Les Chroniques des Univers: [Tome 3] Le Cristal du destin de imhotep43

Pendant les longues minutes de marche qui séparaient le commissariat central de Féli-Cité de l'immeuble où vivait Nina, Cyrus ne peut s'empêcher d'évaluer la valeur de son binôme. Il y'avait bien peu de choses qui pouvaient laisser présager la force qui était sensée dormir en lui. Son manteau crasseux et élimé laissait penser qu'il pouvait être un SDF comme un autre, mais le "clochard", sous cette carapace de vêtements, était un homme mentalement plus imposant que tous ceux que Cyrus avait rencontré. Le plus impressionnant était sans doute le kit de dresseur qui se rajoutait à cette étrange panoplie de mendiant. Quand on plongeait dans le regard du principal suspect, on y lisait une multitude de pensées en même temps, mais aucune qui ne reste plus de quelques fractions de secondes. Il ne craignait rien, même pas ce qui lui serait arrivé si Cyrus n'était pas intervenu.

Une assurance étrange semblait provenir du jeune homme. Cyrus, lui, bien que peu impressionnable, devait admettre qu'il préférait avoir ce garçon avec lui, plutôt que contre lui. Tout dans son attitude respirait la détermination, le calcul de chacun de ses pas, son regard fuyant et analysant des dizaines de point de l'espace en quelques secondes. Tout, de son regard à sa démarche rapide et sans hésitations. Il n'était pas du genre à traîner quand il marchait, et s'il avait effectivement mis hors d'état de nuire trois personnes armées, tout laissait présager qu'il ferait effectivement un excellent associé.

"Maintenant que j'ai un allié, reste à savoir ce que je dois chercher, et où je dois chercher, pensa Cyrus."

En effet, alors qu'ils arrivaient vers la place, toujours entourée par les barrières de sécurité et les bandes jaunes "Accès interdit", le muet semblait déjà savoir quoi chercher. Après une vague inspection des alentours, Cyrus vit son compagnon regarder fixement un vieux tuyau d'écoulement de taille moyenne qui traînait par là. Presque au même moment, une boule de poils roux en sortit. Un Pokémon. Son pas mal assuré laissait supposer qu'il venait tout juste de se réveiller, mais il courait dans une direction certaine. Vers le garçon... Après Jess, Cyrus venait, même s'il ne le savait pas encore, de rencontrer Morph.

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Une fois ce duo transformé en trio, Cyrus assista à une scène d'une candeur insoupçonnée. Alors que le coupable désigné venait juste d'être relâché par la police, il ne trouvait rien d'autre à faire que de caresser son Pokémon, sans se soucier plus que ça de la présence de Cyrus à ses côtés.

"C'est ton Pokémon ?"

Dans les méandres du silence que s'imposait l'inconnu, ce dernier s'autorisa un signe de tête. Peu engageant certes, mais de sa part, c'était peut-être normal. Cyrus avait du mal à cerner sa personnalité, car il restait très refermé sur lui-même. Mais il se dégageait de ce moment une intensité rare. Aucun doute que l'un puisse donner sa vie pour l'autre.

"Il n'a pas de ball ? demanda à nouveau Cyrus."

L'inconnu émit un unique grondement agrémenté d'un signe de tête, cette fois négatif. Apparemment, il avait mal pris cette remarque. A quoi aurait servi une ball ? A transformer cette amitié indéfectible en un asservissement esclavagiste ? Autant dire que c'était une erreur grossière que de penser un seul moment à cela.

"Bon, ben, je sais pas si je t'ai dit, mais moi, c'est Cyrus. Enchanté de faire ta connaissance et celle de ton Evoli."

L'autre lâcha un soupir et gratta quelque chose à ses pieds. Ceci fait, il se releva sans donner aucun signe d'intérêt à la question que Cyrus avait posé, et se dirigea vers la "scène de crime" avec l'Evoli sur ses talons.

"D'accord, soupira Cyrus, ca commence bien. Enfin, tant qu'il reste efficace, il peut rester asocial."

Sur les traces de son acolyte, Cyrus s'avança lui aussi vers les barrières de police sans entrain. Puis il nota des reliefs dans le sable de la place, à l'endroit exact où le muet se tenait auparavant. Ces reliefs formaient des lettres, ces lettres formaient un mot...
Jess.

"Finalement, ca commence peut-être vraiment bien, ajouta t'il alors que le rictus de malaise sur son visage se transformait en un vrai sourire."

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La place était déserte. L'effet attracteur de la scène avait diminué de manière considérable quand les badauds présents avaient compris qu'il n'y avait rien d'autre à voir qu'une jardinière cassée, dont la partie criblée de balles était partie au labo de la police, et quelques pièces à conviction rapidement étiquetées et emballées dans la même boîte que la céramique trouée. Les policiers s'impatientaient, sans doute car leur ventre criait famine. Jess allait s'avancer dans la zone interdite, mais Cyrus le retint.

"Attends, il y'a encore deux gardes sur la scène. On ne peut rien tenter maintenant, et quand on le fera, s'ils reviennent à l'improviste, ils vont accuser quelqu'un. Et si on doit accuser quelqu'un, je préfère que ce soit moi que toi. J'ai déjà eu du mal à te faire sortir une fois de prison."

Jess concéda cet argument à son nouveau partenaire et le laissa inspecter la scène seul de loin. Sur le balcon, Cyrus aperçut le père de Nina qui veillait. Il allait peut-être pouvoir leur être d'une aide précieuse, il fallait juste lui dire de...

"Messieurs les agents, lança t'il du deuxième étage, vous prendrez bien un verre avec nous ? Ca nous gênerait de manger alors que vous attendez dehors."

Juste qu'il attire les agents dans son appartement, ce qu'il venait exactement de faire. Coïncidence ? Dans tous les cas, alors que les policiers se concertaient, le regard profond du père de Nina croisa celui de Jess, puis retourna vers Cyrus.

"C'est lui ? put lire Cyrus sur ses lèvres."

Ce dernier acquiesça d'un signe de tête, alors que les policiers se dirigeaient vers la porte. C'était lui, c'était ce garçon qui avait tenté de sauver Nina, en risquant de se faire inculper pour son enlèvement. Sur le balcon, l'homme esquissa un signe de reconnaissance à l'attention de Jess avant de rentrer par la baie vitrée, non sans mettre sa main bien en évidence au niveau de sa tête, les doigts bien écartés et murmurant "cinq minutes" du bout des lèvres.

"C'est ici que tout commence, lança Cyrus."

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Jess restait ainsi sur la place sablonneuse, et Cyrus s'aventurait au delà de la barrière de sécurité, sur l'allée goudronnée de laquelle était partie le camion cette nuit, emportant avec lui Nina et trois hommes blessés, alors que Jess cédait à la douleur qui le tiraillait.

"Pas grand chose à tirer du pot de fleurs, je crois, fit discrètement Cyrus. La police a emporté avec elle la partie qui pouvait nous intéresser. Par contre les traces de pneus sont bien marquées. Dommage que je n'y connaisse rien en la matière. C'est quand même incroyable qu'il n'y ait aucune trace. Tu ne trouves pas ?"

En réalité, Cyrus n'attendait aucune réponse de la part de Jess, mais il fonctionnait ainsi, en répétant à voix haute ce qu'il avait en tête, comme s'il pouvait mieux saisir toutes les nuances que suggérait son propos de cette manière.

"C'est quand même incroyable, répéta Cyrus. Tu n'aurais pas été là, ils seraient partis sans même laisser un seul indice. Ta venue n'était pas prévue, mais tout le reste l'était, et de manière vraiment trop précise. Ils n'ont pas forcé la serrure des Sorbier, même pas celle de la porte d'entrée. Ils avaient de quoi crocheter leur serrure en silence et le code de l'entrée..."

Cyrus songea ensuite à l'énormité de ce qu'il venait de dire. Autant un code était facile à obtenir en rodant autour de l'immeuble, autant le reste, ça ne tenait pas debout.

"On part, enfin, je pars du principe depuis le début que tout cela est lié au meurtre de Sorbier. Donc soit tout a été préparé à l'avance, le meurtre comme l'enlèvement, dans ce cas là, ils ont tout le temps qu'ils veulent et notre mystérieux inspecteur Dovi est vraiment bien plus impliqué qu'il ne nous l'a dit. Mais c'est impossible, Dovi me l'a montré, c'est un vrai passe-murailles. Pourquoi s'enfuir par la porte et risquer que le père de Nina ne se mette dans son chemin ? Ou alors ça c'est décidé après que Sorbier ait été retrouvé mort, et dans ce cas, il est impossible qu'ils aient pu organiser cette opération en si peu de temps..."

Aucune des deux solutions ne plaisait à Cyrus, et pas plus à Jess, même s'il n'en disait pas un mot. Mais le troisième membre du groupe, lui, avait aussi son mot à dire.

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Pendant tout le temps où Cyrus était resté à soliloquer, et Jess à l'écouter et à en tirer les mêmes conclusions, Morph lui, s'était peu à peu éloigné de son maître, irrépressiblement attiré par un bruit que lui-seul entendait. Derrière la grande porte vitrée, toujours intacte après l'enlèvement, un bip rapide et assourdissant se faisait entendre. Insistant mentalement auprès de Jess, le Pokémon arriva à convaincre ce dernier de porter attention à lui. Cyrus cessa son monologue à cet instant précis, comme si quelque part, il avait lui aussi entendu l'injonction de Morph.

"Il a senti quelque chose ?"

Jess fit une moue dubitative, qu'il aurait pu remplacer par un "pas senti, plutôt entendu quelque chose" s'il avait songé un moment à déployer ses magnifiques cordes vocales. Immédiatement, les deux garçons délaissèrent la scène de crime, plutôt pauvre en indices pour se concentrer sur la trouvaille du Pokémon. Arrêté dans son élan quand il vit deux uniformes descendre l'escalier, il tira Jess à lui, derrière la façade de l'immeuble, de manière à l'enlever de leur champ de vision.

"Ils ne vont plus quitter leur poste maintenant. Il faut que tu dégages. Je m'occupe de ce que ton Evoli a pu trouver."

Jess acquiesça d'un signe de tête. Le temps pour Cyrus de se retourner vers les policiers qui passaient juste la porte et de leur héler un "Ne bougez pas !" que Jess avait disparu de la place.

"Pardon, jeune homme ? fit l'un des deux policiers manifestement sur le qui-vive. Il y'a un problème ?"

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Cyrus s'était mis dans un léger pétrin. En effet, en voulant gagner une fraction de seconde, il s'était mis en première ligne et avait maintenant besoin d'une sérieuse excuse pour empêcher deux policiers de faire leur travail. Seule sa réactivité le tira d'affaire.

"Enfin, non, je ne voulais pas dire ça... Restez près de la porte, tenez-là ouverte, s'il vous plaît. L'Evoli là, c'est le mien, il s'est enfui et j'allais enfin réussir à le faire rentrer dans l'immeuble. Alors ne l'effrayez pas, c'est tout."

Le policier resta dubitatif, mais son collègue resta tout à fait professionnel.

"Excusez-le, il est sur les nerfs, il voit le mal partout en ce moment.
-Tu vas pas me dire qu'il n'y a pas de raisons de le voir. C'est de Sorbier dont on parle tout de même.
-Peut-être, mais dans nos attributions, il y'a "protéger ET servir". On peut bien rendre ce service au gamin non ? Tous les indices sont partis au labo et j'ai la scène de crime sous les yeux. T'as été dresseur toi aussi, tu sais comme ça peut être têtu ces bestioles.
-M'en parle pas, je voulais être dans la brigade cynophile, mais mon Caninos a fui au bout de son deuxième jour de dressage. Allez, on va aider ce gosse."

Ainsi débuta un lent ballet entre les policiers, un Evoli qui ne comprenait vraiment rien à ce qui arrivait et un Cyrus qui faisait tout pour avoir l'air le plus crédible possible. Au bout de plusieurs minutes de regards en coin, l'un des policiers réussit finalement à acculer Morph, lui laissant uniquement la possibilité de passer par la porte et donc de rentrer.

"Et voilà. En voilà un qui ne s'enfuira pas aujourd'hui, fit l'aspirant cynophile.
-Merci bien, fit sincèrement Cyrus. C'est une vraie tête de mule, mais on s'y attache vite. Ca m'aurait embêté qu'il s'enfuie maintenant.
-De rien. Ah, juste par acquis de conscience, votre nom, je vous prie. Je n'aimerai pas faire rentrer un autre criminel potentiel sur une scène de crime."

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Cyrus eut un frisson. Un acquis de conscience diablement problématique. Un coup d'oeil furtif à l'interphone le rassura très vite, lisant un nom au hasard.
"A.. Assard, je suis le neveu de Madame Assard, elle habite au cinquième. Mais je n'ai pas mes papiers sur moi.
-Ah oui, Madame Assard, fit l'un des deux policiers. Je l'ai interrogée ce matin, elle avait l'air toute chamboulée la pauvre.
-Je sais, elle m'a appelé dans la matinée, improvisa Cyrus. Je lui tiens compagnie pour la journée. C'est une femme très anxieuse, dès qu'il se passe quelque chose d'un peu bizarre, elle est la première à s'inquiéter.
-Si vous êtes autant attentionné avec elle qu'avec votre Pokémon, elle n'a aucun souci à se faire. Allez, on va retourner travailler, nous. Bonne fin de journée.
-Vous aussi, répondit poliment Cyrus en rentrant dans le hall."

Il referma avec soin la porte vitrée. Un rapide coup d'oeil sur les gonds, sur la surface de verre, sur la serrure. Rien, absolument rien n'avait été cassé, tordu ou quoi que ce soit.

"Tu as été parfait dans ton rôle, mais par pitié, Evoli, dis-moi que tu as trouvé quelque chose d'utile, parce que là, j'ai vraiment failli mal finir."

Sans avoir attendu l'ordre de Cyrus, Evoli s'était déjà lancé à l'assaut du bruit strident. Il fonça sans aucune hésitation sur un pot de fleurs dont il retourna la terre avec acharnement.

"C'était pas prévu ça, je vais devoir jouer les dresseurs incompétents encore..."

Cyrus se mit à tirer Evoli vers l'arrière, dans le but factice de l'arracher au pot de fleur, mais en réalité, il ne faisait que feindre de tirer, attendant un signal du Pokémon lui signifiant qu'il avait fini, pour vraiment jouer le jeu.
Dans un jappement, Evoli fit comprendre que c'était bon. Cyrus tira d'un coup, et observa l'objet dans la gueule de Morph. Il avait trouvé la première pièce du puzzle.

"Oh, si c'est ce que je pense, très cher Evoli, je crois qu'on va pouvoir retrouver Nina bien plus vite que je ne le croyais."

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Ressortant aussitôt par l'issue de secours qui donnait vers l'arrière, Cyrus, accompagné de Morph, se mit aussitôt en quête de Jess. Ce dernier, situé dans les environs, les rejoignit presque immédiatement quand Evoli l'informa mentalement de sa sortie. Cyrus recommença à monologuer avec Jess.

"Tu sais ce que c'est ça ? fit-il en montrant le petit objet cylindrique, de quelques centimètres de hauteur, une balise GPS, et récente. Ce modèle est fabriqué par mon père depuis moins de six mois et est vendu à des centaines d'entreprises dans le monde.Ca fonctionne avec des ultrasons, c'est pour ça qu'Evoli a du les entendre."

Jess resta dubitatif, d'un air de dire "à quoi ca nous arrange alors si des centaines de boîtes différentes peuvent l'avoir utilisé ?"

"Le truc, continua Cyrus, c'est que cette balise est un émetteur surpuissant, qui permet de localiser très précisément un point. Très utile pour téléporter des gens par exemple. Et là tout colle. Yann Dovi n'avait pas besoin de balise pour se téléporter, il est donc hors de cause, par contre, nos apprentis kidnappeurs eux, il leur suffit d'avoir quelqu'un pour poser la balise dans le pot de fleurs pendant l'après-midi. Il se fait passer pour un livreur ou je ne sais quoi, il rentre quand quelqu'un tient la porte ouverte, il n'a donc pas besoin du code et il repart sans attirer l'attention. Ils reviennent ensuite le soir, plus nombreux sans passer par cette porte et sans déclencher aucune alarme, ni faire aucun bruit. Comme ils ne peuvent pas téléporter Nina avec eux, un autre moyen de transport les attend devant la porte... Ma version des faits te plaît ?"

Jess acquiesça, sans toutefois montrer plus d'euphorie que ça. Mais Cyrus commençait à avoir l'habitude. Et puis il était fier de sa trouvaille, tout collait. Et ce n'était pas le meilleur.

"Et le mieux dans tout ça, c'est que la balise garde en mémoire tout accès aux données qu'elle émet. Donc on branche la balise sur un ordi, et elle nous dit où elle a envoyé ces données. Et vu qu'ils ne doivent avoir qu'un seul QG pour tout faire, je pense que si on sait d'où il sont partis, il y sont encore. "

Jess comprit alors où était tout le charme de cette théorie. On trouvait d'où l'ordinateur émettait, on trouvait où était Nina.

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"Pas de temps à perdre. Si ce ne sont que des exécutants, Nina risque de changer de lieu très vite. Je suis sûr que tout ce matériel n'est pas à eux. Leur commanditaire va récupérer son paquet, les payer, et on les perdra vraisemblablement à tout jamais. Et puis... ah zut, je n'ai aucun ordi. Il est resté chez moi."

Dans ce cas, pourquoi ne pas aller chez lui ? le pressa Jess d'un regard accusateur.

"C'est compliqué, expliqua Cyrus. Je n'ai pas envie de retourner manger dans la main de mon père."

Jess fit rouler ses yeux. Pourquoi attendre ? Une dispute familiale ne pouvait pas passer après un sauvetage ?

"Mais si tu veux m'en vouloir pour ça, libre à toi. Je sais que tu veux t'innocenter. Maintenant, tu peux aussi m'aider à trouver une solution alternative."

Jess reprit son air naturel, c'est à dire calculateur. Tout ce qu'il ne voulait pas, c'était attendre. Après, du moment qu'on lui proposait quelque chose à faire pour avancer, il était ravi de mettre la main à la pâte. D'ailleurs, tout ce qu'ils avaient à faire, c'était de mettre la main sur un ordinateur performant, et compatible avec cette technologie.

"Attends, fit Cyrus. Ma pokémontre ! Elle doit pouvoir nous servir à quelque chose ! fit-il en la rallumant."

Un leger bip de mise en fonctionnement se fit entendre. Rien ne pouvait laisser présager qu'un si petit matériel puisse comprendre les données de la balise GPS. Mais Cyrus avait cru comprendre que le modèle qu'il avait était le nec plus ultra, selon Dovi. Si quelque chose qu'il possédait pouvait extraire les informations de la balise, c'était bien sa Pokémontre.

"Bonjour, bienvenue sur l'accueil du Poké Device. Que souhaitez-vous faire ?
-Extraire des données d'un périphérique sans fil, répondit Cyrus du tac au tac.
-Veuillez patienter, scan des périphériques alentour..."

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La voix s'éteignit quelques secondes, laissant place à une barre d'avancement holographique. Jess, lui, restait ébahi devant cette technologie que son cerveau peinait à apparenter aux données que le mot "pokémontre" évoquait dans son cerveau.

"1 périphérique détecté. Voulez-vous vous connecter à Balise 280691-Versili_Network ?
-Oui.
-Connexion impossible, la balise renvoie le message d'erreur suivant: "système protégé contre l'accès des données par un tiers. Veuillez vous loguer via l'ordinateur ayant servi à la connexion."
-Merde, lâcha Cyrus, on ne peut pas remonter jusqu'à eux."

Visiblement déçu, Cyrus frappa du pied contre une poubelle qui traînait par là, apeurant Morph au passage.

"Merde, merde et merde, si on ne peut pas accéder à ces données, Nina nous file sous le nez !
-Que souhaitez-vous faire ? répéta la voix du PokéDevice.
-Pirater cette balise, montre de merde ! C'est ça que je veux faire, tu connais un vendeur d'outils pour hacker professionnel ? Ou tu n'es même pas fichue de faire ça ?"

Cyrus fulminait, alors que la montre restait silencieuse encore une fois. Alors qu'il en avait visiblement marre, Cyrus entendit à nouveau la voix mécanique de la pokémontre.

"Vous avez demandé deux informations différentes. Le Pokédevice propose:
-le piratage du réseau 280691
-une recherche GPS des vendeurs de matériel informatique spécialisé dans votre secteur.
Veuillez valider votre choix. Pour travailler en multi-tâches, l'écran holographique va devoir être utilisé."

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Cyrus resta interdit. La pokémontre ? Capable de pirater un réseau ? Il n'avait pas souvenir de telles fonctions dans son manuel de cours.

"Piratage de réseau, tâche unique, déclama Cyrus de manière parfaitement audible.
-Le logiciel de piratage est un logiciel bloqué. Souhaitez-vous rentrer un mot de passe ?"

A nouveau, un obstacle. Et cette fois-ci, Cyrus ne pouvait compter sur aucune alternative. Nina allait lui filer sous le nez pour une histoire de mot de passe.

"Il n'est pas question que tout ça s'arrête maintenant, murmura Cyrus, reprenant ses esprits. Le seul obstacle entre toi et Nina est un mot de passe. Tu viens de violer une scène de crime en toute impunité, alors un petit mot de passe ne va pas te bloquer plus que ça, non ?"

Il n'avait en effet aucune issue de secours. Mais il était arrivé au point névralgique de cette histoire. Il dénouait ce noeud et la pelote entière lui tombait dans les mains, au vu des possibilités quasi-illimités de la montre. Mais ce noeud était du genre coulant, à étouffer seconde après seconde tout espoir sans pouvoir être défait par celui qui le porte. Cyrus tenta le tout pour le tout, espérant que le système avait une faille.

"Indication de mot de passe, demanda t'il ?
-Quelle est la prochaine étape ? fit à son tour le PokéDevice.
-Indication de mot de passe, retenta Cyrus.
-Quelle est la prochaine étape ? reprit la Pokémontre."

Cyrus mit un moment avant de réagir. Jess lui fit un signe des mains lui montrant l'évidence de tout cela. Cyrus reprit:

"Quelle est la prochaine étape ? C'est ça ? C'est l'indication pour retrouver le mot de passe ?"

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Cyrus resta un moment à bloquer, une sensation de déjà-vu étrange s'emparant de lui. L'histoire se répétait. A nouveau il violait une scène de crime, à nouveau on lui parlait d'étape... Et si la réponse était dans sa poche depuis hier.

"Le papier que j'ai trouvé sur Sorbier! s'excita Cyrus en retournant sa veste. Il parlait de l'étape suivante ! C'est ça la faille ! Personne d'autre que Sorbier ne peut débloquer ce qu'il a créé. Mais il a du prévoir son issue de secours à lui. Bon sang, où ai-je fichu ce papier !"
Cyrus fouillait nerveusement dans ses poches, sans voir que le papier en question était tombé dans une des nombreuses secousses qu'il infligeait à sa veste. Morph attrapa le papier tombé par terre dans ses mâchoires et apposa sa patte sur la jambe de Cyrus.

"Qu'est ce que tu... Le papier ! reconnut-il. Merci Evoli !"

Toujours aussi tendu, Cyrus déplia le papier, manquant de le déchirer en deux. Il lut alors à haute et intelligible voix son contenu.

"La dévolution est... la prochaine étape..."

Un long silence succéda alors à cette phrase, presque incantatoire. Cyrus était acculé entre les falaises de l'enfer et les portes du paradis, qui refusaient obstinément de s'ouvrir, le repoussant toujours plus près du gouffre à chaque tentative de sauver Nina. Dans sa tête et dans celle de Jess, ces quelques secondes, à vrai dire cette demi-seconde, dura approximativement une éternité et demi, soit à peine le temps nécessaire pour compter à rebours de l'infini à zéro. Les battements de coeur des deux garçons ne formaient plus qu'un, et toute la vie autour d'eux semblait ralentir. Un moment, Jess songea même à mettre cet aspect sur le dos de "ça", mais manifestement, il n'était pas encore sorti de la forêt de Vestigion, et tout ce que le jeune homme vivait n'était qu'une illusion due au stress.
La montre resta cependant éternellement silencieuse...

Tout du moins si on considérait cette éternité et demi qui durait en réalité une demi-seconde. A la fin de cet infime infinité, donc, la voix électronique proclama enfin:

"Code accepté, mode Intégral: Activé, piratage en cours..."

L'endoit où était retenue Nina était quelque part dans cette boîte en ferraille, et les derniers obstacles qui barraient la voie vers la solution venaient de tomber.