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Tales of Uthar de YumeArashi



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Informations

» Auteur : YumeArashi - Voir le profil
» Créé le 13/06/2010 à 21:46
» Dernière mise à jour le 15/06/2010 à 14:01

» Mots-clés :   Absence de poké balls   Aventure   Fantastique   Région inventée

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Chapitre second
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CHAPITRE SECOND
-
Combattre sans honneur est pire que la mort

~

***[/size]

« Mon général, implora un jeune soldat nommé Kein. Je vous en prie, nous ne savons rien de ce qui se prépare. Qu'allons nous combattre ? Quelles sont les raisons d'un tel rassemblement ?
- Du calme, petit. »

Un silence de mort s'était abattu sur le Temple. Rien ne bougeait sauf peut-être les « Kelvar » comme on les appelait, ces bêtes ennemies dotées de pouvoirs divers dont certaines espèces seulement avaient été domptées par nécessité de défense, des siècles auparavant. Des visages pleins d'espoir scrutaient les vitraux, décortiquaient les carreaux colorés un à un. Lord Jyon adoptait la même attitude. Son acuité était excellente, à l'image de celle de l'élégante bête bleue et jaune à l'épaisse crinière foncée qui se tenait à ses côtés. Rien dans leurs postures ne laissait filtrer la moindre once de tristesse et pourtant, ils n'étaient plus qu'un couple de vieux amis ravagés, perclus et usés...
Les yeux de Jyon se fermèrent un bref instant, et son poing enserra le manche de sa lance. Actes témoins d'un abandon fatal... Il secoua finalement la tête et tourna le dos à ses troupes, imité par son Kelvar. Même si l'issue de cette bataille était déjà écrite dans le Grand Livre d'Uthar, les Dieux ne pouvaient se trouver satisfaits d'une trame statique et prévisible. Les oracles ne savaient pas tout. Jyon n'était peut-être pas un homme de sciences mais il avait pour lui cette intelligence savante et ce discernement, divergents certes de la foi aveugle en des présages factices et honorés, mais qui constituaient des valeurs fiables et immuables. Après une grande inspiration, il entama un discours au sein duquel il tenta de placer toute sa conviction : ses troupes étaient sa famille après tout, les plus jeunes soldats, pendus au cou de leur partenaires rayés feu et noir, ses enfants. Son unique fils biologique, Kein, fierté de la famille, gaillard robuste et agile suivait les traces de son père avec brio et avait refusé de manquer aucune bataille, quel qu'en soit l'enjeu. Jyon l'avait promis. Kein se battrait donc aujourd'hui, parmi les autres.

Comment vivre en sachant que l'on va tout perdre ? Comment laisser la fleur de sa chair aux griffes du destin ? Comment avait-il pu ?

Mais, en tant que général, le lord ne pouvait s'abandonner à de telles interrogations. Pourtant, il aimait son fils et il le sacrifiait. Jyon mourrait probablement cette nuit, avec la conscience à demie tranquille, à demie torturée, du bon militaire et instructeur qu'il était certes, mais du mauvais père qu'il avait offert à Kein par dessus tout.

« Messieurs... Nous sommes en guerre... - Un vent de panique souffla parmi les rangs qui perdirent quelque peu leur ordre militaire. - Je ne puis vous dire qu'une chose, nous avons reçu une lettre de Fort Nolan. Les rebelles ont décimé ce dernier point il y a quatre heures. Nous sommes le dernier point de défense avant qu'ils ne s'en prennent aux civils. Battez-vous courageusement. Ne laissez pas la peur s'emparer de vous. Vous êtes des Soldats d'Uthar, les vaillants guerriers d'une puissante nation. Quoique nous ayons à affronter cette nuit, même si ce Temple doit nous servir de tombeau, nous devons prouver notre valeur et nous battre car notre vie en dépend. Ainsi que celles de nos familles, de nos parents, de nos femmes... De nos enfants... »
« La guerre n'est pas un jeu pour nous autres, mortels. Elle est l'apanage de ceux qui détiennent le pouvoir. C'est le combat sans merci de forces supérieures, éternelles contre lesquelles nous ne pouvons rien. La seule force que nous ayons est la puissance de nos cœurs, nos cœurs qui tonnent d'espoir dans nos poitrines vigoureuses. Nous vaincrons ! Nous vaincrons ! Battez-vous pour ce pays qui est le vôtre ! Écrasez les rebelles de vos lames, transpercez-les de vos flèches, dépecez-les de vos dagues et de vos lances ! UTHAR BENORA UNDIR NABEEEEEEEEEET !
- UTHAR BENORA UNDIR NABEEEET ! UTHAR BENORA UNDIR NABEEEEEEEEEET ! »

Le Temple résonna longtemps de ces cris de victoire, dernier réceptacle des voix enjoués des guerriers galvanisés. Émus par l'implication de leur supérieur, les recrues sentirent en elles croître un courage solide. Kein souriait, confiant.
Lord Jyon était un homme exemplaire et jusqu'à ce jour un combattant sans égal : elles avaient foi en son jugement, foi en sa force, foi en lui.

« Rentoraa, nous ne serons pas séparés, mon ami. Je te le promets. » Murmura Jyon en caressant la crinière du majestueux Kelvar qui se tenait à ses côtés.

Un doux ronronnement répondit à ce geste d'affection. Un homme ayant amadoué un Kelvar et obtenu sa confiance se trouvait lié à lui jusqu'à ce que l'un d'entre eux ne rejoignent Nüthl. Rentoraa et son « maître », de marbre à présent, scrutaient l'horizon, éclairé par moments, plongé dans le noir à d'autres. Cela viendrait des Montagnes de Myrh, le général en était convaincu. Au dehors, elles se dressaient sous l'orage, imposantes, comme pour asseoir leur statut de dominance, elles qui étaient les seules véritables maîtresses de cette contrée sauvage.

Le ciel se tut un instant. Alerté par l'absence de tonnerre, Jyon se dirigea vers une autre fenêtre. C'était le début. Les Dieux étaient muets et les éclairs ployaient devant leur silence... C'était le début, le calme avant la tempête.

« Unités en place, tenez les rangs ! » Dit-il en augmentant le ton.

Chaque soldat s'exécuta. Kein guettait le lointain, comme son père, droit, fier. Autour de lui, les gorges étaient serrées et quelques bouches entrouvertes amplifiaient les bruits de déglutition difficile, preuve d'une tension maximale.

***

Aucun ne put dire combien de temps dura cette déchirante attente. La salle s'emplit petit à petit d'effluves de peur odieuses. Les soldats exhalaient des odeurs nauséabondes, infâme mélange de sueur, de salive et même d'urine qui coulait parfois en traitre le long de leurs cuisses armées, produisant une chaleur lourde et désagréable. Le sol devint poisseux. L'air irrespirable. De petites rigoles charriaient les liquides à travers les pierres de taille mais elles ne purent les empêcher complètement de se répandre et d'humecter le grand tapis rouge ainsi que les ornements de mosaïque.
Tout puait la mort avant même d'en avoir éprouvé le choc. Certains bouchaient leurs narines du mieux qu'ils pouvaient, mais aucun ne parvenait à échapper à ces trainées malodorantes qui sciaient et gangrenaient l'air pur des Hautes Montagnes.
Réfugiés dans leurs habitacles de fortune, les prêtres se signaient sans arrêt, psalmodiant des chants que Jyon considérait comme inutiles et récitant les psaumes à la gloire de Nüthl et Benön, la déesse protectrice des peuples..

Brutalement, le général et son fils firent volte face de concert, quelques secondes avant qu'un affreux sifflement ne rabattisse les mains des soldats, jusqu'alors pressées contre leurs nez, sur leurs oreilles. Une immense ombre réduisit à néant la pâle clarté des chandelles, brillant vaillamment sur le large autel de roc.
Un tourbillon éteignit leurs flammes et transporta les émanations de soufre à travers la salle, ajoutant une dernière touche à la puanteur ambiante.

C'était du grand vitrail que provenait cette déchirure auditive. Une large fissure naquit au centre du verre ouvragé. D'elle, se dégagèrent de fines ridules, des ramifications qui prirent de l'ampleur en crissant et donnèrent elles-mêmes naissance à d'autres micro-failles qui zébrèrent la plaque et en déconstruisirent toute la structure.

« HYAAAAAAAAAAAAAAAAAAA !! »

Un cri vengeur retentit. Un grognement sourd et profond résonna en écho. Le vitrail de la vieille chapelle vola en éclats dans un fracas épouvantable.

Les débris fusèrent, lancés à pleine vitesse dans toutes les directions. Plusieurs d'entre eux allèrent se ficher dans les casques, les armures, plastrons et jambières, peu ambitieux... d'autres dénichèrent les zones non protégées et se plantèrent dans les crânes, les mains, les dos, les yeux. Des soldats tombèrent raides morts. Tout un bataillon fut décimé à la seule force de cette soufflante. Une dizaine de jeunes recrues hurlaient de douleur, le visage ensanglanté ou la gorge à moitié tranchée...

Un vent de panique souffla parmi les hommes indemnes. La disparition du vitrail n'avait pas uniquement éliminé leurs compagnons d'armes, il avait également découvert l'identité des agresseurs.
Le terrible tableau qui se dressait devant les yeux des troupes annihila la moindre once de courage encore présente dans leurs cœurs que la peur rongeait petit à petit, inéluctablement, comme une lente et létale maladie... Seul Kein, Jyon et Rentoraa tentèrent d'atteindre leur ennemi... Et quel étrange ennemi.
Chevauchant un dragon mauve terrifiant, une silhouette, toute de tissu noir enveloppée, arborait avec véhémence une longue lame d'argent effilée, incrustée de gemmes irisées. La mort sommeillait au creux de ses pupilles... Ni armure, ni heaume ne protégeaient ce corps. Seule son assurance semblait le préserver de tout assaut.
Jyon tiqua, pestant contre la réaction naïve de ses hommes. Il s'extirpa de sa cachette, courut près d'un cadavre, saisit l'arc d'un de ses compagnons inerte, banda l'arme et, alors que Rentoraa chargeait le projectile d'électricité, il décocha la flèche qui fila droit jusqu'au cœur de l'ennemi. Au dernier instant, un halo bleuté nappa la cible et stoppa la flèche. Tous retenaient leur souffre. L'orage tonna à nouveau.

Une vague d'énergie expulsa Rentoraa et Jyon contre la paroi de l'église. La flèche avait égratigné le bras de la silhouette qui s'était décalée avant que la pointe ne la touchât au cœur. Cet assaut fut le déclencheur d'un bref regain de courage dans les rangs uthariens. L'ennemi n'était pas intouchable et donc pas invincible !
Renversant les sièges et se protégeant derrière les bancs, les archers couvrirent les hallebardiers - parmi lesquels Kein courrait - qui se ruèrent vers l'autel sur lequel le dragon avait posé ses deux pattes avant. Tous crocs dehors, la créature rugissait à pierre fendre. Des gemmes oranges, incrustées dans sa peau, se mirent à luire de plus en plus fort sur son cou et son corps. Lord Jyon, imaginant de là la scène, hurla aux hommes de rebrousser chemin, mais ce fut trop tard. Une gerbe de flammes jaillit de la gueule béante du dragon. Kein eut à peine le temps d'esquiver. La première ligne de soldats fut carbonisée... Des relents de chair brûlée parvinrent jusqu'aux narines des combattants d'arrière ligne et d'autres hurlements déchirèrent la nuit torturée. Beaucoup vomirent. On allait se souvenir longtemps de l'extrême violence de ce combat.

« Soldats, Kelvars, tous en avant ! Hurla Kein pour relancer le combat.
- Attendez ! S'égosilla un jeune homme près de l'autel. Voici Daedeloth ! Les Dieux nous punissent !! »

Deadeloth, également comme l'Ombre de l'Horreur, était le dieu malin des esprits errants n'ayant reçu aucune sépulture digne de ce nom. Seuls les Maudits et les hommes destinés à connaître une fin tragique pouvaient le voir. Symbole de la souffrance, du malheur, du mal, c'est ainsi que, face à ce qu'ils sentaient - de raison - être un nouveau danger, les soldats appelèrent cette nouvelle forme, venue d'outre tombe, qui s'était dessinée au centre du vitrail brisé.
Ses contours vaporeux se précisèrent un peu et prirent la forme d'une âme violette chapeautée aux cristallisations bleues scintillantes. Celle ci flotta aux côtés de la silhouette et ses yeux ocres se mirent à briller à l'image des gemmes parcourant son corps. Un homme normal eut été pris de panique, mais pour Jyon, ce ne fut pas le cas. Comme s'il savait qu'il le trouverait là.
Les grands yeux menaçants du spectre se dirigèrent vers lui puis s'en détournèrent pour parcourir la chapelle. Le halo bleu s'intensifia autour de la silhouette noire. Une grosse boule mauve se forma dans la main de cette dernière qui sembla ricaner.

« UTHAR NAR VÖRH NARBEN BANGRÄA !
- Il profère les mots défendus ! Sus à l'ennemi puisque nous devons mourir ! »

Nouvelle charge. Les Kelvars crachaient des fuseaux enflammés, des jets d'eau croupie, ou des éclairs, tous repoussés un à un par le dragon mauve. Kein dirigeait les troupes, cherchant son général du regard. Plus loin, Jyon se remettait doucement de cette violente expulsion. Il se massa le front, encore un peu étourdi. Devant lui, Renoraa avait érigé un mur lumineux afin que les débris que Daedeloth faisait léviter à nouveau n'atteignent son ami. Le vacarme ne permit pas au général de se reposer. Il mit l'arc à son dos et empoigna faiblement le manche de l'épée accrochée à sa ceinture. Ainsi paré, il gravit la paroi de la chapelle, en trouvant appui sur les roches mal jointes.

« Couvre-moi, Rentoraa. »

Une détonation fit vibrer le mur juste en dessous de lui alors qu'il donnait ses ordres et il manqua de lâcher. Il jeta un regard vers l'origine de l'explosion. La sphère d'énergie sombre s'était écrasée là. Il devait se dépêcher. Il accéléra le rythme et rampa agilement malgré son âge le long des murs de pierre.

Rentoraa courut vers le dragon lorsqu'il sut son maître en sécurité. Il prit de l'élan et assena un violent coup de griffe sur la joue de la créature. Étourdie, celle ci tenta une riposte mais elle fut trop lente. Rentoraa avait déjà mordu son cou jusqu'au sang, faisant circuler dans le fluide des ondes électriques meurtrières qui entravèrent les mouvements de la monture ailée. L'ombre, verte de rage, donna de l'élan à son épée et lui trancha le flanc. Le pauvre Kelvar, de nouveau expulsé, gémit de douleur puis s'effondra au sol que son sang pur abreuvait.

« Rentoraa ! » Hurla une voix.

Le Kelvar ferma les yeux. Le terre trembla tout doucement sous lui. Quelqu'un courrait. On le dépassa. Il ne put rien percevoir de plus.

« Maudits profanateurs ! »

Un duel s'engagea. Lame contre lame, les duellistes mirent toute leur hargne dans ce combat à mort où seul un vainqueur pourrait être proclamé. La silhouette était descendue sur l'autel, devant le dragon, toujours immobilisé et jaugeait son adversaire avec un air de dégout à peine masqué. L'autre affichait une répugnance ostentatoire vis à vis du corps noir qui, de près s'avéra très musculeux. Il se lança vers lui plusieurs fois. Il porta quelques bons coups mais il n'était pas assez leste. Esquivant assauts et estocades, la silhouette se mouvait avec l'aisance d'une ombre.

Jyon atteignit le vitrail et s'assura avec une liane de lierre. L'arc toujours accroché à son dos. Il aperçut Rentoraa couché. Une fulgurante décharge parcourut son corps. Il y résista en serrant les dents et tenta de reprendre ses esprits. Pétrifié, il ne pouvait qu'assister à la scène, dépité, les yeux embués de larmes intarissables. Il était le spectateur impuissant d'un massacre sanglant et il était impuissant.

Daedeloth, horrible maestro, achevait la sale besogne sans états d'âme. Il dirigeait les éclats de verre inanimés vers les troupes, empalait les corps fantoches et désespérément criants de vie sur des lances, dépeçait les cadavres, privait des soldats blessés de leur oxygène, étouffait les poumons comme les cœurs et les vies. Il insufflait la mort partout.

Combien avaient résisté ?
Combien avaient survécu ?

Aucun.

« Nooooooooooooooooooon ! »

***

Un silence de mort s'était abattu sur le Temple. Rien ne bougeait plus. Des corps lacérés, éventrés, des bras et des cous sectionnés se retrouvaient sans leurs continuités. Les Dieux avaient étendu leur plus horrible voile sur cette contrée... et les troupes uthariennes venaient d'en être entourées, prises à jamais dans cet abominable linceul.

Des pas résonnèrent sous la coupole et ses arcades. Les débris meurtriers crissait à chaque pas. Pouvaient-ils avoir conscience de l'hécatombe à laquelle ils avaient œuvré malgré eux ? Le sol n'était plus pierre mais sang, vomissures, urine, sueur, humeurs et réceptacle de cadavres. Même les odeurs étaient sans corps. Plus de mouvement. Plus de bruit. Plus rien.

Les pas cessèrent. On s'agenouilla près d'une colonne de marbre blanc renversée. Un mince halo sombre écarta des débris afin de dégager quelque chose.
Sous les gravats, un homme râlait. Lorsque les décombres permirent de voir le visage de l'homme, le halo disparut.
Du sang coulait de sa bouche dont plusieurs dents étaient cassées, un de ses yeux avait été crevé, l'autre était en piteux état. Sa mâchoire en partie broyée pendait presque. Il respirant à peine. Il allait mourir.

Cette horrible défiguration suscita un geste sec du menton. Du dégout, peut-être. Une main enveloppée de tissu noir se posa un bref instant sur la joue du mourant, et son mouvement particulier laissa transparaitre... une émotion. Du regret... peut-être.

« Tu t'es bien battu, Jyon, murmura t-on. Mais, tu le savais... Vivre dans le Pêché est autrement plus excitant que de suivre les lois arbitrairement établies...

La tête du général bascula. Seul un râle plus prononcé put répondre à cette sentence.

« Tu es un homme noble, le plus vaillant de tous mais tu obéis à un roi dont le cœur est aussi noir que le charbon. Quel triste honneur d'avoir eu à t'affronter. J'aurais voulu que cela n'arrive pas. Je vais abréger tes souffrances. Behr Nüthl...
- Je savais... que... tu reviendrais, haleta le général, au prix d'un effort surhumain. J'en étais... persuadé. Tu... Adieu N... »

Avec une rapidité déconcertante, l'ombre donna de l'élan à son bras et planta la pointe de son épée dans la glotte de Jyon. Un borborygme sinistre s'échappa de sa gorge suivi d'un gargouillis macabre qui se prolongea quelques instants, éclaboussant encore la tunique de la silhouette, comme pour accompagner les dernières secondes de l'homme qui, l'œil grand ouvert et la bouche souriante, semblait à présent heureux et serein.

« J'ai tout lu en toi. Tout. Mais, la façon dont tu t'es battu, si remarquable soit-elle ne t'autorise pas à prononcer mon nom. »

La silhouette posa solennellement ses paumes sur le visage de Lord Jyon. Elle récita une incantation mystique et tandis qu'elle récitait, le corps du général sembla se régénérer. Les chairs se reformèrent et Jyon retrouva son apparence. Le corps flotta jusqu'à la porte de la chapelle où il fut déposé, sous une petite chape de pierre humide, voire suintante. Il était bel et bien mort mais il était aussi beau qu'avant. C'était la seule chose que l'ombre pouvait faire.

« Tu es maintenant prêt à voyager vers Nüthl. »

Daedeloth flotta à ses côtés. Ils se recueillirent en contemplant un instant, sans bruit, la dépouille de celui qu'ils avaient défait.
Puis l'âme chuchota à l'oreille du corps vêtu de noir. Ses mains se crispèrent.

« LES CHIENS ! Ils se sont ri de nous ! Elle n'est plus là ! Aaaaaaaaaaahhhhhhhhh ! »

Une longue protestation rocailleuse se répercuta sur les murs souillés dont les éléments formaient à présent une ruine mortuaire, un tombeau.

Le corps se leva, rejoignit le dragon mauve à qui il donna une légère tape et maugréa, les dos arqué.

« Maeglin, on s'en va. Nous les tuerons tout. Il faut les éradiquer. »

Maeglin, attentif, agita ses ailes mauves puissantes, attendit que l'ombre ait saisit son cou et s'envola prestement, suivi de Daedeloth qui disparut en un éclair violet..

« Mon général... Père... Père ? PÈRE, TU ES LA ? »

Marcher.
Courir...
Chute...
Avancer...
Ramper...
Atteindre...
Pleurer...
S'effondrer...


« PAPAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA... ! »


Un ultime hurlement. La destruction. La néant.