Les récrés du Ptiravi de dragibus57

Hier après-midi, j'ai fait une drôle de découverte : notre maîtresse, Madame Gardevoir, et ben elle joue aux Pokéhoms !
Le problème, c'est que j'ai aussi été puni pour ça...

On est plusieurs copains dans la classe à avoir les dernières versions du jeu. Y a moi, Goinfrex et les jumeaux Posipi et Négapi. Et puis Lippouti, je crois. Mais c'est une fille, alors on parle pas trop de ça avec elle, vu qu'elle doit pas y connaître grand chose.
Les filles, elles jouent seulement pour avoir Tokio Hôtel ou Lorie : «Wouaaah ! Regarde mon Julien Doré, il est trooop meugnoooon !! Trop cooool !!»
Nous, les mecs, on joue stratégique, du vrai jeu quoi.

Hier, donc, Madame Gardevoir nous a emmenés au stade pour nous entraîner au Pokéthlon. On était tout contents, c'est cool une maîtresse qui fait enfin du sport avec ses élèves !
D'habitude, c'est bien marqué sur l'emploi du temps, mais les maîtresses, elles ont toujours une soi-disant bonne excuse : «Vous avez traîné pour copier la leçon de mathématiques, nous ne pourrons pas aller au Dôme de gymnastique...» ou bien «Il fait trop froid, on ne peut pas s'entraîner au Pokérugby...» ou encore «Vous avez été insupportables aujourd'hui ! Privés de Pokélutte !...»
Moi je crois surtout qu'elles ont pas envie de se salir : si en arrivant en classe, vous voyez que votre maîtresse porte des talons et une jupette, z'êtes sûrs de pas aller en sport ce jour-là !

Sur le chemin du stade, moi et Posipi, on parlait sérieusement Pokéhoms. Je voulais savoir comment on fait évoluer un Bonaparte en Napoléon.
Et puis, Manzaï, qui marchait derrière nous, est venu squatter dans notre discussion : «Vous parlez de quoi ? Je peux peut-être vous aider ?»
Nous, on l'aime pas Manzaï. C'est l'intello de la classe et c'est aussi le chouchou de la maîtresse.Dès qu'elle demande un truc, il crie tout de suite «Moi ! Moi je sais ! Moi !»

Du coup, Posipi lui a répondu qu'il pouvait pas nous aider, vu qu'on parlait entre hommes, de trucs d'hommes. Manzaï, ça lui a pas plu. Il a commencé à pleurer et Madame Gardevoir est tout de suite arrivée pour voir ce qu'on lui avait fait.
Un jour, faudra que je lui dise, à la maîtresse, entre quat'zyeux, que les larmes de Manzaï, c'est du pipeau, c'est pas des vraies.

On a continué à discuter, Posipi et moi : ça fait plusieurs jours que je passe tout mon temps à entraîner mon Bonaparte à la place de faire mes devoirs. Il a pris plusieurs niveaux, mais il évolue toujours pas en Napoléon. Et là, ça craint un peu, vu que Madame Gardevoir s'est rendu compte que je faisais pas mon travail et qu'elle a dit que si ça se reproduisait, elle mettrait un mot dans le cahier de textes.
Posipi, il a haussé les épaules, il savait pas non plus comment faire.

C'est à ce moment-là qu'on a entendu une voix qui disait : «Il évolue par échange, en tenant l'objet Code Civil...»
On a tourné la tête pour voir qui c'est qui avait parlé. Et à côté de nous, y avait juste Madame Gardevoir...Quand on a compris que ça pouvait pas être quelqu'un d'autre, on est restés scotchés, la bouche ouverte. Tu parles d'un scoop ! Une maîtresse qui connaît les Pokéhoms !
Elle nous a dit : «Venez me voir ce soir après la classe, je vous aiderai à faire vos échanges.»

Posipi et moi, on en pouvait plus d'attendre la fin des cours. On n'a rien écouté de la leçon de géo sur les richesses du sous-sol de notre belle région de Sinnoh. Quand ça a enfin sonné, les autres sont sortis et nous, on est restés avec la maîtresse.

Ce qui est chouette, c'est qu'elle avait sa DS et qu'on a pu faire évoluer mon Bonaparte.
Elle nous a aussi donné à chacun un Pokéhom rare : moi j'ai eu un Einstein avec la CS Relativité qui permet de modifier l'espace-temps, et Posipi un Harry Potter event distribué en local pour la sortie du film 12.
Après, c'était moins drôle.
Elle a fait plein de calculs compliqués au tableau sur les IV et les EV de nos staller et de nos swipper qu'il faut switcher en fonction de leurs move-set pour éviter les CC et elle a expliqué des tas d'autres trucs que je me rappelle plus et qu'on a fait semblant d'avoir compris, comme en classe.

Et puis elle nous a dit qu'il était temps pour nous de rentrer, qu'on avait encore des devoirs à faire, que nos parents allaient s'inquiéter, qu'on pourrait revenir une autre fois et qu'elle nous donnerait d'autres Pokéhoms encore plus rares.
Alors on est partis.

Quand je suis arrivé à la maison, Papa m'attendait, avec sa tête des mauvais jours, celle qu'il prend quand j'ai fait une bêtise ou qu'il a à me parler, comme il dit.
«Où t'étais encore passé ? On te cherche depuis une heure ! T'as encore traîné dans la rue avec ta bande de racailles ?
- Mais noooneuuuh ! J'étais avec la maîtresse ! Dans la classe ! Tu peux demander à Posipi, il était là aussi !
- Ah ! Elle t'a gardé en retenue ! C'est pas mieux ! Qu'est-ce que t'as encore fait comme ânerie ? Tu ne nous causes que des soucis ! On se sacrifie, ta mère et moi, pour que tu ne manques de rien ! Et voilà comment tu nous en es reconnaissant ? Vous les jeunes, vous n'êtes que des ingrats ! Tu comprendras quand tu seras grand ! On se tue au travail pour.....»
J'arrivais pas à en placer une. Alors j'ai fermé mes oreilles et j'ai laissé passer l'orage, comme je fais d'habitude.
Je la connais par coeur, sa leçon de morale : «... vous assurer un avenir correct... et patati...Important, l'école !... et patata … A ton âge, moi ...»

A la fin, j'ai quand même réussi à expliquer que j'avais rien fait de mal, que la maîtresse nous avait gardés juste pour échanger avec nous des Pokéhoms rares et nous montrer des tas de trucs stratégiques et tout et tout.
Mais mon père, il a pas voulu me croire :
«Tu ne comptes tout de même pas me faire avaler que ton institutrice joue à ce jeu débile ! Tu me déçois : d'habitude, tu trouves mieux comme excuse !»
Alors il m'a dit de filer dans ma chambre, que j'étais privé de télé pendant trois jours pour être rentré tard, et aussi de DS, pour avoir menti.

M'en fout.
En attendant, moi j'ai un Napoléon et un Einstein.
Et peut-être que bientôt j'aurai un Jésus, avec la CS Résurrection. Na !