Chapitre 02 - Bataille aérienne
Roucarnage piqua vers le chef de la brigade. Il s'agissait d'un Machopeur à l'air plutôt idiot. Ses serres s'enfoncèrent dans ses yeux. Le chef se tordant de douleur, Roucarnage l'envoya voltiger d'un coup d'aile bien senti. Derrière elle, toute sa troupe la suivait en courant.
S'envolant de plusieurs mètres afin de redescendre complètement à la verticale et en toupie, Roucarnage allait s'écraser au sol quand, se rétablissant à l'horizontale au dernier instant, elle fonça vers l'arrière-garde des soldats royaux pour en empaler successivement trois sur son bec, puis elle remonta pour avoir un œil sur la situation.
Les rebelles avaient nettement l'avantage, ce n'était plus qu'une affaire de quelques secondes avant de pouvoir forcer l'entrepôt et de pouvoir rapporter la nourriture au camp. Roucarnage s'apprêtait à redescendre lorsqu'elle fut violemment bousculée. Elle perdit de l'altitude avant de se rétablir non sans peine et de scruter les environs.
Elle avait la sensation d'avoir heurté de plein fouet un véritable mur. Cette impression fut confirmée par la vue de la présence d'un Ptéra arborant fièrement son insigne d'Agent Royal à l'endroit où le Pokémon oiseau avait été bousculé.
Roucarnage jura. Il y avait un Agent Royal à Jungkcity ! Mais comment avait-il su que cet entrepôt était attaqué ? Dracaufeu avait anticipé… C'était un piège !
Descendant à une vitesse fulgurante vers la bataille, Roucarnage avait dû dévier de sa direction lorsque le Ptéra, supersonique, lui était passé devant et lui avait bloqué le passage. Prenant de l'altitude, le Pokémon se retourna une fois arrêté…
Et fut bousculé encore plus violemment en plein bec par l'Agent Royal qui était décidément imbattable sur la vitesse. Se laissant chuter sur une dizaine de mètres, Roucarnage se rétablit et fonça à son tour vers son ennemi. Celui-ci eut une réaction de contre-attaque et entreprit aussi de lui rentrer dedans. Au moment où ils allaient se collisionner, Roucarnage passa au-dessus de Ptéra d'un centimètre à peine et stoppa sa course. Le Pokémon fossile, lui, continua sur sa lancée, reprit de l'altitude en décrivant une courbe, se retrouvant le dos face au sol mais fonçant toujours vers son adversaire, de plus en plus rapide.
Mais cette fois Roucarnage avait prévu l'assaut et déclencha un Cyclone pour freiner l'adversaire. L'attaque n'emporta pas Ptéra comme elle le désirait, mais au moins l'arrêta. Roucarnage vola jusqu'à lui et ils commencèrent une mêlée aérienne.
Ptéra avait l'avantage de l'agilité, malgré sa consistance organique rocheuse, et griffait, mordait et fouettait le corps de Roucarnage dont les puissant coups de bec et de serres étaient quasiment inutiles devant une armure aussi efficace. Elle dût renoncer à se battre ainsi et utilisa l'attaque Hâte pour échapper à son ennemi. Puis elle redescendit, battant de ses ailes meurtries et lacérées pour atteindre le sol.
Mais, une fois de plus, Ptéra la doubla et se plaça entre elle et le champ de bataille. N'écoutant que son courage, Roucarnage rentra la tête, et au moment où elle allait heurter Ptéra, utilisa Hâte. Elle souffrit énormément mais l'immense accélération réussit à jeter le Ptéra au sol malgré lui. Dans un choc douloureux, Ptéra et Roucarnage atterrirent à quelques mètres du combat.
Directement, Roucarnage commença de voler en rase-motte vers la bataille. Éberlué, Ptéra mit du temps à réaliser ce qu'il se passait, et se relevant en craquant ses os et sa mâchoire en sang, il s'élança en direction de Roucarnage qui s'élevait chancelante et fébrile de la bataille.
Ivre de colère, Ptéra redoubla de vitesse. Crachant une longue colonne de feu pour intimider l'adversaire, il fila droit sur Roucarnage, et la percuta, épaule contre épaule, l'un essayant de faire céder l'autre. Ptéra était concentré sur Roucarnage et ne voyait pas qu'ils perdaient de l'altitude, et qu'un Pokémon bleu de taille moyenne sautait du dos de Roucarnage sur le sien. Au bout de quelques secondes d'un combat inégal mais acharné, Roucarnage céda et tomba en toupie sans plus pouvoir voler ou planer. Satisfait, Ptéra entreprit de reprendre de l'altitude et s'aperçut qu'il était tout d'un coup plus lourd.
Soudain, on lui saisit fermement les ailes. Dans un cri de douleur, le Pokémon entendit plusieurs horribles craquements et commença à fondre vers le sol. Un Tétarte sur son dos refusait de lui lâcher les ailes et il allait s'écraser au sol. La douleur atteint son paroxysme lorsque Tétarte commença à l'arroser sur la tête. Perdant tout contrôle de lui-même, le dragon commença de rouler sur lui-même en se cabrant, ce qui n'eut pour conséquence que de précipiter sa chute.
Il choqua le toit d'une ancienne chaumine en pierre et glissa le long dans une pluie d'étincelle. Tétarte le lâcha au moment où il quitta le toit, et resta sur le toit alors que l'autre tomba au sol. Ptéra se releva et s'élança vers le rebelle. Ce dernier l'esquiva in extremis, lui attrapa le bout de la queue, et l'envoya contre le toit. Le choc souleva de la poussière et fit couler du sang, mais le Ptéra n'était toujours pas mort. Envoyant Tétarte dans le paysage d'un vigoureux coup de queue, il s'éleva dans les airs et chercha son ennemi du regard. Il l'avait tué en lui fracassant le crâne sur le mur de la maison d'en face, aussi en pierre. Le Soporifik qui y habitait sortit en hâte et regarda le cadavre. Puis il tourna la tête vers Ptéra. Il allait dire quelque chose, mais se tut finalement en voyant briller l'insigne rouge toujours intacte.
Ptéra n'était pas beau à voir. Du sang lui coulait de la bouche, sa mâchoire était complètement déplacée et ses ailes aussi. Il vola non sans peine jusqu'à l'entrepôt. Les rebelles l'avaient emporté et soignaient leurs blessés. Ptéra fondit sur eux, en tua plusieurs de sa flamme destructrice, empalant les autres sur sa queue pointue et dévorant les blessés. Il monta droit en l'air quant plusieurs attaques allaient l'atteindre, maculé de sang qui n'était pas à lui.
Il hurla de douleur. On lui avait crevé l'œil droit ! Roucarnage, exténué, avait utilisé Hâte et ses serres acérées avaient fait le reste. Retirant sa patte, il y plongea alors le bec. Quand il le retira, une cascade de sang coula de l'orbite vide. Ptéra ne demanda pas son reste et fila comme une fusée vers la capitale.
Meurtris, en sang, faible mais souriant, Roucarnage se posa dans une quinte de toux. Il avait du mal à rester conscient. Les Pokémons à même de le faire le soignèrent sans perdre de temps, et réconforté, il entra suivi de l'escouade dans le bâtiment.
-Vide ! répéta Roucarnage dans la boule de cristal. Pas une miette de nourriture ! Rien !
-Non, ce n'est pas possible, oh non… murmura Altaria.
-C'était un piège de toute façon ! Vous savez ce qu'il y avait là-bas ?
-Quoi ?
-Un Agent Royal ?
-C… Co… Comment ? Un Agent Royal ?
A Jungkcity aussi ? Altaria était médusée.
-C'est pour cela que vous êtes autant… amochée ?
Roucarnage eut un pâle sourire.
-Oui, c'est pour cela.
-Vous avez tué un Agent Royal ?
Jamais Altaria n'avait douté des compétences de Roucarnage, ancienne capitaine d'escouade chez Dracaufeu, mais elle ne la savait pas aussi puissante… Elle devait avoir été sous classée. Elle méritait une petite « promotion ».
-Non. Mais il est beaucoup plus mal que moi. Il a fui vers Paletta mais je doute qu'il y arrive vivant.
-Je crois, Roucarnage, que ce serait un honneur pour nous que de vous accueillir à notre table dès votre retour.
Roucarnage sourit avec beaucoup plus de joie cette fois. L'image se dissipa.
Altaria jura plusieurs fois. Quel échec ! Plus de la moitié de l'escouade morte, et rien en contrepartie ! Si ils avaient écouté Roucarnage dès le début et n'avait pas donné l'assaut… Il devenait urgent de trouver un nouveau lieu de camp. Et de la nourriture !
Voltali lui avait dit qu'il trouverait une solution au lieu de camp. Altaria quitta la salle. Elle traversa les treize autres pièces, entendant des : « Bonsoir, Madame » respectueux à son passage. Elle était trop pressée pour y répondre. Au cinquième étage, Arcanin la rejoint et lui dit :
-Porygon-Z, Galopa et Rapasdepic ont été envoyé à Dracoville. Ectoplasma devrait arriver ce soir, donc on saura qui a survécu. J'ai essayé avec Hypnomade de contacter Kadabra mais cela ne donne rien.
-Très bien. Avez-vous vu Voltali ?
-Non, j… ah, la voilà.
Effectivement, Voltali descendait l'escalier, sûrement vers Altaria et Arcanin, car à leur vue, elle dit :
-Vous êtes là tous les deux ! Tant mieux, j'ai quelque chose à vous dire. Descendons.
Cette salle allait finir par peser à Altaria ! Mais c'était la seule salle où ils pouvaient parler en toute discrétion. Ils savaient pertinemment que beaucoup de leurs Pokémons étaient des espions !
Une fois dans la salle, Voltali déclara :
-Eh bien, je me suis entretenue avec beaucoup de nos Pokémons et soldats pour déterminer un éventuel futur lieu de camp. Et… vous trouverez peut-être mon idée stupide ou insensée, mais c'est pour moi une solution envisageable. Pensez bien que j'y ai réfléchi avant de vous l'exposer.
Altaria et Arcanin échangèrent un regard également perplexe. Où voulait-elle en venir ?
-Il me semble que le lieu de camp le plus propice à notre développement et au fonctionnement de notre rébellion serait… une des grandes villes de la partie sud de Pokéisland.
Les deux leaders étaient abasourdis.
-Ca, pour être une idée insensée, c'est un bel exemple de non-sens ! Commença Arcanin. Vous êtes folle ? Et pourquoi pas à Paletta, tant qu'on y est ? Dans le Palais, dans les appartements de Dracaufeu ! Et on passera un bonjour à ses généraux le matin avant d'aller piller leur nourriture…
-Arcanin, je vous en prie, le coupa Altaria. Laissez-la continuer.
Arcanin se racla la gorge.
-Excusez-moi.
-Bah, ce n'est rien, déclara Voltali avec une nuance de mépris dans la voix. Vous n'avez jamais brillé pour votre ouverture d'esprit, Monsieur le Président, railla-t-elle. Mais c'est pourtant un choix tout à fait réfléchi et je suis sûr qu'il vous plaira quand vous en connaîtrez toutes les modalités.
-Venez-en au fait, dit Altaria un peu agacée.
-Oui, oui. Une chose est sûre, je dirai même évidente : nous devons changer de lieu de camp. Mais le problème est le suivant : où ? bien sûr. Vu l'importance qu'a pris notre mouvement ces derniers temps, il nous est impossible de traverser toute la partie sud, où nous nous trouvons, à l'extrême… sud, et de passer la frontière nord/sud définie par la capitale. Nos opportunités sont donc limitées, et encore, ce n'est pas tout. La partie sud est constituée ainsi : Il n'y a que trois grandes villes, je veux dire trois postes militaires, de taille plutôt moyenne : Jungkcity, à l'est, qui nous est la plus proche, Abyssa, à l'ouest et un peu plus au nord, et enfin Ros'ville, non loin de Paletta au nord et un peu à l'est. En dehors de ces trois villes, et je mets de côté les petits villages qui constituent leurs banlieues, un grand « vide » non-peuplé, la lande, où seuls quelques nomades subsistent depuis quelques siècles, au cœur de l'île. C'est sur ce type de terrain qu'ont été construites Paletta et Ros'ville. Plus près des côtes, au nord, il s'agit de prairies verdoyantes mais tout aussi vides. Et au sud, les mêmes prairies en un peu plus boisées, parsemées de fermes d'Ecremeuh. Alors voilà : il nous est impossible d'installer notre campement sur la lande, car c'est bien trop proche de Paletta, et quant à l'énergie et au temps qu'il faudrait consacrer pour s'y installer, je n'en parle pas. Le problème est le même pour la côte, qui quand elle n'est pas trop près d'une grande ville, est à terrain découvert. Il y a les fermes : mais, et en admettant que les fermiers et fermières veulent bien nous accueillir, non seulement les fermes ne seraient pas sassez grandes même si nous nous dispersions, et le problème de pénurie serait toujours le même. Ainsi il ne reste que les grandes villes. Toutes sont dotées d'un rempart, ce qui nous mettrait à l'abri, et ont assez de réserves de nourriture pour nous permettre de subsister jusqu'à la fin du tyran… ou la nôtre. Quant à la faisabilité de ce projet, j'y ai aussi pensé, et j'ai interrogé des habitants de Jungkcity et Abyssa. Ros'ville abritent le centre de formation d'Agents Royaux et est bien trop proche de Paletta pour que nous songions à nous y établir.
-Et donc ? demanda Altaria, qui maintenant était très intéressée par cette possibilité.
-Eh bien, je suis tombé sur un Ecrapince qui a longtemps été garde à Abyssa. En fait, la cité a des murs, mais… ce ne sont pas vraiment des très bons murs. Ceux de Jungkcity sont bien plus hauts et imposants, d'après ce qu'on m'a dit. Mais à Abyssa, il y a très peu de soldats et la prise de cette ville serait plus facile que celle de Jungkcity…
Altaria frissonna au souvenir de l'Agent Royal qui avait terrassé plus de la moitié de sa meilleure escouade.
-… mais elle offre beaucoup moins de ressources. De plus, elle est plus proche de Ros'ville mais surtout de Paletta. J'ai conclu qu'il vaudrait mieux s'installer à Jungkcity, même si cela sera plus dur. Après nous pourrons songer à lancer un assaut contre Paletta.
Elle s'arrêta là, mais Altaria et Arcanin avait des tonnes de questions à lui poser.
-Et les habitants ?
-Eh bien, nous pourrions…
Feunard, repue, se coucha sur une pierre devant l'entrée du sanctuaire et guetta l'horizon. On l'avait averti qu'Ectoplasma allait débarquer ce soir, ainsi (peut-être) que l'équipe ultra-rapide envoyés au secours de Grolem.
Après un quart d'heure d'attente, Ectoplasma arriva en lévitant. Il salua brièvement Feunard et descendit.
Ectoplasma prit place autour de la table avec Altaria, Arcanin et Voltali.
-Bonsoir.
Les autres répondirent à peine, fatigués. Ectoplasma avait un peu de mal et une gêne inexplicables à prendre la parole devant eux.
-Eh bien… Je me suis fait élire Président de l'Assemblée aujourd'hui.
Altaria semblait s'en moquer. Voltali fronça les sourcils. Quant à Arcanin, une bizarre sensation de jalousie mêlée de nostalgie le saisit. Il fixa le spectre d'un air massacrant. Ectoplasma déglutit.
-Il ne me reste plus qu'à participer à la rébellion interne…
-Méfiez-vous, énonça froidement Arcanin. Les Pokémon de ce mouvement ne défendent pas du tout les mêmes intérêts que nous…
-Oui, mais…
-Faîtes très attention ! Non seulement ces gens-là sont vicieux, mais surtout, ils…
-Oui, oui, on a compris, le coupa Voltali. Félicitations pour votre promotion, rajouta-t-elle en se tournant vers l'intéressé.
Ce dernier la remercia d'un geste.
-Ectoplasma, dit Altaria, maintenant que vous êtes Président, il faut absolument que vous travaillez à nous approvisionner pendant que nous préparons la prise d'Abyssa.
-La prise… ?
Voltali expliqua son projet le plus brièvement qu'elle put à l'agent double.
-Vous voulez donc que je vous approvisionne en vue de l'assaut… mouais… seulement… ça va être dur…d'amener toue la nourriture comme ça, ça ne passera pas inaperçu.
-Ca, c'est votre problème ! dit Arcanin. A moins que Dracaufeu n'ait pris ce pouvoir, vous avez le droit d'approvisionnement extraordinaire en tant que Président ! Exigez donc une contribution à chaque grande ville sur 10 % de leurs réserves, inventez une excuse, ce que vous voulez, pour ravitailler les fermes du sud en pénurie, puis amenez-les à la ferme qui ravitaille Florizarre !!
Altaria, Ectoplasma et Voltali étaient séduits par l'idée. L'espion hocha la tête.
-Merci, articula-t-il fébrilement.
Ectoplasma venait de remonter sur le plateau du Sanctuaire. Il faisait nuit noire. Il entendait, au fond du petit corridor dévasté, le ronflement quasi-sismique de Florizarre. Résolu, il marcha à travers l'ancien corridor de marbre lézardé, écroulé de tout côté et se retrouva face à la légende.
Le clair de lune rendait l'endroit parfaitement visible. Devant la majesté du sage, Ectoplasma s'écroula, à genoux, pleurant pour ce qu'il allait faire. Il était dégoûté par l'ordre que lui avait donné (personnellement !) Dracaufeu. Le maître d'un Pokémon devait être intouchable par son élève… C'était donc à Ectoplasma que revenait la tâche d'anéantir le vénérable habitant du Sanctuaire…
Les larmes aux yeux, une Ball'Ombre commença à se former dans sa main. Dormant, le Pokémon Plante serait assez vulnérable pour succomber à son attaque la plus puissante. La boule grossissait à vue d'œil. Ectoplasma sanglotait. Bientôt la boule d'énergie devint plus grosse que lui-même. Il leva le bras pour la lancer sur Florizarre.
Tremblant, haletant, il fixa le sage. Il serra les dents. Mais finalement il n'en fit rien, annula sa Ball'Ombre, et s'en alla tristement vers son sort.
Deux Pokémon avaient regardé la scène. Feunard, à l'angle d'un mur et dans son ombre, n'avait pu que regarder, intrigué, ce qui s'était passé.
Voltali, caché dans un arbre qui poussait à même le mur est fissuré du Sanctuaire, avait vu ses soupçons confirmés. Ectoplasma menait un double jeu sans même savoir de quel camp il était. Voltali ne voyait qu'une seule solution à ce problème.
Bientôt, il faudrait tuer l'ambitieux Président.