que Salomée, remettait une mèche de cheveux derrière son oreille, dévoilant l'horrible cicatrice de son orbite vide, aux paupières recousues à la hâte. Les mots revenaient un peu plus, l'emportant loin dans la folie creuse et sans fin qui rongeait son âme.

-Mais peu importe. Cela n'a pas d'importance, tant qu'Holly…Nous allons reconstruire un monde, changer les cœurs. Plus personnes ne souffrira. Cela n'a pas d'importance, je me fiche qu'ils soient en vie, l'importance c'est la haine, la haine qui continue d'affluer et de la nourrir. Giovanni. Il faut tuer Giovanni. Il faut éradiquer ce désastre temporel. Arcéus…Arcéus le pourrait lui. Créer enfin un monde, sans discrimination, sans mal. Où tout le monde suit son destin. Où même la mort à une signification.
-Salomée ? Marmonna Eléa.

Une boule au fond de sa gorge, lui compressa le gosier, à mesure que la gijinka face à elle, se détachait d'elle pour entamer un monologue fou. Salomée, déjà perdue, le regard vague, dansa d'un pied à l'autre, faisant virevolter sa chevelure, aux reflets à la fois pourpre et violacés, parsemées de plus en plus de mèches vertes.

Mais ce n'est pas ce spectacle, cette attitude digne d'une gamine à qui l'on autorisait une sucrerie, une promesse de gâterie, qui secoua Eléa.

-Vous savez que Silver et Sam sont en vie. Constata-t-elle gravement, les prunelles écarquillées.

La gijinka s'arrêta, puis tourna lentement la tête vers la gamine, avec un sourire malsain, presque moqueur, étirant ses lèvres.

-Salomée le sait. Holly l'ignore.

Ouvrant les bras vers elle, comme incitant à embrasser sa cause, elle murmura :

-Et cela continuera, ainsi, à jamais. Ma haine vivra ainsi à jamais, et je la suivrai.

Elle posa deux doigts sur son cou, soulignant, caressant les dorures du collier qui limitait ses pouvoirs, avec une mine ironique.

-Ce collier a son utilité, il la retient, Holly. C'est ce collier que m'a imposé Giovanni, pour me brider, qui empêche son seul espoir de salvation, qui retient Holly prisonnière de son passé, de m'effacer.

Salomée plaqua ensuite ses mains sur son cœur, et toisa la jeune gijinka du regard, avec une lueur de défi, de supériorité, qui fit exploser Eléanore :

-Sais-tu seulement combien Silver a cherché pour sa mère ? Par quoi Sam et lui sont passés pour elle ? Et toi, toi pour une simple vengeance…

Eléa serra les poings convulsivement.

-Holly n'aurait jamais voulu ça ! Eructa-t-elle.

Salomée se raidit, et avec une moue peinée, prise en faute, elle bafouilla, confuse :

- Pourquoi te mets-tu en colère ? Je fais ça simplement pour survivre. Et ça ne cause de tort à personne. Holly est enfin en paix, chaque jour, elle se demandait comment allait ses enfants, dans sa cellule, son moyen de tenir, n'était qu'eux. Quand ils ont disparu, elle a enfin pu se relâcher et trouver la paix, elle a cessé de résister inutilement. N'est-ce pas mieux ? Silver et Sam sont libres, ils ne verront jamais ce qu'Holly est devenue pour les protéger. Et moi, je vis. Je vis et je vais créer un monde enfin en paix. C'est si mal, de vouloir vivre ? De vouloir un endroit où tout le monde sera heureux ? Toi, tu as pourtant tout donné, tu as sacrifié Eléanore Sarl pour vivre, toi aussi, non ?

Eléa sentit ses entrailles se tordre douloureusement, à la mention de la gamine qu'elle avait été, des sacrifices qu'elle avait engendrés, sans le vouloir. Et irrémédiablement, son cœur se contracta, ne pouvant empêcher ses pensées, ses profondes aspirations, de suivre le cheminement de Salomée.

Bien évidemment, tout être désirait vivre ! C'était un souhait normal, instinctif. Comment le réfuter ? Chaque être se gorgeait de temps, grappillait les secondes de toute son âme, piétinant les autres aux passages, s'entre déchirant, rien que pour cette promesse d'existence.

Eléa le savait, elle l'avait vécue, cette bataille contre la noirceur, les ténèbres mouvantes qui l'emportait chaque seconde plus profondément. Dans ce nid, entre les liens visqueux mordant sa chaire et son esprit, empoisonnant sa volonté et paralysant ses vœux.
Mais, un spasme révulsé lui secoua les membres.

Que valait une vie, si tout ce à quoi on tenait, tout ce que l'on avait de plus cher, était été piétiné en contre partie ? S'il ne restait plus que vengeance et haine, alors, à quoi bon résister contre le nuage noir de la mort ? Parce que sans amis, sans famille, sans amour ou compassion, on ne faisait guère mieux, qu'exister, et non vivre. Le corps, le cœur battait, mais l'esprit loin, écrasé, s'exilait à jamais dans une noirceur sans fin, où plus une seule lumière, plus un espoir ou sourire, ne pouvait l'atteindre. Un endroit dépourvu de sentiments. Et sans sentiment, était-on vraiment humain ? Etait-on seulement vivant ?

-Holly…Holly n'aurait jamais voulu ça. Elle voulait que ses enfants soient heureux. Mais elle désirait être avec eux ! C'est impossible autrement !

Salomée fronça les sourcils, alors qu'Eléa faisait un pas en avant, les poings serrés, les phalanges blanches, tremblotantes de fureur.

-Nous sommes tous égoïstes ! Nous voulons vivre, oui, mais nous voulons aussi que les autres soient heureux avec nous ! Notre bonheur n'existe qu'avec ceux que l'on aime, même si l'on nie leurs propres bonheurs à eux, pour croire qu'ils le sont, quitte à ce mentir, ce n'est qu'à cette condition, que nous vivons. L'être humain est égoïste et Holly ne fait pas exception ! Même si elle disait le contraire, même si…Si elle faisait tout son possible pour l'éviter, l'ignorer…

La dresseuse d'Ash eut un sursaut, alors que l'image fugace de ses parents, de ses amis, de ses Pokémons, telle une grande famille, s'imposait à sa vue.

Elle revit Sam la prendre dans ses bras, en riant, innocemment, Silver détourner le regard gêné. Sa mère et son père simplement la couvant d'un regard protecteur. Danny, Régis, tous, simplement présents, avec un sourire. Ash, ses Pokémons, babillant de joie. Et elle, au milieu, convergence de tous ces sentiments.

Elle, elle acceptait une scène similaire, sans elle, elle espérait, priait, pour qu'en son absence, les sourires de son imaginaire ne s'estompent pas. Parce qu'elle savait, elle acceptait, son destin fatal, sa disparition inévitable. Mais maintenant, maintenant qu'elle avait la possibilité de vivre…Comment pouvait-elle souhaiter ne pas participer à cette scène ? Seule la perspective de se joindre à cette promesse lointaine lui donnerait la force de supporter l'opération de Régis…Ils étaient l'espoir, l'avenir. Elle avait la possibilité d'être heureuse, alors, lui tourner le dos, marcher parallèlement à cette route sans l'effleurer, pouvait-on s'infliger pire torture ? Admirer son bonheur de loin, avancer sans nous ? Crevant un peu plus son cœur, son âme, à chaque rire, à chaque sourire, que l'on percevait dans le lointain ?

C'était juste…

-Que sais-tu d'Holly ? Rien. Elle m'a donné son corps et son âme dans cet unique but : créer un monde meilleur.

Le timbre glacial de Salomée claqua, loin de toute amitié, toute douceur qu'elle affectionnait de montrer d'ordinaire. Elle afficha un rictus manipulateur, hautain et alors qu'Eléa inspirait pour répliquer, une étrange aura entoura le corps de la mère de Silver, dont le regard se fit plus vague, plus innocent. La seconde suivante, elle arbora une mimique accueillante, avant de pencher la tête sur le côté et de souffler d'une voix chantante :

-Oh…Bonjour petite, c'est la première fois que je te vois ici, non ? Comment t'appelles-tu ?

Holly.

La gijinka usait de son autre personnalité, pour se protéger, pour mettre fin aux négociations. Elle utilisait une jeune femme innocente ; qui ignorait elle-même à quel point elle se trouvait manipulée au nom de ses désirs. Eléa se tendit comme un arc.

« Miyu…Qu'est-ce que ça veut dire ? Est-ce que c'est vraiment possible, ça… ? »

Et à sa question muette, ne répondit que le silence désolé, éreinté, du spectre invisible. Pourtant, en elle, plus fort que la vague de soulagement qui l'inonda, elle perçut sa présence : il irradiait de rage, elle le sentait, totalement, comme une part de son propre être, de sa propre indignation. Et une pensée sinueuse, affreuse, s'infiltra en elle.

Il fallait prévenir Peter. L'avertir du danger qu'était cette Salomée.

Eléa scruta le paysage, la grotte de Cristal, puis recula d'un pas, avant de partir à toute vitesse, devant une Holly abasourdie. Celle-ci vit la gamine fuir à toutes jambes, vers le labyrinthe souterrain, et penaude, elle murmura pour elle-même :

-Bon…Et bien au revoir alors…

Avant de replonger dans la solitude de sa prison de pierre et de chaire.

Eléanore se précipita dans le dédale, avisant, se concentrant de toutes ses forces, sur Peter, pour tâcher de le repérer. Au détour d'un croisement, une intonation, si vive, si engagée, qu'elle ne put réprimer un sourire, reconnaissant Miyu. Celui-ci, toujours faible, presque disparu, tâchait quand même de l'aiguiller, de l'aider.

« Il est à droite. Près des cachots. »

Elle aurait voulu l'insulter, et l'étreindre à la fois, mais la bataille, le chao de ses pensées l'empêchaient de songer à une autre tâche que celle de mettre un pied devant l'autre pour fuir le plus vite possible.

La dresseuse d'Ash dérapa précipitamment, et se rattrapa à une colonne effritée pour ne pas louper l'embouchure, elle ripa sur les pavés, et se rétablit aussitôt. Seul l'écho de ses propres pas affolés la poursuivait dans le noir grandissant de cette structure cachée dans la falaise. Et plus elle avançait, plus elle dépassait, témoins de ce qui devait être à l'origine de l'histoire, un lieu d'existence sous le temple, des cellules de vie, plus elle s'y perdait. Les mosaïques à demi effacées se succédaient les unes aux autres, les peintures colorées, aux nuances estompées se teintait d'un gris de plus en plus tendre et uniforme, sur les portes de bois vermoulus. Les plantes rongeaient les façades, dévoraient les murs, creusaient les espaces entre les briques. A chaque carrefour, chaque place ovale aux sols ouvragés, aux plafonds tel un dôme tout en verre et en vitrail, permettant un unique rai de lumière dans ce gouffre, elle sentait son cœur battre à tout rompre. Elle s'enfonçait, plus profondément. Les parois se suintaient d'eau et l'air se saturait en humidité, une odeur âcre de renfermée stagnante.

Eléa plaça sa main sur sa frimousse, un haut-le-cœur la prenant, tandis qu'elle entrevoyait à peine l'immensité de ce piège. Cynthia n'avait pas menti, cet endroit égaré, serait linceul des voleurs, des pilleurs, et des fous osant s'y aventurer. Elle qui avait un sens de l'orientation atrophié…Quelle idée de se lancer là-dedans !

« ARRETEZ UN PEU DE MENTIR ! »

Le cri se répercuta dans l'enceinte du tunnel, strident, agacé, à bout. Comme un hurlement d'un démon d'outre-tombe. Eléa eut alors un geste stupide, elle se plaqua contre la paroi suintante d'humidité d'une excavation proche. Raide, le souffle encore entrecoupé, le cœur battant, elle entendit de nouveau le même timbre, furieux, bestiale, à bout de force et d'espoir : celui de Peter.

« VOUS VOUS FOUTEZ DE NOUS ! »

Ses entrailles se serrèrent, de détermination, et pourtant, ses jambes ne bougèrent pas, comme de nouveau prise dans l'étau de la paralysie. Mêmes les mots, pour lesquels elle avait fuit, les paroles si urgentes qui avaient fait pulsé son sang à ses tempes, semblèrent se diluer en elle, jusqu'à se fondre et se consumer dans le pic d'adrénaline agitant ses fibres.

Inquiète, elle chercha en elle la présence, la force de Miyu, mais encore une fois, elle ne perçut plus sa présence, ou tout du moins, si mince lui apparut-elle, qu'elle en prit pitié. Telle la flamme d'une bougie sur le point de s'éteindre vacillante, ployant sans un vent invisible, s'amoindrissant piteusement jusqu'à n'être plus qu'une fine braise osant à peine rougeoyer pour prouver son existence.

« Qu'est-ce qui t'arrive, Miyu… ? »

L'interrogation transgressa des barrières, brisa ses protections et fit voler en éclat ses murmures rassurants, conseillers qu'elle se écoutait depuis des semaines, déjà fissurés par le doute et l'anxiété après ces heures sans réponse ou preuve de vérité.

Bien entendu, pas un son ne lui répondit, et seul le timbre malade, fragmenté de Peter se répercuta en écho autour d'elle, à la fois grondante et fracassée.

-Mais bon sang, c'est pas possible… !

Eléanore osa jeter une œillade par-dessus son épaule pour distinguer la scène. Elle se figea en percevant Cynthia, debout aux côtés du chef de Twilight. Ils semblaient tous deux contempler leurs pieds, mais elle comprit, car le sol semblait avoir subit une enclave, il paraissait plus bas que celui sur lequel elle se tenait, qu'ils devaient en vérité ce que contenait la cavité sous eux.

« Miyu… » Souffla-t-elle étranglée, perdue.

Elle réalisa son geste et secoua frénétiquement la tête. Non, mais, et puis quoi encore ? Elle pouvait très bien se débrouiller toute seule, la présence du spectre, ne devait être qu'optionnel, elle devait savoir se contrôler, manipuler son appréhension, elle ne nécessitait pas des mots rassurants du fantôme.

Elle ne crut même pas à son propre mensonge et maudit sa faiblesse, celle qu'avait amenée Miyu en prenant une telle place dans son existence. Mais elle ne devait pas retomber dans la même frénésie que précédemment. Elle devait contrôler sa panique. Elle s'affala plus encore contre la paroi de sa cachette, et un tracé gravé dans la roche attira son attention. Précipitamment, elle le suivit du bout du doigt, et plissa les yeux pour entrevoir une sorte de shéma plan.

Cet assemblage de trait, déclarait qu'elle se trouvait, dans un deuxième sous-sol, au dessus d'eux, se tenait un temple ; la grotte de Cristal en hommage à la princesse, et des habitations nobles. Elle ne parvenait pas à lire ce qui était écrit, car il s'agissait d'une autre langue, mais il lui sembla que le dédale continuait sur 5 étages encore plus bas, et chacun était relié à des sortes de pompe prenant de l'eau dans le lac. Des salles pièges, lui avait expliqué Cynthia, elle en compta 6, dont une qui semblait accessible seulement par une sorte de puits, ou d'ascenseur –étrange vu l'époque- et menait à une sortie vers l'extérieur.

Soudain, elle sursauta.

Cynthia la dévisageait, elle l'avait vue.

Eléa ne put même pas se traiter mentalement de parano, que la championne de Sinnoh déclarait simplement :

-Tu peux sortir de ta cachette Eléanore.

Peter bondit, sortant sa tête de ses mains et scrutant le paysage avec ébahissement, blême.

Et évidemment, ses jambes se décidèrent à fonctionner correctement pour obéir, si elle n'avait pas été aussi heureuse de pouvoir de nouveau se mouvoir par elle-même, elle les aurait fustigées. A la place, elle se contenta d'envoyer une œillade grave à Cynthia, aucune honte pour son geste, et elle l'espérait, pas de doute ou de faiblesse dans son regard.

Eléa fit un pas en avant, et pencha la tête. Petit à petit, elle finit par discerner une sorte d'immense cachot commun, une sorte d'oubliette profonde, couverte par un grillage comme composé de stuc cristallisé. Elle entrevoyait à peine les traits des prisonniers, tant il semblait émaner de la cellule même, un nuage de ténèbres, tel un relent de mauvaise haleine dans cette gueule béante. Pourtant, elle entendit distinctement l'écho d'un liquide, on devait patauger pas mal au fond si elle en jugeait par l'écho de l'onde.

Elle se tourna vers Cynthia, qui prit les devants :

-Je t'ai parlé du dédale fascinant de ces ruines, nous sommes juste à côtés des vestiges du temple, pour être précis, nous sommes sous lui, et là, tu peux voir les cachots bien évidemment. Si tu descends plus bas, tu tomberas dans plusieurs pièces toutes piégées et…
-Qui sont ceux enfermés là dedans ? Coupa court Eléa, allant droit au but.
-Mefisto et son lieutenant Gilles. Nous ne les avons pas encore remis à la Police, nous voulions les interroger. Expliqua fatalement Peter.
-Mais ils ne risquent pas de mourir de froid là en bas ?

Peter ricana tristement peut-être étonné qu'elle se souciât du sort de ces bandits, mais si c'était le cas, il ne le montra pas. Peut être, lui-même, s'en inquiétait-il, du sort de ces deux là, après tout… La plus grande force, et la plus grande faiblesse de Peter restait sa gentillesse.

-Ils ne peuvent pas mourir dans cet endroit, s'ils étaient un peu plus bas, par contre, ils pourraient cesser d'être, mais là…Ils n'ont pas besoin de manger, ou boire, ou quoi que ce soit, il reste dans l'état exact dans lequel ils sont arrivés, et ceux, jusqu'à leur sortie.

Eléa écarquilla des yeux, ronds, et ouvrit la bouche, ébahie.

-Et…Commença-t-elle.
-Nous voulions leur demander ce qu'ils savaient sur la soi-disant chef de notre Team ennemie. Anastasie.

La mine de Peter s'assombrit, et Eléanore perçut un rire moqueur au fond du gouffre, suivit d'un « Ce n'est pas ce que vous vouliez entendre n'est-ce pas ? » insolent. Le maître des dragons se mordit les lèvres, accablé.

-Depuis le début…Depuis le début, toutes les Teams collaboraient, bien sûr, pas de front, et ils cherchaient à se manger l'une l'autre également, -un peu comme des entreprises avec des parts sur le marché- mais elles avaient toutes un fond commun, un rail de secours…Expliqua Cynthia posément à la petite, son regard acier perdu dans le vague.
-En détruisant les Team une à une, nous n'avons fait qu'augmenter la puissance de cette option. En détruisant les Rockets et Opale, nous leur avons permis de récolter les fonds qui leur manquait et les agents dont ils nécessitaient. Ajouta Peter, morose.
-Mais, dans quel but ? Bafouilla Eléa, pleine d'incompréhension, même familière au monde de l'entreprise de par sa naissance, elle ne voyait pas le bénéfice d'une telle action. – Je ne peux pas croire qu'on veuille faire le mal juste pour faire le mal !

« Ah oui ? C'est donc bien que tu n'as jamais goûté à un tel met, la puissance, le pouvoir, rien ne vaut mieux que ça, et seul le mal nous en apporte toutes les saveurs ! » Cria une voix sous ses pieds.

Eléa toisa la brume aux volutes noires, presque avec pitié, et sèchement, elle renvoya :

-Et après, une fois que vous auriez eu le pouvoir, hein, vous en auriez fait quoi ? Parce que c'est beau de régner, mais ça n'a aucun sens si l'on est aussi creux qu'une coquille de noix !

« Tu es bien trop jeune pour comprendre. » Mit un peu de temps à répondre la voix. « Non, en fait, ça doit être un trait de caractère féminin. Vous les femmes, il vous faut toujours une raison ou une personne pour vivre, vous battre, ça en devient pathétique. »

Eléa garda ses mots pour elle, ne sachant pas vraiment où se placer : était-ce trop, de vivre à la fois pour soit et les autres ?

Peter en revanche, s'enflamma et éructa, étrangement calme :

-Cessez de proférer de telles absurdités.

« Quoi, quoi Peter, tu ne digères pas la vérité ? Prend garde, où sinon, quand tu devras l'affronter tu échoueras et il y aura encore un mort, pas ton frère cette fois, mais peut être ta sœur ou un autre. »

Un coup de pied fit trembler la cage de stuc qui les séparait, et Peter détourna le regard dans un sifflement douloureux qui ressemblait à des excuses. Cynthia soupira, et haussa les épaules avec dépit.

-Cette femme, Anastasie…qu'est-ce que vous savez d'elle, à part votre délire sur son but ? Marmonna finalement le chef de l'organisation, au bout d'un long silence où il avait semblé peser le pour et le contre, se remémorer chacun de ses déboires, pour céder.

« Une femme belle, la quarantaine, complètement à côté de ses lattes. C'est une émigrée, d'un pays de l'autre côté de la terre, pour ce que j'en sais, elle a réussi à échapper à son village en flammes, a embarqué sur un navire de la Team Galaxy clandestinement, et s'est enrôlée. A la mort D'Hélio, elle a profité de la faiblesse du système pour rallier ce qui restait de son travail, et elle en a profité pour rapatrier les survivants des Magma et Aqua… »
-Là encore, ça n'a pas de sens, comment aurait-elle pu unifier deux équipes si opposées l'une à l'autre ? Argua Peter, cherchant la faille dans le discours, qui lui aurait permis de mettre en doute toutes les autres affirmations précédentes.

« Elle est ce que vous appelez une extrémiste, on peut même dire une Pacifiste convaincue. Mais vous savez ce que c'est, l'extrémisme, et avec ses convictions ça a pas fait bon ménage. Elle a des tendances écolos aussi, tiens, un pot-pourri de défauts. –Eléa se demanda une seconde s'ils possédaient la même définition de ce mot- Vous savez comment ça marche, le recrutement, on vous promets ça, et puis ça, et si on a du charisme, si on est assez manipulateur, si on choisit les bons mots…Ca marche. Et bien Cette femme a tout ça. »

L'homme ricana en bas, un hoquet presque jaloux.

« Mais elle a une conscience, qui gomme tout aussi. Vous savez, pour elle, pas possible de dire 'non' ça n'entre pas dans son cadre de référence, ce mot. On accepte c'est tout. Et si vous vous obstinez. Pouf, lavage de cerveau, utilisation de spectres. Oh ils ne font aucun mal physiquement cette andouille ne sait pas apprécier la beauté de la torture, mais…Elle aime tourmenter, briser, autrement, pour faire ployer les esprits les plus solides. Et après elle se convainc que c'est ses idéaux qui ont conquis les cœurs de ses hommes, en oubliant par quoi elle les fait marcher. Je sais pas comment elle a put ne pas s'être fait trahir encore. Faut croire que ses fantômes parasites sont résistants. »

Cynthia et Peter tressaillirent, bien qu'Eléa peinait à suivre, elle saisit que tout ce que ce type racontait, n'annonçait rien de beau dans leur guerre.

« C'est pour ça, que vous pourrez rien, ça sert à rien de la raisonner, elle croit et veut avoir raison. »

-Moi je dis, c'est louche que vous nous racontiez tout ça, et que vous vendiez vos alliés. Cracha Eléa, tentant de mettre fin à ce manège macabre.

Un rire tonitruant, reprit en concert s'éleva jusqu'à eux, et Eléa se surprit à frissonner.

« Tu entends Gilles ? Nos alliés ? Petite, je crois que tu n'as pas compris, certes, cette organisation était la roue de secours pour éviter la disparition de notre organisation, mais je n'adhère pas du tout à leur vision. Et si je coopère, c'est simplement parce que je n'ai pas envie de mourir. Je veux sortir de là un jour et reprendre mon entreprise, sous le nez de cette émigrée qui aurait du crever dans son trou à rattata. »

-Vous pouvez toujours rêvez, siffla Peter, rancunier, remettant sa tête dans ses mains.
-Mourir ? Répéta Eléanore.
« Tu n'étais pas là tout à l'heure gamine ? Je l'ai dit, Anastasie n'a qu'un seul but, remettre en place une nouvelle ère Saharienne mythologique, l'air des êtres légendaires Gijinka, et…Il me semble que si ces trucs existent, cela signifie que chaque être de la planète, va crever. »

Le sang d'Eléa se glaça dans ses veines, et elle sentit cette fois, la flamme de Miyu s'embraser violemment, d'indignation, d'un relent de force, de révolte. Le spectre prit presque forme de nouveau à ses côté, bien qu'il se fondait presque avec le vent.

Eléa chercha une preuve, un trace sur les visages des champions, que ce qu'elle entendait était faux, sa rancune redoublant, communiant avec celle furieuse de Miyu, mais rien, les adultes détournèrent le regard, incapable d'infirmer ou confirmer les dires.

-M-Mais c'est impossible, elle peut pas faire ça !

Cette barrière, cette seule certitude, elle la jeta d'amblée, la sacrifiant en un sens, car son cerveau lui-même avait déjà appréhendé la réponse.

-Elle en est capable.

Les mots de Cynthia sonnèrent, tel un glas.

-Elle a volé la flute du temps et le pokédex de Sacha, avec ça, elle a les données, et les moyens d'appeler Arcéus. Et Arcéus peut tout. Et même si Arcéus ne pouvait pas, elle pourrait avec le dex de Sacha, invoquer un clone de Jirachi. Ou encore de celebi ! C'est juste…Sans fin. Nous savions déjà que notre temps était compté…Mais j'avais espéré un vœu…Moins…mondial. Plus de l'ordre de l'ambition. Mais là…Là…Céda Peter en se recroquevillant.

« Oh oui, vous avez bien merdé, surtout toi Peter ! » Enfonça Méfisto dans sa cellule, se délectant de ce spectacle inaccessible à ses yeux pourtant.

-M-M…
-Nous sommes au pied du mur. Constata simplement Cynthia. –La seule chose qui pourrait nous sauver est d'invoquer Arcéus avant qu'elle ne le fasse, mais ils nous ont privé de cette action en volant la flûte. Maintenant, seul le chant d'Eléanora pourrait l'invoquer, et plus personne ne le connait en entier de nos jours. Continua la blonde, penaude. -J'ai quelques morceaux du chant, grâce à mes recherches sur l'empire Saharien…mais il serait incomplet au final.

Cette fois encore, le sang pulsa aux tempes d'Eléa, mais plus pour les mêmes raisons.

-Et vous comptiez nous dire ça quand ? Hurla-t-elle, hors d'elle à l'adresse de Peter.

Ce dernier lui envoya une œillade désolée, et souffla :

-Je voulais juste que tu te concentres sur ta guérison, tu n'avais pas besoin de savoir ça.

Ces mots se mêlèrent à ceux de Régis. Et la pression fit imploser les barrières.

-C'est totalement STUPIDE ! Moi je le connais ce chant, par cœur, je l'entends non-stoppe depuis plus de trois ans !

Un silence s'abattit dans la pièce, et l'image fugace de ses amis, des photos de son frère, passa devant les yeux d'Eléanore sans qu'elle n'en saisisse la raison. D'ailleurs, elle ne comprit pas pourquoi Cynthia et Peter affichaient des mines si catastrophées, décomposées, eux aussi alors qu'elle venait de leur montrer la sortie de leur calvaire.

« Eléa… »

Quoi encore ? Elle trépigna, agacée, à bout de nerfs, ne supportant plus une telle charge alors que son vœu pour le moment, était de célébrer sa guérison avec ses amis, savourer le retour de Miyu, et surtout se rassurer sur l'opération. Elle commençait à être lasse de ces aventures aux conséquences et aux enjeux si ambitieux.

« Eléa… »

La jeune fille sursauta, non seulement parce qu'on venait de l'appeler, que Peter et Cynthia avaient sommé son nom en même temps, d'une même voix, mais aussi également, parce que le timbre de Miyu, si reconnaissable, les avait tous deux surclassé.

Avide, elle scruta les lieux, et se dessina enfin la silhouette pâle, presque translucide tellement elle paraissait faible, du vestige de Mew. Celui-ci plongea ses iris mordorés dans les siennes, et souffla gravement :

« S'ils sont aussi soufflés, c'est parce qu'ils savent Eléa. »

Quoi ? Ils savent quoi, voulut-elle annoncer, mais les mots se bloquèrent dans son gosier. Miyu lui envoya une œillade désolée.

« Ils savent que le chanteur qui invoquera Arcéus finira comme Eléanora. Il cèdera son corps au dieu des Pokémons pour disparaitre à jamais dans les limbes des dimensions et du temps. »

Eléanore se raidit.

Et elle perçut enfin les protestations véhémentes de Peter face à elle, qui lui répétait qu'ils trouveraient un autre moyen mais que jamais, jamais, il ne fallait qu'elle chante ce chant maudit. Elle cligna plusieurs fois des yeux, peinant à réaliser, puis trembla, blanchit, et balaya, indignée :

-Non mais et puis quoi encore, j'vais pas non plus me sacrifier alors que j'ai enfin l'espoir de vivre !
-C'est exactement ce que je dis, Eléanore, c'est hors de question on trouvera un autre moyen. Je refuse de sacrifier quelqu'un ! Argua le maître dragon.

Cynthia n'ajouta rien, pensive.

« A ce propos Eléa… »

Cette fois encore, la voix de Miyu lui glaça les veines, et avant même qu'ils ne prononcent ses mots, elle sut. Peut être parce qu'ils ne faisaient qu'un, partageaient tout, pensées, émotions et douleurs, en tout cas, elle ferma les yeux sur les illusions sont elle s'était bercée douillettement ces dernières semaines. Et il lui sembla déjà que son cœur s'arrêtait, quand le spectre déclara :

« Ce remède ne marchera pas. »

Elle le voyait maintenant, elle lisait en Miyu, clairement, ce que le spectre avait constaté, après maintes et maintes tourments et réflexions. Si Régis avait mis au point ce remède plus tôt, alors peut être aurait-il été utile, mais les tâches, le poison, déjà trop virulent, menaçait d'atteindre son cœur dans une attaque fatale, et le médicament du savant, ne faisait pas de distinction entre les barrières que dressait Miyu pour la protéger et le venin. Il abattait les deux sans discernement. Voilà pourquoi le fantôme s'était volatilisé et paraissait si faible, parce qu'il avait lutté jour et nuit, corps et âme, pour la maintenir en vie, pour essayer d'échapper à la panacée tout en aidant son œuvre. En vain. Miyu avait tenté de garder le silence, d'essayer d'y croire, jusqu'à la dernière minute jusqu'à ce qu'il soit certain. Certain que toute résistance serait en vain.

En vain.

D'un seul coup, la folie, les mensonges de Salomée, disparurent de son esprit.


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Dans une autre antre, bien moins sombre, plutôt couleur rose bonbon, une autre personne se voyait harcelé par des questions existentielles. Les couleurs du logis, du repaire de Chris et Angie, travaillant avec acharnement sur un nouveau projet pour l'organisation, n'aidait pas Gold à voir son avenir positivement.

Son nez soigné, bien qu'un peu gonflé, il déprimait. La tête en bas sur le sofa. Poussant à tout va des soupirs digne d'un agonisant.
Gabriel qui travaillait de paire avec le duo de fous, se sentait brusquement l'âme d'un tueur en série. Si le brun avait le malheur de pousser un seul et insupportable soupir de plus…

Ce ne fut pas Gold mais Nathaniel qui se chargea de faire exploser le vase. Il était très fort à ce jeu là. Surveillant du rebord de la fenêtre Daniel qui s'entraînait à nager avec ses Pokémons, il eut le malheur de soupirer lui aussi.

Bon sang, ces gens là n'avaient aucun respect ! RIEN ! Chris, Angie et lui calculaient des probabilités HAUTEMENT complexes et eux venaient se plaindre de la vie dans leurs pattes. Surtout que LUI, il essayait tant bien que mal, à la fois de répondre à la demande de Peter sur les statistiques, mais en plus, il préparait le cadeau que lui avaient demandé Sam, Daniel et Lucas, pour Eléa, en LEURS NOMS. Alors s'ils ne voulaient pas voir leurs photos massacrées…

-Tu peux t'en vouloir qu'à toi-même ! Fallait pas te lancer dans un truc où tu savais que tu allais te vautrer ! Cracha-t-il à Gold, sans poésie.

Le brun sembla se liquéfier sur place, et s'imbiber dans les coussins du canapé.

-Mais j'y peux rien.
-Bien sûr que si fallait pas tomber amoureux d'un mec ! Pauvre cruche ! Cracha le Kazamatsuri.

Nathaniel se tourna vers sa progéniture et observa la joute.

-L'amour ça ne se contrôle pas ! Gémit Christopher, embarrassé.
-Bien sûr que si ça se contrôle ! Il n'y a que les imbéciles pour croire en des absurdités comme Roméo et Juliette ou Eléanora et Ion !
-Franchement…Commença Angie.
-Ce qu'on aime chez les gens c'est le confort qu'il nous apporte rien de plus ! Rétorqua Gabriel. –Vous trouvez qu'il est confortablement installé là ? S'insurgea-t-il en pointant le brun du doigt.

Nathaniel pencha la tête sur le côté :

-Il a pas l'air mal loti non plus, le canapé est plutôt confort !

Est-ce que, d'un point de vue légal, le patricide pouvait être pardonné ? Sûrement que les personnes ayant interdit cela ne connaissaient pas Nathaniel, sinon ils n'auraient jamais prohibé cet acte.

-J'ai essayé ! Bafouilla Gold. –J'ai vraiment essayé de trouver quelqu'un d'autre !

Chris et Angie poussèrent une exclamation atterrée, comme témoin de la plus haute des trahisons. Le dresseur de capumain détourna la tête, mal à l'aise. Honteux lui-même de tromper ainsi son amour, mais ne pouvant s'empêcher d'y songer, encore et encore, comme une issue mille fois plus douce.

Gabriel persiffla.

-N'importe quoi. Quand on veut on peut. Moi je ne me serai jamais lancé dans un truc voué à l'échec.
-Oh oui, comme pour ce concours, avec la gamine intelligente…Comment c'était…Ella…Ellie…Elza…marmonna Nathaniel, pensif.

Gabriel se figea, et devint blême. Ses doigts cessèrent de voler habilement au dessus du clavier une seconde.

-Je sais quand même que si un mec ou une fille fait comme s'il s'en fout de toi : il s'en fout vraiment de toi.

Gold sembla se liquéfier, et peut-être dans un sursaut de conscience, ou de machiavélisme, Gabby fit volte-face, faisant crisser le pivot de sa chaise, et envoya de but en blanc, avec un immense sourire :

-Mais moi j't'aime bien Goldy !

Gold recouvra bien vite matière à se figer, blanc comme un linge, sur le point de s'étouffer. Pragmatiques, Chris et Angie, le sauvèrent, en sifflant :

-Vous n'en pensez pas un mot monsieur Gabby…N'est-ce pas ?

Nathaniel hocha du chef avec un peu trop d'enthousiasme. Gabriel soupira, et se remit en place, en soupirant : dommage, personne n'y croyait. C'était moins marrant. Peut-être que son sourire d'angelot marchait de moins en moins avec le temps. Il haussa des épaules et avoua sans honte :

-Pas un.

Il se remit face à son ordinateur, leva les yeux au ciel, et eut un rictus, avant de déclarer :

-Sauf le moi.

On était égocentrique, ou on ne l'était pas.

-C'est grâce à ce genre de petites remarques que je te considère presque comme mon fils ! S'émerveilla Nath.
-Je suis ton fils papa.
-Laisse les messieurs parlez entre eux Gabrielle.

La mélodie des touches frappées à intervalle régulier repris, et muet comme un chef d'orchestre, le cadet de Daniel reprit sa tâche, sans un mot de plus, fulminant de rage.

Le silence se prolongea.

Chris et Angie s'échangèrent une œillade, Gold sembla plus que décidé de fusionner avec son siège, surtout après cette frousse…Et Nathaniel, désaccorda à nouveau :

-En tout cas, gamin…Gold c'est ça ?

Ce dernier tourna lamentablement la tête vers lui, presque résigné à vivre jusqu'à la fin de ses jours avec ce pieu enfoncé dans la poitrine.

-La gamine a un peu raison. Si ça cause tant de tort, il serait peut-être temps d'y remédier. Tu sais prendre les devants.

Il mima un geste, comme un boxeur envoyant un punch final – bien trop semblable à celui que Silver lui avait envoyé dans la matinée-.

-Bref, conclure ! Ou alors passer à un ou une autre ! Marmonna Nath, comme si cela était l'évidence et la simplicité même.

Il croisa de nouveau les bras, et reprit sa contemplation lointaine, tout en ajoutant, en une menace désintéressée :

-Avant que quelqu'un ne le fasse avant toi.

Chris et Angie échangèrent quelques mots, surpris et désabusés, mais Gold vit aussitôt l'image d'Eléanore apparaître devant lui. La douleur de l'incertitude pesa sur la lame.

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Peter se recroquevilla sur son bureau, devant une feuille de calculs aléatoires, de probabilités, aussi longue que le bras, et aussi déprimante que l'orage. Cynthia, à ses côtés, soupira, et en écarta une, pour la poser sur le tas, des plus pessimistes. Marion, elle-même en ajouta une à la suite, avec un pauvre regard.

Ils agissaient de la sorte depuis leur retour de la Grotte de Cristal, quelques heures auparavant. Depuis l'orage s'était mis à gronder au-dessus de leur tête. Depuis…Chris, Angie et Gabriel avaient apporté la conclusion de leurs savants calculs…Depuis elle avait appris une nouvelle qui la tourmentait d'autant plus et rendait cette situation insoutenable.

Le maître des Dragons, accablé, se crispa et plaqua son visage dans ses paumes avec un soupir à fendre l'âme. Marion posa une main inquiète sur son ventre.

-Ca continue toujours. C'est de pire en pire.

Cynthia baissa les yeux, et penaude, elle souffla :

-Non, c'est juste la pression des derniers jours qui te fait penser ça, la situation n'est pas si catastrophique.

Un lourd silence s'abattit entre eux. Steven et Marc, ensevelis sous des colonnes de livres, lui répliquèrent aussitôt, las :

-Tu n'arriveras pas à nous faire croire un truc pareil.
-Qu'est-ce que nous allons faire, quand ils auront un clone d'Arcéus avec eux ? Nous serons totalement à la merci de cette Team…Balbutia Marion, anxieuse.
-Nous allons tous mourir, puisqu'apparemment cette folle veut refaire un monde de gijinka, comme à l'époque Saharienne. Du moins, si on en croit le manuscrit qu'ils nous envoient avec les vidéos de l'emprisonnement d'Harry et Ambre et les prisonniers.
-Bon sang, les méchants pourraient pas, pour une fois, vouloir notre bien ? Maugréa ironique Pierre Rochard.

Sa pique coula à pic dans l'océan qu'était devenue l'atmosphère, submergeant, suffocante.

-Et la possibilité de trouver un chanteur ?

A nouveau le silence s'instaura dans la salle, et Peter croisa des bras, accablé. Il fronça douloureusement les sourcils, et finit par lâcher gravement :

-Si à la date limite que donne les probabilités, nous n'avons toujours pas de solution…Je demanderai à Trax de me donner du poison, il élève des Arbok ce sera rapide. J'en prendrai un peu, et là, en me condamnant, je devrai pouvoir entendre le chant d'Eléanora, d'après ce que nous avons trouvé. Je ne suis pas un super chanteur…
-T'es même nul. Confirma Steven froid.
-Mais –ignora Peter- Ce sera notre dernier recours, j'invoquerai Arcéus, je lui offrirai mon corps, et Marion tu deviendras la gardienne du pacte. Ce sera à toi de contrôler Arcéus comme Ion dans la mythologie. Je te fais confiance. Mon esprit annihilé, et Arcéus abdiquant de ses pouvoirs pour un corps Humain, il ne pourra qu'obéir à des ordres, simples directs, et il faut que ce soit quelqu'un de juste, qui saura prendre les bonnes décisions et écouter les autres.

La cousine de Lucas garda un silence pieux, rancunier, les lèvres pincées, les yeux rouges, le visage inerte. Combien de fois avait-elle entendu ce discours depuis des jours et des jours ? Et combien de fois son cœur allait-il se briser, avant d'arrêter simplement de battre… ? Ses doigts se crispèrent sur sa jupe. Elle ne désirait pas de ce rôle, et encore moins survivre à quiconque qu'elle chérissait. Surtout dans sa situation. Mais si cela était les dernières volontés de l'homme qu'elle aimait, alors comment pouvait-elle les ignorer ?

Encore une fois ses doigts se crispèrent sur son chemisier.

Brusquement, de tous petits coups frappés à la porte retentirent, puis le crissement du bois dans les gonds mal huilé, vrilla les tympans. Une Eléanore, trempée jusqu'aux os apparut à l'encadrement, blanche comme un linge, le regard lointain. Seule la flaque dégoulinante, inondant le parquet mal ciré de la salle de travail, dénonçait sa réelle présence physique, guère plus attrayante que celle d'un fantôme.

Le maître des Dragons bondit de sa chaise et se précipita vers l'adolescente avec un regard inquiet, tout en bredouillant :

-Enfin Eléanore, tu vas attraper la mort comme ça ! Qu'est-ce qui te prends, tu crois sincèrement que c'est le moment ? ?

Il retira aussitôt sa cape et la plaça sur les épaules de l'enfant pour la couvrir et la réchauffée, comme serviette de fortune. Pourtant les petits doigts pales effleurèrent à peine le tissu pour s'y agripper, presque insensible au froid malgré son teint blafard dont les lèvres et les cernes bleues ressortaient crûment. Marion attrapa la fillette, et la frictionna tant qu'elle le put, mais celle-ci réagit mollement, fixant les iris mordorées de Peter avec une mine triste.

-Il y a eu un accident ? Redoutèrent soudain Marc et Steven, en se levant à leur tour de leur chaise, avec une Cynthia, blême.

Eléa frémit légèrement, presque imperceptiblement, puis elle posa ses deux précieuses prunelles, de nouveau d'un vairon soutenu, l'une d'or et l'autre vert émeraude, sur le chef de Twilight, et souffla dans un murmure triste :

-J'aimerai vous parler…

Et dans ses iris graves, ils ne virent plus qu'une détermination sans bornes. Peut-être, le groupe d'adultes, auraient-ils dut y voir bien plus, cette résignation aussi inébranlable que sa volonté, paradoxalement, ou simplement, comprendre en voyant la peine étirant ses traits. Probablement, auraient-ils du l'arrêter.

En cet instant précis, la dernière pièce du puzzle venait de se poser, et en répondant un naif 'oui' à cette supplique, ils venaient de sceller leurs destins à tous.

S'ils avaient put entrevoir, un instant, l'avenir, auraient-ils détourné le regard ? Se seraient-ils décomposés, et auraient ignorés ces mots si froids, qui leur avaient lacéré le cœur, et déchiré la raison ?

Avec les Si, on peut refaire le monde. Et c'était bien là, leur but, créer un endroit meilleur.

Peter ferma douloureusement les yeux, et ploya à genoux, avec une ferveur et une docilité rare, acceptant de porter cette parure aux couleurs tragiques. Et dans un soupir conjoint, dans un silence mystique, ils acceptèrent tristement leurs sorts, vendant leurs âmes et leurs bonheurs pour un idéal illusoire.

Parce qu'il s'annonçait toujours plus heureux que le destin morne vers lequel le présent les conduisait irrémédiablement.
Parce qu'une réalité mensongère vaut toujours mieux que le néant.
Parce que le bonheur chimérique, tient quand même d'un bonheur auquel ils n'aspiraient plus.

Mais, dorénavant, c'était trop tard, bien trop tard pour y penser.
Le choix était fait.