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» Auteur : fan-à-tics - Voir le profil
» Créé le 15/01/2011 à 13:35
» Dernière mise à jour le 15/01/2011 à 13:35

» Mots-clés :   Présence de personnages de l'animé   Présence de poké-humains   Présence de shippings

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Film - La Reine des Dominos (partie 2)
Yosh, tout d'abord un grand merci à Kanon, Mixy et Cat…Sans leurs encouragements, je n'aura pas fini le chapitre. Parce que j'en peux plus…passer la barre des vingt pages, écrire devient un effort…Et là le chapitre en fait 63. Je me doute que vous ne lirez pas tout d'un coup. Mais je ne couperai pas, parce que sinon je dois trouver une autre citation ça bouleverse encore mon plan…Et j'en ai marre.

J'ai hâte que l'histoire se finisse en fait. Pas que j'en ai assez, mais ça m'épuise un peu, je vais vite avoir besoin du neuf. D'ailleurs, je trouve ce chapitre pas terrible. M'enfin.
J'espère que la motivation suivra pour les autres et que vous attendrez pas trop longtemps pour le prochain chapitre.

Mais je vous souhaite une bonne lecture, et j'espère que vous, vous penserez le contraire !

– La Reine des Dominos


« Le bonheur, c'est quand le temps s'arrête. »

Elle finirait bien par retrouver Silver ou Gold. Et ma foi, si elle dénichait Gold, Silver ne serait jamais loin.

Et en effet, le grand brun à la casquette, se tenait, assis dans l'herbe, le visage entre les paumes, sur le rebord de la piste, un peu à l'écart, non loin du rouquin. Mais pour le moment, le garçon, gardait une distance de sécurité entre son amour secret et lui, ne pouvant supporter d'être rabrouer encore une fois si violemment ; contemplait de loin le même couple qu'Eléa.

Steven et Marc dansaient amoureusement l'un contre l'autre, se fichant des convenances. Et Gold les enviait, le cœur lourd, le moral plus bas que terre, ô Arcéus qu'il les enviait. A mesure que les années s'écoulaient, il désespérait d'un jour pouvoir vivre la même situation. Chris et Angie avaient beau le soutenir, lui dire le contraire, Cristal avait beau crier que se lamenter ne servirait à rien, il se sentait tout de même au bord des larmes. Et bon sang, il ne pleurait que pour ce foutu sentiment qu'on nommait amour, mais qu'est-ce qu'il en bavait sur ce point !

Des fois, il espérait pouvoir se réveiller, un matin, débarrassé de ce boulet dont la chaîne étranglait son cou et lui écrasait la glotte. Il priait pour que l'émotion passe, sans douleur, sans même surprise, comme une passade superficielle, et se tourner de nouveau vers les filles, retrouver un simple lien d'amitié avec son rival : tourner enfin la page. Mais chaque matin, le poids s'alourdissait, striait davantage sa peau et pesait sur sa nuque, imprimant ses marques plus efficacement qu'un fer chauffé à blanc.

-Bah invite-le au lieu de déprimer.

Le timbre de sa sœur, à ses côtés, lui fit l'effet d'une bombe, en même temps qu'un espoir chimérique de le voir accepter, s'ajouta l'appréhension de se voir rejeter à nouveau, suivi d'un pic d'agacement face à la vaine action contre le mur indestructible nommé Silver.

-Nan mais t'as vu sa réaction tout à l'heure, j'pourrais même pas l'approcher…Marmonna le garçon, morne.
-Bon Arcéus, mais t'as 21 ans ou 12…Grommela Cristal énervée. - …Bon bah danse avec moi alors !
-Danser avec ma sœur, ce serait ringard quand même ! S'offusqua le brun.
-Pire que pas danser du tout et d'être tout seul à déprimer pour un autre mec ?

Un silence ironique s'installa entre eux, et Cristal plongea ses prunelles irisées de bleu dans celle de Gold, aussi dorées que le soleil, et l'aîné fut le premier à détourner le regard, vaincu, sans conviction.

-T'as pas tort. Avoua-t-il, après un dernier rictus triste vers le roux. Sa cadette se redressa, bondissant sur ses jambes, trépignant d'enthousiasme tandis qu'elle l'aidait à se relever à son tour pour se diriger vers la piste.

Le frère et la sœur se mirent en place, maladroit, cherchant les prises, les pas, avec attention, sans se soucier de leur proximité. Cristal remarqua la mine boudeuse et triste de son partenaire, et siffla :

-T'as qu'à imaginer que je suis Silver !
-Silver est plus grand que toi.
-Mais j'ai un meilleur caractère ! Se vanta Cristal. Gold préféra se taire sur ce détail.

Gold soupira tristement, puis il marmonna :

-Bon, et toi imagine que je suis Lucas.

Cristal leva les yeux vers lui, hagarde, et ils se dévisagèrent une seconde, avant de se crisper sauvagement et de reculer, loin de l'autre, révulsés.

-Finalement non, vaut mieux pas ! Je préfère encore danser avec ma sœur pas amoureuse !
-De même je veux pas que tu te mettes à…a…En plein milieu !

Embarrassés, cette fois plus prudemment, ils s'avancèrent l'un de l'autre et firent quelques pas. Capumain, qui s'amusait entre les cables qui reliaient chaque chalet, s'arrêta une seconde dans ses jeux pour contempler son ancien dresseur et toujours ami, et il pencha la tête devant le spectacle.

- AIE ! Mais me marche pas sur les pieds !

Le cri de Gold parvint aussi fortement jusqu'aux oreilles du petit Pokémon qui manqua de tomber de son perchoir et se rattrapa juste à temps grâce à sa queue. Il se balança une seconde, et un deuxième cri, outré, suivi en réponse.

-J'y peux rien, je sais pas danser !
-Mais alors pourquoi tu m'as proposé alors ?
-Parce que je voulais pas rester comme une gourde sur le banc de touche !
-Tu t'es servi de moi !
-Ouais et alors ? C'est à ça que sert un frère ! Tu voulais quoi que j'aille écraser les pieds de Louka ?!

Capumain ricana, rieur, et se délecta de la dispute de son ami, livré en pâture à sa sœur.

Gold en bas, jeta un regard morne vers Silver, et soupira, ployant sous les reproches, et ses pieds eux, plus terre à terre, sous le poids de sa cadette.

Soudain, Capumain se redressa, le poil hérissé, les oreilles à l'affût. Une fine gouttelette, sans un éclair, s'échoua sur son museau, et le fit sursauter. Il remua un peu des narines et se frotta le visage, mais une autre vint succéder à la précédente, puis encore une et une autre. Bientôt, une myriade de petites gouttes s'écrasèrent sur le lieu de fête et des cris paniquées s'élevèrent de la masse.

Cependant, Steven, n'appréciant guère d'être dérangé en plein milieu d'un moment romantique, sortit son métaloss, et il fut imité par Morgane et beaucoup de dresseurs psy. L'un après l'autre, les attaques protections furent lancées par tous ceux qui pouvaient, et créèrent un véritable toit translucide au dessus de la piste, et même de la terrasse couverte de matelas. Les bulles d'eau ricochèrent, en torrent bientôt, et s'écrasèrent sur les plaques de verres pour finir en une auréole translucides, brillantes sous les reflets des pouvoirs psychiques, avant de partir, multicolores, en onde, ruisselantes, et s'écouler, tel un rideau, en cascades, aux limites mêmes des pouvoirs.

Capumain vit alors une puissante cataracte se déverser sur un Silver, bien trop éloigné du reste du groupe, et le tremper de la tête au pied. Le roux s'éloigna du déluge pour se cacher sous l'abri, dans un juron, pestant contre les éléments. Piégée dans sous ce préau invisible, le liquide s'écoulant à tous les abords, tels des murs perpétuels, il grommela. Aveugle face à cette beauté, tout à ses soucis.

Le Pokémon singe, en revanche, comme beaucoup d'autres –sauf les Pokémons feux qui se ruèrent sous l'abri comme leurs dresseurs- se jetèrent sur la patinoire improvisée en suspension dans les airs. Glissant, tourbillonnant, s'éclaboussant, bientôt leurs rires envahirent également la place, et les jeux d'eaux se multiplièrent, chacun prenant plaisir à ajouter son grin de sel. Ainsi, Gardevoir, se remémorant le concours de sa dresseuse, s'amusa à faire apparaître des puissances cachées entre les cascades pour effrayer les bébés Pokémon pataugeant au dessus de leurs têtes, ou les émerveillées. Pilou en revanche, s'ébroua et alla rejoindre les Pokémons feux, appréciant peu l'humidité, portée par libegon.

Hélas pour Pierre Rochard, son moment romantique venait de partir, évincer par le spectacle digne d'un concours, qui emmena son conjoint Marc, à des années lumières de lui, tout impatient qu'il était de récréer cet époustouflant paysage sur une scène.

Alors qu'il observait Silver crachotant une gerbe d'eau et filer un coup de pied au rideau liquide colorée à la fois par les lumières et les attaques, Gold ne put s'empêcher de lancer à sa sœur :

-Mince Cristal, y-en a il se met à pleuvoir quand ils chantent, toi suffit que tu danses et ..

Alors que sa cadette sifflait un « QUOI ? » étranglé et menaçant, Gold se figea sur place, il vit Eléa à travers la foule, et il sut, immédiatement, à sa mine ravie, au mouvement sec de ses talons, qu'elle venait de trouver Silver. Il agit sur le coup de l'impulsion, abandonnant sa sœur, en trois bonds il rejoignit le rouquin qui ne remarqua pas sa présence.

Il aperçut du coin de l'œil Eléa qui se rapprochait. Une idée, sortit de nulle part, pulsa en lui aussi vivement, naturellement, qu'un battement de cœur. Il fallait qu'il cache Silver, vite, qu'elle s'éloigne.

Le rouquin quant à lui, essorait sa tignasse moulue d'eau, et d'un geste dédaigneux, il envoya la masse suintante par-dessus son épaule, qui s'étala à la figure de Gold dans un « SPLASH » qui, admettons-le, le valait-bien.

Pourtant, si Silver frissonna en pressentant sa présence, et lui envoya une œillade étonnée ; Gold trop paniqué à l'idée de l'arrivée imminente d'Eléa ne fit que peu attention à cet incident.

D'un geste brusque, il arracha sa casquette de sa tête et l'enfonça sur celle du rouquin qui poussa un cri de surprise. Il tentait de la faire presque intégrer l'os même de la tête de Silver quand celui-ci écarlate, le souffle court, le repoussa d'un bras et bafouilla confus :

- Mais qu'est-ce que tu fais encore ?

Il ne recula pourtant pas d'un pas, et conserva sa casquette sur ses cheveux roux, mettant même deux doigts sur la visière. Levant son regard bleu argenté, presque curieux et attendri sur lui. Gold en eut le souffle coupé, non seulement parce que trempé ; les vêtements collaient à la peau pâle du rouquin, moulant son physique, mais aussi parce que la douce humidité accentuait la ligne de ses traits, et les gouttes tombant une à une de ses mèches rouges, soulignait leur couleur si contrastée, si passionnante, profonde.

Gold se rabroua, secouant la tête pour chasser les idées qi y montait, et la chaleur qui allait de paire. Décidément, il trouvait que sa situation ressemblait de plus en plus à des montagnes russes, frôlant les nuages pendant un instant, puis descendant droit vers le vide et le gouffre ténébreux par la suite, avant de partir dans une vrille et un looping, le cœur au bord des lèvres et pourtant le cœur battant, piaffant d'impatience et de bonheur, pulsé par l'adrénaline et la sensation de vie.


-Heu…heu…J'voulais te sécher ! S'entendit-il dire, maladroitement.
-Avec une casquette ?

Il marquait un point là.

-Tu t'imagines pas à tout ce qu'a put me servir cette casquette ! Se rattrapa le brun.
-Et j'veux pas savoir ! S'empourpra aussitôt Silver.

Gold recula, acculé, mais encore une fois, son rival ne retira pas son bien, ni même ne le congédia, il se contenta de détourner les yeux, songeurs. Et là, encore, rien qu'à ce simple geste d'esquive, à cette mélancolie mêlée d'embarras qu'il lisait sur ses traits, Gold sentit sa respiration devenir âcre.

-D-désolé pour tout à l'heure.

Silver fit volte-face, et écarquilla des yeux. Gold ne faisait que rarement des excuses. Mal à l'aise, Silver se tortilla, et marmonna quelque chose d'inaudibles, que le brun ne chercha pas à définir pour plus que ce qu'il n'était. Le dresseur de Typhlosion afficha alors un sourire radieux et s'avança d'un pas, enlevant sa veste et lâchant :

-Bon laisse-moi te réchauffer pour de vrai maintenant !

Silver tiqua nerveusement. Et Gold, qui avait déjà jeté le tissus sur les épaules de son rival, et commençait à le frictionner réalisa son sous-entendu. Ils se pétrifièrent tous les deux, et Gold d'un coup de sang, voulut se redresser pour rectifier le tir, ou faire sa déclaration –il ignorait vraiment les mots qu'il se préparait à lancer, assourdi par les battements de son cœur à ses tempes- mais dans son geste un peu trop brusque, il donna un coup de tête à la mâchoire de Silver.

S'il avait eut encore la force, ou des cordes vocales, il en aurait crié. Et ma foi, s'il possédait sa casquette encore entre ses mains, il l'aurait mangé. A la place, il blêmit et Silver porta sa main à sa mâchoire dans un gémissement.

-Purée, des fois t'es vraiment comme ta sœur toi ! Grommela le blessé.

Et hop, Gold vit la pente, perché en haut des rails et l'attraction terrestre l'envoya vers le fond à la vitesse de l'éclair, manquant de lui faire vomir ses tripes et son cœur, emportant son hurlement muet.

-S-Silv…

Il aurait aimé s'excuser, et le prendre dans ses bras, il aurait aimé pouvoir lui dire bien des choses encore, nier sa ressemblance avec sa sœur, l'interroger sur encore plus de sujet, et particulièrement Eléanore, mais ses muscles lui parurent engourdis, sa bouches pâteuse et ses membres assurément lourds. La gravité annihilant ses forces et sapant ses convictions, pour les clouer à terre. Et Silver, froid, asséna le dernier coup de marteau qui fit chanceler la masse qu'il était devenu, et résistait vaillamment pour tenir encore debout.

-Lâche-moi tu veux.

La poitrine de Gold se creva, et Silver lui redonna sa veste avant de détourner de nouveau le regard. Il partit les pieds traînant, sans un mot. Le rouquin l'observa du coin de l'œil, et se mordit la lèvre inférieure avec honte, mais la gorge si serrée qu'aucun son pour le rappeler ne passèrent le barrage. Pourtant, quand il vit le brun s'échouer dans la foule, puis se faire aussitôt aborder par quelques filles, il le regretta. Ses poings se serrèrent et il redescendit la visière de la casquette sur ses yeux pour ne pas contempler un tel spectacle. L'envie folle de s'inviter dans le groupe, de se poster juste derrière le brun et de passer un bras possessif autour du cou du concerné pour faire fuir les groupies, le prit, mais il se mordit la langue et s'emberlificota les jambes pour ne pas céder.

-Tu sais, ce n'est pas parce que tu t'éloigneras de lui, que tes sentiments se tasseront. Au contraire, plus tu seras loin de lui, plus ils seront forts et te rendront malheureux. C'est cruel, mais je crois que l'amour est un jeu sadique.

Le timbre naturel d'Eléanore dans son dos le fit sursauter, alors qu'il se tournait vers elle, en balbutiant « Qu-Quoi ? », faisant mine de ne pas comprendre.

Eléanore fronça les sourcils, blasée, et surtout peu dupe, avant de lui tendre un verre au liquide ambrée, tout en ajoutant, insistant bien sur le nom d'un air grave :

-De Gold. Je te parle de Gold. Et de toi.
- Comment tu…Commença Silver…Puis il se raidit, et son regard se fit aussi noir que la nuit, avec pour lune rageuse, ses deux prunelles d'argent crépitant de colère. -Angie et Chris ont parlé !

Un peu plus loin Christopher se jeta sur Angie dans un cri paniqué, un frisson glacial lui remontant l'échine.

Alors que le rouquin mettait à jour son vocabulaire des synonymes pour le mot tuer –étriper, zigouiller, éviscérer- qu'il comptait bien mettre en pratique à sa prochaine rencontre avec les deux anciens bandits, Eléa souffla, sirotant paisiblement son propre verre :

-Non, mais ça se voit.

Et Silver se figea, pour se retourner vers elle, la mine contrite, absolument, indéniablement, blafard et au comble de l'embarras. C'est sûr, qu'il était plus dur maintenant, de mettre en pratique ses menaces de morts, à celui qui trahissait son secret, lui.

-Et depuis quand t'es devenue aussi experte… ? Cracha-t-il en camouflant son tremblement –incontrôlable, pathétique, il tremblait maintenant.
- Hum…T'as raison, j'y connais pas grand-chose. –Fit Eléa Songeuse, et Silver se crut presque hors de danger.- Mais je m'y connais toujours plus que toi ! Ajouta-t-elle avec dédain.

Silver en recracha la gorgée d'alcool qu'il venait d'avaler.

-Qui te dis que je…
-Ta façon de te tenir, d'agir avec les filles du groupe, en règle générale. Puis avec les autres mecs t'es pas mieux. En fait t'es super froid comme mec tu le sais ça ? Le coupa la jeune femme sans une once de douceur, franche.

Silver s'empourpra, ne pouvant véritablement renier ces allégations. Les seules fois où il avait dit « je t'aime » à une personne, c'étaient toutes soldées par un échec magistral. Sa mère avait toujours un air plus triste malgré le sourire qu'il feignait, Giovanni l'avait tout simplement jeté dans la fosse l'unique fois où il le lui avait dit, et Arisa…Arisa il ne valait mieux pas en parler pour son honneur, en plus, il n'avait pas la bonne définition de cette expression à l'époque, et l'avait mal utilisée. Il avait encore la cicatrice des crocs des Pokémons pour se rappeler à jamais du vrai sens de cette phrase. Mais pas question de céder devant Eléa. SI elle apprenait les détails de cette affaire, il préférait encore s'enterrer vivant.

-Et toi t'es super autoritaire et tyrannique. Répliqua-t-il au tac au tac.
-Merci, j'y travaille tous les jours. Avoua Eléa avec un immense sourire.

Cette fille ne tournait pas rond, plus il regardait sa mine innocente et fière, plus il commençait à croire qu'un neurone de son cerveau avait fusillé les autres.

-C'était pas un compliment ! Maugréa-t-il.
-Je sais. Mais j'aime bien ces défauts là.

Elle non plus n'en démordait jamais.

- Pf, t'as vraiment rien d'une fille… Finit-il par siffler.
-C'est peut être pour ça, que tu t'entends bien avec moi.

Silver frissonna, et le sourire d'Eléa s'élargit sadiquement, transformant sa mimique d'angelot en une mine digne d'un diablotin. Impossible de louper un tel sous-entendu. Et même, cette remarque fit vaciller les certitudes qu'essayaient vainement d'établir le roux dans le chao de ses sentiments depuis des semaines.
Il avait pourtant essayé de se convaincre que sa manière d'apprécier Eléa ressemblait le plus à celle qui attirait les deux sexes entre eux, et elle, d'un revers de main, lui rappelait l'élément perturbateur, le détail insignifiant qui le poussait à tant de mauvaise foi, de mensonges et d'illusions.

-Je retire ce que j'ai dit, t'es bien une fille, qui se mêle des affaires des autres, est fan de romantisme, dit des âneries, et surtout est fragile.

Et mesquine. Surtout Mesquine.

Eléa lui renvoya une œillade blasée, dépitée par la répartie ratée et Silver ne pouvait qu'avouer que son tour de passe-passe n'avait rien de magistrale pour une fois.

-Me regarde pas comme ça ! Grinça-t-il entre ses dents, honteux.
-Alors là, je crois que tu atteins le sommet de la mauvaise foi. Je peux me débrouiller toute seule, je suis assez forte comme ça ! Tu me prends pour quoi au juste ? -Lui confirma la jeune femme, postant une main sur sa hanche agacée.
-Ne dis pas le contraire tu es vraiment fragile, quand je t'ai rencontré tu crachais du sang souviens-toi.
-Et toi alors tu pissais dans ton froc !

La réplique hérissa les cheveux sur sa nuque, et la réponse cinglante fusa :

-Je n'ai jamais fait ça ! C'est toi qui te vomissais dessus, et tu refusais l'aide de quiconque !
-Parce que je pouvais m'en sortir toute seule ! Et c'est toi qui me dis ça ?
-N'empêche que si tu t'en sors maintenant c'est grâce à ceux que tu as rembarrés !
-Et toi tu es amoureux de ton seul ami !

Les deux regards rivaux s'affrontèrent, brillants à la fois de défi, et camouflant une lueur de honte face au vérité qu'ils tentaient d'esquiver. D'un même geste, ils se détournèrent l'un de l'autre, se tournant le dos, et alors que Silver réajustait la casquette de Gold sur sa tête avec mélancolie, et qu'Eléa buvait une gorgée d'alcool, ils se surprirent à ricaner de concert.

Avec Eléanore, c'était toujours la même rengaine, la même manière de vivre. Ils s'envoyaient ce qu'ils refusaient l'un et l'autre de voir, avec sarcasme, et cynisme. Ils s'écrasaient les pieds l'un l'autre, se toisaient avec défi, prêt à s'entre tuer, et pourtant, jamais la limite ne se franchissait. Toujours, alors que la logique voudrait qu'ils tiennent rancune des mots blessant, qu'ils pansent leurs plaies et s'évitent pour ne plus en souffrir, ils se rejetaient dans la bataille plus hargneux, plus combattifs que jamais. Se languissant de la réplique de l'autre, s'impatientant de découvrir le gagnant de la joute verbale, et étrangement, percevant de l'affection derrière tous les reproches et autres ironies.

Si Silver se surprit à rosir, voyant presque ce qu'aurait pu donner un couple avec Eléa, la principale concernée ne parut pas le moins du monde embarrassée, et elle pencha la tête en arrière, vers lui, pour demander naturellement :

-Dis-moi, pourquoi tu n'as jamais abordé une fille de ta vie ?
-Q-qu'est-ce que tu en sais d'abord ? Se défendit mollement le jeune adulte.
-Quand tu as rencontré Sam, tu l'as suivie – on te voit sur les photos de Danny – comme un stalker. Et quand Arisa est arrivée…bah…tu l'as fui. En fait, tu passes ta vie à fuir. Comme Sam. Vous passez votre temps à attendre et rêver, en espérant que vous trouverez mieux avec de la patience.

Heureusement, Arisa ne lui avait rien dit sur sa déclaration ratée, sinon, il n'aurait pas survécu à l'attaque. Cependant, la remarque lui vrilla la poitrine, et il sentit ses doigts se crisper sur les coutures de la casquette de Gold.

-C'est faux je ne passe pas ma vie à fuir, j'évite juste d'être blessé, involontairement. –Il ferma les paupières, comme pour se plonger dans cette confession toute neuve- Et toi alors, tu passes ton temps à tout affronter, t'en as pas marre ?

Eléa tourna des talons, et touilla légèrement dans son verre, absente, puis, avec un sourire triste, elle murmura :

-Si des fois. J'aimerai que ça s'arrête.

Silver s'étonna de cet aveu, sonnant si faux entre les lèvres d'Eléanore, qu'il aurait presque voulu les y renvoyer pour les y enfermer. Pourtant, à la vue de sa mine sombre, de ses prunelles voilée par les pensées, il n'arriva pas à les mettre en doute. La jeune fille détourna la tête, contemplant le rideau d'eau qui s'écoulait dans une mélodie reposante à ses côtés, et elle y fit danser ses doigts, créant quelques petits anneaux, ouvrant une myriade de minuscules ouvertures vers l'extérieur. Puis elle se stoppa, et envoya au sbire rocket un de se sourires lumineux débordant de confiance.

-Mais les douleurs font aussi parties de la vie, et…si elles s'arrêtaient, cela signifierait que ma vie également non ?

Silver arqua un sourcil, et il ne put contenir un pouffement.

-Tu as une drôle de façon de penser.
-Et toi tu détournes la conversation.
-Parce que je n'ai pas envie de te le dire. Répondit naturellement Silver, à peine conscient, lui-même, de ce qu'il refusait de lui confier, en cet instant.
-Tant mieux, j'ai pas envie de t'entendre te plaindre. Rétorqua Eléa irritée.
-Mais c'est toi qui a demandé !
-Oui mais j'ai changé d'avis ! Je suis une fille ne l'oublie pas, donc une girouette !
-T'as rien d'une fille !

Eléa victorieuse, pointa du doigt le rictus moqueur de Silver en cet instant, et dans ce mouvement elle l'arrosa de quelques gouttes, avant de lâcher supérieure :

-C'est pas ce que tu disais y-a deux secondes, qui est le plus girouette de nous deux, hein ?

Silver devint écarlate.

-Tu es spéciale toi. Voilà. Tu n'as rien d'une fille, et en même temps…t'es aussi fragile qu'elles. Se rattrapa-t-il du mieux qu'il put.

Eléa croisa les bras, agacée

-Pourtant je te réponds, et je te bats quand tu veux.

Silver passa un bras sur son cou et marmonna, excédé, dans un soupir :

-T'es compliquée.
-Au moins, autant que toi ! Et en plus tu viens d'admettre que je pouvais te battre !
- J'ai jamais dit ça ! Je te prends quand je veux !
-Ooooh le commentaire que tu viens de faire là !


Le garçon devint aussi cramoisi que sa chevelure, et Eléa en profita, pour prendre une mine désolée, et déclarer :
-Mais je préfère les garçons comme Danny je crois, assez docile, silencieux. Qui pensent peut être un peu trop. Mais au moins, avec lui…Je me sens bien.
-Je suis assez silencieux aussi. Marmonna le fils de Giovanni.
-C'est une nouvelle invitation ? Argua Eléa avec un rictus.
- Non ! S'offusqua-t-il vivement.
-On se ressemble un peu trop pour être ensemble. T'imagine un peu le couple ? Sans arrêt à se bagarrer. Expliqua Eléa cherchant dans les brumes de son imaginaire, une image correspondante à l'idée qu'elle avait d'un tel futur.

Silver s'étonna qu'elle ait la même idée que lui, un peu plus tôt, mais malheureusement, il n'avait aucun mal à dépeindre le tableau qui risquait de se produire s'ils tombaient sous le charme l'un de l'autre. Sans l'ombre d'un doute, il vit une Eléanore plus grande descendre d'un escalier tortueux, puis poser les mains sur ses hanches, l'air faussement furieuse, pour lui aboyer 'Non mais, encore à parler à demi-mot ! Franchement, Si ça continue, je vais aller voir un de mes jeunes, beaux et francs amants, pour trouver un moyen de te tuer et de me remarier ! Quand je pense que mon père refusait notre union et que je suis allée contre son avis, ah et bien, j'en paye le prix fort ! ' Elle n'hésiterait surement pas à lui donner des coups de pieds sous la table, à lui envoyer une assiette de nourritures en plein visage, tout en lui envoyant un de ces regards aguicheur et amoureux dont elle avait le secret.

- Ouais un vrai enfer. Constata simplement le roux.
-Je n'ai rien d'une fille, donc ce serait moi le mec dans le couple. Avec mes cheveux courts et ma force, toi tu feras la meuf. Décida sans préavis l'adolescente.
- Hors de question, je refuse catégoriquement, et tu as deux arguments là –Il pointa ostensiblement la poitrine d'Eléa, de loin- Qui prouvent le contraire.
-Ca peut se cacher ça ! Je l'ai déjà fait et Régis n'a rien vu du tout !

Silver fronça les sourcils et haussa des épaules, avant de souffler, réaliste :

-Mais Régis devient aveugle dès que tu es dans les parages
- Pas faux, mais toi tu es tout autant aveugle que lui !
- Moi je ne loupe pas ça ! Rétorqua Silver en repointant du doigt les atouts de la gamine.
-Mais tu lorgnes ! Souffla Eléa avec une mine faussement catastrophée croisant les bras sur ses atouts.
-Quoi ?! Mais n'importe quoi, c'est toi qui porte des décoltés !
-Je vais pas non plus m'habiller comme une nonne parce que messieurs savent pas se retenir. Ah quel dur labeur d'être une femme dans un monde de rustre, les homos au moins, nous comprennent, l'un d'entre eux sait ce que c'est qu'être à notre place.
- Parce que toi tu sais ce que c'est ? Répliqua Silver avec sarcasme.

Eléa lui envoya une œillade, cette fois réellement furieuse :

-J'ai vécu 16 ans en tant que femme. Et tu as encore vu un sous-entendu dans ma phrase, pervers !
-Mais c'est toi qui dit ça implicitement ! Se défendit Silver en tachant de conserver son calme.
-Justement c'était implicite, mais toi, tu fais jamais dans la dentelle, c'est direct cash. Ah j'ai perdu mon pari, tu seras bien le mec entre vous deux !

Silver en fit tomber son verre, et l'alcool se répandit à ses pieds pour aller rejoindre l'écume moussante des cascades un peu plus loin sans se soucier de son ancien propriétaire qui balbutiait, manquant de souffle :

-D-d-de…
- Si tu retiens encore plus longtemps ta respiration, tu tourneras au bleu, et ça jurera mal avec tes cheveux !

Silver avala goulument une bouffée d'air et Eléanore plaqua ses mains sur ses joues pour s'exclamer moqueuse :

-Oh Arcéus tu te soucies de ton apparence ! Je suis perdue maintenant, mais qui fera la fille entre vous !?

Elle eut droit à un regard Silvesque en retour, qui signifiait tout, et surtout, que si elle continuait, il allait la tuer, la trucider, et toutes les nuances qui allaient avec.

-T'Tes dégueulasse ! Gronda-t-il.
-Décidément, la discussion mène à rien, tu te mens à toi-même, tu veux jamais t'ouvrir à personne. Tu ne fais confiance à personne. Marmonna Eléa, visiblement déçue, lui lançant une œillade entendu.
- C'est faux, je fais confiance à Gold, à Angie et Chris, en un sens, à Sam…Et à toi.

La mauvaise foi de Silver lui valut une expression de pitié et compatissante de la part d'Eléa qui lui hérissa le poil.

- Et c'est justement ça le problème…Finit-il par avouer sous la pression des regards.
-Oh Arcéus tu fais confiance à des gens, appelons vite Peter, le monde va exploser ! Reprit Eléa, en refaisant le même geste qu'un peu plus tôt.
- Si tu l'appelles, c'est sûr on court à la fin du monde. Plaisanta le rouquin, puis après un soupir, il reprit : - Tu n'as jamais regretté d'avoir rencontré des gens ?

Eléa écarquilla des yeux, pencha la tête, et sa frimousse se para de nouveau d'une teinte mélancolique.

-Oh, si, chaque jour de ma vie. Parce que je pensais qu'ils en souffriraient forcément. Murmura-t-elle en croisant les bras.

Silver baissa la tête et contempla ses pieds, morose.

- C'est pareil, j'ai jamais voulu être approché, d'abord à cause de mon père…A chaque fois, je revoyais ma mère, brisée, cassée…J'entendais encore ses cris. Et même maintenant…Ca ne change pas. Et là…J'ai enfin laissé des gens m'approcher, et je finis par être hanté par un boulet de sentiment, qui gâche tout…

Pourtant Eléa accompagna un regard vers lui d'un sourire, et elle lui secoua l'épaule amicalement.

-Moi tu sais, je déteste regretter les choses. Donc j'ai décidé que, puisque c'était ma vie, et qu'elle serait courte, j'avais le droit d'être un peu égoïste, et d'avoir des amis aussi. J'ai même poussé l'abus jusqu'à tomber amoureuse de quelqu'un. Même si je savais que ça lui ferait mal. C'est assez dégueulasse…Au moins quand j'étais petite, je voulais qu'à ma mort tout le monde m'oublie pour que personne ne souffre…Mais maintenant, à cause de vous, à cause de Sam et de lui…Ca me suffit plus. C'était plus fort que moi. J'ai agis sur le coup de l'impulsion, de l'envie. Et finalement, c'est tant mieux, parce que…Je suis avec le garçon que j'aime, et j'ai enfin du temps devant moi. Et…je veux, je veux qu'il se souvienne de moi, de mon existence.

Silver se rembrunit, il aurait apprécié que le sentiment qu'elle décrive soit aussi simple pour lui, mais il ne lui apportait en aucun cas la satisfaction qu'elle retirait de sa relation avec Daniel.

-Je ne comprends même pas pourquoi ! J'y pense constamment, à ce foutu sentiment, j'arrive pas à me l'enlever de ma tête, ça me dérange, je n'arrive plus à voir Gold en face, sans penser à des trucs…Vraiment embarrassants et dégoutants. Et là, j'entends de nouveau les cris de ma mère, tu peux pas savoir à quel point ça me file mal au crâne. J'aimerai pouvoir me percer un trou dedans, et la vider. Marmonna-t-il, le cœur gros.
-Si tu cherches quelqu'un pour te la percer à coup de perceuse, je suis là, pense à moi. S'exclama Eléa alors, en se campant devant lui, avec un air visiblement très enthousiaste et volontaire pour une tâche pareille.

Cette attitude eut au moins l'avantage de tirer un rictus, mi-triste mi amusé à Silver, qui lui rétorqua :

-D'accord j'y penserai.

Eléanore fut surprise de le voir capituler, et elle écarquilla des yeux, avant de froncer les sourcils.

-Tu sais, j'ai du mal à concevoir ce qui t'arrives, et ce qui t'arrête. En gros, t'as la trouille, mais t'en as envie ? Expliqua-t-elle.

Silver se renfrogna, écarlate, et il cracha :

-Tu peux pas arrêter tes raccourcis ?
-J'ai faux ?
-Tu as tout faux !J'y connais rien moi dans ce domaine, et je…je…je ne serai, jamais normal, n'est-ce pas ?

Cette fois Eléa ne cacha en rien le mal de crâne que lui donnait le casse-tête nommé Silver, et elle croisa les bras, une moue dégoûtée sur la frimousse avant de baragouiner* :

-Mais qu'est-ce que vous avez tous, à vouloir être normal ? L'anormalité c'est bien. Au moins, vous êtes quelques choses. La normalité c'est chiant !
-Tu dis ça…Mais franchement…C'est plus simple d'être normal.

Et cette fois, la remarque de Silver fit mouche. Eléanore ne trouva pas de contre exemple. Aussi, elle ouvrit les bras, exaspérée, et posa son doigt sur le nez de Silver, accusateur, le regard n'étant plus que deux fentes graves, brillant de l'éclat profond et insondable de deux émeraudes.

-Est-ce que tu regrettes d'avoir rencontré Gold ?

La seconde d'hésitation lui apprit la vérité cachée sous la réponse que Silver marmonna, penaud :

-Oui.
-Est-ce que tu me dis la vérité ? Insista Eléa, l'agacement montant dans son timbre.
- Oui. C'est un interrogatoire ou quoi ? Rétorqua Silver dont le ton s'étranglait peu à peu, allant en faiblissant.

Eléanore poussa un cri d'agacement et elle se frictionna la tête en trépignant, tout en sifflant :

-Oh la vache mais t'es un sac de nœuds c'est pas possible ! Vite il me faut un truc simple, que je parle à quelqu'un de simple…A…A cristal par exemple… ! –Elle se leva précipitamment, fit quelques pas, puis se fit volte-face pour planter son visage à quelques centimètres de celui du rouquin - Est-ce que tu regrettes de nous connaitre tous ?

Cette fois, il lut de la tristesse dans le fond des prunelles de la jeune fille, et Silver tendu, embarrassé, détourna le regard, abaissa la visière de la casquette, avant de souffler, ayant presque honte de ce mot :

-Oui.

Et pourtant qu'est-ce qu'il le pensait ! Sans avoir rencontré Gold, il n'aurait jamais eu à subir un dilemme aussi compliqué en proie à ses sentiments. Sans avoir rencontré Sam et Eléa, sans leur avoir parlé ce jour là dans le mont Sélénite, il aurait très certainement continué sa route et…

Il marqua une pause, les fils du Destin se déliant sous ses yeux aussi clairement que la cascade d'eau s'écoulait, aux reflets dansant, miroitant de milles et une couleur.

S'il n'avait jamais rencontré Gold, il n'aurait jamais connu l'amitié, de même, sa rencontre avec Peter avait fait naître un doute dans son esprit, avait semé la zizanie dans ses préjugés, et plus principalement sur sa façon de traiter les bêtes qui l'accompagnait, ces Pokémons qu'il avait toujours vu comme machine de guerre, de torture, de force. Les Pokémons avaient toujours été synonymes de Force, de pouvoir, et donc, la seule manière de renverser son père, de retrouver sa mère. Et ces deux là, en ouvrant la porte de la compréhension, lui apportaient bien plus qu'il n'aurait pu l'imaginer. Des compagnons éternels même plongé dans le plus sombre désespoir, dans la noirceur totale de la fosse.

S'il n'avait pas percuté Samantha au détour du centre Pokémon, jamais il n'aurait pu trouver une piste vers sa mère. De même, il serait certainement allé directement à la cave taupiqueur et mort enseveli dans l'éboulement. Puis venait Chris et Angie, même s'il s'en plaignait, ces deux énergumènes, lui avaient probablement sauvé la mise, et manqué de le faire sourire un bon nombre de fois, lui obéissant sans vraiment protester –du moins pas quand il leur jetait son regard noir-. Et enfin, l'accident du mont Sélénite…Où il avait vu Samantha paniquer à cause de la crise d'Eléa, où il avait observé la gamine crachant du sang, couverte de boue. Et là, étrangement, il s'était senti responsable des deux gamines, il était en mesure de les protéger. Bien entendu il avait échoué, et sans l'aide de Gold, de Daniel, ou Yuki, il serait sûrement mort ce jour là aussi. Comme le jour de la mission Opale. Et encore lors de Lavanville.

Plongé dans le coma, au bord du gouffre de la mort, s'il s'était battu, ce n'était pas pour sa mère. Il avait su, au fond de lui, qu'elle n'était plus de ce monde, avant même que Gold ne le lui avoue. Et pourtant, il s'était battu. Lui-même ne comprenait pas pourquoi. Peut-être parce que, quelqu'un, des personnes qui comptaient pour lui, l'attendaient de l'autre côté, peut être parce qu'il avait tant de fois lutté contre le spectre de la faucheuse, qu'il avait agit par habitude. Il ne le saurait probablement jamais. Cette époque restait floue et confuse en lui, grésillant de paroles, de certitudes, d'espoir et de désespoir à la fois. Il avait une seconde crut se trouver devant Arcéus lui-même, pour se réveiller dans cette chambre d'hôpital, Gold à ses côtés.

Un simple évènement en avait déclenché un autre, qui lui-même en bousculait, chamboulait d'autres. La Théorie du Destin n'était qu'en vérité, qu'un assemblage de Dominos.

Pouvait-il réellement révoquer ce parcours aux volutes ténébreuses, pouvait-il réellement regretter cela ? Certes, il avait vécu de grandes douleurs, mais aussi, et très certainement des bonheurs qu'il n'aurait jamais connu autrement.

Tout à ses réflexions, Silver sursauta quand Eléa, dépassée par son silence, finit par claquer des bras, et à siffler, rancunière avant de tourner des talons :

-Dans ce cas, tu peux partir. Va vivre ta vie tout seul. Tu souffriras plus de nous connaitre, mais tu n'en seras pas plus heureux non plus.

Et elle le planta là, seul avec sa conscience.

Samantha qui la cherchait dans la foule, vit sa frimousse exaspérée, et elle lui envoya, soucieuse :

-Qu'est-ce qu'il y a Eléa ?

Celle-ci lui renvoya une œillade furieuse, encore rouge de colère.

-Je suis nulle en histoire d'amour. Je dirai plus jamais rien sur toi et tes plans stupides !

Et Si Samantha s'étonna de cette réponse avant de sourire, ravie de trouver une volontaire pour une future mission cupidon, Gold non loin de là, serra les dents. Et lorsqu'il tenta de s'approcher de nouveau du rouquin, celui-ci s'esquiva discrètement, préférant traverser le rideau de brume, et être trempé pour le fuir. Sans un mot, Silver rentra au chalet, le cœur au bord des lèvres, l'esprit ailleurs, tournant et retournant les mêmes pensées, les derniers mots d'Eléanore.

Partir… ? Il n'y avait plus songé depuis des années, et pourtant, son objectif avait été atteint, il n'avait plus rien à faire, plus de but, plus de rêves. Ces dernières années, il n'avait finalement, fait que se laisser porter, vivre, auprès des autres, savourant simplement leurs contacts, sans se soucier véritablement du reste. Sans même chercher une autre satisfaction. Silver stoppa sa marche, un grand creux se formant dans son estomac. Vide, il n'aurait put décrire son état autrement, déboussolé. Il ne s'était jamais soucié de son futur ou de sa carrière, la coordination ? Cela ne l'avait jamais intéressé outre-mesure. Les combats Pokémons ? Un moyen pour lui d'assurer sa puissance, et de chercher sa mère. Le pokéathlon ? Il avait les capacités physiques, mais le travail d'équipe n'avait jamais été son fort. La seule activité qui l'intéressait un tant soit peu restait de traquer les criminels tels que son père pour les mettre derrière les barreaux, mais les métiers de ce domaine recrutait uniquement les enfants sans casier, et si Silver n'en avait pas un, cela signifiait alors que son père ne l'avait jamais déclaré et qu'il n'existait pas aux yeux de l'état, autre barrière.

Maintenant qu'il y songeait, il ignorait ce qu'allait devenir sa vie, après l'organisation. Peut-être, était-ce le moment de repartir sur les routes, pour chercher sa voie, peut-être, avait-il fini de flâner…Peut-être, qu'Eléanore avait raison, et qu'il fuyait.

Son ventre grogna de mécontentement et Silver se retira, insatisfait de toutes ses options.

-IL m-ENEEERrrrvEuuuuhhhh !

Le timbre d'Eléa, furieux, pulsa, plus violemment que la musique parcourant les enceintes, aux quatre coin de la piste. La jeune dresseuse de Pokémon feu, reposa un verre vide, ne contenant plus qu'un fond du liquide ambré qu'il avait un jour lointain, contenu. Les joues, rouges, les sourcils froncés, le nez affreusement plissé de mécontentement, elle rugit :

-Il FUIT TOUT LE TEMPS ! Il se cache derrière ses « c'est dégoutant ! » ses « je peux pas » ou encore les « je suis pas normal, tu comprends pas ! »

Elle fit claquer sa longue contre son palet, et tapa du pied, arrachant un rire timide à sa compagne du moment, Samantha.

Eléanore se raidit, et elle se tourna, accusatrice vers sa meilleure amie, pour souffler, le regard qui louchait, très légèrement, sous l'emprise de la boisson :

-Et toi t'es pas mieux ! Arrêteuh de fuir !

Samantha tressaillit, et elle se mordit la lèvre, mais sa rivale bondit sur ses jambes –ce qui la fit tituber dangereusement- et elle saisit fermement son bras.

-Allez, c'est le moment ! Bon alors, tu vas lui parler oui ou non à Yuki ! Montre lui que tu sais danser maintenant. Hein, tu te souviens moon-walk, et cette fois sans le collant sur la tête !
- Hein ?!
Mais trop tard, Eléa venait de la lancer sur la piste, droit vers Yuki, et sans lui permettre la moindre réplique, elle s'exclama, mesquine :

- Oh Cristal un écrémeuh !

Et bien entendu, son issu de secours hurla, pour lui ouvrir la voie :

-OU CA ?

Sam la contempla, fendant la foule, droite déterminée, malgré les brumes de l'alcool et de la joie faisant chanceler ses pas. Elle n'hésitait donc jamais, elle ? Pouvait-elle toujours faire preuve de cette volonté inébranlable, cette détermination aux limites chimériques. Samantha détourna les yeux, et remarqua son professeur, au téléphone, un peu à l'écart.

Et elle se crispa.
Car cette obstination si propre à Eléa lui manquait, se défaussait d'elle. A l'instant même où elle croisait les iris ternes et fixes de son enseignant.
Elle ne l'avait pourtant jamais abandonné dans son enfance, lors des longs soirs de révisions ou ses heures de craintes en cours.

Doucement, elle fit un pas en avant, tâchant de se remémorer le sentiment qui la tenait éveillée, les soirs d'hiver, sous la couette, les veilles des examens. Se forçant à répéter le même courage, la même certitude de sa réussite.

Malheureusement, quand elle parvint vers lui, ses mots vibrèrent bien trop sur la corde de l'anxiété :

-Monsieur ?

Akira éteignit aussitôt son portable, et il tourna la tête, sans la voir. Encore une fois, l'évidence de son expression la pénétra encore et encore. Il n'était pas beau, il possédait cet air de flegme et de paresse, ancré sur chaque pore de son être, ses traits s'affligeaient de cette mélancolie sourde qu'ont les résignés. Et pourtant, comme à chaque fois, il se parait d'une auréole de mensonge, d'illusion, de merveilleux.

Enfant, il lui avait suffit d'un seul et unique regard.

C'était ce qu'elle désirait croire, ce dont elle s'était convaincue toute sa vie. Néanmoins elle connaissait la vérité. Il n'y avait pas eu d'amour du premier instant, juste une œillade complice. Peut-être, y-avaient-ils tous deux lus ce qu'ils cherchaient l'un l'autre, peut-être, incarnaient-ils juste l'Ombre, qu'ils refusaient tous deux de voir, bien qu'elle soit toujours présente, même dans la plus aveuglante des lumières.

Elle ignorait, quand cela avait changé, il lui semblait qu'un matin, elle s'était éveillée, et tout avait été différent. Le changement devait être progressif, mais un jour on le remarquait, comme ça, comme sans raison, on redécouvre un jour la chaleur maternelle. Yuki avait été de ceux là, un soir, il avait été le professeur, le lendemain, il devenait l'amour secret. Et il était devenu tant d'autres pas la suite. Son protecteur, son révélateur, son sauveur.

Elle avait ouvert les bras pour accepter l'étreinte de sa mère adoptive, grâce à lui, elle avait rencontré Eléanore, grâce à lui, elle avait réussi à vivre après son enlèvement, grâce à lui. Tant de choses, qu'elle lui devait, à lui, à Eléanore.

Celle-ci lui aurait sûrement répliqué « Mais tu te les dois aussi à toi, bougre d'andouille ! ». Ce qui lui arracha un demi-sourire.

Akira devant elle, soupira, ne percevant pas qui l'avait interpellé, et Samantha revint à la rude réalité.

-Oh…je vous dérange, vous parliez à quelqu'un ?
-Ah Sam…heu et bien…oui.

Il fit une moue embêtée, comme il l'arborait de plus en plus régulièrement en sa présence, et Samantha sentit son cœur se compresser d'amertume, alors qu'elle soufflait :

-C'est une femme ?

Elle grimaça malgré elle, même s'il ne pouvait voir sa mine déconfite, elle se refusait à la montrer, tout comme elle ravalait la meurtrissure pourrissante, stagnante qu'elle portait. Akira Yuki, était un homme, et elle, était et resterait son élève, qu'elle le nie ou non.

- Et bien, oui, du moins, si je me fie à la voix ! Plaisanta Akira, pressentant le malaise.
- …C'est votre collègue là…hein… ? Mlle Brosh.
-Oh, Lily.

Akira se tût une seconde, et passa une main sur sa nuque embarrassé, avant de maugréer :

- Et bien oui tu as encore tout bon. Décidément. J'arrive pas à te cacher quoi que ce soit.

Elle percevait l'amertume dans son timbre, et ne put réprimer, la poitrine étreinte, les prunelles éteintes.

-Menteur.

Akira arqua un sourcil, déstabilisé par la remarque, et il bredouilla, craignant qu'elle ait percé à jour son plus grand secret : son inclinaison à son égard.

-Pardon ?

Comme il s'en doutait, sa voix se secoua d'un tremolo anxieux, bien trop évident pour échapper à l'ouïe fine de son élève. Pourtant, celle-ci eut un ricanement gêné, trop précipité en retour, comme si elle venait simplement de se rendre compte de ses mots, et tâchaient rapidement de les effacer par d'autres. Les premiers qui lui venaient.

- Non, je disais juste, que c'est faux, je n'ai jamais deviné que vous êtiez le dresseur masqué, et avant ça, même, je ne me suis jamais douté que vous êtiez sorti avec Mlle Brosh…Et… !

Elle laissa sa phrase en suspend, et bien que tout le décor soit flou pour lui, Akira la connaissait assez, pour savoir qu'elle levait les yeux vers le ciel, avant de les baisser, embarrassée. Il discerna un mouvement au niveau de ses jambes, et assuma qu'elle traçait un cercle invisible sur le parquet, pour se concentrer. Akira ne put retenir, à la fois un sourire soulagé, rassuré que son étudiante joue le jeu, ignore ses penchants, et ne pouvant résister à l'envie de la taquiner un peu.

-Où tu veux en venir Sam ? D'habitude tu es plus subtile dans tes approches…

Samantha s'empourpra maladroitement, tandis que son cœur bondissait dans sa poitrine, elle se mordit immédiatement la langue, punissant celle-ci de sa haute trahison de tout à l'heure, qui la menait sur ce terrain. Cependant, se tordant nerveusement les mains, contemplant son pied, traçant des cercles invisibles sur le sol, elle constata lamentablement sa situation. Elle n'était qu'une enfant, bien qu'elle approche de la majorité, pour Yuki, elle resterait probablement à jamais son éternel élève. Combien de fois un élève avait-il la possibilité de révéler les questions qui le tourmentaient, sur la vie privée de son enseignant ?

Elle déglutît difficilement, et remit –geste qui l'horripilait, mais qu'elle ne parvint pas à arrêter à temps- une mèche de sa chevelure derrière son oreille. Puis, elle avala une grande bouffée d'oxygène.

Qui sembla totalement obsolète à l'instant même où elle ouvrit la bouche pour débuter sa phrase :

-…Je veux dire, Mlle Lily elle est jolie, non… ?

Ecarlate, elle n'ignorait pas son état, elle eut l'impression que tout l'air que contenaient ses poumons venait de s'échapper, comme sous l'appréhension, de la menace d'un coup de poing.

Et le silence en retour sembla s'éterniser, comme pour se délecter de sa torture. Elle captait les regards de chaque invité, et il lui semblait –ce qui était absurde- que tous, se posaient sur elle. Ils se fichaient en elle, comme des lames affutées, telles une épée de damoclès, vacillante, sur le poing de s'abattre.

Et ils riraient. Yuki l'enverraient sur les roses, et ils riraient tous.

Samantha secoua la tête avec véhémence, pour reprendre contenance et confiance, mais l'envie d'éclater en sanglot, la tenaillait à tel point qu'elle en omettait de respirer pour ne pas faire ployer le dernier barrage de sa résistance.

-Très.

Samantha leva les yeux, et Yuki détourna les siens, admirant l'horizon, sans être capable d'en cerner ses détails captivants.

Elle n'aurait peut-être pas du se montrer si présomptueuse, écouter Eléa et Lucas. Samantha sentit la bile amère lui piquer la gorge, quand soudain, son instituteur reprit, sur un ton goguenard, légèrement railleur :

-En tout cas dans mon souvenir, mais ce qu'elle sentait mauvais ! -Il se pinça le nez dans un rire et reprit - Tu pouvais pas savoir, gamine elle adorait courir après les grotadmorv, les ortides, tout c'qui puait, une fois, elle a tenté de faire un front de résistance pour je sais plus quelle organisation qui défendait les grotadmorv ! Je l'avais aidé à faire entrer ses bestioles dans l'école pour manifester, et du coup on a pas eu cours pendant une semaine le temps de tout désaffecter.

Il ricana, et étrangement, cela ne surprit pas du tout Samantha, qui reprit peu à peu son souffle, pour écouter l'histoire, avec apaisement, envoûtée. La pression des regards étrangers s'évapora, ainsi que le voile de remords et de jalousie. Elle sourit, sans même s'en apercevoir.

- Kain était furieux, « Qu'est-ce c't'c'est qu'ces ptits saligots ?! » qu'il a dit. « J'vais vous apprendre mwoa c'qu'on chope à jouer les clowns, j'les dresse moi les clowns, j'les mates ! J'les fais bosser moi les clowns ! »

Il imita le vieil homme bourru, et se pencha vers son élève en écarquillant un œil, comme pour affirmer ses dires. Samantha recula et eut un pouffement.

-…Et là j'ai simulé un évanouissement pour échapper au boulot, donc je n'ai pas eu la suite du discours.

C'était tellement lui !
Samantha ne put camoufler son ricanement libéré, malgré la main qu'elle plaqua contre ses lèvres, et elle laissa son hilarité prendre le dessus. Cela en devenait si aisé à présent, qu'elle se demanda vaguement, comment, ces dernières années, il lui avait paru si ardu de rire.

Yuki s'arrêta et il prit une expression fière, en percevant la joie de son élève. Il lui caressa tendrement la joue d'un doigt en murmurant avec compassion :

-Bah voilà, ça sourit déjà. Ne fait pas une tête pareille alors que tu as enfin de quoi te réjouir. Et puis d'abord, qu'est-ce qui te prends avec Lily tout d'un coup…

Samantha s'empourpra de nouveau, et encore une fois, ses mains lissèrent sa chevelure dans un tic harassant, elle s'en rendit compte et le plaqua contre ses hanches avec honte, avant de se pincer les lèvres.

Ce n'était pas tant l'enseignante qui la dérangeait. Petite, elle n'avait pas eu à suivre particulièrement les cours de la collègue d'Akira. En revanche, déjà à l'époque des rumeurs courraient sur eux, leur couple, qu'elle avait nié, et toujours clamé comme fictif. Déjà, à l'époque, Lily Brosh lui était apparu, telle qu'elle était, comme une femme mûre, magnifique. Aux longs cheveux noirs, à la peau trop claire, pourtant, mais aux yeux d'une profondeur abyssale, pétillants d'intelligence et de Malice.

Maintenant qu'elle atteignait presque l'âge de leur première rencontre, à l'école, elle constatait l'écart entre elles. Lily, quand elle avait commencé en tant que stagiaire, paraissait déjà Femme. Elle arborait cette aura, mélancolique, mais féminine.

Samantha chaque matin dans la glace, ne voyait désespérément qu'elle-même, encore une enfant, forcée à grandir trop vite, peu importe combien elle avait évolué par rapport à l'école, elle demeurait, une cendrillon. Comment pouvait-elle espérer charmer son enseignant, elle ne correspondait absolument pas au style de femme qu'il appréciait.

- …c'est juste que je me demandais…Comment vous faisiez pour tenir le coup… Marmonna-t-elle, sans savoir où elle se dirigeait, plus pour combler le silence, répondre à l'interrogation, que par sincérité.
-Tenir le coup ?

Et pour le coup, Akira parut aussi perdu qu'elle. Pourtant, les mots coulèrent d'eux même dans la gorge de Samantha, surprenant de clarté, illuminant son esprit, maintenant dégagés de ses principales préoccupations.

- Je veux dire, moi je suis restée ici, parce que j'ai des amis, j'ai Eléa. Même si ma vie a été détruite, j'en ai une autre avec eux, je ne suis plus toute seule maintenant…Mais vous…vous aviez une famille.

Yuki se renfrogna, un méchant pli barrant son nez, et il grommela, comme la bouche occupée par un aliment particulièrement désagréable :

-Des parents cons et trop ambitieux.
-Un travail. Insista Sam, en fronçant les sourcils.
-Je déteste travailler ! Rigola ouvertement Akira avec un geste dédaigneux de la main.
-Une carrière.
-Ce qui me plaisait dans le dresseur masque c'était de me battre et je peux toujours le faire ici. Expliqua le professeur en croisant les bras.
-Une petite amie !
- Ah non, ça j'avais pas. Trop galère.

Samantha pencha la tête sur le côté, étonnée qu'il ne cite pas Lily, mais, le remord la submergea presque aussitôt, et elle murmura :

-Une passion.

Un silence embêté s'instaura entre eux, et Samantha, sut, qu'elle était tombée juste. Pourtant, Akira, après avoir hésité une seconde, pensif, soupira, comme inspiré par ses propres mots :

-On ne peut pas retirer la passion des gens.

Samantha sentit l'irritation monter face aux excuses que dénichaient son enseignant pour camoufler sa situation dramatique, et oubliant sa timidité, occultée par la rage, elle s'exclama :

-Mais, si on empêche un homme de vivre sa passion, ça peut rendre fou…Et…Et..

Elle se tût, et porta la main à sa bouche, pour refouler les excuses au fond e son gosier, alors qu'elle avouait :

-Et en l'isolant…Vous ne pourrez plus avoir de vie maintenant…

Samantha constata elle-même avec gravité l'évidence :

-Cela faisait longtemps que je voulais vous poser cette question, je me disais que j'attendrai mon 18 ème anniversaire, mais…je crois que je veux savoir maintenant. Je ne veux pas me trouver d'excuses pour retarder la vérité.

Maintenant, Eléanore était guérie, tirée d'affaire, leurs vies à tous allaient reprendre, mais elle venait de constater, qu'elle et Yuki, avaient vu leurs existences définitivement souillée par la main mise de l'organisation. Une marque noire, indélébile, peut-être même aux conséquences irréparables. Et pourtant…

Yuki prit un verre et le remua sans conviction, tout comme il prononça, en retour, morne, comme redoutant lui-même ce qu'allait proférer son étudiante :

-Je t'écoute alors, si ça te rongeait les tripes à ce point là.

Samantha leva une œillade désemparée, désespérée vers lui, et penaude, elle inspira profondément, avant de souffler dans une lourde demande :

Pourquoi vous êtes allé aussi loin pour moi ?

Yuki cilla, il cessa de jouer avec le liquide ambré contenant son verre, et il resta de marbre, comme foudroyé, mais gardant une expression indéchiffrable. Devant son mutisme borné, Samantha serra les poings, et se penchant en avant, elle affirma :

-Quand j'étais petite, déjà, vous êtes allé voir ma mère, vous avez essayé, vraiment de faire arrêter les garçons qui m'embêtaient en cours. Vous n'êtiez pas obligé de le faire ! Vous pouviez agir comme les autres adultes et ignorer !

Akira n'afficha aucune émotion, mais il reposa son verre.
La gorge de Samantha s'encombra, et les mots restèrent au fond. Elle aurait aimé lui crié, combien, à cet âge, elle l'avait vu, et identifié comme le prince charmant qu'elle avait tant attendu, combien il lui avait donné l'espoir, le courage de continuer. Combien il avait changé son existence, formé ce qu'elle était devenue. Au même titre qu'elle devait à Eléa celle qu'elle était en ce jour, elle le devait également à lui.

Et à tous les sacrifices qu'il avait commis en son nom.

-Et chez Giovanni…Vous avez aussi perdu la vue…Et…

Pathétique, aucune des confessions qu'elle désirait lui avouer, ne sortait comme elle l'espérait. Frustration et honte se mêla à la douleur cuisante de l'échec contre l'ennemi le plus invisible et douloureux, soi-même. Samantha claqua des dents et serra la mâchoire, incapable.

-En plus c'est toujours vous qui nous dites de pas jouer les héros, mais vous, vous vous gênez pas pour ça…
-Je n'ai jamais voulu être un héros.

Samantha resta stupéfaite, et elle observa son instituteur, se décidant enfin à cesser de garder le silence. Celui-ci darda une œillade malheureuse dans sa direction, comme déchiré, puis il soupira vainement.

-Quelle Question étrange…que tu me poses-là, Sam. Pertinente, comme toujours de ta part.

Samantha se raidit, et ses joues rosirent joliement sous le compliment malgré les sentiments contradictoires assaillant sa poitrine.

Alors, Yuki se pencha tendrement à son niveau.

Il posa une main sur le crâne de son élève et le caressa avec bienveillance, en plongeant ses prunelles éteintes dans celles outremer aux reflets d'argents de son élève.

Un sourire triste étirant ses lèvres.

C'était vrai, il avait tout abandonné pour elle. Tout. Pendant une seconde, à Jadielle, entre le stade déchiré, et l'inconnu, il avait vu une voie s'ouvrir. Une unique voie, que lui désignait Lily. Un chemin auquel il avait tragiquement renoncé, qu'il avait si longtemps cru chimérique.

Il est des moments charnières de l'existence. Celui-là avait été le tournant de la sienne. Il aurait put, abandonner Sam. Il aurait put partir, obtenir son diplôme, sans aucun doute, car il était doué, il était intelligent et un prodige, comme on se plaisait à le dire. Il aurait très bien put, tourner le dos à son élève, pour suivre son frère et son amie d'enfance, à Azuria. Etudier là-bas, vivre là-bas, travailler là-bas. Entourés des personnes qui lui étaient le plus cher, non loin de son idole Kain, séparé à jamais de ses parents trop ambitieux qu'il détestait. Il aurait très bien exercer sa passion à jamais, revivre les années passées d'insouciance, aux côtés de Lily et Shin. A marcher simplement sur le pont de la vie, sans se soucier du lendemain, juste aspirant le présent comme il leur venait, juste à se réjouir de leur présence éphémère.

Mais ce jour là, il avait choisi Samantha. Il avait donc perdu cette opportunité, autant que la vue. Mais comment en aurait-il pu en être autrement ? Comment aurait-il pu choisir l'autre solution, oublier jusqu'à son acte abominable pour rejoindre un quotidien emplis des regrets d'un choix immoral. Eléanore avait un jour lancé, pour pousser les autres à aider dans l'entreprise, du sauvetage de Silver, à Carmin : « Pourrez vous vivre avec ? »

Yuki savait, qu'il n'en aurait pas eu la force. Son cœur se brisait, rien qu'en imaginant l'être abjecte qu'il aurait pu devenir. Abandonner la créature innocente qui se tenait face à lui, aller jusqu'à détourner le regard de sa frimousse suppliante, emplie d'espoir et d'attentes ?

Il l'aimait. Il l'aimait tellement. Tellement qu'il se demandait parfois comment cela pouvait être possible.

-Et pour répondre à ta question…Commença-t-il, presque en susurrant, le cœur gros...

Samantha sentit un frisson merveilleux lui remonter le dos. Son cœur s'emballa de milles et unes illusions, et dans un geste qui l'étonna elle-même, elle posa sa main sur celle d'Akira, dans un encouragement muet.
Ses sens s'engourdirent délicieusement.

-Est-ce qu'on a vraiment besoin d'une raison pour aider quelqu'un ?

Samantha se figea, alors que Yuki se redressait paresseusement, sans remarquer l'émoi qu'il avait généré innocemment. Celui-ci fit une moue partagée, et continua son monologue. Et heureusement qu'il ne vit pas l'expression de son élève, qui le sang encore pulsant aux tempes, la frimousse écarlate, avait attendu une déclaration suivie d'un baiser doux.

-Je ne veux pas passer pour un stupide type qui aide tout ce qui bouge, mais…c'est un point que je veux soulever avec toi.

Et passer pour un imbécile qui ne voit même pas qu'il a loupé une occasion des plus romantiques pour rendre une fille heureuse, ça, ça ne le dérangeait pas hein ?
Samantha s'étonna elle-même de sa propre fureur, alors qu'elle se répétait à chaque heure de sa vie, combien ses espoirs étaient minces.
Malheureusement sa raison battait en retrait à chaque bataille qui la confrontait à ses sentiments tandis que les battements de son cœur, eux pulsaient à ses tempes avec toute la rage des canons.

- A trop se poser de questions, à chercher de raison, on oublie ce qui est important. Parfois, il faut juste se laisser porter, se lancer….Comme le dit très justement Eléanore…

Samantha sursauta, toute à sa colère et à sa déception, ayant perdu le file de la conversation. Elle balbutia lamentablement une rangée de mots incompréhensibles, tous plus l'un que l'autre, et Yuki ricana.

-Bon, je t'invite à danser, mademoiselle Sam !

La déclaration, si décalée, si inattendue, la laissa coite une seconde, et elle papillonna des paupières, incapable d'en saisir le sens. Yuki haussa alors des épaules, avant de lui prendre la main, pour faire la révérence et y apposer un baiser.

Elle était tombée dans la quatrième dimension !

Ce fut la première explication logique qui monta à son cerveau dépassé, en même temps qu'un flot de sang bouillant. Akira eut alors un rire amusé, et il lui fit un clin d'œil avant de murmurer :

-Je ne vois plus très bien, mais j'entends encore pas mal, alors, c'est quoi ce moon walk et cette histoire de collant ?

Et c'est à ce moment là, que Samantha remarqua Eléanore dans le fond de la salle qui hurlait l'histoire de Sam vêtue d'un collant sur la tête, exécutant ce pas, à qui voulait l'entendre. Son amie capta sa mine interloquée, et fit le signe de la victoire, les joues empourprées.

Mais elle était bourrée ?!

Akira l'emporta alors dans une pirouette sur la piste de Danse, et elle perdit de vue Eléanore, ainsi que tout le reste. La fête, les convives, les Pokémons, même le décor magique. Timidement, elle se plaqua un peu contre son enseignant, et savoura leur étreinte obligée.

Yuki resserra son étreinte autour de son élève, et il sentit ses lèvres s'étirer alors que la paix s'immisçait en lui. Soudain, avec toute la puissance d'un phare éblouissant en pleine tempête, la lumière se fit en lui. Et elle coula cyniquement sur un de ses souvenirs, tel un projecteur, accusateur.

L'image de Samantha, pas plus haute que trois pommes, encore en uniforme, étudiant dans son auditoire, apparut devant. L'élève qu'il avait rencontré, l'élève qu'il avait élevé, toute en grâce et en détermination, irradiant de sérieux et détermination au milieu de ses semblables, si plats, si obsolètes. Tous dévorés, évaporés, à peine plus consistants que de la brume, tels des substitues dans une pièce de théâtre. Elle étincelait, ainsi, sur la scène de la mémoire de son enseignant. Mais la lumière ne paraissait éclairer rien d'autres que sa poitrine plate, son visage encore rond et innocent de l'enfance. Peu importait combien sa peau pâle et douce prenait des allures d'ange immatériel. Peu importait combien sa soyeuse chevelure ondulait, telle une cascade, aux reflets illuminés. Peu importait même son regard, tel un profond océan aux zébrures d'argent sous l'éclat d'une lune imaginaire.

Il n'y avait que son âge.

Yuki se crispa et il se mordit la lèvre, alors que Samantha se calait un peu plus contre lui avec sérénité. Elle pressait sans se soucier de son désarroi, son tout nouveau corps de femme, sa poitrine petite mais ferme, ses hanches pleines. Ses longues jambes effilées se perdaient dans ses pas, tout en frôlement sensuel.

Chaque instant, chaque effleurement, tout lui arrachait un frisson palpitant, tout lui criait à l'attendrissement. Et il la tenait là, au creux de ses bras. Jamais il n'aurait put être si proche d'elle, si intime. Il lui suffisait d'un mot, d'un geste, pour l'attirer contre lui et lui révéler ses sentiments. Un seul mouvement, qui signifiait tout, et rien. Sa perte et son salut à la fois.

Il n'ignorait pas les sentiments de son élève à son égard, et pourtant…Sa main se posa une brève seconde autour des épaules de Samantha, et celle-ci tressaillit.

De nouveau, l'image de l'enfant qu'il avait connu, au milieu de la cour de l'école, le foudroya.

Il rétracta son bras aussitôt.

Ses lèvres se pincèrent avec rage et frustration.

Samantha avait beau avoir grandi, dans les ténèbres du présent, il ne parvenait pas à l'identifier autrement que cette enfant qu'il avait autrefois connu. Une petite, de onze ans sa cadette. Comment pouvait-il en être arrivé à ce point de non retour ? A cette situation, où il se trouvait emprisonné par ces sentiments outrageants ?

Il aimait une enfant ! Une simple enfant !

Une fillette qu'il avait rencontrée sur le parvis de son premier travail, une gamine, qui lui avait lancé un seul et unique regard désespéré, empli de rancune. Cette scène l'obsédait, elle ravisait ses ardeurs, ses envies, et réveillait une conscience qu'il avait longuement cru enterrée.

Il ne valait guère mieux que ces monstres qu'il blâmait sans cesse. Pas mieux que ses parents, trop sévères, poussant Shinobu au suicide, suivant simplement leurs propres ambitions. Pas mieux que les professeurs ayant ignoré le désarroi de leurs propres élèves. Pas mieux qu'un vulgaire pédophile.

Sa prise se serra douloureusement autour des épaules de Sam.

Pourquoi ne parvenait-il pas à lâcher prise, à l'abandonner ? Oublier ce sentiment destructeur grossissant en lui, dévorant le peu de contrôle qu'il tentait de conserver, annihilant ses forces, sa volonté, détruisant les barrières de sa morale, et même son envie de lutter. Il l'ignorait. Néanmoins Malgré la lancinante agonie, la tentation qu'il devait sans cesse refouler, amèrement, il restait, là. Et elle venait, elle l'enlaçait, se pendait à son cou pour rire franchement, ou se plaquer contre son buste pour demander de lui son soutien. Et ca lui suffisait, cela le contentait, vicieusement. L'Espoir venait se mêler à la bataille perdue d'avance, et il cessait la lutte, pour demeurer. Et il réalisait, chaque fois qu'il baissait les bras pour savourer simplement cet amour. Comment aurait-il pu la laisser ainsi ? Elle, à qui il avait voué sa vie, ainsi, sans même redouter l'avenir sombre dans lequel il se plongeait irrémédiablement. Elle le tenait, et ne le lâcherait jamais. Parce qu'elle avait besoin de lui. Pour le moment.

Oscillant s tous deux dans la valse, Yuki se perdit dans le tourbillon de ses questions, tandis que Samantha appréciait la danse et s'y attelait avec l'ivresse de la joie. L'insouciance d'une fillette à qui on offrait le plus attendu des présents.

Un jour, Akira le savait, il y aurait une personne, du même âge qu'elle, qui viendrait, pour la lui ravir. Samantha s'accrocherait à ses bras, autant qu'elle le faisait en cet instant avec les siens…Et elle lui enverrait son magnifique sourire. Celui de l'amour, qu'il n'avait jamais pu admirer.

Le professeur retint un frisson de dégoût. Il se souvenait encore de l'âpreté de la jalousie, quand elle était sortie avec Lucas, quelques semaines. Mais il n'avait pas bougé, il n'avait pas rechigné, il l'avait entendu rire auprès d'un autre, en serrant les poings, il l'avait senti lui échapper pour aller se jeter dans les bras d'un autre, en retenant son geste. Parce que c'était l'ordre des choses. Elle avait 18 ans, il en aurait rapidement 29. Quel genre d'amour pouvaient-ils partager ? Un jour ou l'autre, elle se lasserait, ils ne pouvaient espérer le même futur, arborer les mêmes objectifs de vie.

Parce qu'elle vivait à une étape de sa vie, que lui, avait depuis longtemps dépassée. Parce qu'elle avait onze ans de moins que lui, parce qu'elle était encore pour lui l'enfant dont il avait séché les larmes, dont il avait corrigé les copies, qu'il avait pratiquement élevée comme sa propre fille.

-Monsieur ?

Parce qu'elle le vouvoyait, parce qu'elle le nommait encore monsieur, comme pour lui rappeler leurs différences ineffables.

Akira baissa les yeux, inutilement, car elle restait une simple silhouette floue devant lui, mais elle perçut son mouvement comme un signal. Samantha rit, simplement, pour venir se blottir un peu plus contre lui en murmurant, comme le plus naturellement du monde :

-J'aime…Danser avec vous.

Et alors, le cœur de Yuki rata un battement, ne pouvant empêcher l'allégresse et l'attendrissement de le gagner.

Parce qu'elle était jeune, il l'avait connu sans poitrine, sans aucune connaissance de l'amour et de son destin de femme. Parce qu'elle ignorait encore tout de ce qu'un homme pouvait faire d'elle. Parce qu'Akira Yuki était un homme de convictions, et que pour la première fois les décisions de son cœur outrepassaient ces barrières.

-C'est très agréable de danser avec toi, Sam. Murmura-t-il, en lui caressant tendrement le crâne.

Il ferma péniblement des paupières.
Le fantôme de la fillette de ses souvenirs hanta de nouveau ses pensées.
Parce qu'il n'était qu'un sot.

« Mais qu'est-ce que tu es en train de faire Akira ? » Siffla sinistrement sa conscience.

Et il ne savait pas. Il l'ignorait. Tout comme Samantha ignorait le tourment dans lequel elle jetait à chaque instant son professeur.

Pour le moment, elle entendait simplement le cœur d'Akira battre dans sa poitrine, en posant sa tête contre son torse.

Elle ferma simplement les yeux. Une promesse muette s'immisçant en elle.

Mais si Samantha se félicitait, de danser avec son professeur, même si elle avait été ainsi manipulée par Eléa, cela n'était pas le cas de tout le monde.

En effet Cristal errait comme une pauvre âme en peine, à travers la foule, la mine triste, déboussolée. Elle scrutait frénétiquement la foule, en poussant de petites plaintes tout à fait justifiée, d'une urgence, et importance capitale :

- Foutu écrémeuh ! Où tu l'as vu ? Eléanore ?

A Gauche, Steven et Marc continuaient de danser dans un slow langoureux, avec Marion et Peter, infatigables, les mines sereines.

- Eléanore ?

A droite, elle ne voyait que Chris, et Angie, qui balançaient, grandement aidés par les Pokémons des alentours, des branches de guis entières sur les invités. Tels des blanches-neige modernes et simple d'esprit, ami de la nature et de la niaiserie. Les prunelles étincelantes, un grand sourire barrant communément leurs visages, ils paraissaient ne pas se soucier des cris indignés des pauvres malheureux piégé par la coutume. Et ils ne paraissaient pas remarquer Ash qui approchait dangereusement dans leur dos, tel un taureau enragé, non pas par du rouge, mais pas la plante.

-Elé…
-Qu'est-ce que tu fais là ?

Pendant une seconde, Cristal crut qu'elle allait hurler si fort qu'elle en éjecterait son myocarde. Lucas, à côté d'elle, l'air décontracté, il la dévisageait. Irrémédiablement, les mots se culbutèrent dans la tête de la cadette Heart, pour sortir dans une cohérence propre :

-Bah je…bah je…je…Je…Et toi pour qui te prends tu pour me demander ce que je fais là ? Toi qu'est-ce que tu fais là ?

HIII ! Elle avait recommencé, ne pouvait-elle pas incarner l'amabilité même, et simplement, soulever sa chevelure d'un air énigmatique, pour envoyer une œillade aguicheuse tout en répondant sensuellement…Elle ne savait pas quoi, une réponse féminine, et sexy. Pas ça.

Sa main passa sur ses épaules dans un réflexe, pour ne rencontrer que du vide. Elle avait toujours ses couettes hautes, c'était même foutu pour le geste à la l'oréal. Elle était maudite. Que son frère lui refile sa casquette à dévorer au moins, avec la bouche occupée, elle cesserait de déblatérer des bêtises !

D'ailleurs, la réaction déçue, se fit bien sentir, Lucas arqua un sourcil, ses épaules s'affaissèrent piteusement, et il souffla, comme dépité :

-Ah.

Oui comme il disait. AAAAAAAAH ! Cristal se serait tué. Il fallait qu'elle détourne la conversation, si tant est qu'on pouvait nommer cet échange ainsi, elle adhérerait plus pour un titre comme « foirage total » ou « comment ruiner toutes ses chances en un coup ».

-Qu'est-ce que tu tiens dans la main ?

La grande asperge tressaillit, quand elle pointa d'un doigt curieux une sorte de médaillon, gros comme le poing, qu'il tenait fermement. D'un geste précipité, il le camoufla d'abord derrière son dos, puis, comme pour répondre, il le ressortit par réflexe –il avait tendant à faire de grandes gestes de bras en parlant- il le fourra aussitôt dans sa poche. Embarrassé.

-Oh rien un truc que m'a demandé Sam. Bafouilla-t-il.

Génial, elle avait un radar pour dénicher les gay, les pestes, et maintenant les objets des ex-petites copines. Mais n'y avait-il donc rien chez elle qui marchait correctement ?

Cristal détourna des yeux tristement.

-Ah.

Lucas ne sembla pas discerner ce changement –aussi discret pourtant qu'un ramoloss doté d'ailes voletant sous son nez- et il sourit :

-Je t'ai vu danser tout à l'heure. Avec ton frère.

Cristal plaqua ses mains sur ses joues, pour en camoufler la rougeur embarrassante, et trop brusque, elle se les claqua violemment. Voilà, maintenant, elle avait tout gagné, elle avait mal, et en plus, elle avait les pommettes en feu. Elle plissa furieusement des yeux, et vociféra de frustration, elle-même nourrie de ses échecs répétitifs :

-Roh, c'est bon pas la peine de te moquer Louka, je sais que je danse mal.

Loin de nier Lucas pencha la tête sur le côté et rit naturellement :

- C'est vrai que c'est pas glorieux !

Cristal devint écarlate. Non mais, il se moquait en plus !

-Parce que tu danses mieux peut-être !? S'écria-t-elle, furieuse.
-Bah… c'est moi qui ai appris à danser à Sam. Concéda le garçon, brusquement mal à l'aise face à la colère de son interlocutrice.

Cristal se figea, comme plongée dans un bain d'eau glacée, et son cœur parut imploser, pour tomber en morceau dans son poitrail. Chaque éclat raclant un peu plus ses entrailles en chutant irrésistiblement avec fracas.

Décidément, elle ne pouvait éclipser Sam. Dès qu'ils parlaient, Lucas citait toujours sa meilleure amie. Cristal n'était pas stupide, elle savait bien qu'il y avait eu, au cours des ces dernières années, des histoires entre eux. Une relation plus intime, qui même si elle n'était plus d'acutalité, la narguait.

Elle ne détestait pas Samantha, bien au contraire, elle l'adorait. Mais parfois, la distance qui les séparait, la meurtrissait profondément. Elle était belle, gentille, elle demeurait la confidente et amie de Lucas, se rapprochant, la semant un peu plus chaque jour. Elle, n'arrivait même pas à exprimer correctement ses sentiments à l'égard du garçon.

-P-Pas étonnant de savoir bien danser de la part d'un Gay !

Lucas écarquilla des yeux, et s'il avait pu percevoir les cris intérieurs, nul doute que celui de Cristal lui aurait brisé les tympans. Comprenant son erreur, Cristal esquissa un mouvement pour s'enfuir, mais il lui saisit fermement le poignet. Celle-ci tituba, et leva la tête, une expression étrangement craintive déformant sa frimousse ronde.

- Je crois qu'il y a un malentendu. Affirma Lucas, déstabilisé.

Si seulement il n'y en avait qu'un !

-Oh non, je ne m'en fais pas, j'ai ma malédiction, c'est comme la malédiction des placards de Sam. Moi j'suis maudite des gays. C'est tout. Se résigna Cristal.

Le faciès de Lucas se durcit pour devenir sévère et il grommela :

-Dans ta bouche, on dirait vraiment que c'est moche d'être gay ! Tu t'en rends compte un peu ?

Cristal s'empourpra brutalement, mais cette fois, elle avala de travers sa salive en sifflant, étranglée, ébahie :

-Q-Quoi ?

Lucas fronça les sourcils et croisa les bras, pour les décroiser aussitôt, en marmonnant, accompagné de ses habituels grands gestes éloquents :

-C'est vrai ça, on dirait entendre mes parents, et gnagna…les gays c'est moches…gnagna, les gay c'est contre-nature.
-J-Je pense pas comme ça !

Lucas eut un regard sceptique avec une moue déçue, et il détourna les yeux en murmurant :

-On ne dirait pas vu comment tu parles !

Et là ce fut trop pour Cristal. Qu'on la traite de maladroite, d'asociale, de garçon manquée, passe encore –elle l'était- mais qu'on ose la traiter d'homophobe, il n'ne était pas question ! Son frère était homosexuel ! Son premier amour était homosexuel ! Si elle avait été du bord de ceux traînant des rancunes, alors elle ne savait même pas ce qui était bon pour elle !

Elle avait certainement plus de raisons que n'importe qui pour détester les gens avec ces tendances, et pourtant elle n'arrivait pas à les détester. Pire, elle les plaignait, compatissait à leurs égards, leurs fortunes malheureuses !

Elle devint écarlate, les poings serrés avec convulsion et répulsion, puis dans un bond, elle se redressa, pour planter ses prunelles emplies de colères, débordant de cette injuste accusation, tels des éclairs. Fut-ce la menace de l'orage, même métaphorique, en tout cas, Lucas tressaillit.

Pourquoi personne ne comprenait-il ce qu'elle essayait de dire si fortement ? Pourquoi les mots qu'elle crachait si difficilement dans les conversations sonnaient si faussement, avec tant de doubles sens et d'idées non voulues ! Elle aurait aimé les arracher, les écraser, les massacrer, toutes ces phrases qui ne sortaient pas. Et plus encore ceux en face d'elle, qui refusaient de percevoir le tourment qui l'occupait avant chaque parole.

-J'j'j'ai…

Lucas se pencha vers elle, intrigué par les murmures sifflants qui paraissaient fendre la poitrine de la cadette Heart. Celle-ci, avait baissé de nouveau la tête, les lèvres pincée, elle lui rappelait douloureusement Daniel.

Elle arborait en ce jour une faiblesse, une facette d'elle, qu'il entrevoyait trop rarement. Cette douceur, peur refoulée du contact. Comme si le monde qui l'entourait ne pouvait pas supporter les secrets qui pesaient sur son cœur. Comme si chaque action de sa part pouvait lui arracher tout ce en quoi elle tenait.

Le cœur de Lucas bondit, avant de s'attendrir tendrement, pour jouer une mélodie aux accords familiers, serein. Etrangement, son agacement se dissipait, devant sa moue touchée. Comment pouvait-il simplement lui en vouloir, lui refuser quoi que ce soit, quand elle affichait une telle expression peinée ?

Il contempla la gamine face à lui, et une furieuse envie de la prendre dans ses bras, de simplement la tenir tout contre lui. Juste lui offrir un soutien, un confident, une épaule. Pour la sentir près de lui, l'odeur de ses cheveux, le contact satiné de sa peau.

Il fit un pas en avant, sans même s'en apercevoir, et ses bras passèrent au dessus de ses épaules dans un frôlement. Son menton effleura ses premières mèches rebelles aux éclats rêches sous le gel. Ils sentaient le citron. Il ferma les yeux paisiblement.

Puis brusquement tout bascula. Cristal inspira fortement et releva la tête pour hurler, envoyant un coup de boule à Lucas par la même occasion dans sa précipitation :

-J'AI EU UNE PERIODE YAOI ! JE NE SUIS PAS INTOLERANTE JE COTOIE DES GAYS SANS PROBLEME ! ET POUR AUTANT QU'ILS SONT D'ACCORD AVCE MOI POUR TUER TOUTES LES VACHES JE VEUX BIEN MËME ETRE LEUR AMIE ET PRENDRE DES PHOTOS ! ALORS NE DIT PAS CA !! EN PLUS LES ANIMAUX AUSSI ONT DES RELATIONS HOMOSEXUELS D'APRES LES SCINETIFIQUES C'EST NATUREL D'ESSUYER TOUS LES BORDS QUAND ON EST EN MANQUE !

Lucas recula en se tenant la mâchoire –douloureuse- et un énorme silence suivi le hurlement de Cristal. Pas seulement de la part du brun mais de tous les invités, qui la dévisageaient, hagards, pétrifiés. Blancs, les prunelles écarquillés, on aurait presque put entendre une mouche voler, mais de toute évidence, la mouche se fit supplantée par un Pierre Rochard qui enchaîna :

-OUAIS BIEN DIT PETITE ! CHACUN SA LIBERTE !

Et celui-ci partit en rigolant, pour relancer la musique. De toute évidence ïvre, vu l'expression furieuse que lui envoyait son compagnon Marc.

Le brouhara finit par reprendre, doucement, naturellement, comme si de rien n'était. Si on oubliait Cristal qui devait pouvoir concurrencer une tomate trop mure, avec un teint écrevisse, pétrifiée encore en plein élan. La mâchoire serrée, une expression indéfinissable, probablement proche de la honte suprême à la suite de cette humiliation, elle tourna la tête difficilement en direction de Lucas. Son cou émit un grincement inquiétant, presque comme rouillé, et il pouvait presque entendre toutes les articulations de la jeune fille s'entrechoquer alors qu'elle balbutiait :

-Tu vois je suis pas homophobe.
-Oui je crois que tout le monde a entendu. Remarqua Lucas avec plaisanterie, tout en se massant encore le menton.

Du rouge, Cristal vira au bleu et d'un pas chancelant s'approcha d'une poutrelle massive de bois, soutenant la terrasse du chalet le plus proche.

D'un coup sec, elle se fracassa le crâne dessus.

Ainsi mourut Cristal. Paix à son âme.

Du moins c'est ce qu'elle aurait voulu dire, mais elle ne parvint pas à se tuer pour effacer l'humiliation et obtint juste un furieux mal de crâne.

Vite sa technique pour le chasser Le mal de crâne est une vache qui broute paisiblement. Maintenant tu prends une hache, et tu la découpes !

Cristal afficha un sourire comblé, alors qu'une énorme bosse saillait déjà son sa frange et Lucas se demanda une brève seconde si elle avait encore toute sa tête. Et si lui, par voie de fait, avait encore une once de raison pour continuer de la fréquenter. Devant son sourire rêveur, encore une fois si proche de celui qu'arborait Daniel sur les chemins, il se sentit fondre inextricablement. Il prononça alors sur un ton beaucoup plus faible, plus léger et doux :

-Mais alors pourquoi toujours dire que je suis gay ?

Cristal s'arrêta, une seconde, et lui lança une œillade navrée. Il y eut un moment de suspend, où Lucas apprécia simplement leur doux échange muet, se noyant dans l'azur de ses prunelles, flottant au milieu des cieux. Il lui paraissait flotter, en apesanteur. Paradoxal flottement, alors qu'il sentait ses deux pieds bien ancré sur terre, pourtant ses organes dansaient langoureusement dans son ventre et allégeaient toutes ses émotions, les parant d'un voile d'insouciance et de bien être. Un peu comme emporté par le courant tranquille d'une rivière, juste emporté, soulevé, avec pour seul mélodie, le bruissement des flots, et les battements de son cœur, lent, à ses tempes. Une action d'une extrême lenteur, et d'une volupté bien trop rapide. Il aurait désiré que cela dure une éternité.

Cristal en décida autrement, elle se crispa, comme pour étouffer un commentaire, et fit volte-face. Elle donna un nouveau violent coup de tête à la poutre. Cela eut au moins le mérite de sortir Lucas de sa léthargie digne de la pire des guimauves, et peut être, lui épargna quelques caries. En tout cas, il se précipita vers la cadette Heart pour l'arrêter dans son œuvre de destruction massive…

De la poutre elle faiblissait, mais sa tête tenait bon.

-Mais enfin ! Arrête ! S'inquiéta le brun, dépassé.
-Mais…mais…Bafouilla Cristal entre deux hoquets. Comme d'habitude Si je te dis ce que je vais dire tu vas te vexeeer comme d'habitude parce que je vais pas le dire correctement ! Comme d'habitude ! Et ça va encore hurler dans ma tête c-comme…Comme d'habitude… !

Lucas arqua un sourcil, et il ne put retenir un pouffement devant le désarroi de Cristal.

-Bah essaye toujours ! On ne sait jamais sans avoir essayé ! L'encouragea-t-il simplement. –Comme tu le fais d'habitude. Ajouta-t-il dans un rire.

Cristal ouvrit les yeux, perplexe, puis elle se mordit les lèvres, avant de murmurer, penaude :

-C'est que…c'est que…T'as tout, t'as l'attitude, les fringues…Ca m'exaspère tu comprends, qu'un garçon parviennent à être aussi féminin, précieux parfois, alors que moi j'y arrive pas !

Cristal bouda une seconde, puis elle osa jeter un coup d'œil furtif derrière elle. Lucas ne bougea pas, dans la même position, bloqué dans son élan, il tenait encore fermement les épaules de la jeune fille, pour l'empêcher de se frapper. Un sourcil arqué, il paraissait ne pas comprendre la phrase. Ou peut être justement, la comprenait-il trop bien et son cerveau, pour éviter le traumatisme, bloquait l'information.

Oui ça devait être ça. Oh non elle avait encore recommencé, et choqué. Il allait finir en mode ruminant, ou pire en écrémeuh, on disait bien que certains finissaient en légume. Lucas allait finir en vache et tout ça c'était de sa faute ! Elle allait finir par le tuer mentalement en voulant éviter le mal de tête en plus !

Vite il fallait qu'elle dise quelque chose, détourner l'attention. Pour une fois, pas une connerie, se persuada Cristal. Oui, mais s'il finissait en mode bovin comme maintenant ? AH ! elle n'en pouvait plus de cette poussée de bêtise, ça venait, ça la démangeait et ça explosait, purulent sans qu'elle puisse rien y faire, impuissante, comme, comme…Comme des boutons d'acné !

Cristal eut comme un instant, infime de lucidité, et sa raison se tût. Une seconde et demie, très exactement.

De mieux en mieux. Elle allait finir boutonneuse en plus ! C'était foutu, elle n'avait plus aucune chance de réussir à le conquérir.

Sa conscience, seule forme de modération et logique en elle, devait avoir finit ses bagages et être partie au large. Effectivement, elle n'avait plus la moindre chance.

Décidée, malgré tout, à fuir sur de bonnes bases –on lui avait inculqué la politesse et le savoir-vivre tout de même ! –un peu- Cristal prit son courage à demain, serra les poings, et rectifia comme elle put :

-Enfin non pas féminin, dans le sens physique, mais tu vois…t'es gracieux comme une fille…tu…tu parles mieux que moi, parfois comme une fille, tu fais comme de la poésie avec les mots…Et…Moi je..j'y arrive pas à tout ça…j'dois vraiment être une ratée comme fille…Ma mère…Elle…c'était une vraie fille, c'est pour ça, qu'elle a eu la chance d'avoir papa…Et elle c'est à croire qu'elle m'a rien refilé et…

Elle porta instinctivement sa main sur le collier autour de son cou. Parfois, elle se remémorait les disputes fréquentes avec sa mère, l'ambiance de la maison à l'époque de son enfance. Etrangement, elle avait toujours pensé que sa mère ne la tenait pas en haute estime, elle lui rabâchait ses kilos en trop, remarquait son manque de goût pour les vêtements, lui intimaient qu'elle n'avait pas le profil pour la médecine, et encore moins la cervelle… Elle n'était pas belle, ni intelligente, ni même élégante, elle n'avait rien d'une fille et ressemblait à son père.

Sa mère le lui avait rappelé chaque jour que Dieu lui avait accordé. Et Cristal était partie. Partie, enfuie, avant d'en venir à se croire bonne à rien elle-aussi, avant de voir tout espoir de réussite lui échapper, de perdre sa confiance si fragile en elle-même. Car devenait-on, quand on ne croyait même pas en sa propre personne ? Si l'on espérait rien de plus, que la vie ?

Elle leva lentement les yeux vers Lucas, et eut un sourire timide, avant de porter un doigt sur ses lèvres, comme pour la clore, retenir les mots trop maladroits qui menaçaient de lui échapper.

Il était magnifique, peut-être, seulement à ses yeux, mais il paraissait irradier, d'une aura envoutante. Comment, une fille aussi plate et commune qu'elle, si peu féminine pouvait l'attirer ? Il aimait celles aux profils haut et digne, fière et fragile, tel un ange, tel Samantha. Cristal n'avait pour elle que sa passion pour la médecine.

Lucas observa simplement la scène, et il ne put s'empêcher de soupira, attendri, les émotions se balançant chaotiquement en lui. D'un geste désinvolte, il s'avança vers Cristal. Il aurait aimé, lui montrer, combien elle pouvait être mignonne, être un miroir pour lui renvoyer l'image qu'il tenait d'elle et faisait chavirer son être. Il aurait apprécié, pouvoir la tenir contre lui, et transformer cette expression de solitude, pour y dessiner un sourire.

Etrangement, il porta sa main à la chevelure de Cristal, et défit simplement les élastiques qui retenaient ses couettes. Un rideau volumineux et hirsute retomba lourdement sur les épaules musclées de la jeune fille, qui en écarquilla les yeux. Lucas lui tapota simplement la joue, et il envoya avec une confiance évanescente :

-Tu vois, il suffit d'arranger un peu ça, et de lâcher tes cheveux un peu…Et voilà, avec un sourire, tu es magnifique !

Cristal s'empourpra et elle attrapa aussitôt une mèche de cheveux fugitive, pour la caresser, étonnée. Elle sentait pourtant la rudesse de ces longs filins, mal soignés, sans cesse figés par le gel. Pourtant, sa poitrine se gonfla d'allégresse sous le compliment. Un sourire étira ses traits pour se joindre à ses pommettes tendrement rosée.

Lucas sursauta, et son visage se détendit. Il hocha simplement du chef, comme pour lui signifier muettement, qu'elle lui présentait ce qu'il espérait. Puis sans laisser le temps à cristal de se remettre de ses émotions, il lui saisit le poignet, pour l'entraîner vers la piste de Danse.

-Je vais t'apprendre à danser. Déclara-t-il.

Le sang de Cristal ne fit qu'un tour.

-Je vais t'encastrer dans un mur c'est une mauvaise idée !

Lucas s'arrêta, au milieu de la foule. Puis il l'attira contre lui, pour enserrer sa taille d'un bras, et lever bien haut leurs deux mains enlacées, avant de lui sourire patiemment, sans le moindre doute :

-Je prends le risque, et puis, tu auras du mal, vu qu'il y a pas de mur !

Cristal ouvrit la bouche, mais aucun son ne lui échappa, si ce n'est un gargouillement ému, très peu gracieux. Lucas ne s'en offusqua pas, et il recula, d'un pas, pour l'entraîner à sa suite dans une valse.
Il ne craignait pas sa maladresse, et n'observait même pas ses pieds, pour les protéger d'une éventuelle attaque. Il paraissait particulièrement serein et confiant en les capacités de sa partenaire.

-Tu sais pour mes parents aussi, quoi que je fasse, c'était jamais assez bien pour eux…

Cristal frissonna, ignorant comment il avait put ainsi deviner sa plus lourde et douloureuse déception, et il lui opposa une expression solitaire familière. Similaire à celle, qu'elle avait observée chaque matin de son enfance, dans le reflet que lui offrait son miroir. Cette expression de résignation, d'incompréhension, ce regard perdu, désœuvré, souligné par les cernes des questions, de l'effort vain. Elle se mordit les lèvres, honteuse.

Oui, aucun d'eux, ne pouvaient ignorer cette attitude, pour l'avoir trop souvent endossée, ils la connaissaient, elle faisait partie à jamais d'eux. Cicatrice indélébile, inestimable échec.

-Mais finalement maintenant…Bafouilla Cristal, le timbre tremblant.
-Oui, à force, ils sont devenus fiers de moi, ils m'appellent tous les mois, et je leur raconte mes aventures comme « héros » qu'ils disent ! Sourit Lucas, avec froideur, malgré ses prunelles scintillante d'une fierté, qu'il n'osait afficher en public.

Peut-être de peur, qu'elle vole en éclat dès qu'il la saisirait à pleines mains. De crainte de la briser à jamais, de se saigner, couper en s'y livrant totalement.

Elle-même, ignorait, comme elle pourrait réagir, en obtenant étrangement, du jour au lendemain, un compliment de la part de sa mère.

Elle baissa aussitôt des yeux, pour se concentrer sur le mouvement de ses jambes, se vider l'esprit. Elle ne désirait pas songer à cela, par maintenant qu'elle dansait avec Lucas. Elle était libre à présent, de ces tourments, libre de vivre son ambition, simplement limitée par ses propres capacités, et non par le regard des autres, et encore moins celui de sa famille. Sauf peut-être, celui de la personne qui menait ses pas en cet instant.

-En tout cas, si jamais tu as besoin de soutien pour affronter ta famille…Préviens-moi, et je viendrai. Je sais combien la présence d'une personne peut aider. Murmura-t-il simplement, ses paroles se fondant à la musique.

Cristal s'empourpra, et les mots coulèrent d'eux même, vifs, âpres, cassant, alors qu'elle n'aurait désiré lancer qu'un simple merci empli de grâce et de volupté :

-Je n'ai pas besoin de ton aide Louka, je suis assez grande pour m'en sortir toute seule, au cas où tu ne l'aurais pas remarqué !

Etait-il encore trop tard pour se tuer ?

Pourtant, étrangement, Lucas ricana, amusé.

-C'est vrai. Excuse-moi.

Puis, simplement, comme la feuille tombe d'un arbre en pleine automne, avec toute la légèreté et le naturel de l'instinct, tel le découlement perpétuel des saisons, la bruine tombant sur eux dans une mélodie bruissant, il se pencha vers elle et déposa un baiser sur sa joue.

L'accord de la chanson autour d'eux parut se suspendre dans une note d'éternité. Interminable, vibrant au même rythme que le cœur de Cristal. Et pourtant, elle s'acheva. Lucas se redressa, remit en place une des mèches encombrant la frimousse pétrifiée de la jeune fille, et il sourit :

-Mais en tout cas, elle ne pourra pas dire que sa fille n'est pas féminine sans avoir affaire à moi !

Cristal resta là, sans réaliser, debout au milieu de la piste de danse, exécutant les mouvements qu'il lui insufflait d'un simple geste avec automatisme. Le regard encore brumeux, perdu dans les accords de la mélodie qui s'était jouée une seconde auparavant, qui avait implosé en elle, pour emporter dans un concert chaque parcelle de son être.

Soudain, Pilou la pikachu, au dessus d'eux, s'amusant à faire des glissades sur le mur psychique des Pokémons qui protégeaient les fêtards de la pluie, heurta Capumain. Celui-ci grogna, et lui envoya une torgnole, fâché, avant de s'enfuir en piaillant. Il bondit, pour sauter sur le dos d'un Silver qui partait mélancoliquement. La souris électrique s'offusqua, et elle envoya aussitôt un éclair dans leur direction.

Celui-ci heurta ses victimes avec toute la puissance de l'irritation du petit animal à l'orgueil surdimensionné. Tel un éclair vengeur envoyé par un dieu de la foudre mythologique, il gronda. Et si Silver et Capumain en tombèrent, crachotant simplement de la fumé, grillés, mais pas effrayés, juste mécontents, ce ne fut pas le cas de tout le monde.

Le bruit du tonnerre causa probablement plus de dommage à Lucas. Un flash aveuglant, le son écrasant, et son souffle se coupa.

Un dialogue appartenant tout entier aux deux tourtereaux débuta, qu'eux seuls devaient comprendre d'ailleurs –et encore peut être qu'eux même n'y comprenaient goutte en vérité-, de même que l'habituelle théorie des Domino.

-IIIIIIIIIIH ! Hurla Lucas apeuré par l'éclair.

D'un réflexe instinctif, il lâcha toute prise et se jeta au coup de Cristal, tremblant comme une feuille. Terrifié. Et ce fut ce contact physique, si brusque, si brutal, qui sortit la cadette Heart de sa Catatonie.

-AH !

Elle écrasa méchamment le pied de Lucas.

-AAOUCH !

Lucas se redressa, bondit, saisit son pied, et perdant l'équilibre, il tomba pratiquement sur Cristal, qui perdit toute notion de raisonnement, son cerveau assaillit sous un afflux de sang bien trop important.

-IIIIIIIIIIH !

Elle rejeta son assaillant avec une puissance toute neuve, et Lucas fit un vol plané, avant d'aller s'écraser lamentablement contre le mur psychique des Pokémons psy qui entourait le côté nord de la piste pour les protéger du vent.

Alors que son ancien cavalier titubait se massant encore le crâne, tout en scrutant les alentours, comme craignant un orage, Cristal elle, se plaqua la main contre son front. Misérable.

Même ne pleine nature elle parvenait à trouver un mur où l'y envoyer.
Elle était décidément un cas désespéré !

Pourtant, Lucas, après sa frayeur passé et réalisant qu'il n'y avait aucun risque de tempête, se calma. Son sourire attendri revint illuminer sa silhouette.

Sur ce point, Cristal ne ressemblait aucunement à Daniel, ses élans de paniques, ses moues effrayées, sa façon de sortir n'importe quoi sous le coup de l'émotion, alors que la situation n'exigeait en rien le stress. Ce mélange de sang froid sur le terrain, et de maladresse dans les mots, dans la vie, c'était Daniel. Mais Cristal possédait une mimique peut-être, un il ne savait quoi de plus, qui changeait toute la donne. Qu'il faisait qu'il l'aimait.

Lucas se figea à l'entente de ses propres pensées.

Un peu plus loin, en revanche, Daniel n'écoutait qu'évasivement les siennes, sans se douter de la comparaison qu'on tenait entre lui et la cadette Heart.

Les mains sur son appareil photo, il tâchait de prendre les Pokémons qui jouaient si inconsciemment sur le toit de verre de leurs confrères psychiques. Il adorait ce jeu, capter l'expression d'une seconde pour la figer dans l'éternité. Petit, il rêvait d'être un jour capable d'une telle prouesse.

Soudain, alors qu'il essayait de prendre un Silver qui poursuivait une Pilou rieuse, lui ayant volé une casquette jaune, il s'arrêta. Eléanore venait d'entrer dans l'objectif, riant aux éclats aux côtés de Régis, et quelques autres.

Il ne put se retenir, il pressa le bouton de l'appareil pour l'immortaliser, cette frimousse rieuse et insouciante. Elle semblait si lointaine à présent. Si heureuse.

Il contempla simplement le cliché, sur le menu de l'engin, et sourit, attendri. Un de plus pour sa collection. Le plus beau de tous, certainement. Celui, où enfin, son sourire ne révélait que sincérité. Cela aussi, il en avait rêvé.

-Vous faites quoi ?

Daniel ne sursauta pas, presque aussitôt il reconnut le timbre gazouillant de Christopher, et il se tourna simplement vers lui, serein. La grande asperge jetait des coups d'œil curieux au dessus de son épaule, aussi, lui présenta-t-il naturellement son précieux appareil, pour lui signifier son activité. Les prunelles, de Chris s'illuminèrent d'étoiles.

-Oh ! Vous avez trouvé un truc pour fêter l'évènement en amoureux ?

A l'entente du mot tabou, Christopher se clona, ou plutôt, son clone accourut, Angie vint encadrer à son tour Daniel, avec une moue goguenarde. Devant leur insistance, pour le moins stressante –pour le commun des gens- Daniel se sentit obliger de murmurer :

-Heu…nan…

Les deux ex-bandits s'affaissèrent, déçus, comme ayant reçu une énorme pierre sur la tête. Silver aurait certainement élevé ce dit caillou capable de les assommer à ce point au rang de trésor national. Cependant, devant leurs mines déconfites, Daniel comprit qu'il les avait déçus, et il murmura, penaud :

-…Vous pouvez m'aider à trouver un truc qui lui ferait plaisir ?

La dernière fois qu'il avait demandé des conseils à ce sujet, c'était à la fille brune là-bas, son nom lui échappait, celle qui dansait avec Akira Yuki. Il en avait résulté tout une aventure, qu'il avait achevé dans une chambre froide –allez savoir comment-. Il n'oublierait jamais le sourire de dément qu'elle avait affiché face à sa requête. D'ailleurs, Chris et Angie affichaient une magnifique imitation de celle-ci, ils étaient doués !

Oh-oh.

Daniel qui n'avait jamais ressenti le moindre sens du danger et de la survie, eut pour la première fois entendit pour la première fois de sa vie la sonnette d'alarme strident de son instinct primal. Trop tard. Les dons de Psychologues – malgré eux- des ex bandits avaient encore frappés !

« Je crois que j'ai les oreilles qui sifflent… »

Daniel se frictionna les tempes avec incompréhension.

Ou pas.

En attendant, les deux ex-bandits babillaient, les joues rouges, le regard brillant, et dansaient une sorte d'équivalent à la gigue. AU moins, ils paraissaient aux anges, cela ne pouvait pas être une si mauvaise action.

D'un même mouvement synchrone, les deux voleurs se penchèrent sur Daniel, avec des regards hallucinés, des sourires presque vampiriques étirant leurs traits.

Et merde, maugréa la voix.

-Nous allons vous aider ! Jura Christopher, tel un chevalier prêtant allégeance à son souverain.
-Ecoutez, voilà quelques trucs qui pourront peut-être marcher ! Ajouta Angie.

Elle attrapa Daniel par le col et lui chuchota quelques mots à l'oreille sur le ton de la confidence. Et là le miracle Chris et Angie se produisit, à nouveau.

Daniel vira au rouge vif et il rugit :

-HORS DE QUESTION ET JE SUIS QUASIMENT SUR QUE C'EST PUNI PAR LA LOI !

Et la nouvelle n'aurait pas eu plus d'effets dévastateurs sur les bandits que si, à l'instant même, Pilou avait décidé d'abandonner le martyrisage de Silver, pour les foudroyer.

Christopher devint blême et plaqua ses mains sur ses joues, comme exsangues, et il plongea dans les bras d'Angie en sanglotant piteusement :

-ANGIE ON EST DES MECHANTS DE NOUVEAU !!

Ce à quoi répondit la principale concernée avec un air déboussolé :

-Mais pourtant on porte du BLANC ! On n'peut pas être redevenus méchants !

Gold qui passait par là et avait sûrement entendu l'intégralité de la conversation, tout occupé qu'il était à déprimé en sirotant du jus d'orange, ne put alors retenir un commentaire fort courtois :

-Putain vous êtes pas tous les trois des êtres asexués ?!

Devant sa mine profondément ahurie, quasi traumatisée, un silence solennel s'imposa. Ou plutôt une grosse remise en question de la part des accusés.

Mais le lecteur devra plutôt se concentrer sur Eléa, plutôt que sur les délires totalement traumatisant et de plus plus préoccupant de l'auteur de cette fiction.

-C'est une mission alors c'est décidé ! Hurlèrent Chris et Angie des étoiles dans les yeux, telle une madone de Lady Oscar, oubliant ses préoccupations primordiales la seconde auparavant. Les deux voleurs pointèrent le ciel du doigt, avec détermination.

Gold trouva plus sage de se remettre à siroter son jus d'orange, en observant un Daniel, qui ne comprenant pas vraiment ce qui se déroulait, et quel était l'enjeu de cette nouvelle mission, imita les ex-bandits dans un « ouaiiis » pas très sûr, mais au moins feignant l'enthousiasme.

Asesxués. Ou Crétins. Peut être les deux, songea simplement l'aîné des Heart.
Ou Géniaux. Sourit-il une seconde plus tard, alors que les rires des deux brigands, communicateurs, chaleureux, lui arrachaient un sourire.

Maintenant le lecteur doit, pour sauvegarder sa santé mentale, se détourner.

Eléanore, elle, n'avait que faire de ce genre de détail, elle avait Miyu pour protéger sa conscience – si tant est qu'elle en possédait une- et même si elle ne parvenait pas à le discerner dans la foule, elle comptait sur lui, pour pouvoir se lâcher totalement.

-Eléanore, tu as vu ta tête, m-mais tu as bu ?! S'exclama Régis, alors qu'il papotait tranquillement auprès d'Alizée et Cynthia, la seconde précédente.

Eléanore fronça les sourcils, et elle se pencha en avant, les mains sur ses hanches, manquant de tomber à la renverse. D'un ton empli de mauvais foi, elle rétorqua, la voix cependant trop lente et pâteuse pour camoufler la vérité :

-Maieuh non, j'ai pas bu !

Elle hoqueta, et si les femmes à côté de Régis pouffèrent, lui grinça :
-Mais si enfin tu es pompette !
-Mais non enfin juste une goutte !

Oui c'est ça elle était une goutte pompette. Eléanore ricana nerveusement, fière de sa blague mentale.

-Puis d'abord, j't'en pose des questions moi ? Grogna-t-elle sur le même coup, en fixant Régis…Si seulement il voulait bien arrêter de vaciller.

-Eléanore…Marmonna le savant en voyant sa protégée tâcher de reprendre contenance, tâche ardue, apparemment, si on en jugeait par le dodelinement presque constant de sa bouille renfrognée.

Pourtant, Eléanore se redressa –elle vacilla de nouveau, manquant de chuter en arrière, mais se reprit, pour lever le nez- tout en rigolant, mesquine :

-Tiens je pourrais te poser plein de questions, par exemple, pourquoi tu rougis toujours quand on parle de Duplica, !

Régis s'empourpra furieusement. Elle se trompait, lourdement. Totalement ! Duplica l'aidait juste, parce qu'elle avait des métamorph, petites créatures très utiles, pour accélérer le développement des bactéries. Il n'y avait strictement rien !

-Pourquoi tu m'aimes plus que Sacha, moi, pourquoi tu es fâché, pourquoi tu t'es accroché au remède, et pis, et pis…pourquoi t'as plus le médaillon autour de ton cou ?

Elle pointa du doigt son flanc totalement vierge de son habituel porte bonheur, et cette fois Régis concurrença les tomates.

-E-El…Bredouilla-t-il maladroitement, déstabilisé.

Eléanore éclata de rire, innocemment, juste ravie d'avoir réussi à combler ainsi d'embarras son sauveur.

-Il va falloir d'y habituer Régis, parce que grâce à toi, je vais vivre, et je vais te poser, pleins de questions !

Elle afficha son habituel sourire lumineux malgré le rose alcoolisé colorant ses joues.

-Toujours, toujours ! Parce que…Parce que…Je t'aime et je veux que tu sois avec une fille géniale et que tu aies une vie géniale…Géniale !

Alizée tapota l'épaule de Régis, écarlate, cramoisi, et encore tout un camaïeu de couleur sanguine, et elle pouffa :

-N'oublie pas de respirer ! Lui conseilla-t-elle doucement.

Et le savant aspira une goulée d'air précipitamment, alors qu'Eléanore ricanait, comblée.

-Définitivement pompette ! Marmonna Régis dans un rictus amusé.

Eléanore lui tira la langue, taquine, sans se soucier de sa réparti. Puis brusquement, elle se dressa, lorgna sur la foule, tout en s'exclamant :

-Oh Cristal ! L'écrémeuhmeuh !

Ils la virent fendre la foule, pour aller prendre une Cristal, dans un état pitoyable, presque pire que l'héritière des Sarl, toute balbutiante et claudiquant, couleur écrevisse. La raison évidente de son attitude, se révéla cependant, non pas la boisson, mais Un Lucas encore étalé à l'autre bout de la piste contre le mur invisible.

Régis soupira, attendri par la gaieté de sa protégée, et il scruta la foule une seconde autour de lui.

Le tumulte de la foule l'apaisait, grondait tout autant que la musique, apaisante. Comme pour imiter le fourmillement de ses idées, pour souligner le chao de l'avenir qui leur restait à tracer. Beaucoup détestaient la masse grouillante d'êtres humains. Pas lui. Il avait toujours grandi entouré, de sa sœur, de Sacha et Eléanore, des fans de son grand-père, puis des siens, de ses collègues. La solitude, elle, en revanche, ne lui convenait guère.

Ainsi, là, au milieu de tous ces étrangers ou presque, il avait l'illusion que tous partageaient son entrain et sa félicité.

-Tu veux bien surveiller Eléanore quelques minutes Alizée, j'aimerai bien appeler quelqu'un pour annoncer la bonne nouvelle.

Il ne parvenait pas à cacher sa bonne humeur, et ce fut avec une grimace presque honteuse que la championne de Cimetronelle lui annonça :

-Je veux bien surveiller, mais la dernière gamine que j'ai gardée, elle a trouvé le moyen de faire du funambule sur un fil électrique couvert de lampions et de tomber dans la lagune pour disparaitre pendant trois jours.

Régis arqua un sourcil, et Alizée passa une main embêtée dans sa chevelure, avant de ricaner pour alléger l'atmosphère. Finalement, le savant souffla :

-Dans ce cas, je vais la surveiller tout seul, merci.

Oui effectivement cela valait peut-être mieux.

-Tu parles de ma filleule là, Alizée, non ? Déclara alors Cynthia, pendant que le savant s'éloignait de leur groupe.

Alizée opina du chef avec un entrain, comme si toute cette histoire n'était qu'évidence et naturel même :

-Tout juste, et au fait comment va-t-elle ?

Effectivement, Alizée n'était pas le chaperon le plus concentré qui soit, la pensée volatile, comme l'élément qu'elle maitrisait, elle oublia totalement Eléanore. La jeune fille, elle en revanche, tituba jusqu'au groupe suivant. Makanie et Aaron, entourés de Lucio et Adrien…

En vérité, Adrien semblait mort de rire, aux côtés de Lucio, tous deux observant le manège de la femme enceinte. Elle s'avança vers eux, et elle perçut les paris lancer entre les deux champions, sans même se soucier d'être discret :

-Je parie 50 qu'elle va le tuer puis ensuite plaider le surplus d'hormones.
-je parie 100 qu'Aaron a un instinct maternel plus développer qu'elle.
-C'est évident ça Lucio enfin !
-Et toi alors, les hormones n'agissent pas encore chez elle, il est trop tôt.
-…
-…
-Il va épouser une hystérique !

Et de nouveau le fou rire, et Eléa arqua un sourcil, ne saisissant pas le lien logique. A la place elle se rua vers le couple et lança son habituel :

-Yooosh ! voous deux !

Empli de bonne humeur, et saupoudré d'Alcool.

Aaron se tourna vers elle, un peu embarrassé, et il grimaça :

-Heu, coucou ! Félicitation pour ta guérison hein…
-Salut toi ! Enchaîna Makanie. Tu peux arrêter de montrer mon écrémeuh à Cristal ? Elle va finir par le chasser et le tuer si ça continue ! Grommela-t-elle plus durement.

Oulàlàlà…Il y en avait une qui était d'une humeur de chien. Eléanore se fit donc un plaisir de rétorquer :

-NAN !

Makanie fronça les sourcils. Pourquoi cette gamine cherchait frénétiquement les ennuis. Eléa entendit Lucio et Adrien relancer les paris avec entrain. Pourtant le ton morbide, empli de fureur latente de Makanie aurait dissuadé plus d'un malgré son sourire lumineux –quoiqu'un brin crispé-

-Ah ? Pourquoi ?

Aaron recula d'un bond, craignant un nouvel orage sûrement, ce qui amplifia le sourire d'Eléa, au contraire.

-Parce que je trouve ça marrant quand elle chasse les écrémeuh…Oh d'ailleurs, ça me fait penseeer…T'as vu le film Juno ?

Elle se pencha en avant, son air provocant bien trop évident. Aaron lança alors, pour calmer la tempête :

-Comment t'en es arrivé à cette conclusion ?

Eléa se redressa et toisa le champion insecte avec rancœur : on en l'interrompait pas quand elle voulait être mesquine ! Rapidement, elle reprit un sourire, quasi innocent, et minauda :

-Bah, j'ai pensé à l'écrémeuh, je me suis dit que c'était rose, et pas beau, et gros, comme une femme enceinte, tu coup j'ai pensée à Makanie, et ensuite à Junon parce que c'est un film sur une fille qui est enceinte alors qu'elle le veut pas !

Les hommes du groupes arquèrent un sourcil, sceptiques ? Adrien se tourna pudiquement pour exploser de rire de manière tonitruante, et Aaron retint Makanie se jeter sur Eléa pour la démembrer tandis qu'il lui envoyait une œillade perdue, de petite chiot meurtri.

Mais pourquoi tu me fais ça à moi ? Semblait-il la supplier.
Parce que c'est marrant, lui aurait-elle presque répondu. Et parce qu'elle était bourrée même si elle le niait auprès de Régis.

- C'était super marrant, parce que l'héroïne elle veut avorter, mais elle le fait pas, parce qu'elle a appris que le bébé, ça avait des ongles. Ajouta-t-elle sans se soucier du regard implorant d'Aaron.


Le silence se fit, et Makanie plissa le nez, perplexe, avant de souffler :

-Ca a des ongles ?

Mais c'est qu'elle remettait sa parole en doute ? En fait non, pas la parole d'Eléa, mais celle du film. C'est vrai que maintenant qu'elle y pensait, les films disaient beaucoup de bêtises.

De son côté, l'œillade désopilante d'Aaron, se transforma, s'illumina, tandis qu'il scrutait le visage de Makanie, croyant, espérant, priant pour un miracle.

-Dix qu'Aaron a plus d'instinct maternel que Makanie. Reprit de plus belle Adrien à l'oreille de Lucio, qui lui, soupira d'exaspération –ou d'amusement.

Makanie baissa la tête vers son ventre gonflé, et elle plissa furieusement des yeux, comme essayant de percer au travers de la chaire pour admirer le petit être qu'elle portait. Aaron paraissait touché par la grâce divine :

-Je te préviens sale mome si tu me griffes l'intérieur du bide je te castre toi et ton père !

LE verdict était tombé, alors qu'Adrien hurlait de joie face à sa victoire, Aaron lui poussait le sien intérieurement, pâle comme un linge.

Eléanore ricana.

Makanie elle, se retira, en frappant des pieds avec douceur et compassion, du moins, autant que le permettait son humeur du moment, massacrante. Aaron, tremblant, se tourna alors vers Lucio, la mine déconfite, et il bafouilla :

-C'est vraiment pas possible que ce soit les hormones, hein ?

Et Lucio sembla prendre bien trop de plaisir à hocher négativement du chef en réponse.

Quelque chose soufflait à Eléanore qu'Aaron avait tendance, ces derniers temps, à ce que le ciel lui tombe régulièrement sur la tête. En tout cas, le champion insecte, piteux, abattu, se tourna avec rancœur vers elle et maugréa, le ton plus triste qu'accusateur :

-Mais pourquoi t'es allée parler du sujet qui fâche toi aussi ?

Eléanore se raidit, indignée, et peut-être à cause de l'active boisson parcourant ses veines, elle s'enflamma, pour renvoyer avec acidité à Aaron :

-Parce qu'à pas parler que des sujets qu'on veut bien, on oublie de dire les choses les plus importantes et on blesse ceux qu'on aime ! Voilà, alors, moi, je dis tout franchement, je parle de ma mort comme de ma guérison franchement aussi, et ce sera toujours pareil. Et si toi et Makanie vous en parlez pas, vous l'élèverez pas ce gosse ! ET si moi je m'en rends compte, alors crois-moi, il faut vraiment que ce soit un cas désespérant !

Aaron écarquilla des yeux, et Adrian ravala son rire, mal à l'aise, tandis que Lucio reprenait son livre avec flegme. Eléanore reprit peu à peu son teint hâlé, et son souffle. Lentement, très lentement, elle reprit son souffle, et sans permettre à ses interlocuteurs de se remettre elle argua :

- Oh Chris et Angie !

Avant de disparaître dans la foule.

Cependant elle ne parvint pas à se glisser jusqu'aux voleurs, Steven lui attrapa le bras avant qu'elle n'y arrive. Le champion d'Hoenn lui envoya un sourire, tout aussi éméché que le sien, et en solidaire entres beurrés, Eléanore lui renvoya un rictus lumineux en guise de soutient.

Il lui fit signe de se taire, un « Chut » pour le moins, indiscret, et il ricana, tout en lui faisant signe de ne pas bouger. Il préparait un truc marrant.

Ou pas net. Songea Eléa avec une envie de glousser qu'elle ne comprit pas.

Steven fit quelques pas, marmonna quelque chose à l'oreille de Marc, qui lui partit directement vers la sono avec un rire. L'héritier de la devon revint auprès de celle des Sarl, et il croisa les bras derrière son dos, avec trop de sérieux pour que cela ne cache pas son méfait.

-Tu as fait quoi ? L'interrogea Eléa.
-JE fous la honte à Peter ! Ricana le concerné, fier de lui.
-Pourquoi ?
-Parce que c'est mon pote !

Eléa arqua un sourcil, pas sûre de saisir, aussitôt, Pierre enchaîna :

-Ce n'est pas parce que c'est mon pote que je n'aime pas quand on lui rabat son caquet on qu'on lui fout un peu la honte ! Expliqua-t-il. –C'est toujours amusant à voir.

Le regard d'Eléanore s'illumina de compréhension et elle hocha gravement du chef. Oui oui, c'est vrai, elle par exemple, elle adorait embêter Silver. Voyant son forfait approuvé, Steven rit à gorge déployé, et frictionna avec affection le crâne d'Eléanore, qui lui envoya une œillade déboussolée.

Mais Steven, déjà se perdait dans la contemplation de l'horizon, brumeuse et floue, non seulement à cause du rideau d'eau qui cascadait en cataracte tout autour de la piste, mais également parce qu'il ignorait de quoi l'avenir serait fait. Un rictus malheureux se dessina sur son visage.

-Tu sais…Mon père et ton père voulaient faire fusionner leurs entreprises quand j'étais jeune.

Eléanore arqua un sourcil, alors qu'il lui tendait un autre verre d'alcool. Elle grimaça, ne sachant pas très bien si elle avait envie d'une nouvelle lampée finalement, la tête commençait sérieusement à lui tourner, supplantant l'euphorie passagère de l'ivresse.

-Si tu n'avais pas été malade…Nous aurions probablement été engagés l'un envers l'autre. J'avais déjà vu mon père spéculer là-dessus dans son bureau, pour créer une alliance sûre.

Eléa pencha la tête sur le côté, mais évidemment, elle n'avait aucun souvenir de cet évènement. Elle n'était pas née ! Cependant, elle savait que sa mère détestait l'attitude des riches, leurs vies décalées, les histoires de mariages arrangés, l'idée même d'avoir des serviteurs. Elle avait toujours été élevée de façon à ne jamais tomber dans l'excès que lui permettait son rang. Aussi, il aurait été étonnant que le projet voie véritablement le jour.

Elle avala pourtant une gorgée du liquide ambrée, et elle murmura :

-Vous vous inquiétez, que maintenant que je suis guérie l'alliance voit le jour ?

Steven se tût, et il fit tourner son verre dans entre ses doigts, dont certaines portaient des bagues à tête de mort ou des anneaux stylisés, en argent.

-Ne vous en faîtes pas pour ça. J'suis pas du genre à me laisser entraîner dans ce genre de trucs. Puis, j'ai un petit ami que j'aime…Et vous aussi. J'vais pas vous l'enlever !

Elle lui sourit, et Steven après une seconde d'étonnement, soupira de soulagement, avant de pouffer.

-Tu sais, la pression des médias peut être énorme. Et celle de la famille aussi.
-J'emmerde les médias et la famille, personne décidera de ma vie à part moi ! Grommela Eléanore avec conviction.

Elle tourna les yeux vers Steven, déterminée, et ajouta :

-Même la maladie ne m'aurait jamais abattue, j'aurai mis fin à mes jours avant. Je suis la seule à décider de comment je vivrai, et comment je partirai. Je veux pas finir en perdante.

Steven l'observa une seconde, puis il ricana à nouveau, avant de boire une nouvelle gorgée :

-Qui aurait crut, que le petit ange en dentelle que j'ai connu allait devenir une vraie diablesse !
-Les anges, c'est trop lourd, et inintéressant, trop parfaits ! Renchérit Eléa.

Steven lui frotta de nouveau vigoureusement le crâne dans un rire. Et Eléa contempla sa mine amusée, se décomposer lentement pour reprendre un sérieux soucieux ; rêveur, digne de ceux à qui l'on vient de poser un ultimatum, un choix, dont découlerait tout le reste de l'existence.

-Vous savez si moi je peux affronter les média et la famille…Alors pour vous…Commença Eléanore…

Mais brusquement, la chanson changea, Marc revint avec un sourire goguenard et fit la tope-là à son petit ami alors que la mélodie des « Démons de minuit » s'installait peu à peu.

Eléanore s'attendait à tout, même qu'une météorite s'écrase sur Peter, mais de toute évidence elle avait oublié un plan –Sam était plus douée qu'elle pour appréhender les stratégies des autres- Tant et si bien qu'elle manqua de renverser son verre, quand Marion poussa un hurlement strident.

La blondinette avait lâché Peter pour sautiller sur place, toute folle, comme une hystérique, babillante, les yeux brillants.

-C'EST MA CHANSON ! Clama-t-elle.

Peter blêmit. Il tenta une retraite stratégique pour rejoindre Steven et Marc. Elle le vit alors qu'il parvenait presque au but.

-AH NON ! Tu VIENS danser avec moi ! Annonça-t-elle.
-WOuhou ! Allez Marion, arrache ta tenue de petite fille modèle pour enfiler ta mini-jupe comme dans le temps ! S'amusa à lancer Marc.

Si un regard pouvait tuer, celui de Peter les aurait probablement massacrés. Marion quant à elle, pas offusquée pour un sou, s'émerveilla :

-Oh tu leur a raconté l'anecdote ! Allez ! Viens danser tu peux plus y couper maintenant !

Elle croisa alors la frimousse d'Eléa et sourit :

-Allez toi aussi tu viens, après tout c'est ta fête !

Sans lui laisser le temps de plaider sa cause, Marion entraîna ses deux victimes sur la piste, et elle commença à se déhancher avec frivolité, et entrain. Eléanore admira le jeu de pied, avant de l'imiter, et Marion, voyant Peter rester sur place, comme un piquet, lui envoya un coup de coude dans les côtes. Cela eut au moins le don de le faire bouger.

Eléanore vit alors les mines de conquérants de Rochard et Marc. Elle se promit de les tuer.

Marion dansait merveilleusement bien, mais il dégageait d'elle une aura de sauvagerie, presque de délinquance. Un peu comme les « poufs » des films, songea Eléanore à regret.

-Pourquoi faut-il que je retrouve l'ancien toi à chaque fois qu'il y a cette chanson ? Grommela Peter, mal à l'aise.

Marion fit une pirouette ravie, et ricana :

-Parce que je ne peux pas être madame parfaite tout le temps !

Lucas dans la foule paraissait sur le point de perdre sa mâchoire devant l'impudeur de sa cousine. Celle-ci rit à gorge déployée quand elle le remarqua elle aussi, et elle se pencha vers Eléa, dans un semblant de confidence :

-Quand j'étais en voyage initiatique, je me suis totalement dévergondée. J'adorais gruger pour partir en boîte de nuit malgré mes 12 ans révolus, et ils passaient toujours cette chanson généralement !

Eléanore arqua un sourcil, curieuse.

-Si tu avais vuuu la tête de Peter quand il m'a croisé à l'aire de Survie ! Avec ma mini-jupe qui laissait tout voir à chaque mouvement, mon haut et mon maquillage –soyons franche- de pétasse ! J'ai cru qu'il allait avoir une crise cardiaque ! Qu'est-ce que j'ai ri, on aurait dit qu'il avait un balai coincé dans le…

Mais c'était vrai que cette chanson faisait ressortir un autre elle ! Constata avec ahurissement Eléanore. Peter paraissait au trente-sixième dessous, en se dodelinant sur la piste, humilié. Automatiquement, Eléa ricana.

C'est vrai qu'il faisait peine à voir comme ça, le fier maître dragon.

Marion lui prit les mains, et l'entraîna dans une pirouette à son tour, avant de revenir pour danser avec Eléa.

-Ne le dit pas à Lucas, ça lui ferait vraiment trop de peine, qu'il sache que j'ai été une vraie…Rebelle à douze ans, et que j'ai réussi à duper les parents avec mes airs de petite miss-surdouée-bien-élevée…

Eléa admira de nouveau Lucas, qui lui, regardait son verre de jus d'orange, se demandant probablement si Cristal ne lui avait pas versé quelques substances illicites dedans.

Marion lui sourit avec complicité et compassion.
Eléanore sentit un brusque élan de sympathie à son égard. Malgré tout, elle aimait son cousin. Malgré tout, elle n'était pas parfaite. Cette constatation la rendait soudain plus proche et accessible du commun des mortels.

-Allez, c'est ta fête, en ton honneur ! Félicitation pour ta guérison ! Envoya Marion finalement, avant de se jeter au cou de Peter, tandis que les derniers accords de la musiques s'achevaient.

Eléanore observa le couple, et remis de ses émotions, Peter répondit à l'étreinte de sa petite amie avec tendresse. Elle aimait bien le maître Dragon, lui aussi. Malgré tout. Même si trop souvent il paraissait sur le point de s'effondrer sous les responsabilités, bien trop lourdes pour lui, même s'il paraissait parfois, comme manipulé, déglingué, encensé par ses convictions, ses réflexions à la logique brinquebalante, ou une voix que lui seul parvenait à entendre…

Il ne désirait jamais le mal de qui que ce soit. Pas même de ses ennemis.


Soudain, alors qu'elle sortait de la piste, de demandant ce qu'elle voulait faire avant le début de cette histoire, une voix piaillant, stridente jaillit dans son dos :

- Elééééanounetttte !

Ah, elle s'en souvenait maintenant ! Elle se retourna vers Chris et Angie qui la serrèrent dans ses bras avec une joie exagérée.

-Ouaiiiis ! le nom pourriii. Ricana Eléa à moitié étouffée par l'étreinte. Un sourire manipulateur lui échappa alors qu'elle entonnait, bien décidée à se faire lâcher :

-Hey, hey, il parait que tu sais faire de la magie Chris, tu me montres ?

Christopher bondit, comme touché par un ange, et son regard s'illumina d'étincelles –d'origines magiques, il va s'en dire, autant rester dans le contexte- et il s'écria :

-OH OUI J'AI APPRIS AVEC ANGIE ET UN VRAI PROFESSIO-

SBAM.

Il n'eut pas le temps de finir sa phrase, Angie venait de l'assommer. La distraction avait eu son effet, Eléanore ne risquait plus de mourir asphyxiée dans un câlin bien trop enthousiaste. Si Elle n'avait pas échappé de peu à la mort, peut-être Eléanore aurait-elle frémit en discernant le regard noir d'Angie, alors qu'elle écrasait vaillamment les parties sensibles de Christopher tout en grognant, syllabe, par syllabe :

-TU. NE. SAIS. PAS. FAIRE. DE. MAGIE.

Il y avait anguille sous roche. La curiosité piqua la dresseuse d'Ash.

-Angie, tu me raconteras un jour pourquoi tu veux pas qu'il fasse de magie ?

L'ex-voleuse se raidit, déstabilisé, visiblement peu encline à partager cette histoire. Mais Eléanore lui envoya son regard le plus angélique agrémenté de son sourire fondant. Personne ne pouvait résister à cela.

Angèle tituba, rudement frappée par les UVS dévastateurs. Mais elle secoua la tête avec détermination, comme pour se reprendre.
Devant sa défaite, Eléanore bouda, gonfla sa joue puis grommela :

-Bon tant pis !

Avant que les effets de l'alcool ne reprennent le pas, accentuant sa bonne humeur quasi perpétuelle.

- Tu me raconteras, pas le choix. Quand tu veux, maintenant j'ai le temps !

Et elle partit dans un rire. Angie seule, porta alors la main à sa bouche, et Christopher gémit :

-Hon, on a oublié pour aider Daniel ! LA mission a échoué !

Soudain, Eléanore revint, dans un demi-tour, presque contrôlée – bah oui, renverser Lucas au passage et quelques verres, ça ne compte pas !-

Elle toisa alors les voleurs, très sérieusement, et leur souffla, simulant un projet ultra-secret digne d'un complot formentant le renversement du gouvernement.

Enfin non peut-être pas à ce point, mais avec Chris et Angie, tout prenait des allures de mission pour sauver le monde.

-Hey, ça m'arrangerait s'il faisait un tour de magie pour faire apparaitre du gui et que j'embrasse Daniel ! Marmonna Eléanore.

Cette fois, la gamine s'en retourna en ricanant, pour de bon, abandonnant les deux ex-bandits. Un long silence pesant s'installa entre les deux grandes asperges, puis au bout d'un moment, Christopher tourna la tête vers sa camarade, des étoiles dans les yeux.

Angie approuva gravement du chef.

-Oui chris.
-Ils nous ont demandé tous les deux. Continua Chris avec une voix fluette.
-J'ai vu. Constata Angie.
-Donc techniquement, j'ai le droit, j'ai le droit ! Babilla le bandit, tel un bambin impatient, piaffant devant son cadeau de noël au pied du sapin.

Angie ferma les yeux, et un sourire lui échappa :

-Oui Chris. Tu as le droit !

Ce dernier bondit sur ses jambes, comme un phénix renaissant de ses cendres. Flamboyant, resplendissant, outrageusement dangereux avec sa mauvaise manie de faire de la combustion spontanée également.

-OUAIS ! LA MISSION COMMENCE ! Hurla ce dernier.

Eléa et Danny venait de lâcher un phénix dans une poudrière. Ou un Pokémon feu quelconque. En tout cas, inconsciemment ils avaient fait une grosse bêtise, c'était certain.

Gold sceptique, sortit de nulle part, admira les deux voleurs danser, fiers de leur projet et il scanda :

-Vous savez que vous faites peur des fois ?

Devant les regards étonnés de ses interlocuteurs, ne sachant pas depuis combien de temps il les espionnait, il ne trouva d'autre réponse, que celle de siroter son jus de fruit.

-Vous n'avez rien de mieux à faire monsieur Gold ? Où est monsieur Silver ? Bredouilla Angie, déçue de ne pas avoir pu garder leur super-méga-top-mission secrète.

Un long silence s'installa entre eux. Puis la frimousse de Gold sembla comme se désagréger, alors qu'il se tournait, tel un acteur professionnel, un sanglot dans la voix, une pose dramatique, et un projecteur droit vers lui projetant des particules de lumière, tel de la neige :

-J'me suis fait rembarré !

Il parvint même à tirer une petite larme à ses yeux secs. Cela eut l'effet escompté. Les deux voleurs fondirent sur place, et s'appitoyèrent avant de le prendre dans leurs bras en larmoyants :

-Oh noooon ! Vous en faîtes pas monsieur Gold ça va s'arranger !
-Oui vous allez voir ! Une mission avec nous ! Et hop plus de gros chagrin !
-Tout ira bieeen !

Alors qu'il se faisait cajoler…Heu, consoler, Gold ne put réprimer un rictus faible.

Han, c'était trop facile avec eux ! Peut-être qu'il avait des dons d'acteurs finalement ?

-Allez, on a de quoi vous remonter le moral ! Monsieur Gold ! Argua Angie.
-D'abord on s'occupe de la mission …Danieléashipping ou AntithèseShipping ! Clama Chris.
-Et ensuite nous volons au secours du preciousmetalshipping ! Décida Angie en levant le poing vers le ciel, tel une conquérante.

Les deux bandits échangèrent une œillade complie, emplie de fougue, et finalement ils s'enfuirent en hurlant « TAYOOOOO ! » fendant la foule.

Gold admira le spectacle, pencha la tête, et ricana :

-Ils sont fous.

Avant de voir la boîte de carton, qui avait autrefois contenu du gui, vide, abandonnée, bientôt piétinée par les danseurs.

Une constatation évident s'imposa alors à son esprit.

-…On est tous foutus.

Et sur ce, il reprit son activité précédente consistant à siroter son jus de fruit du bout de sa paille. C'est vrai quoi, on ne demandait pas à un héros de sauver le monde après une claque comme il s'était pris ! Sauver le monde –la fête Gold, juste la fête ! – Et puis quoi encore ?

Le narrateur s'invite de plus en plus dans mon texte, moi qui croyais l'avoir jarreté à coup de batte de titane depuis belles lurettes !

Eléanore elle, ne semblait pas se soucier du retour du Narrateur outre-mesure, bien qu'il lui en ai fait voir de vertes et des pas mûres au début de son aventure…. Sa seule préoccupation du moment, semblait s'approcher le plus discrètement possible à pas de loup derrière Gabriel…

Elle y parvenait presque, le petit brun, pris dans la contemplation absente de la fête n'avait pas remarqué sa présente, il caressait rêveusement le dos de son nosferapti assoupi sur ses genoux.

Elle allait l'avoir. Elle le sentait. D'un bond elle se jeta sur lui et hurla dans sa plus belle grimace monstrueuse :

-BOUH !

Gabriel afficha un regard platonique, l'air de lui dire « mais quelle gamine tu es franchement » du haut de ses 13 ans.

Eléa hésita une seconde, encore figée dans son mouvement destiné à l'effrayer, puis baissa les bras avec dépit, dans un soupir exaspéré.

-Pf ! T'es pas drôle !

Nouvelle œillade blasée. Oui, ce n'était pas comme s'il l'avait un jour été, reconnut non sans mal Eléanore. Elle suivit alors le mouvement du petit, qui retournait à son admiration lointaine de la foule de joyeux bout-en-train célébrant sa guérison en dansant et buvant comme des trous.

-Tu veux pas participer ? Sourit Eléa.

Gabriel s'assombrit brusquement avant de trancher, froid :

-Non merci.
-Pourquoi ? Demanda Eléa, totalement insensible aux ondes négatives qu'emettait le petit.

Celui-ci tourna une œillade glaciale vers elle, et siffla :

-Parce que Papa veut absolument faire danser la première danse à sa fille et que sa fille a envie de le castrer.

Eléa ricana, et pencha la tête en arrière, avant de glousser, enthousiaste :

-Surtout, te retient pas ! j'suis même pas sûre qu'il t'en tiendrait rigueur en plus ! Et si t'as besoin d'aide J'suis là !

La remarque arracha un ricanement à Gabriel, qui pourtant semblait au plus mal la seconde d'avant.

-Et tu fais quoi du coup ? Lança alors Eléa.
-Je m'occupe des Pokémons, - il caressa de nouveau nosferapti qui roucoula tel un pigeon- et Samantha m'a demandé de faire un dossier tout à l'heure.
-Un Dossier sur quoi ?
-Un moyen pour te faire taire.

Sa curiosité la perdrait.

Eléanore explosa de rire. Gabriel, perdu devant sa réaction si disproportionnée, Illogique, sursauta, et bafouilla :

-Qu'est-ce qu'il y a de si drôle ?

Mais Eléa, pliée en deux ne parvenait pas à faire taire son fou rire, ce qui causait empourprait Gabriel chaque seconde un peu plus. Elle se moquait de lui, ou d'elle ? Pourquoi s'esclaffait-elle de la sorte ? Toutes ces questions comblait le petit d'un embarras tout neuf, absolument dépourvu de logique, juste culminant au sommet de la honte.

Personne, absolument personne n'avait jamais ri de sa réparti ? Quoi, sa réplique avait-elle été si mauvaise que ça ?

Eléanore darda un œil sur lui, se calmant lentement, et dès qu'elle croisa sa mine abasourdie, elle repartit de plus belle, les joues rouges. Et c'est alors que Gabriel comprit.

-MAIS ! T'es bourrée ma parole.

Il ricana à son tour, et Eléa, à bout de souffle, parvint à bredouiller :

-Oui mais moi je dis pas que c'est ma faute du poulet !

Gabriel laissa tomber à son tour un rire, bien trop libéré et naturel pour lui. Et Eléanore se ravit, jusqu'à ce que le petit Kazamatsuri ne plaque sa main sur ses lèvres, comme pris en faute, et ne se redresse bien droit, de nouveau sérieux.

-Ce n'est pas drôle. Marmonna-t-il avec conviction.

Eléanore grimaça, mais pourquoi, fallait-il que ce petit refuse de montrer ses véritables émotions ?

Alors qu'elle s'apprêtait à relancer le débat, déterminée à détruire les barrières de l'obstinée génie, Lucas se précipita vers eux, la mine défaite, mal à l'aise.

-Hey, les gars j'ai une question importante. Commença-t-il embarrassé.
-On est des fillleees ici, enfin, moi et Gabrielle ! Rit Eléanore en se balançant sur son siège de pierre improvisé, peu sérieuse.
-Ne met pas « moi », devant mon nom, et je suis pas une fille ! S'offusqua aussitôt le cadet de Daniel, écarlate.

Lucas qui sentait le sujet de la conversation dérivé, toussa bruyamment, pour ramerner l'attention à lui, et bafouilla, brusquement moins sûr de lui une fois toutes les prunelles rivées vers lui :

-Heu, oui, mais vous voyez je voulais savoir, ce que c'était qu'être amoureux…

Têtes qui se penchent sur le côté. Lucas se massa la nuque, embarrassé, et les paroles roulèrent amèrement contre son palet pour sortir maladroites et déformées :

-Je veux dire, le sentiment quoi, parce qu'avant, je pensais savoir, mais là tu vois. Et puis c'est pas comme si c'était la première fois, mais cest quand même plus fort et différent que d'habitude, je veux dire, comment tu sais si c'est bien ça, que c'est le vrai, le grand ? Je veux dire, je sens le truc des bouquins là, le papillon, l'envie, le truc, mais j'ai d'autres trucs aussi, et si je me gourais, si c'était pas ça ?

Il grimaça, et scruta la foule, comme désemparé, puis il sourit, brusquement, comme ça, sans raison.

-Mais en même temps maintenant je comprends tellement plus de choses, je veux dire, avant j'écoutais les chansons d'amour, mais je les comprenais pas et là j'ai envie de la voir, et je comprends les chansons prennent du sens, mais c'est pas tout pareil non plus et…


Il s'arrêta. Eléanore avait recommencé à rire, et Gabriel le contemplait blasé.

-Vous c'était pas comme ça ? Bafouilla-t-il, devinant presque sa propre honte, appréhendant l'humiliation.

Et ça ne se fit pas attendre, Eléanore manqua de tomber de son siège tant elle riait. Les échos de son rire se répercutait en lui sinsitrement alors que Gabriel lui lançait, acide :

-Pourquoi tu me demandes ça à moi enfin, t'as quoi dans le cerveau ? J'ai treize ans tu crois que j'ai déjà été amoureux ?!

Ouh le menteur ! Songea Eléa avant de s'esclaffer de nouveau. Elle avait définitivement abuser de l'alcool.

Le pauvre Lucas, piteux, oscillant d'un pied à l'autre, mal à l'aise, écarlate, bafouilla en baissant la tête :

-Bon …je dois me tromper alors, mais ça m'a fait du bien de parler avec vous salut !

Et il tourna des talons pour disparaitre, avec sa politesse.

-Comment c'est woah le monologue ! Ricana Eléa en le voyant s'esquiver tel un voleur.
-C'est lourd. Il nous demande notre avis, ou il aime juste s'entendre parler ? grogna Gabriel de mauvais poil.

Eléa, au contraire, babillait aux anges :

-Le Lucas est amoureux de Cristal, il est mignooon !
-J'espère que mon frère n'entendra jamais ça.
-Daniel n'est jamais jaloux !
-Pas faux. Pourtant c'est pas faute d'avoir essayé, tu sais que Sam a tenté une expédition une fois, une opération qu'elle appelait « Vert de Jalousie ». –Eléa arqua un sourcil de surprise- Elle voulait rendre Daniel Jaloux et a eu besoin de mon aide. Et bah…Non seulement c'était un échec, mais en plus, Cristal qui a bu du café, c'est moche…très moche.

Oui, ça elle s'en doutait un peu.

-Mais pourtant elle ne savait rien sur nous !

Gabriel prit son visage dans sa paume et souffla :

-Samantha est du genre perspicace quand même. Puis tu sais, je crois que tout le monde savait un peu pour vous. Enfin sauf Lucas, mais comme tu le vois, il est long à la détente lui.

Eléa pouffa de nouveau. Et pendant un moment, seul son ricanement peupla la conversation.
Puis timidement, Gabriel leva les yeux vers elle, en se triturant machinalement les doigts, comme mâchonnant du bout des dents ses mots hasardeux, avant de murmurer :

- C'est comme ça quand t'es amoureux, toutes les chansons bêtes prennent du sens ?

Eléa haussa des épaules, très peu soucieuse.

-Bah, je sais pas, j'suppose que c'est différent un peu pour tout le monde, mais y-a un peu de ça aussi. Mais j'suis pas experte. J'suppose que c'est un peu comme toi quand tu es face des chaâpeau peut être !

Gabriel s'empourpra brutalement et se redressa, s'étranglant avec un quoi, quasi jouissif aux oreilles d'Eléa.

-Mais ouuiii enfin, tu croyais que je n'avais pas vu , moi aussi je suis perspicace ! Je sais que tu couds ou achète des tonnneeees de chapêaux en secrets et que tu en as une armoire pleineeeeuh. Je sais aussi que tu les coiffes sur tes pokémooons. Pilou serait ravie avec toi. J'ai longtemps pensé te la donner d'ailleurs à ma mort mais bon, finalement j'ai plus besoin d'y penser !

Si Gabriel avait encore été en état de proférer des insultes, probablement aurait-il hurlé les plus ignobles de son répertoire, mais il ne put émettre qu'un grincement inaudible, et tirer quelques baragouinées incompréhensibles de sa mâchoire serrée. Ses joues ressemblaient à celle de la pikachu, adorablement pourprée.

Eléanore décida alors de balancer le coup de grâce :

-Pour les chansons je sais pas, c'est toi qui en connait le plus, et tu saiiis bien que noooous ne comprendroooons jamais la profondeur de toutes ces OST comme ceux d'Hikaru no Go dont les cheveuuux voleeent !

Et sur ce, alors que Gabriel touchait le fond, sur le point de prendre une pelle pour creuser sa propre tombe et mettre fin au tourment, elle sauta de son trône, et s'enfuit dans un rire. Mesquine.

Elle se demandait encore qui allait être sa prochaine victime quand elle heurta de plein fouet un inopportun osant se dresser sur sa route. Elle leva le nez, furieuse, puis s'arrêta.

Toute envie belliqueuse la quitta, alors que Daniel lui souriait maladroitement.

-Yosh toi ! Souffla gentiment Eléanore avec un sourire.
-Salut ! Opina simplement Daniel.

Ils détournèrent rapidement des yeux, encore un peu gêné, puis revinrent naturellement l'un vers l'autre, pour se sourire.

-J'ai couru toute la soirée ! Annonça Fièrement Eléa.
-Oui j'ai vu. C'était bien ? Répondit Daniel bienveillant.
- Trop génial. Et demain j'irai courir, pour mon jogging, depuis le temps que j'en rêve, et ensuite…J'irais nager avec toi. Et je ferai un entraînement Pokémon. Et…Et…

Elle s'arrêta, et leva de nouveau les yeux, pour admirer le sourire de Daniel. Son cœur se compressa sous la tendresse. Depuis quand, devait-elle lever les yeux pour le voir ? Hier encore, il lui semblait qu'ils avaient la même taille, et aujourd'hui, il la surplombait de 5 bons centimètres…

Peut-être, que le temps amoindri les changements de ceux que l'on aime. Pensa-t-elle une seconde. Elle allait devoir s'y habituer, endormir son esprit critique, acerbe et objectif. Maintenant, elle allait pouvoir les admirer grandir, et peu importait qu'elle s'en rende compte ou non. Parce qu'elle avait le temps. Tout le temps qu'il lui fallait.

Gorgée de cette pensée, elle se redressa et souffla, enthousiaste :

-Et toi t'as fait quoi ?
-J'ai pris des photos, dessiné…J'ai beaucoup réfléchis.

Eléa plissa des yeux.

- A quoi ?

Daniel sourit, comme pour rassurer ses craintes, et il observa le toit spychique que lequel jouaient les Pokémons de chacun dans l'insouciance.

- A l'entraînement de Flobio, vu qu'il a évolué je vais changer, mais j'avais aussi une chanson de nickelback coincé dans la tête, celle qui fait, if everyone cared noboby die, un truc dans le genre. Et j'ai pensé un peu à Yoann et Harry…Et aux photos que j'ai prise…Et je me suis dit que ce serait joli de peindre le rideau d'eau, mais compliqué.

Eléa se renfrogna et sur un ton faussement larmoyant, elle souffla :

-bouh, t'as pas pensé à moi une seconde alors que c'est ma fête !

Daniel se crispa une seconde, et quitta le tableau des Pokémon joueur, pour poser les yeux sur elle, comme ahuri. Puis, il s'empourpra.

- Mais si enfin, j'pense à plein de choses en même temps, et ça change tout le temps, sauf un truc…

Il se gratta nerveusement de la joue, et détourna des yeux, mal à l'aise, les lèvres pincées alors qu'il bafouillait timidement :

-Toi, tu fais toujours partie des trucs aux quels je pense.

Et cette fois, ce fut au tour d'Eléa de virer à une teinte écrevisse, juste retour des choses après tout ce qu'elle avait fait endurer aux fêtards. Son cœur rata un battement, et elle baissa les yeux, émue. Précipitamment elle bredouilla à son tour, trop sec et brutal à son goût :

-Bah le truc te dit merci !

Malheureuse réparti qu'elle usait même dans les pires moments. Daniel fit la moue, embêté et désolé, croyant probablement l'avoir vexée. Eléanore admira sa mine maussade, et la honte, l'envahit. Doucement, elle attrapa la main livre de son petit ami, et lui sourit :

-Hey, on danse ?
-Bah heu. Y-a plein de monde…quoi…ici…Enfin…Marmonna Daniel, légèrement paniqué.
-Tu n'as qu'à regarder que moi, comme au karaoké ! L'encouragea simplement Eléa.


Il n'eut pas le loisir de proférer davantage, elle l'entraîna sur la piste, tout en murmurant au coin de l'oreille :

-Allez, Sam danse avec Yuki là, on va leur faire concurrence !
-Q-q-qui…

Eléanore passa les bras autour de son cou, et comme aux premiers jours de leur relation, sûrement intimidé par la foule autour d'eux, il reprit une belle teinte écarlate.

Doucement cependant, chancelants, comme pour retrouver leurs habiletés d'antan, ils esquissèrent quelques pas. Eléanore posa simplement la tête sur l'épaule de son petit ami.

-Danser avec toi me manquait. Souffla-t-elle, laissant ses jambes suivre la cadence de celles de Daniel, naturellement, comme si la paralysie ne les avaient jamais saisit.

Le Kazamatsuri passa une main dans la tignasse bouclée de sa compagne avec un sourire, sans un mot. Juste pour lui communiquer son réconfort et la communion de leurs sentiments. Ou juste parce qu'il en avait envie. Il ne savait pas très bien. Ils étaient toujours aussi doux que dans son souvenir malgré les nœuds impromptus qui parcourait sa chevelure.

-Par contre, pas de cabrioles cette fois ! Ricana Eléa en se blottissant un peu plus contre lui.
-Fatiguée ? Devina-t-il.
-Un peu…Elle dodelina de la tête, et bailla doucement, avant de souffler, comme on énumère une liste, pour se laisser couler dans le sommeil réparateur de la nuit - -Et puis, je suis bien dans tes bras. Et Ash risquerait d'être jaloux…Et…

Brusquement, comme électrocutée, elle se redressa, pour planter son regard dans celui vairon de Daniel, leur nez se touchant presque l'un l'autre, ne demandant qu'à s'effleurer. Pourtant, l'adolescente, murmura gravement sérieuse :

-Danny, tu veux bien rire ?

Daniel pencha la tête sur le côté, surpris alors qu'il penchait sa tête pour lui voler un baiser.

-Pardon ?

Eléa secoua du chef, avec un sourire, et l'encouragea :

-T'occupe, juste rit, j'ai envie de t'entendre.

Daniel eut un rictus, plus semblable à une grimace, et il marmotta :

-C'est que je sais pas faire ça sur commande !

Eléanore se mit alors sur la pointe des pieds pour poser ses lèvres contre les siennes. Juste comme ça. Daniel la contempla ; les prunelles écarquillées dans un premier temps, puis il rejoignit simplement la danse, resserant leurs étreintes, sans plus se soucier de ses pas insouciants, suivant la mélodie.

Ils se séparèrent doucement, et Eléa leva les yeux, comme toujours, appréhendant la mine qui répondrait à ses gestes, mais elle soupira d'aise. Front contre front, il lui envoyait toujours cette même expression amoureuse.

Elle se fit la réflexion fugace, que recevoir chaque instant, chaque soir, chaque matin, chaque réveil, ce même regard, serait tellement agréable…Et qu'aujourd'hui, à sa portée, s'offrait ces jours d'existence, ces instants là, qu'elle n'osait pas espérer la veille même.

Ce bonheur éphémère, cette simple joie quotidienne, s'approchait d'elle pour être à sa portée.

-Bon…pas grave, après tout maintenant, j'ai le temps ! murmura-t-elle ave un sourire comblé, empli d'espoir.

Daniel rigola timidement.

-J'ai gagné ! Je gagne toujours finalement. S'enthousiasma-t-elle, oubliant aussitôt le cocon serein et protecteur de ses sentiments pour se gorger de cette victoire.

Daniel ricana à nouveau et bredouilla :

-T'es sûre ?
- Oui, oui, je gagne toujours ! Opina avec mauvaise foi et prétention la jeune Sarl, levant le nez vers le ciel.

C'est à cet instant précis qu'une masse non identifiée se jeta sur eux en criant :

-BANZAI !

Avant de heurter durement le mur psychique des Pokémons. Ils eurent le temps de reconnaitre la silhouette – bien qu'un peu écrabouillée et aplatie- de Christopher, avant celui-ci ne coule, lentement, lamentablement, emporté par la coulée de pluie.

-Aouch ! Gémit-il, le son à moitié étouffé par le bruissement des flots, et parce qu'il avait la joue plaqué contre une sorte de verre également.

Angie sur la terrasse, plaqua sa main contre son front, exaspérée, tandis que son coéquipier glissait piteusement avec le flux liquide, expulsé tel un intrus sous les mines amusées de tous les Pokémons.

Surgit alors Marion, qui demanda innocemment, en voyant le poing encore serré, crispé de la victime :

-C'est du gui qu'il tient non ?

Le couple d'amoureux, Eléa et Daniel, s'empourprèrent, comprenant les intentions des deux gredins ratés.

-C'était pas mon idée ! Se défendit Daniel faiblement.
Eléanore rigola de bon cœur, et elle porta ses mains à sa bouche, pour l'inciter à se taire, avant de les placer en haut parleur autour de la sienne :

-Hey, Chris Angie, allez plutôt vous occupez de l'autre rouquin pour qu'il voit la fin de la fête, moi je me débrouille ! Hurla-t-elle.

Chris se releva, décidément créature plus invincible et persistante que le plus dur des virus. Les yeux de nouveau brillant, il se mit au garde à vous et répliqua :

- A vos ordres chef !
- A l'attaque ! Enchaîna Angie en saisissant la dernière branche du gui et en la montrant bien haut.

Quelques secondes plus tard, ils entendirent tous le cri étouffé, de Silver, et si bien des fêtards se ruèrent vers les abords de la piste pour contempler un Silver, presque dansant, pour éviter les deux voleurs, d'un simple pas souple, Eléa et Daniel restèrent inertes, sur la piste, imperturbables.
-Ils m'ont dit qu'il fallait fêter l'évènement en amoureux…Alors…Je savais pas quoi faire…Bafouilla Daniel, mal à l'aise.

Dehors, Silver venait de glisser habilement sur le côté, pour que Chris et Angie se rentrent dedans avec fracas. L'habileté de voleur lui réussissait, une véritable anguille, clamait les spectateurs.

Eléanore, elle envoya une œillade sévère à son petit ami.

- Tu n'as pas besoin de gui comme excuse maintenant pour m'embrasser ! Juste de ma permission.

Elle lui fit un clin d'œil et lui tira la langue, joueuse.

Ils se sourirent timidement.

Doucement, sans même s'en rendre véritablement compte, comme les heures glissaient sur eux sans qu'ils puissent endiguer cette fuite, la fête s'acheva.

Bientôt ; l'heure de dormir s'annonça, et étrangement, les enfants retrouvèrent leur rôle de petits, alors que les adultes, préparaient patiemment la terrasse qui devaient tous les accueillir.

Les Pokémons de chacun s'installèrent, roulant un peu parfois, faisant quelques cercles autour de la couche avant de s'allonger pour d'autres, s'affaissant simplement épuisé enfin pour les derniers. Il n'y avait pas de différence entre les lits des Pokémons et des Humains. Peter annonçait une nuit froide, aussi mieux valait-il rester auprès des créatures qui leur apporteraient la chaleur et le réconfort qui leur fallait.

Alors qu'ils venaient d'installer les dernières couvertures, la pluie cessa. Les Pokémons psy levèrent alors leur protection pour offrir la vision d'un ciel, se dégageant progressivement pour présenter toute la splendeur de sa voûte.

Il n'y avait bien qu'en campagne qu'on pouvait observer une si claire voie lactée.

Chacun se précipitèrent sous les draps, et Eléa posa sa tête contre le flanc d'Ash, qui grommela de fierté. Samantha vint la rejoindre, encadré par Lucas et Cristal, eux, plus proches de Brasegali. Daniel, entre ses créatures et près d'Hope, l'Arcanin, gardait une distance de sécurité, imposée par Ash, et Régis –même si le savant le niait, son regard foudroyant semblait hurler « Approche-la, tente quoi que ce soit cette nuit et tu es mort gamin ! ».

Savoir que Chris et Angie jouaient les chaperons de cette soirée pyjama ne le rassurait guère. D'ailleurs, il aurait été étonnant qu'il en soit autrement, vu comme les deux adultes babillaient piaillaient cherchant frénétiquement tel des bébés, une étoile filante dans le ciel.

Pourtant, Régis dut bien se résoudre, il n'avait pas le même âge qu'elle. Eléanore, cette nuit, ne penserait qu'à prolonger la fête, qu'à admirer le ciel et apprécier ce moment avec ses amis. Lui, ses pensées dériveraient immanquablement. Il ne possédait pas sa place dans parmi eux. Ils effleuraient encore l'innocence, malgré tout.

Akira Yuki l'avait bien compris, lui aussi, car il salua les enfants pour rejoindre avec Régis un quelconque chalet où passer la nuit.

Silver grommelait dans son coin, depuis que Steven l'avait attrapé par la peau du cou, alors qu'il venait avec brio d'échapper à Christopher et Angie en demandant à son Farfuret de les congeler. Et encore plus depuis qu'Eléa avait ricané en le voyant sortir son ursaring : il ne digérait pas la remarque « Tu as besoin de ton Teddy Bear ? ».

A l'écart sur la terrasse, du moins, autant qu'il pouvait l'être vu l'espace réduit et encombré, il observait le lac, où ils avaient tous lâchés leurs Pokémons aquatiques. Ils babillaient, le Millobelus, les deux léviators, l'un rouge, l'autre bleu, les Pokémons de Daniel et bien d'autres. C'était assez serein, il suffisait à un des serpents géants de tendre le cou pour les atteindre, et faire hurler Eléanore.

Silver ricana. Il était tenté là, d'un coup, de prendre sa revanche.

Gold observa Silver isolé dans son coin, lui-même entouré du reste du groupe, aux côté de sa sœur cajolant Ptiravi et Suicune. Il gonfla sa joue vexé. Si cela le dérangeait à ce point de partager une seule et unique soirée avec eux, même en tant qu'amis…

Son cœur se serra douloureusement.

-Et si on jouait ?

Christopher venait de se redresser, mettant fin au silence solennel qu'imposait, soit la cuve de l'alcool pour Eléa, soit la beauté du ciel, soit les ruminations de la soirée pour Silver et quelques autres.

-Oh, oui ! J'ai un jeu, chacun pose une question et on essaye tous d'y répondre ! Enchaîna Angie.

A la vue de la tête des autres enfants, ils se demandaient tous si c'était vraiment un jeu, ou un interrogatoire, jusqu'à ce que Chris lance innocemment :

-Allez tous la tête en bas pour bien réfléchir !

Et qu'ils se mettent à faire le poirier. Si c'était en vérité un interrogatoire, alors les bourreaux censés leurs extorquer des réponses n'étaient pas assez vils et vicieusement rusé. Ou alors, ils l'étaient tellement qu'ils n'hésitaient pas à passer pour des sots.

Bientôt Chris se retrouva comme un cochon pendu, imité par Angèle…Et les Hearts. Ils suivaient toujours les délires de ces deux là. Cristal semblait appréciée la trêve et ainsi ne pas avoir à côtoyer Lucas de trop près. Gold lui morose, attendait simplement que le surplus de sang lui montant à la tête abrège ses souffrances.

Ca ne s'améliorait guère, il se prenait de plus en plus pour un héros de tragédie Saharienne.

Eléanore en revanche, préféra passer son tour, la tête lui tournait et elle sentait ses jambes faibles, elle ne savait pas si elles pourraient encore la soutenir longtemps après une soirée aussi remplie. Beaucoup d'autres Comme Sam, utilisèrent son excuse, et se contentèrent de s'asseoir en rond, les uns à côté des autres, pour se tenir chaud, sous la couette.

Eléanore, entourée par Samantha et Ash, avec Daniel et Lucas non loin, se revoyaient, comme en ce soir funeste à Azuria. Entourée de ses amis, comme dans un cocon inébranlable, un refuge aux reflets châtoyant, le temps paraissait s'étioler alors que le bonheur lui, s'étirait paresseusement.

Finalement, qu'est-ce que c'était que le bonheur dans une vie ? Des instants de joies, qui ressortaient de la trame des souvenirs, comme atemporels. Des ilots paradisiaques au milieu d'un océan aux remous chaotiques. Il ne durait jamais, ce n'était qu'une brève accalmie dans la tempête, un simple arrêt.
Pendant quelques minutes, quelques heures, quelques jours, les grains du sablier cessaient de s'écouler, les secondes ne s'égrainaient plus. Il ne durait jamais éternellement, mais ses réminiscences fugaces, tels le sourire, dont l'écho se perpétue bien longtemps après s'être effacé, restait gravé dans le cœur des gens.

Et ensuite la course reprenait. Tous repartaient à leurs buts et leurs existences, scrutant l'horizon à la recherche d'un indice, d'une piste menant à nouveau à ce bonheur éthérée. Un peu comme un chemin de pierre blanche brillant dans la brume de l'horizon, les êtres vivants suivaient chaque petit éclat séraphique d'un rire. A la recherche de l'éternel félicité qu'ils ne trouveraient jamais. Peut-être était-ce mieux ainsi fait. Ainsi, chaque petit embrun de gaieté embaumait l'être tout entier, sans cela, qui supplanterait l'ennui ?

Le monde aussi imparfait qu'il était, lui plaisait, juste ainsi. En un sens, elle comprenait Daniel, et son désir que tout reste et demeure intact. Mais n'était-ce pas cet univers changeant, en constante évolution, qui se construisait par vague successive, par la réunion et la séparation des volontés, qu'ils appréciaient également ? Ce cheminement en eaux troubles, aux culbutes imprévues, et aux joies aussi irréelles que les ondes de lumières jouant avec l'écume à la surface de l'eau ?

Eléanore ferma les yeux et sourit. Sereine. Elle avait toujours savouré ces brefs moments qu'on lui accordait, sans espérer y dénicher une chimérique utopie où chacun vivrait comblé. Et cela continuerait ainsi.

Alors elle savourerait cet instant d'amusement, cette brèche temporelle, cet arrêt, comme tous les autres.

-Allez c'est moi qui commence ! C'est moi qui commence ! Houspilla Chris.

Chacun tourna la tête vers lui, s'attendant presque à l'entendre déclamer avec un sérieux tout neuf : « Pourquoi les ramoloss ne volent pas ? » Ou une autre question abracadabrante du même acabit.

-Pourquoi je suis jamais dans la bonne case, pour la société ?

Silver se tourna nonchalamment vers eux, les yeux gros, et pas mal d'enfants penchèrent la tête sur le côté, surpris.

-C'est vrai…Comment on sait dans quelle case on doit être ? Je veux dire, on est bons, on est méchants ? On doit rentrer dans quelle case, pour que la société veuille bien de nous ? Pour être de bons enfants pour nos parents ? Pour plaire aux gens ? Enchaîna Angie, avec un grand sourire.

Heureusement que Suicune se tenait assis sur les jambes de Cristal, car elle manqua de tomber de la terrasse sous le coup de l'émotion.

-C'est vrai…Moi non plus je sais jamais vraiment où je dois me mettre…Je suis skyzophrène…Rêveur…Attardé ? Marmonna Daniel doucement.

Le frisson remonta le long de l'assemblée d'adolescents.

-Qu'est-ce qu'il faut faire pour entrer dans la case, la norme ? Enchaîna Silver en détournant les yeux.
-Ne peut-on pas simplement rester nous même, est-on vraiment obligé d'entrer dans des catégories pour plaire à nos parents ? Bafouilla Lucas et Cristal, d'une même voix, avant de se regarder, et de s'empourprer légèrement.
-Et qu'est-ce que ça nous apportera réellement d'être dans la norme ? Marmonna Gold, las.

Samantha observa chacun de leurs amis, livrer ainsi les questions avec ce regard perdu dans les questionnements vains où l'on s'embourbe indéfiniment, le cœur gros. Bien entendu, elle comprenait leurs tourments.

Elle-même, avait souvent rêvé n'être qu'une gamine normale, ni trop intelligente, ni trop stupide, avec juste une famille comme toutes les autres…Mais plus elle avançait dans la vie, plus elle se rendait finalement compte, que pareille cellule n'existait pas. Chaque vie possédait ses propres problèmes, ses propres complexes et drames, à leurs échelles. Etait-il seulement possible d'englober un individu, sa naissance, l'essence même de son être, de le réduire à une catégorie, regroupant plusieurs de ses semblables ? N'étaient-ils pas tous uniques en leur genre ?

Existaient-ils réellement des cases, prédéfinies, ou n'était-ce en vérité que propagande ?

Eléanore observa le groupe avec un agacement rare, et elle fronça les sourcils. Poussée par la simplicité dû à l'alcool, ou peut être naturelle chez elle, elle vociféra :

-Vous savez ma mère elle adore la psycho et ce genre de trucs…les cases, les catégories…Tout le fourbis quoi…Avec genre t'as ça, ça et ça, t'es dépessif ! Oh t'as ça en plus, bingo, t'es névrosé en fait ! Mais si j'ai bien compris un truc là-dedans…

Elle s'écrasa un peu plus contre le flanc d'Ash et lui caressa le museau, ce qui le fit grogner d'aise.

-C'est qu'une case définit jamais tout de nous. Le monde est pas tout blanc ou tout noir ! C'est pas parce que tu portes du blanc que t'es gentil, et du noir que t'es méchant !

Chris et Angie s'interrogèrent du regard, et camouflèrent un sourire complice.

-J'étais condamnée par une maladie incurable…Normalement selon les cases et la norme, j'aurais du devenir dépressive.

Elle ouvrit les bras comme pour montrer l'évidence.

-Et je le suis pas !

Eléanore hocha négativement du chef, puis elle pointa du doigt Daniel, un méchant pli barrant l'arête de son nez.

-Regarde, si je disais par exemple que tu es…Rouge !

Daniel s'empourpra immédiatement sous la pression des regards, et beaucoup éclatèrent de rire sous le gag.

-Pourquoi Rouge ? Demanda Gabriel au côté de son frère, l'air profondément perplexe devant le regard torve d'Eléa – visiblement encore bourrée-.

-Parce que j'l'ai dit. Grommela la concernée avec aplomb. - Bref ce serait faux ! Parce que tu es un mélange de couleur, d'histoire et d'émotions Danny ! Chacun de nous est un mélange de pleins de choses et de cases. On est tous un peu unique. Parce que vous voyez, Danny est rouge, mais il est aussi un peu marron et un peu bleu… A des doses différentes que par exemple Lucas s'il était rouge aussi. En fait ça donne un pourpre un sorte d'écarlate que personne n'aura tout à fait pareil. Daniel est un écarlate un peu plus vermillion que Lucas, qui lui serait un peu plus pourpre que Sam…Et ainsi de suite.

Les autres enfants la dévisagèrent, plissant les yeux, comme essayant de voir si elle avait encore toute sa tête, et cette fois, ce fut à Eléanore de virer à l'écarlate.

-Bref, tout ça pour dire, que les cases on s'en fout, la norme on s'en fout, et la société on s'en fout ! Ce sera jamais totalement nous. Alors on pioche dans les cases qui nous plait et le reste on l'envoie voir ailleurs !

Quelques ricanement échappèrent à chacun d'eux. Et Samantha croisa les bras, avant de soupirer, alors que Lucas lançait joyeusement :

-Bon Daniel a déjà sa couleur, on a plus qu'à chercher la notre !
-Je suis bleue ! Affirma Sam.
-Pourquoi ? Scandèrent Cristal, Lucas et Chris en même temps.
-Parce que j'aime le bleu. Rétorqua la jeune femme, implaccable.
-Vous avez rien compris à mon histoire mais pas grave…Moi chuis verte ! Hurla Eléa, en manquant de passer par-dessus la rambarde en bondissant trop brusquement.

Daniel sourit derrière sa petite amie, ce qui lui valut une flammèche envoyé par un Ash, jaloux.

-J'suis verte, parce que le vert, ça va bien avec le rouge, comme quand c'est Noël…Et que ça va bien avec le bleu. Et parce que le vert ça représente l'espoir au bourg Palette !

Un silence pensif suivit sa remarque, jusqu'à ce que Samantha marmonne dans un rire :

-Oui, sans aucun doute, tu es verte.

Approuvée par tous les autres, d'un hochement amusé.

-Moi aussi je suis vert ! Vous avez tous votre couleur ! Grommela faussement vexé Lucas, sur le ton de la plaisanterie.
-Touche pas à mon vert il est à moi ! Rigola Eléa, l'air pourtant on ne peut plus furieuse qu'on lui vole sa couleur.

C'est à cet instant que Cristal se redressa, les cheveux encore dressés en l'air sous l'effet conjoint de l'apesanteur et des restes du gel. Les joues rouges, elle s'écria, déterminée :

-Et si tu étais noir Louka ! Le noir c'est classe !

Et heureusement, Chris et Angie –feignants de n'avoir rien compris à la conversation- scandèrent :

-NON ! Le noir c'est la couleur des méchants ! Il faut du blanc à Lucas ! Du blanc ! Comme les chevaliers !

Ce qui couvrit l'échange de regards intimidés entre Cristal et le concerné. Tous deux détournèrent les yeux, embarrassés par leurs paroles, se mordant les lèvres de doute et d'émotion.

-Mais et si monsieur Danny est rouge…Alors Silver il est quoi ? Constata alors brusquement Angie, dans une illumination.
-Il est con. Grogna Gold , la tête en bas, les bras croisés, de mauvaise foi.
-Tu as dit quelque chose ? Menaça Silver avec un regard froid aussitôt.
-Moi je suis jaune ! Se rattrapa immédiatement le brun avec un rictus crispé.

Daniel contempla la folie qui se propageait dans le groupe, les propos légers, répondant aux tourments si graves la seconde d'avant. Et il se gratta la joue, peu en confiance. La jeune fille qui se trouvait à côté de lui, celle qui avait choisi le bleu, lui attrapa alors le poignet avec patience, et lui sourit gentiment.

-Tu veux dire quelque chose Danny ? Devina-t-elle doucement.

Daniel grimaça, mais à part Eléanore, tous les autres autour d'eux continuaient de rire avec insouciance.

-Non, c'est juste que…Commença-t-il timidement.

Il inspira profondément, et bafouilla :

- Vous, vous savez tous ce que vous désirez devenir…Vous semblez si sûrs de vous. Comment êtes vous sûrs que vous ressentez les choses correctement, que c'est vraiment ça l'amour, l'amitié…

Samantha –car c'était elle- haussa des épaules.

-Ne crois pas qu'on est plus sûrs que toi là-dessus. On essaye juste de donner le nom juste à ce que l'on ressent nous aussi. On est juste…un tout petit peu plus rapide que toi pour se décider…Expliqua-t-elle sans complexe.

Eléanore se jeta alors sur eux, et passa un bras autour du cou de Daniel et de sa meilleure amie, pour les ramener tout contre elle, et elle rit :




-Ouais mais si ça se trouve les extraterrestres appellent l'amour et l'amitié le ziguiswik ou un truc comme ça !

Et la remarque décalée fit de nouveau exploser de rire l'assemblée, tous s'illuminant un peu plus de minutes en minutes, réchauffant plus efficacement les cœurs que la feu intérieure des Pokémons et illuminant leurs soirées d'un halo bien plus réconfortant que celui de la lune.

Ils pensaient ne jamais pouvoir s'endormir, sous l'hilarité et l'enthousiasme, ou simplement sous l'effet de la joie. Pourtant, le sommeil finit bien par les saisir, peu importe combien Cristal et Lucas se retournaient dans leur sac de couchage, paniqués à l'idée d'être si proches l'un de l'autre, ou encore la morosité obsédante de Silver. Tous, les uns après les autres, finirent par fermer les yeux, sans même s'en apercevoir.

Peut être était-ce mieux comme ça.

« « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « «

Argenta, la ville dormait paisiblement à cette heure, et pourtant, la maison de Pierre, illuminée de toutes parts, se bornaient à rester éveillée, animée sans relâche.

Dans la soirée, Sunny avait ouvert à une ancienne amie du champion-éleveur. Une infirmière Joëlle qu'il avait connu à la faculté de médecine, accompagnée de ses deux enfants, deux petits bambins, de 3 et 5 ans, aux cheveux roses, et aux yeux bleus. Un garçon et une fille ? Pavel et Liselotte.

Quels veinards, il y avait vraiment des parents sans cœur, songea Sunny en apprenant le nom de la plus jeune.

Les deux enfants s'étaient vite liés d'amitié avec Lalie. La gamine de 4 ans, juste entre eux, jouait très bien son rôle de médiateur, malgré le fait qu'elle nommait sa nouvelle copine « Lilotte ». Depuis, ils babillaient gaiement, sous le regard, parfois attendri de Blake, parfois furieux quand il voyait le garçon s'approcher de trop près de sa « mini sunny ».

Un vrai papa Gâteau, prêt à lâcher son ectoplasma parce que ce démon miniature avait osé souiller son ange en lui frôlant la main.

Sunny, plus concentrée, elle, après avoir fermé les enclot des Pokémons sous la garde de la famille, écoutait patiemment leur conversation à travers la porte.

Apparemment, la femme Joëlle s'inquiétait à juste raison.

-Je ne sais pas ce qui se passe en ce moment…Mais les Pokémons attrapent de plus en plus de maladies qui me sont inconnues et les déciment. C'est insupportable…
-C'est ton métier, Jo…C'est comme ça…
-Non. Mon métier ce n'est pas ça. Mon métier c'est de sauver des vies…Avant-hier, j'ai perdu un Nénupiot dans mon centre de Clémenti…Et…j'ai eu l'impression de mourir avec lui. Qu'une part de moi partait aussi. Mon cœur s'est arrêté. J'aurai voulu hurlé contre ma propre impuissance, je me suis détesté d'être si faible…Et…

Elle marqua une pause douloureuse.

-Depuis, j'ai cette chose qui me pousse sur le bras.

Bien entendu, Sunny ne vit pas clairement ce qu'elle montra au champion et à sa femme, mais elle perçut leur air catastrophé dans leurs murmures de réponse :

-Qu'est-ce que c'est ?
-Je l'ignore. Sanglota Joëlle. Les Pokémons ne sont pas les seuls touchés ! Les centres hospitaliers affluent de nouveaux malades pour lesquels on ne peut rien faire. Avec tous ces changements météorologiques, l'éco-système…se modifie et meure…J'ai peur pour l'humanité Pierre.
-L'humanité ne mourra pas si facilement, Jo. Temporisa Pierre.
-Ma cousine a perdu sa fille Sam, si facilement…Les temps sont si instables…Et je m'occupe seuls de mes enfants…Alors…je voulais…

Les adultes se turent, pris dans un dilemme bien trop obscur et douloureux à leurs âges pour qu'ils l'envisagent véritablement. La mort.

-Ne te t'enterre pas si facilement Jo.
-Non…Avec ce truc sur mon bras…je ne peux pas ne pas envisager ce cas de figure. Siffla l'infirmière la voix étranglée. – j'ai rencontré un garçon, Claude, dans mon centre, il avait perdu sa mère lui aussi, lors d'un accident inattendu…Et…il disait, que son père…Son père n'était pas apte à l'élever. Je sais que mon ex-mari ne le sera pas non plus. Alors…
-Crois en ta chance, Jo. Crois en celle de l'humanité. Après tout, nous en avons toujours eu. Malgré toutes les crises, nous avons tous survécu…Argua Charline patiemment.
-A quel prix, Charline, à quel prix ?

Sunny fronça les sourcils, le cœur lourd. Elle passa devant son frère, qui émerveillait les petits avec son adresse au yoyo, tout en tâchant de séparer le gamin au cheveux roses, de sa petite Lalie Chérie.

-Je vais faire un tour. Annonça-t-elle simplement, en prenant les clefs dans le séjour.
-Ne rentre pas trop tard.

Sunny ne répondit pas, Calion, son feuforêve vint se nicher sur son épaule, et le feurisson de Yoann lui apporta son écharpe, celle de son ancien maître, pour qu'elle la noue à son cou. D'un pas résigné, Sunny sortit, déambula dans les rues éclairées de réverbères aux halots rouillés. Ses pas la menèrent instinctivement jusqu'à l'orée de la forêt de jade.

Elle s'avança, puis s'assit dans le creux des racines d'un arbre. Fatiguée.

Elle leva les yeux vers le feuillage qui couvrait la forêt, tel un toit, dont tombaient en cascade quelques rideaux d'argents sous l'auréole lunaire. Elle plissa les yeux, comme cherchant un fantôme, aux côtés des nuages, et grimaça tristement, alors que feurisson venait se frotter contre elle.

Etait-ce pour cela, que Yoann avait perdu la vie ? Pour un monde incertain comme celui-là ? Où une mère craignait de ne pas voir le lendemain ? Où Pokémons et humains mourraient sans raison, sur une terre encore secouée par le climat imprédictible ?

Une feuille tomba lentement vers elle et se posa sur sa joue, effleura sa peau, avant de venir grésiller sur le pelage du Pokémon feu. Suivie d'une autre de ses semblables. Encore verte, mais aux rainures d'un jaune pisse, maladifs.

Sunny posa sa tête contre le tronc de l'arbre, sans en entendre la vie pullulant en son sein. Elle admira les autres parurent, la mousse terne, se putréfiant lentement, les feuilles tombant sur le chemin comme de les flocons de neige, malgré l'automne encore loin.

Sunny ferma les yeux avec résignation, ravalant ses sanglots, et elle passa son unique main sur son regard clos.

Non, elle ne voulait pas voir le sacrifice de Yoann périr avec la nature. Mais elle ne pouvait nier ce qui se déroulait, s'accentuait chaque instant un peu plus :

La forêt de Jade mourait.

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Lorsqu'Eléanore ouvrit les yeux, ce matin là, la première sensation qui lui vont, fut ce mal de gorge prenant. Elle toussa un peu, se replaça sous la couette, se blottit un peu plus contre Ash ; puis ouvrit la bouche pour étrenner son timbre.

Bien que légèrement enroué, il ne sonnait plus du tout comme celui d'un fumeur en stade terminal.

Les évènements de la veille lui revinrent alors en mémoire. La fête, les jeux, la nouvelle.
D'abord, elle arqua un sourcil, et se leva, les bras ballants, fronçant les sourcils pour être certaine qu'elle n'avait pas rêvé cette histoire. Mais elle inspecta les tâches sur ses bras, d'un pourpre rosé, et non pas d'un violet soutenu, voire noir. Elle essaya de bouger ses jambes, et manqua de hurler de surprise quand elle les leva sans problème au dessus du sol. Les yeux ronds.

Alors elle observa ses amis, dormant paisiblement à ses côtés, leurs respirations tranquilles. Et à les écouter, simplement, les battements de son cœur se calmèrent à son tour pour entrer dans une douce et certaine quiétude, une acceptation toute neuve.

Elle n'avait pas rêvé.
Elle allait vivre.

Un sourire lui échappa, et elle secoua aussitôt la tête pour l'en chasser.

Non, elle allait peut être, survivre. Si l'opération réussissait. Se raisonna-t-elle.

Malgré tout, elle ne parvint pas à réfréner cette pulsation d'espoir en elle.

Le plus discrètement possible, elle se leva, roula ses draps, et fit tapota le museau d'Ash et Hope pour les réveiller. Derrière la montagne, perçait paresseusement les premiers rayons solaires de la matinée.

Les Pokémons dardèrent un œil sur leur dresseuse, puis la voyant leur tirer la langue avec espièglerie, et leur pointer la route, sautillant déjà, ils se relevèrent avec enthousiasme.

Elle se précipita vers l'escalier, s'appuya contre une colonne pour tournoyer joyeusement autour, avant de s'élancer. Elle admira une seconde le lac, aux abysses encore noire, sans la douce caresse de l'aurore encore trop jeune. Les Pokémons dormaient sur la côte, paisiblement eux aussi.

Elle huma l'air à plein poumon, et manqua de s'étrangler, la poitrine encore obstruée. Pilou sur le dos d'Hope, Ash, Torch, et Evoli, voletant ou trottinant jusqu'à elle. Ils l'observèrent, piaffant d'impatience.

-C'est parti pour un jogging.

Le murmure à peine audible d'Eléanore lui gonfla pourtant le cœur d'allégresse. Elle tourna les talons et commença sa course. Le vent frais de la rosée fouettait son visage sans compassion. Ses Pokémon la suivirent sans plus attendre, la dépassant, tant l'entrain, le plaisir de retrouver cet exercice quotidien les enjouait.

Et Eléanore les comprenait. Courir ainsi la ramenait au début de son voyage, alors qu'elle parcourait la forêt de Jade.

Tout avait tant changé, depuis cette époque. La forêt était-elle demeuré la même malgré tout ? Le nid d'abo si diabolique, qui avait failli lui retirer Ash, étaient-ils toujours nichés entre le nœud des mêmes arbres ? Cette époque mélancolique lui apparaissait si lointaine à présent. Pourtant, lorsqu'elle se retournait pour contempler le chemin parcouru à toute allure, les souvenirs demeuraient nets et précis. L'odeur de mousse, le gout de la rouille qui encombrait sa gorge, si semblable à celle qui prenait place plus elle tirait sur la cadence.

Elle n'était plus la même fillette solitaire qui s'accrochait à l'exercice de ses Pokémons, à l'entraînement, à ses rêves, et découvrait le monde pour la première fois.

Elle l'avait vu à présent, elle avait humé la liberté, crié à plein poumons, couru le longs des champs, nagé dans la rivière, joué sous la neige, s'était fait des amis irremplaçables.

Elle contempla ses Pokémons devant elle, qui ralentissaient pour lui permettre de suivre.

Elle n'avait pas réalisé ses rêves. Elle n'était pas devenue une championne de Pokémon feux. Mais elle avait connu d'autres objectifs. Elle avait saisi d'autres opportunités, tout aussi palpitantes. Elle avait juste changé de point de vue. Et ne le regrettait pas.

Petite, elle observait le monde et le temps filer derrière sa fenêtre en rêvant pouvoir un jour s'y fondre. Depuis sa naissance, ou du moins depuis aussi loin que remontaient ses souvenirs, elle avait toujours courut. Elle ne savait pas pourquoi, mais elle détestait s'arrêter. Quand elle stoppait ses enjambés, elle regardait en arrière, elle voyait tout ce qu'elle avait perdu durant sa course effrénée, le temps qui s'écoulait, et ces ténèbres opaques qui menaçaient de l'engloutir, elle se tournait de l'avant, et là elle n'y rencontrait que le néant. Oui elle détestait s'arrêter de courir car la réalité la rattrapait trop brusquement. Quand elle s'arrêtait, elle se sentait disparaître.

Aujourd'hui, elle ne craignait plus de s'arrêter. Le souffle venait à lui manquer, elle apaisait alors ses muscles, pour transformer ses bonds en pas, puis finalement, elle se dressait immobile. Contemplant l'horizon, admirant le chemin parcouru. Et où qu'elle scrute, elle y retrouvait les visages confiants de Sam, Daniel, Yuki, Lucas, de tous ceux qu'elle avait connus. Tous ceux aux quels elle tenait.

Une voie s'ouvrait, dans la brume de l'horizon, grâce à Régis, grâce à une détermination, une obstination qu'elle avait toujours refusé de reconnaître. Car elle n'était pas sienne.

Quelle sensation étrange, de recevoir le plus beau présent que l'on puisse nous offrir, alors même qu'on n'a jamais voulu l'espérer, craignant le refus et l'échec. Comme il était si facile, de serrer, d'étreindre cet espoir si fugace et traître, sur lequel elle avait tant craché dans son enfance.

Eléanore stoppa sa course, et respirant par à-coup, suant à grosses gouttes, elle posa ses mains sur ses genoux flageolants. Ses Pokémons vinrent vers elle pour s'assurer de son état, et elle les étreignit tour à tour.

Pourtant, elle espérait. Elle n'osait y croire, mais elle espérait. L'espoir s'était niché dans son cœur, et elle désirait, elle souhaitait vivre chaque matin, ce même épuisement, ce même réconfort, juste la joie de courir avec eux, avec ses Pokémons, sans songer à qui elle les confierait quand son heure serait venue.

Vivre ? Pour elle, tout cela n'avait été qu'un mot, vide de sens. Mourir ? Voilà ce qu'elle comprenait. Elle saisissait d'abord la fin, et non le commencement. La finalité avant sa progression.

Elle tâta une seconde sa poitrine, et tâcha d'omettre le gout acide, sanguinolent de sa gorge. Elle ferma les yeux, et écouta les battements frénétiques de son cœur, affolé par l'effort. Elle percevait cette mélodie, comme seule et unique, le chant d'Eléanora n'était plus qu'un murmure. Elle entendait sa vie, sentait sa vie sous ses doigts.

-Ce n'est rien que ça. Juste un cœur qui bat. Constata-t-elle platement.

Elle posa sa main sur le ventre d'Ash, et frémit quand elle saisit la même pulsation, avant de ricaner. Les larmes lui montant aisément aux yeux.

-C'est si simple ! Si…Si fragile ! Si incontrôlable ! Souffla-t-elle.

Qu'est-ce qui poussait cet organe à lutter ainsi, qu'est-ce qui animait cette pompe perpétuelle, comment démarrait-elle au premier instant, et pourquoi s'éteignait-elle un jour et pas un autre ? Ces questions, lui apparurent pour la première fois. Et elle, qui ne s'était jamais vraiment soucié de cela, prit conscience de la valeur de la vie. De sa vie.

Elle pouvait s'arrêter, du jour au lendemain. Pour une chute dans les escaliers. Par sa faute, pour l'avoir surmené, négligé. A présent, la lutte n'existait plus, contre cet ennemi tangible, nommé qu'était sa maladie. Elle se battait contre elle-même, contre les aléas du temps, et du destin.

Quelque part, cette constatation l'effraya.

Hope se pencha alors vers elle, et lui lécha affectueusement la joue.

C'est alors qu'une main lui saisit le poignet. Elle se tourna, et aperçut Sam, elle-même en sueur, la respiration saccadée, les joues rouges. Sa meilleure amie lui sourit, et simplement, elle la défia :

-Alors, déjà fatiguée ? C'est pas un jogging ça ! Ca fait juste une demi-heure !

Et si elle savait comme ses jambes la lançaient ! SI elle savait seulement à quel point déjà la tête lui tournait, le vertige lui tordait les entrailles ! Une demi-heure seulement. Comme elle avait perdu dans la paralysie, pour être au bord de l'évanouissement.

-Allez, je pars devant, essaye de me rattraper ! Scanda Sam, en partant à toute vitesse, Brasegali sautant à ses côtés.

Eléanore interrogea ses coéquipiers Pokémons du regards, lesquels affichèrent une mine déterminée, guerrière, peu encline à se laisser vaincre sans combattre. La jeune dresseuse sourit, et ravala sa salive, avant de s'élancer à son tour.

Le cœur frémissant dans sa poitrine.

Depuis quand, Samantha la menait-elle, la dépassait-elle en vitesse ? Songea-t-elle une seconde, alors que la jeune femme maintenant la distance entre elle. Depuis quand les rôles s'étaient-ils inversés ?

Elle l'ignorait. Depuis qu'elle la côtoyait, elles ne cessaient de se surprendre l'une l'autre, de se dépasser, s'entraider, se tenir la main pour se lancer à nouveau un peu plus en avant. Alors, peut-être n'avait-ce aucune importance, depuis quand elle se situait au devant d'elle.

Samantha jeta un coup d'œil par-dessus son épaule, et elle lui tira la langue.

-Fatiguée Eléanore ? Tu vas te faire battre ! Tu abandonnes !

Eléanore grinça des dents et accéléra pour parvenir à son niveau, manquant de perdre connaissance. Elle se tourna alors vers son amie et lui sourit :

-Tu te crois plus forte ! Mais j'te parie que je saute aussi haut que ton Basegali !

Samantha arqua un sourcil, et elle ricana :

-Genre !
-C'est un pari !
-Pari tenu !

Eléanore bondit alors, et enserra la taille du brasegali de Sam, qui sauta à une hauteur vertigineuse, sous le coup de la surprise. Samantha s'arrêta, écarquilla des yeux, la bouche ouverte en un « o » magistral, tandis que le cri victorieux d'Eléa jetait au ciel et à la terre :

-Je gagne toujours !

Et Sam ne put retenir un éclat de rire, bonne joueuse. Puis elle continua sa course. Alors qu'Eléanore, une fois pied à terre, tomba sur les fesses, incapable du moindre mouvement de plus. Les deux filles papotèrent une seconde, puis Sam repartit, pour continuer son entraînement, son tour du lac.

Eléanore se tût, contemplant ce que son ami accomplissait, ce qu'elle avait accompli dans sa jeunesse, et qui se trouvait hors de sa portée. Pour le moment.

Ash grommela, en passant son museau pour quémander un câlin, jaloux de la voir juste cajoler les plus petits, allongés sur ses genoux. Il l'aida à se relever, et ils repartirent vers la terrasse et le chalet. Pensifs.

Alors qu'elle s'apprêtait à rejoindre l'escalier, elle avisa alors une plaque de verglas, vestige d'une attaque de Silver sur Angie et Chris pour refroidir leurs ardeurs calineuses, et flétrir le morceau de gui maudit dont ils voulaient l'affubler.

Eléanore observa la plaque, pensive. Une terreur sourde s'emparant d'elle une terreur inconnue.

La vie était vraiment courte.
Pouvait-elle vraiment la risquer, la mettre en jeu, alors qu'il était si simple de contourner ce maux glacé ? Elle risquait de glisser, de se rompre le cou, de gaspiller cette chance avant même d'y goûter. Pouvait-elle se permettre la même insouciance qu'auparavant ? Non. Elle pouvait perdre, dorénavant.

Pilou et Evoli passèrent dessus sans soucis et penchèrent le crânes, inquiets, vers leurs dresseuse, qui se sentit brusquement bête.

Quelle idiote. Elle avait peur d'une plaque de verglas maintenant ! Depuis quand craignait-elle si peu ?

-Je deviens compliqué Miyu ! Tu as vu ça ! Ricana-t-elle.

Elle ne se soucia pas du manque de réponse et fit un pas en avant. L'inévitable se produisit, ses jambes faibles ne s'attendaient pas à un sol instable et elle se vautra lamentablement à terre, tombant sur le dos, le souffle coupé.

Elle ouvrit grands les yeux, et gémit en se relevant, entourée de ses Pokémons, apeurés par la chute. Elle repoussa les museaux inquiets, avec des mots rassurants, et ne put réprimer un rire moqueur :

-Ouais, j'aurais mieux fait d'éviter finalement ! Epargne-moi tes remarques sarcastiques Miyu, tu seras gentil.

Mais cette fois, le silence en retour la frappa toute entière.

Etonnée parce manque de réparti elle leva les yeux vers le ciel ouvert, bleu. Sans l'ombre d'un fantôme, ou d'un nuage. Une bise fraîche souffla sur la plaine, apportant avec elle, une constatation froide.

Miyu avait disparu.