Chapitre 2 - Bourg Geon III
Elza avait commencé l'entrainement le lendemain de sa visite chez Matthew. Comme il lui avait conseillé, elle s'était levée le matin et avait préparé un panier de pique-nique pour pouvoir déjeuner dehors avec son pokémon. Après quelques heures de marche plus fatigantes qu'elle n'aurait cru, Elza s'était trouvé un endroit sympathique pour se reposer.
Une rivière coulait là, dans un bruissement régulier, des arbres filtraient la lumière coquine du soleil tandis qu'une bise légère faisait voler ses cheveux.
« Nous seront bien ici. » Avait-t-elle déclaré.
Après avoir mangé le contenu de son panier, Elza pris Zan sur ses genoux et le regarda. Droit dans les yeux.
Zan en fut troublé, il rougit. Elza détourna le regard, désolée. Elle rougit et rit. Puis, elle le regarda à nouveau, à la dérobée. Il n'était pas mignon, elle devait bien le reconnaitre. Il n'était pas mignon, mais il avait quelque chose de spécial. Une beauté fascinante… Savoir que l'on avait en face de soi un pokémon capable de cracher de l'eau venant de l'intérieur de lui… ou bien même d'évoluer !
Elza repensa à son après-midi avec Matthew. Qu'importait le léviator, qu'il soit rouge, ou bien bleu ; Elza avait en face d'elle, sur ses genoux, dans ses bras, son premier pokémon. Le sien, à elle, et elle l'estimait plus que tout déjà.
Elle se demanda si elle capturerait d'autres pokémons. Matthew, lui, n'en n'avait pas d'autres à part son germignon. Il affirmait qu'il commencerait à chercher dès qu'il pourrait se lancer à l'aventure avec Elza, dans deux mois. Mais de toute façon, maintenant, Matthew avait son œuf qui ne tarderait pas à éclore et lui donnerait un nouveau compagnon.
« Allez, Zan. Il est temps de s'entrainer ! Que pourrions-nous faire pour nous amuser en même temps ? »
Le kaiminus hocha la tête. Il regarda sa dresseuse qui semblait réfléchir intensément. Elza hésita un long moment puis son visage s'éclaira.
« J'ai trouvé ! Nous sommes à côté de la rivière, baignons-nous ! Il fait beau, ça vaut le coup. Quand tu seras dans l'eau, tu me montreras à quelle vitesse tu sais nager. Tu t'entraineras à ton pistolet à eau, et à ton attaque écume. Qu'en dis-tu ?
- Kai ! »
Zan plongea la tête la première dans l'eau douce. Lorsqu'il sorti sa tête de l'eau, il semblait infiniment heureux d'être mouillé.
« Et bien, on voit que tu es un pokémon de type eau ! »
Elza ôta son short, ses baskets et ses chaussettes. Elle entra timidement dans l'eau qui lui sembla bien fraîche. La rivière lui arriva bientôt à la taille, elle décida de ne pas s'enfoncer plus loin. Le courant la poussait légèrement, et elle devait bouger lentement afin de ne pas se laisser emporter. La partie immergée de son tee-shirt devenait lourde et ondulait dans les vaguelettes brillantes de soleil.
« Zan, montre-moi de quoi tu es capable ! »
Le kaiminus ne se fit pas prier. Il plongea la tête sous l'eau et s'élança. Contre le courant, il fonça droit devant lui, fendant les lames d'eau. Ses pattes le propulsaient toujours plus loin, toujours plus vite. Elza ne le voyait plus tant il allait vite, et même l'eau claire ne lui renvoyait plus l'ombre de son pokémon.
Soudain, derrière elle, il surgit. Elle ne l'avait même pas vu revenir. Sautant par-dessus elle en l'éclaboussant, il termina sa course par un jet d'écume qu'il envoya en l'air. Les bulles flottèrent un instant au dessus d'eux et se brisèrent dans une douce bruine.
***
Les entrainements s'enchaînèrent ; et Elza faisait connaissance avec Zan. Elle le découvrait tour à tour joueur, têtu, farceur ou bien même timide. Il n'aimait pas se lever tôt le matin finalement, et préférait la nourriture importée de Kanto à celle de Johto. Il pouvait passer des heures sous la pluie sans bouger, et avait semblé fasciné par le réfrigérateur de la cuisine, dans lequel il avait passé plusieurs heures avant qu'Elza ne le découvre, allongé entre une pomme à moitié mangée et une bouteille de soda.
Elza ne se leva plus si tôt le matin, et se rendait près de la rivière pour en entrainement dès que l'envie lui prenait. Elle inventait de nouveaux jeux à chaque fois, et ils s'amusaient beaucoup. Elle n'avait encore pas trouvé le truc qu'elle pourrait partager avec Zan, mais elle se rassurait en se disant qu'elle finirait par trouver.
Elza observait Zan tous les jours, retenant ses expressions et ses tics, l'évolution de la taille de ses griffes ou bien de la couleur de ses écailles. Ce jour là, elle décida d'aller voir Matthew afin d'emprunter son cahier pour y noter tout ce qu'elle avait appris sur son kaiminus.
Elle se fit rapidement deux couettes sur la tête et emmena Zan avec elle. Il restait souvent hors de sa pokéball ; Elza savait que ça n'était pas courant, mais elle avait du mal à imaginer sa vie enfermée dans une capsule de métal, aussi avait-elle délibérément choisi de laisser Zan en liberté.
Elza sautillait sur le chemin. Zan la suivait, heureux. Ils allaient vers l'ouest, chez Matthew, quand une silhouette surgit du chemin à toute vitesse sur un vélo.
« Attentiooon ! » Cria une voix de garçon.
Elza s'écarta vivement de la route, mais le garçon freina brusquement dans un crissement de pneus.
« Elza !
- Matthew ?!
- Elza, viens vite ! Je venais te chercher !
- Quoi ?
- C'est l'œuf, Elza ! Il éclot ! »
Le cœur d'Elza fit un bond dans sa poitrine. Elle sauta sur le porte bagage du vélo après avoir exceptionnellement rappelé Zan dans sa pokéball et Matthew démarra en trombe, dégageant un gros nuage de poussière derrière eux.
***
Matthew roulait à une vitesse vertigineuse. Des couettes d'Elza dansaient dans l'air, et elle plissait les yeux pour se protéger du vent. Ils roulèrent quelques minutes puis Matthew abandonna son vélo à l'entrée de chez lui et courut jusqu'à l'étage pour retrouver son mystérieux œuf. Elza le suivit aussi vite qu'elle put. Elle avait rarement vu Matthew tant pressé, lui qui était plutôt du genre à se laisser aller doucement, elle devait reconnaître que ça lui faisait bizarre. Il devait être vraiment très excité ! Et Elza le comprenait parfaitement.
Arrivés dans sa chambre, elle tomba sur Matthew, essoufflé tout de même, et son père qui portait l'œuf dans sa capsule de verre.
« Ah, Elza. Bonjour.
- Bonjour, monsieur Dikleen. Comm-
- Elzounette, on n'a pas le temps ! Papa, donne-moi l'œuf ! Pourquoi l'as-tu pris ?
- Matthew, une éclosion ici est risquée, le bébé pokémon a besoin de soins quand il nait ! On ne vous a jamais appris ça ? Quand je t'ai vu partir si vite, j'ai su que c'était l'heure.
- Oh.
- Il faut emmener l'œuf chez l'infirmière Joëlle. Elle va s'occuper de lui. Dépêche-toi, ça ne va plus tarder. » Le père de Matthew lui tendit la capsule et Matthew la serra contre lui, comme s'il avait peur qu'on lui prenne à nouveau.
Elza remarqua alors un détail auquel elle n'avait pas accordé d'attention jusqu'alors : l'œuf luisait. Coup par coup, une étrange lumière émanait de l'œuf puis s'éteignait. Elle fronça les sourcils.
« C'est la preuve qu'il est sur le point d'éclore, Elza. » Informa monsieur Dikleen en voyant son regard fasciné.
Elza hocha la tête et sourit, mais Matthew la bouscula en passant à côté d'elle.
« Grouille, Elzounette ! On fonce chez l'infirmière Joëlle !
- Je te suis ! »
Les deux enfants quittèrent la maison aussi vite qu'ils étaient arrivés. Ils grimpèrent sur le vélo et Elza récupéra la capsule le long du voyage. Elle le serrait si fort, de peur qu'il ne tombe, que ses mains s'écrasaient sur les parois de verre.
Leurs cœurs battaient vite. C'était leur première éclosion. C'était un événement rare. A nouveau, l'image d'un léviator traversa l'esprit de Matthew. Il secoua la tête pour chasser cette idée : qu'importait le pokémon, il l'aimait déjà.
***
Ils attendaient depuis près de deux heures. La lumière était rouge au dessus de la porte de la salle de soins de l'infirmière Joëlle et les deux enfants n'en pouvaient plus d'attendre. Elza soupirait toutes les cinq secondes et Matthew tournait en rond en marmonnant dans sa barbe inexistante.
Puis la lumière rouge s'éteignit. La porte coulissante laissa sortir une infirmière aux cheveux roses et ainsi qu'un leveinard.
« Infirmière Joëlle ! Comment va l'œuf ?
- Il va bien, ne t'en fais pas. Je venais te chercher car il a commencé à percer. C'est ton pokémon ?
- Oui, je vais le garder ! Je peux aller le voir, vraiment ?
- Oui, venez vite. Il faut qu'il te voie en premier. Tu seras comme sa maman.
- D'accord. Je m'en occuperais bien, c'est promis.
Elza et Matthew rentrèrent dans la salle d'opération, intimidés. Là, sur une table et relié à de nombreux câbles, l'œuf brillant était fissuré.
Matthew s'approcha au plus près, il leva la main pour caresser la coquille mais il n'osa pas même l'effleurer. Les secondes passèrent, le craquement joyeux de la coquille laissa place à un trou qui grandit, et grandit encore. Finalement, une patte grise sortit de là, et bientôt le bébé fut dehors.
Matthew sentait son cœur éclater contre sa poitrine. Il avait éclot. Son bébé pokémon. Il était fier, et en même temps, il avait tellement peur de ne pas réussir à s'en occuper.
Matthew ne bougea pas, il était comme fixé, une expression indéchiffrable sur le visage.
« Bonjour, toi… Je m'appelle Matthew. Je suis ton… Euh… papa. » Bredouilla le garçon.
Le pokémon n'avait pas bougé. Il fixait Matthew. Soudain il cligna des yeux et pencha la tête sur le côté, levant les bras en signe de contentement.
« Reeex… » Grogna la petite chose.
« Oh, c'est merveilleux ! » S'écria l'infirmière. « Il vous a adopté, je crois !
- Ah, c'est vrai ?! Je ne sais pas quoi dire, ça me fait bizarre…
- Oh, il est trop mignon !
- Ca oui !
- C'est un mâle. » Informa l'infirmière. « Vous pouvez lui donner un surnom maintenant.
- Non, non, ça ira. J'ai juste une question… Quel est ce pokémon ? Mon père me l'a ramené de Sinnoh. Mais je n'ai jamais vu de pokémon comme celui-là…
- Il s'agit d'un goinfrex. Il est plutôt rare d'en obtenir un par œuf… et d'en obtenir tout court, d'ailleurs. Vous avez beaucoup de chance que votre père vous ait ramené un si beau spécimen ! Il évolue en ronflex.
- R… Ronflex ?! Vous voulez dire, ce pokémon géant ?!
- Oui. Il demande beaucoup d'attention au niveau de son alimentation, mais c'est un adorable compagnon. Il est fidèle et très robuste.
- Ca alors… Un bébé de ronflex…
- Matthew, quelle chance tu as ! » S'exclama Elza en caressant la tête du goinfrex qui grogna de plaisir. « Il est vraiment trop chou ! »
***
Le goinfrex prit très naturellement sa place dans les bras de Matthew. Celui-ci sortit donc du Centre Pokémon avec son bébé dans les bras. Son sourire le faisait rayonner. Il semblait extrêmement fier.
« Ah, maintenant, goinfrex, il faut que je te montre le plus important ! » Lança gaiment Matthew. « Tout d'abord, voici Elzounette ! C'est ma meilleure rivale ! » Il rit. « Tous les deux, on veut devenir des champions. Mais moi, bien sûr, je suis plus fort qu'elle, alors je la battrais !
- Tu rêves !
- Mais surtout, je veux que tu connaisses germignon. C'est mon premier pokémon. Je l'ai reçu du Professeur Orme il y a un an. C'est une fille, fais gaffe, elle a son caractère ! Germignon, à toi ! »
Un éclair rouge zébra le ciel et germignon sortit de sa pokéball. Elle en profita directement pour donner un coup de liane à Matthew, d'un air de dire « Je n'ai pas mauvais caractère, tu racontes des sottises ! ». Matthew posa goinfrex par terre et invita germignon à faire connaissance avec leur nouveau compagnon.
« Germignon, voici goinfrex. L'œuf a éclot. C'est le bébé d'un ronflex, et c'est notre nouveau compagnon. » Récita Matthew. Puis son sourire s'évanouit. Il sembla se souvenir de quelque chose de gênant et bégaya :
« En fait, goinfrex, tu ne m'appartiens pas… Puisque tu n'appartiens pas à une de mes pokéball.
- Quoi ? » Demanda Elza, surprise.
« Oui. C'est un fait, les bébé naissent mais ne sont pas directement rattachés à des pokéballs. Goinfrex est donc libre, techniquement. Mais… J'aimerais le garder. » Il regarda le pokémon assis par terre avec germignon. « Tu veux bien de moi, comme dresseur, dis ? J'ai pris de soin de ton œuf, tous les jours. Et je prendrais soin de toi encore. On s'entraînera, on se fera plein d'amis… Tiens. C'est à toi de voir. »
Elza resta perplexe. Elle ignorait que les bébés pokémons n'appartenaient pas directement aux dresseurs qui les avaient soignés avant leur éclosion. Elle regarda Matthew sortir une pokéball et la poser à quelques centimètres de goinfrex.
Matthew sentit ses mains devenir moites. Son cœur battait la chamade. Trop, c'était trop d'émotions pour aujourd'hui. Il ne pourrait pas supporter un refus. Il espérait que ce petit goinfrex allait accepter.
Le pokémon gris sourit alors largement. Il agita les bras en signe de joie et dans un éclair rouge, rentra dans sa nouvelle pokéball.
Matthew resta pantois un instant, la main tendue vers la ball. Puis il s'agenouilla, la ramassa et sous les yeux ébahis de germignon et d'Elza, il s'écria :
« OUAIS ! J'ai capturé mon premier pokémon !
- Capturer est un bien grand mot ! » Plaisanta Elza.
« Espèce de jalouse. » Répliqua Matthew. « T'as vu, germignon ? Elzounette se moque, mais je suis sûre qu'elle n'est pas capable d'en faire autant. Il est rentré dans sa ball du premier coup.
- C'est normal, il l'a fait de son plein gré ! Et je ne suis pas jalouse du tout. »
Bien sûr, Elza mentait. La capture d'un premier pokémon pour un jeune dresseur est une aventure extraordinaire. Elza avait obtenu Zan car on lui avait donné, mais elle devait bien avouer que capturer son propre pokémon serait une toute autre histoire.
« Bah, c'est pas grave. » Lança gaiment Matthew. « Elza, je te mets au défi : Nous partons en voyage initiatique dans un peu plus d'un mois – et il me tarde vraiment ! – alors capture un pokémon. Celui que tu veux, de la manière que tu veux, mais ça doit être toi qui le capture. T'as à peu près un mois. Cap' ?
- Oh ! Cap', bien sûr ! Avec Zan, on peut capturer tous les pokémons de Johto s'il le faut !
- Si tu le dis.
- Je tiens le pari. Dans un mois, j'aurais capturé un nouveau pokémon.
- Ha ha. Je verrais bien.
- Trop fastoche. »
Et Elza angoissa. Capturer un pokémon ? Soi-même ?!
***
Finalement, Matthew et Elza étaient retournés chez les Dikleen. Elza avait noté sur le cahier tout ce qu'elle avait pu observer sur Zan durant ces semaines. Matthew était assis en tailleur sur son lit, germignon à ses côtés et goinfrex sur ses genoux. Il le regardait sous toutes les coutures, comme s'il eut voulu imprimer son image, vivace, dans son esprit. Il lui parlait, et le pokémon lui répondait avec entrain. Elza le regardait en biais.
Il savait nouer une complicité avec ses pokémons dès les premières minutes… Elza n'en revenait pas. Elle, le premier jour, elle s'était fait mordre la main au réveil et elle avait lancé des bâtons sur la tête de Zan toute la journée. Elle se sentit honteuse.
Elle avait joué une minute avec le bébé, lui gratouillant le ventre, avait caressé la feuille de germignon, puis était partie de chez Matthew en lui rappelant que bientôt, elle serait la dresseuse d'un nouveau compagnon. Matthew lui avait souhaité sincèrement bonne chance.
Une fois près de la rivière d'entrainement, Elza s'écroula aux côtés de son kaiminus.
« Oh, Zan, tu as entendu Matthew. Il faut qu'on capture un nouveau pokémon ! Ca va pas être facile, je te le fais pas dire, mais je peux pas me permettre de perdre ce pari. Tu sais, Matthew, c'est mon rival, hein, alors va falloir que j'assure. » Elza soupira. « Mais qui capturer ? Et comment ? Bon, tu sais, j'ai une idée. On va encore s'entrainer un peu. Après, je demanderais des conseils à papa. Et encore après… on verra. »
La vérité, c'est qu'Elza avait peur. Peur de rater sa capture, de se ridiculiser devant son ami. En plus, elle n'avait jamais véritablement songé à capturer un autre pokémon que Zan. Bien sûr, elle savait qu'elle finirait par le faire, simplement… Pas tout de suite, quoi.
***
Les jours passèrent. Elza s'entrainait dur avec Zan. Ils étaient arrivés à effectuer de petits enchainements, des combos offensifs et défensifs, bien qu'Elza ait vite compris que Zan préférait se battre plutôt que d'esquiver. Mais toujours pas de nouvelle capture. C'était pas faute d'y avoir songé, se défendait Elza quand Matthew l'appelait pour avoir des nouvelles.
C'était simplement un manque de temps. N'est-ce pas ? Elle allait s'y mettre très bientôt. Sans doute.
Elle avait commencé par des recherches sur ordinateur. Elle habitait à Doublonville, de fait, les pokémons des alentours de la ville étaient ratatta, nidoran, soporifik… Elle devait donc en trouver un parmi ceux-là et lui lancer une ball. Pas plus dur que ça.
Elza savait qu'il ne lui restait plus beaucoup de temps. En fait, il lui restait tout juste une petite semaine avant le grand Départ. Elle commençait à vraiment stresser. Pas que si elle perdait son pari sa vie serait fichue, mais elle tenait à prouver à son rival de quoi elle était capable. Pour lui, ça avait été si facile ! Il n'avait eu qu'à poser la ball par terre et goinfrex s'était précipité dedans. Ca ne marchait pas comme ça dans les autres cas, Elza en était sûre.
Sinon pourquoi tout le monde ferait un si grand cas de sa première capture ?
***
Lorsqu'Elza se leva ce matin là, elle était bien décidée à aller capturer un nouveau pokémon. Toute la nuit durant elle n'avait pas pu dormir, trop occupée à songer à la manière dont elle pourrait y parvenir. Elle se réveilla durement et, laissant Zan dormir encore, elle descendit s'habiller et prit le petit déjeuner.
Elle noua encore ses cheveux en deux petites couettes folles, enfila un tee-shirt propre avec une jupe en jean et alla réveiller Zan.
« Zaaan… Il faut se lever, maintenant. » Murmurait Elza en secouant doucement le kaiminus. « Allez, debout ! »
Le kaiminus ouvrit un œil vitreux sur sa dresseuse. Il se dressa sur ses pattes avant, bailla longuement… et se recoucha.
« Zan ! Allez, espèce de fainéant, bouge-toi donc un peu ! »
Mais le kaiminus ne bougeait pas. Il commençait même à ronfler légèrement.
« ZAN, tu te lèves maintenant ! Allez, allez, allez ! »
Elza ouvrit les volets et la fenêtre. Le soleil se levait à peine… Pauvre Zan, lui qui était si pantouflard le matin !
Finalement, après moult essais infructueux, Zan obtempéra. Les yeux encore clos, il mangea sans la voir sa gamelle – « Zan, la cuisine c'est par là… Tu sais, avec les yeux ouverts, c'est mieux. » – et se traina aux côtés d'Elza tout le long du chemin qui la menait près du ruisseau.
« Tu ronfles debout ?! Je suis sidérée. »
***
Elza avait déjà vu quelques hoothoot voler dans ce coin là, donc elle avait ici une chance de capturer un pokémon sauvage. Sans compter que dans les profondeurs de la rivière devait sûrement se cacher un grand nombre de pokémons marins. Elza se mit donc en quête d'un pokémon sauvage à capturer.
Elle regarda partout. Au loin dans le ciel, des pokémons vol jouaient avec les nuages blancs. Elle abandonna directement l'idée d'attraper l'un deux puisqu'ils volaient trop haut pour Zan.
Il lui fallait trouver un pokémon sauvage qui serait soit sur terre, soit dans l'eau, car après une longue discussion avec son père, Elza avait appris que pour capturer un pokémon sauvage, il fallait d'abord l'attaquer pour l'affaiblir. Une fois le pokémon hors de combat, il fallait lancer une ball dans sa direction et espérer qu'il reste dedans. Elza avait été surprise d'apprendre qu'un pokémon qui rentrait dans une ball pouvait tout aussi bien en sortir s'il lui restait assez de force pour s'enfuir. La chance de capturer un sauvage était alors toute relative.
Elza savait donc qu'elle ne pourrait capturer qu'un pokémon terrestre ou aquatique, les deux endroits où Zan était apte à se battre. Elle en était à fouiller derrière des buissons touffus quand il cria justement pour attirer son attention.
Elza se précipita vers son pokémon et le trouva nez à nez avec un soporifik. Celui-ci ne semblait pas de bonne humeur, ses yeux étaient plissés et il regardait Zan droit dans les yeux tout en bougeant ses bras dans des gestes rapides et secs. Zan ne criait plus. Il était figé.
« Zan ? » Appela Elza. « Zan ! Répond ! Zan, attaque pistolet à eau ! »
Mais le kaiminus ne réagit pas. Elza était toujours face au soporifik, et elle commença à avoir peur. Zan ne lui répondait plus. Ses yeux étaient vides et plus aucun de ses muscles ne bougeaient. Elza s'inquiéta.
« Zan, répond-moi ! »
Elle se précipita vers son kaiminus et le pris dans ses bras. Des qu'elle le toucha, il retomba mollement sur elle comme une poupée de chiffon. Le soporifik profita de cet instant de faiblesse pour s'enfuir au loin.
« Zan, Zan, ça va ? »
Le pokémon ouvrit les yeux brusquement. Il sauta sur ses pattes et regarda autour de lui à la recherche de ce pokémon étrange qu'il voulait combattre pour que sa dresseuse puisse le capturer. Mais il n'était plus là.
« Il est parti. Il t'a hypnotisé… Ca c'est vraiment… Waouh… Tu vas bien ? »
Zan opina du chef. Il allait bien, mais il se sentit mal d'avoir tout raté comme ça. Il l'avait vu, ce pokémon bizarre avec sa petite trompe, et lui avait lancé une attaque écume en criant pour appeler sa dresseuse. Mais avant même que ses bulles ne l'aient touché, le soporifik s'était retourné et l'instant d'après, Zan s'était réveillé dans les bras d'Elza. Quel échec ! Il n'était qu'un pokémon bon à rien !
Elza sembla s'apercevoir du trouble de son crocodile et elle le réconforta en lui caressant le dessus de la tête.
« Oh, Zan… Ca n'est pas grave. C'est la preuve que l'aventure nous attend et qu'elle ne sera pas de tout repos. Nous allons chercher encore, viens. On va y arriver. »
Elza et Zan, un peu honteux cependant, continuèrent à chercher des pokémons sauvages. Ils en trouvèrent quelques-uns.
D'abord, ils étaient tombés sur un nid de nidoran, mâles et femelles, mais leur maman nidoqueen les avait très vite chassés à coup de cornes pointues. Ils avaient couru plus vite que jamais.
Ensuite, ils avaient trouvé un hoothoot qui dormait sur une branche, mais à peine Elza avaient-elle ordonné à Zan d'attaquer, que le pokémon oiseau les rabroua tous les deux à coups de bec.
Et finalement, après avoir faillit se faire mordre par un rattata peu commode, Elza se laissa glisser contre un arbre. Zan s'effondra à ses côtés.
« Mais, c'est pas possible ! J'en reviens pas ! C'est trop dur… Aaah, Zan… On va y arriver, hein ? Bon. Pause pique-nique. »
Elza sortit un casse-croûte de son sac à dos ainsi qu'une bouteille d'eau et de la nourriture importée de Kanto pour Zan. Ils mangèrent avec appétit, heureux de se reposer après ces longues heures passées à chercher des pokémons sauvages qui finissaient par les rembarrer ridiculement.
Elza se sentait tout de même découragée. Elle annonça à Zan qu'une petite sieste ne leur ferait pas de mal – ce à quoi le kaiminus l'approuva vivement – et ils s'installèrent sous l'arbre. La rivière coulait auprès d'eux et son coulis doux ne tarda pas à les faire somnoler sous le vent chaud.
Ils ne remarquèrent pas, les observant derrière la rive du cours d'eau, deux grands yeux jaunes et curieux. Ses antennes brillantes grésillèrent.
***
Un bruit inattendu réveilla Elza. Elle regarda autour d'elle et découvrit un drôle de spectacle. A côté d'elle, son sac bougeait. Il se secouait étrangement et Elza pensa qu'un pokémon avait du s'introduire à l'intérieur. Elle accusa immédiatement un rattata, petit voleur de biscuits. Zan se réveilla aussi, et il regarda le sac après avoir jeté un œil sur sa dresseuse qui semblait surprise.
« Zan… » Chuchota Elza. « C'est notre chance. Attaque pisto– »
Mais elle ne finit pas sa phrase. Une antenne jaune et brillante sortit de son sac, et derrière elle, un drôle de pokémon tout rond et bleu. Il avait autour de la bouche des restes de la nourriture de Zan.
Il remarqua qu'Elza et Zan le fixait et sursauta. Il bondit sur ses petites nageoires et se mit à courir. Malheureusement, ses membres, prédisposés à l'eau, ne lui étaient pas d'une grande utilité sur la terre ferme et il se traîna péniblement sur le sol en petits bonds désespérés.
« Loupioooo ! » Cria-t-il en s'agitant.
Elza sauta sur l'occasion.
« Zan, c'est celui-là ! Attaque charge ! »
Le kaiminus fonça et toucha sa cible. Le loupio se retrouva propulsé la tête à l'envers. Il bondit sur ses nageoires et ses grands yeux se rétrécirent. Ses deux antennes dressées sur sa tête grésillèrent dangereusement et il lança un éclair sur Zan. Le kaiminus réussit à l'esquiver de justesse mais le loupio l'attaqua encore.
« Zan, attaque pistolet à eau ! Ne lui laisse pas de répit ! »
Zan obtempéra. Ses joues se gonflèrent et il lança un jet d'eau à pleine puissance sur le pauvre pokémon rond. Il attaqua ensuite avec une charge sans lui laisser le temps de se remettre debout.
Le loupio vacilla et tomba sur le dos, K-O.
Elza sentit son cœur faire un bond dans sa poitrine. C'était le moment. Zan revint à ses côtés, l'air déterminé. Il regarda Elza et l'encouragea.
Son cœur battait à tout rompre. Ses mains tremblaient. Dans quel état se trouvait-elle ! Courageusement, elle porta la main dans son sac à dos et en sortit un pokéball rouge et brillante dans les éclats du soleil. Elle cliqua une fois dessus et celle-ci s'agrandit. Puis elle prit de l'élan et lança la balle de toutes ses forces sur le loupio allongé là-bas. Elle ferma les yeux pour ne pas voir.
La ball rebondit contre la tête du pokémon aquatique, s'ouvrit et engloutit le pokémon d'une lumière aveuglante.
Toum-toum. Le cœur d'Elza battait si vite. Elle ouvrit un œil. Toum-toum. Si fort. La ball roula sur les côtés, le piston blanc, au centre, clignotait avec insolence. Ses yeux fixaient la course instable de la pokéball. Celle-ci vacilla, et une fois encore. Puis le piston cessa de clignoter. Un petit bruit métallique retentit, puissant comme une explosion dans le silence pesant de la forêt. Clic. Terminé.
Elza tomba à terre. Zan avança lentement vers la ball et la saisit entre ses pattes. Il tituba comme un automate vers Elza qui tremblait encore, et posa la ball devant elle. Il lui tapota le bras et elle sembla sortir de sa transe.
Elle éclata de rire. Pendant de longues minutes.
« Zan ! On y est arrivés. ON Y EST ARRIVES ! Tu te rends comptes ?! On a capturé notre premier pokémon sauvage ! Oh, mon dieu, Zan… J'y crois pas, j'y crois pas ! »
Le kaiminus sembla se détendre et monta dans les bras d'Elza pour se serrer contre elle. Ils l'avaient fait, finalement. Au devant d'eux, la ball brillait sous le soleil ; et cette ball était habitée, habitée par une nouvelle âme, un nouveau compagnon.
***
Elza saisit la ball rouge et blanche.
« A toi, loupio. » Murmura t-elle.
Elza décrouvrit son nouveau pokémon aquatique. Il était rond et bleu, avec deux nageoires pectorales et deux nageoires qui lui servaient de queue. Il possédait deux longues et fines antennes au bout desquelles pendaient deux sphères rondes, gorgées d'électricité. Ses yeux jaunes luisaient étrangement, et ses pupilles en forme de croix lui donnaient un drôle d'air. Elza le trouva adorable.
« Bonjour, toi. Je m'appelle Elza, et voici Zan.
- Piouu… »
Le loupio agita ses antennes. Il sembla apprécier ses nouveaux compagnons.
« Dorénavant, tu seras Chinchou. Ca te va ? »
Le loupio acquiesça. Zan secoua les bras de contentement et Elza sourit.
***
Le jour tant attendu arriva.
Matthew sonna chez les Delouvre tôt le matin. Il était excité comme le jour où goinfrex était né. Il sautillait sur place comme sur un ressort et ne cessait de commander à Elza de se dépêcher.
Elza avait appelé Matthew le soir même où elle avait capturé Chinchou pour lui apporter la nouvelle. Un silence respectueux lui avait répondu au bout de la ligne et Elza ne s'était jamais sentie plus fière. Il n'avait toujours pas vu ce fameux loupio mais il aurait bien tout le temps dès qu'ils seraient partis.
Elza vérifia son sac. Tout était là : des pokéballs, des potions, des habits propres, quelques produits, de la nourriture pour humains et pour pokémons et surtout, une belle quantité d'argent prêtée par ses parents. Elle inspira longuement le parfum de l'excitation et de l'aventure.
Ils montèrent dans la voiture de ses parents, et son père les amena près du laboratoire du Professeur Orme. Après plusieurs heures de route, ils arrivèrent.
« Bon… Je suppose que c'est là qu'on se sépare, ma puce.
- Oh, papa ! Je vous appellerais à chaque Centre Pokémon !
- J'espère bien. Prend soin de toi et de tes pokémons. Si tu as un souci–
- T'en fais pas. Je gère, tu m'connais.
- Oh, bon. Si tu le dis. Bonne chance, championne. » Il serra sa fille contre lui. « Bonne chance, Matthew.
- Merci monsieur. Vous inquiétez pas, je ferais gaffe à Elzounette.
- Hey !
- Ha ha. Très bien, je compte sur toi. » Il remonta dans la voiture lentement. « Bon, et bien… A bientôt, Elza.
- A la télé ! Pour les championnats de la Ligue… Tu me regarderas, hein ?
- Sans faute. »
La voiture s'ébranla dans un nuage de poussière.
Elza et Matthew se regardèrent et ne purent s'empêcher de sourire bêtement.
Bourg Geon. Le début de l'aventure. Une aventure inoubliable.