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Les Chroniques des Univers: [Tome 3] Le Cristal du destin de imhotep43



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Informations

» Auteur : imhotep43 - Voir le profil
» Créé le 07/04/2009 à 15:29
» Dernière mise à jour le 07/04/2009 à 15:29

» Mots-clés :   Science fiction   Sinnoh

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Chapitre 10: Interrogatoire musclé
Jess avait du mal à se concentrer, un peu comme si son esprit restait déconnecté du monde extérieur. C'était sans doute du à la décharge électrique qui courait encore dans son corps, faisant tressauter de temps en temps une veine à la base de son pouce gauche. Quand il avait ouvert les yeux la première fois, il se trouvait toujours à côté de la jardinière en piteux état. La seconde fois, il était sur un brancard dans un véhicule, et la troisième, c'était à peine quelques minutes avant l'instant présent. Et l'environnement semblait nettement plus hostile ici. Une cellule qui puait l'urine et la transpiration, entourée de barreaux en métal solide. Impossible de sortir et de retrouver Morph.

"J'espère que tu es bien à l'abri... songea-t-il."

Mais la petite voix d'Evoli resta désespérément silencieuse dans sa tête. Il était sans doute trop loin pour rester connecté mentalement au Pokémon. Il se leva alors, et abandonnant toute idée de sortie rapide, il se mit à explorer la pièce, cherchant LA faille qui lui permettrait de sortir.

La cellule était sommairement meublée, deux lits aux matelas plus qu'usés, un lavabo et un ersatz de toilettes à la turque, séparée du reste de la pièce par un paravent déchiré. Rien pour faire une révolution en somme. A côté de Jess, un homme plus âgé le regardait sans rien dire, jusqu'à ce que leurs regards se croisent. Là, Jess comprit qu'il allait devoir rajouter cet individu à l'équation, mais qu'il avait plus une tête de problème que de solution.

"Bonjour, petit, fit-il d'une voix calme et posée. Tu veux un bonbon ?"

Jess jaugea cet adversaire éventuel d'un simple coup d'oeil. S'il venait à lui tomber dessus, il n'aurait pas de problèmes pour le maîtriser. Il pouvait par contre le gêner dans son évasion s'il le voulait. Encore une raison pour le surveiller du coin de l'oeil.

"Ca va, je déconne, grommela son compagnon de cellule. T'as pas l'air très porté sur l'humour toi."

Laissant l'autre détenu continuer son monologue, Jess étudia la serrure. Classique,facile à crocheter avec les connaissances qu'il avait. Mais il lui fallait pour ça du matériel qu'il n'avait pas ici. Deux bêtes morceaux de fil de fer un peu rigide auraient suffit. Il allait devoir attendre que la porte s'ouvre, ce qui ne saurait tarder. D'ici là, de longs silences allaient ponctuer le discours de l'homme sur la couchette.

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"Tu n'as rien à craindre de moi, hein, je suis là pour un petit délit d'ivresse sur la voie publique et je suis sobre depuis bien longtemps. Par contre toi, t'as l'air d'être vraiment dans de sales draps. T'as enlevé la gamine du professeur, à ce que j'ai entendu ? T'es un grand malade toi. Tu sais que parmi tous les gens de Sinnoh, ça doit être celui qui a la plus grosse réputation, le mythe vivant quoi..."

Jess écouta d'une oreille distraite le monologue de l'homme. Qu'il fut soupçonné d'avoir enlevé la fille d'un professeur ou d'un petit artisan, quelle était la différence ? Le professeur en question enseignait-il dans une université prestigieuse ?

"Ouais, enlever la fille Sorbier, ça, c'était pas une bonne idée."

L'attention de Jess changea du tout au tout. Un professeur ? Non, LE professeur, Sorbier lui-même, celui qu'il cherchait à rencontrer, ou tout du moins dont il cherchait le lien avec lui... C'était sa fille qui avait été enlevée ? La situation changeait du tout au tout.

"Mais t'as du être grassement payé pour ça hein ? Je suppose qu'un gamin comme toi agit pas tout seul... Tu vas être libéré sous caution dans peu de temps. Peut-être même avant moi. C'est ça la magie du système. Deux ou trois politiciens véreux au sommet de la pyramide, et les exécutants qui s'en sortent toujours sans dommage..."

La conversation reprit soudain un intérêt presque nul.

"Youpi, un théoricien du complot de plus, pensa Jess."

Dans son cerveau, un plan s'échafaudait. Et s'il arrivait à retrouver la fille ? Elle l'innocenterait très certainement, et lui pourrait avoir ses entrées dans la famille Sorbier. Et peut-être d'ici peu des explications sur qui il était.

"Oh, tu réponds, sale gosse ?"

Derrière lui, son compagnon de cellule s'énerva et s'approcha de lui d'un air mauvais. Jess n'avait même pas entendu la question. A vrai dire il s'en fichait. L'homme leva la main sur l'amnésique mais elle n'eut pas le temps de retomber que le garçon avait cueilli ce poivrot à l'alcool mauvais d'une manchette bien placée. Les yeux roulant dans leurs orbites, l'ivrogne s'écroula sur son lit sommaire. Jess songea un moment à l'allonger correctement, mais il fut interrompu par le bruit d'une porte. On venait le chercher.

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Le couloir qui longeait la série de cellules s'éclaira d'une lumière extérieure. Un agent rentra, dépassa la première cellule et s'arrêta devant celle de Jess.

Un moment, le garçon eut peur d'être accusé de quoi que ce soit, mais le constat du policier se résuma à cette simple phrase: "Toujours pas réveillé ? Depuis le temps qu'il est là. Il a du prendre une sacrée cuite..."

Tournant la clé dans la serrure de la porte, il invita Jess à le suivre d'un petit mouvement de tête.

"J'espère que tu as de la salive à revendre, j'ai comme l'impression que ça risque d'être mouvementé avec le patron."

Refermant la cellule, il avertit le garçon:
"Je ne te menotte pas, mais si tu voulais avoir l'idée stupide de t'enfuir, la porte devant toi est la seule issue, et il y'a une bonne dizaine de gars bien entraînés derrière. A toi de voir."

Jess retint un rictus de satisfaction en acquiesçant. Il avait mis trois hommes armés au tapis, il saurait bien échapper à dix s'il le voulait vraiment. Peut-être avait-il trouvé la faille.
Derrière la porte, cependant, un obstacle supplémentaire se dressa. Il était loin de voir une porte donnant directement sur l'extérieur, et les panneaux "Détenus, en cas d'évasion, passez par là" n'étaient pas légions. Il allait donc peut-être devoir profiter de l'effet de surprise.
Dans la pièce, digne des films policiers, avec la vitre sans tain au fond, un homme se distinguait des autres. Plus gradé, plus âgé, et assis devant un bureau et une chaise vide qui attendait certainement Jess. L'agent laissa le soin au jeune homme de s'asseoir. L'homme qui lui faisait face l'évalua de la tête aux pieds. Dans son habit élimé de toutes parts, il n'était pas tellement en position de faire le malin.

"Je vais faire les présentations. Je suis l'inspecteur chargé de l'enquête sur l'enlèvement de Nina Sorbier, et tu es mon suspect le plus évident. C'est tout ce que tu as à savoir. Ah, si, peut-être un autre détail. Tu t'es empêtré dans une affaire qui va aller loin. Très loin. Ceci étant dit, nous pouvons commencer."

Autour, huit hommes, dont un occupé à retranscrire tout ce que Jess allait dire...
C'est à dire pas grand chose.

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Dans l'immédiat, il semblait que l'homme avait bien des choses à demander. Mais, procédure oblige, il commença par les plus basiques.

"Nom et prénom."

Ce qui lui valut pour la première fois de sa vie le silence le plus profond qu'il eut jamais à voir. Un long silence, un vrai, un pur silence qui n'allait pas tarder à devenir très, très amusant pour Jess.

"Tu comprends ce que je dis au moins ? Est ce que quelqu'un s'est fait comprendre de ce gosse ?
-Inspecteur, signala l'agent qui avait escorté Jess, il comprend très bien la langue comme j'ai pu le vérifier juste avant qu'il rentre ici. Aucun ne nous ne l'a cependant vu parler depuis son arrivée.
-Bien, on a donc affaire à un dur... On va voir qui est le plus dur d'entre nous."

S'ensuivit une série de questions auxquelles Jess répondit par un silence digne des plus grands films d'horreur, à la fois terriblement impressionnant pour selon qu'il n'était qu'un gosse face à un vieux de la vieille, et presque terrifiant quand il fixait son regard sur l'inspecteur. Mais en réalité, il ne menaçait absolument personne. Il savait que garder le silence était une option tout à fait intelligente, et ça n'allait pas le pousser à prononcer les premiers mots depuis son réveil dans cette pièce.

"Tu vas répondre oui ?" s'emporta l'inspecteur dans un cri qui fit sursauter tout le monde, sauf Jess, bien entendu.

Les menaces en l'air ne le déstabilisaient pas plus que les menaces réelles, sachant que c'était en gardant son calme en toutes circonstances qu'on arrivait à prendre les meilleures décisions. Sa logique froide et calculatrice le mettait dans une position dominante face à ces neuf hommes. Mais l'inspecteur semblait prêt à aller jusqu'au bout, et certainement à cause de pressions venues de sa hiérarchie, commença à perdre son sang froid. Jess avait presque gagné. Il allait bientôt pouvoir passer à l'action. Bientôt, on le ramènerait à sa cellule et c'est là qu'il agirait.

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Mais il restait une dernière étape à franchir. L'inspecteur n'allait pas le laisser partir comme ça.

"Laissez-nous tous les deux, ordonna t'il. Je vais m'occuper de ce gamin moi-même."

Les hommes, pris d'un sourire de satisfaction s'en allèrent tous, y compris le responsable de l'écriture du procès verbal. Sans doute cela augurait-il pour eux des moments de rigolade de l'autre côté de la porte. Jess sut donc que tout ce qui allait se passer n'était que des méthodes d'intimidation. L'inspecteur ne pouvait pas le frapper sans commettre une faute professionnelle grave, et s'il tentait quand même quelque chose il allait avoir à faire à forte partie avec Jess. Tout ce qui allait se passer ici allait rester entre Jess et son interlocuteur. Autant dire qu'il n'allait rien se passer pouvant troubler le garçon.

Une fois tout le monde sorti, l'inspecteur commença d'un tout doucereux:
"Tu sais, ton avocat ne va pas tarder à arriver. Un avocat commis d'office certes, tout juste sorti de l'école, mais un avocat quand même. Si tu veux on peut l'attendre. Et puis, tu sais, les dépositions sont toutes dans ton sens. Même le père de la fille qui a été enlevée a dit qu'il ne pensait pas que tu étais avec les kidnappeurs. Ca fait un appui de poids. Avec tout ça, je vais te dire que que je pense qu'il s'est passé. Vu tes habits, tu devais passer dans les rues, à la recherche d'un coin tranquille où finir la nuit. Tu sais, j'ai l'habitude des gars comme toi. Paumés, sans abri et toute la clique. Sauf que toi, tu t'es trouvé au mauvais endroit, au mauvais moment. T'as entendu la gamine crier, et t'as voulu l'aider. T'as mis une belle tatane aux gars présents, et même pour ça t'as rien à te reprocher. Au vu des balles qu'on a trouvé, du pistolet électrique qu'on a trouvé sur toi, il y'aura aucun mal à faire état de la légitime défense. Il suffit juste que tu te montres un peu plus coopératif."

A nouveau, encore et toujours, le silence. Si effectivement, Jess n'avait rien à se reprocher, les faits parleraient pour lui. S'il parlait au contraire, il admettait qu'il s'était trouvé sur les lieux, et qu'il avait peut-être été de mèche avec les kidnappeurs. Bref, l'inspecteur voulait un coupable, et ce n'était certainement pas dans son intention de faciliter la tâche à son principal suspect.

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L'inspecteur haussa cette fois-ci le ton, allant jusqu'à crier dans l'oreille de Jess. Pris d'une envie hautement compréhensible de le faire taire, le garçon resta cependant stoïque. Un mauvais moment à passer. S'il l'agressait, il s'exposait à de lourdes conséquences. Mais en ayant à chaque fois un temps d'avance sur son interrogateur, il allait peut-être pouvoir s'en sortir assez rapidement.

"Tu vas parler, oui ? Sale gamin, tu crois que tu vas t'en sortir comment à faire le malin ? Au trou ! Complicité d'enlèvement! En taule avec un compagnon de cellule qui sera nettement plus porté sur les petits garçons que sur les bouteilles, comme l'était le poivrot en cellule avec toi."

Frappant du plat de la main sur la table, l'inspecteur ne récolta qu'un soupir d'ennui de Jess. Il n'en fallut pas plus pour le mettre vraiment hors de ses gonds.

"Tu vas voir, sale gosse, tu vas voir ce que je fais aux petits cons comme toi qui croient malin d'enlever des gamines pour se payer leurs bouteilles d'alcool. Tu crois que t'es quoi, hein ? On t'a payé pour le boulot parce que t'étais l'homme de la situation ? T'es une sous-merde parmi tant d'autres. Ta vie ne se résume à rien. T'es un loser et tu le resteras toute ta vie. Une vie que tu vas finir en prison, entouré de rebuts de la société comme toi. C'est ça que tu veux ? Tu t'es fait prendre, t'as plus aucun intérêt à me cacher des trucs, parce que c'est moi qui vais décider de ton sort. Moi et personne d'autre, t'entends ?"

Jess retint un bâillement et se concentra sur ses projets. L'inspecteur arrivait à cours d'arguments. Il allait devoir renoncer. Et quand la porte s'ouvrirait, que les agents entreraient, le garçon foncerait. L'effet de surprise était pour lui. Plus que quelques minutes...

La porte s'ouvrit soudain. Plus tôt que prévu, pensa le jeune homme. Ca pouvait faire toute la différence entre un plan génial, et un autre voué à l'échec. Un policier, l'air dépité, le teint blême interrompit l'inspecteur au moment où son visage frôlait celui de Jess, le regardant d'un air plus que furieux. Le nouveau venu ne savait vraiment pas où se mettre, sentant qu'il avait interrompu ici un moment de discussion intense. L'inspecteur se releva et lui lança un regard presque aussi meurtrier que celui qu'il réservait à Jess.

"Vous ne voyez pas que j'interroge un détenu ?
-Désolé, vrai... vraiment désolé, monsieur, mais... vous ne pouvez plus l'interroger. Il est libre."

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La foudre frappant la salle n'aurait pas fait plus d'effet. L'inspecteur était décomposé, et sa voix reflétait une rage sans limite.

"On parle de l'homme qui est suspecté d'avoir enlevé la petite fille de Sorbier. Le professeur Sorbier, un gars qui a vu plus de gamins devenir dresseurs émérites que je ne verrais jamais de détenus dans ma carrière. On parle du suspect qui a enlevé sa petite-fille, qui a peut-être même un lien avec la mort du professeur.
-Je... je sais, mais les preuves contre lui ne tiennent pas la route. Son avocat a détruit le dossier qu'on avait contre lui en deux coups de cuillère à pot.
-Depuis quand les commis d'office sont capables de démolir les dossiers qu'on a contre leurs clients ? Ils sont déjà bien contents quand ils arrivent à les défendre correctement alors...
-C'est pas un commis d'office. Le dossier a été repris par Maître Berna.
-Vous vous foutez de moi ou quoi ? Berna est le plus cher de tout Sinnoh. Comment un raté comme ça pourrait se payer un avocat comme lui ?
-J'en sais rien, mais Berna est dans le hall, et il tient à vous prévenir que si vous... attendez, comment a t'il dit ça...
-Si vous posez une seule question supplémentaire à mon client, inspecteur Calas, je fous tout votre boulot en l'air pour vice de procédure ! cria une voix derrière lui, certainement celle du maître à en juger par sa prestance et son assurance. Et pour avoir planté l'affaire de l'année, vous allez bien vite finir à la circulation."

L'inspecteur retint un juron de rage.

"Tu t'en tires bien, petit con, mais trouves-toi encore une seule fois sur mon chemin, et je te fais inculper pour le premier motif qui me passe par la tête. Et il n'y aura pas de commanditaires pour te payer l'avocat le plus cher de l'histoire du barreau."

Puis, après un dernier regard de dégoût, il ordonna à regret qu'on conduise Jess à l'entrée, pour le plus grand plaisir de ce dernier, qui n'aurait même pas à s'évader.

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Dans le couloir qui menait au hall, Jess songea à un dernier détail. Qui pouvait être assez puissant pour faire venir un avocat aussi cher et talentueux pour lui ? Se pouvait-il qu'effectivement ce soit le commanditaire de l'enlèvement qui, après que les kidnappeurs aient parlé de Jess et de la raclée qu'il leur avait fait subir, avait décidé de l'engager ? Ou... de le supprimer ? De quoi rester sur ses gardes.

Dans le hall, il n'y avait qu'un policier, l'avocat, et un jeune homme qui ne semblait rien avoir à voir avec cette affaire. Pas de gorilles à l'horizon, mais peut-être attendaient-ils à l'entrée.

"Enchanté, fit l'avocat à l'attention de Jess. Je connais bien eu de personnes qui résistent au caractère de chien de Calas. Vous êtes vraiment un jeune homme qui a de la trempe. Je ne regrette pas de m'être levé tôt pour voir ça.
-Berna, vous savez qui est ce que vous libérez là ? fit l'inspecteur, surgissant derrière Jess et les hommes qui l'accompagnaient. Vous le savez au moins ou seul l'appel du Saint Bénéfice compte pour vous ?
-Je libère un ado comme un autre dont le seul crime est d'avoir été là au mauvais endroit, au mauvais moment. Vous l'avez dit vous-même. Je regardais à travers la vitre de la salle d'interrogatoire, figurez-vous. Ce gamin a voulu porter assistance à une fille qui se faisait enlever, et ce, au péril de sa vie. C'est pas une cellule qu'il mérite, mais une médaille. Votre dossier ne tient pas debout, et sans aveux, qu'il a eu l'intelligence de ne pas faire parce qu'il n'a rien à se reprocher, et qu'il ne s'est pas laissé intimider par vos méthodes à la limite de l'intolérable, aucun juge ne verra l'ombre d'une preuve dans votre dossier en papier mâché. Le seul coupable dans cette affaire, c'est celui qui prend le premier suspect qui passe pour faire le beau aux yeux de ses supérieurs au lieu d'agir selon la déontologie, avec intelligence, parcimonie et patience."

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Entre les deux hommes, la bataille des nerfs tournait très nettement à l'avantage de l'avocat. Sorti de l'investigation pure, Calas s'embrouillait les pinceaux. Un excellent homme sur le terrain et dans les salles d'interrogatoire en somme, mais bien moins efficace quand on le sortait de cet environnement. Autant dire que Jess était libre.

L'inspecteur regarda fixement l'avocat pendant plusieurs dizaines de secondes, sans rien dire. Mais ce dernier gardait un calme olympien, tout aussi impressionnant que celui de Jess.

"Je défend des pourris à longueur de journée à contrecoeur. Et maintenant que je peux espérer faire un boulot à peu près juste, vous continuez à me mettre des bâtons dans les roues. Calas, vous êtes un con fini.
-Je pourrais vous mettre en état d'arrestation pour outrage à un agent des forces de l'ordre.
-Et je crois que si je vous accuse d'être violent envers vos suspects, l'addition sera nettement plus salée pour vous. Ce n'est plus la division anti-terroriste ici. Et encore, si je me souviens bien, on vous en a justement renvoyé parce que vous étiez allé trop loin avec un de vos "suspects". Rappelez-moi quand ont eu lieu les obsèques déjà ? C'était bien le lendemain où vous avez été dégradé et muté au service des disparus ?
-Espèce de...
-Ah, insultez-moi et nous serons à égalité sur le plan "outrage". Sauf que moi, j'ai le joker "violence envers un suspect mineur" à jouer... Je crois que vous feriez bien d'en rester là. Jeune homme, si vous voulez bien m'accompagner, vous êtes libre, malgré tout ce que dira l'inspecteur en charge de l'affaire."

Jess avança donc sans sourciller, quittant l'inspecteur pour l'avocat, alors que le premier fulminait. Non seulement son suspect n'avait pas daigné céder à ses menaces, mais en plus il lui échappait.

"Vous commencez mal votre enquête, inspecteur. A peine six heures depuis l'enlèvement de cette fille et vous étiez déjà au bord de la bavure policière. Enfin, pour ce que j'en dis. Messieurs les agents, bonne journée à tous."

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Ainsi, Jess sortit en compagnie de l'avocat, alors que le jeune homme qui attendait derrière eux les suivit, certainement peu enclin à déposer plainte dans une telle ambiance.

"Bon, je ne sais pas dans quel pétrin vous êtes tombés, fit l'avocat, mais je ne crois pas qu'un gosse comme vous puisse être capable de faire ça. Même si en tant qu'exécutant, vous seriez très côté au près de certains patrons de la pègre que j'ai eu à défendre. Faites attention à vous, c'est tout ce que je vous suggère.
-Maître ? demanda le jeune homme juste derrière eux.
-Oui, oui, je crois que j'ai tout dit à notre mystérieux suspect, parlons donc affaire.
-Je vous dois ? demanda le garçon.
-Rien du tout. Votre ami a fait presque tout le travail avec une remarquable intelligence. Je n'avais qu'à me servir d'un ou deux articles de loi pour faire s'écrouler tout leur dossier. Et j'ai une petite dette envers votre père.

Des dettes ? Cet avocat avait des dettes envers quelqu'un ? Le père de ce gamin devait être très influent alors...

"Vous êtes sûr ? Je ne voudrais pas déprécier votre travail.
-Vraiment, ça me gênerait. C'est la première fois que je vois quelqu'un résister à Calas avec autant de brio. Comme je disais, je ne regrette même pas de m'être levé pour voir ça.
-Dans ce cas, merci bien maître.
-Mes amitiés à votre père, Cyrus.
-A ce sujet, si tout cela pouvait rester entre nous, murmura Cyrus à l'attention de l'avocat.
-Je ne comprends pas, votre père devrait être fier de vous, vous avez...
-Cet homme n'a pas enlevé Nina, mais il sait peut-être des détails qu'il délivrera plus facilement à quelqu'un qui ne le croit pas coupable. J'aimerai creuser de mon côté. Et père serait très inquiet de me voir m'aventurer en terrain aussi dangereux. J'attaque mon voyage initiatique aujourd'hui, autant qu'il pense que c'est ça.
-Je vois, vous voulez la jouer à votre manière. C'est votre choix, mais faites attention, je ne crois pas que vous ayez affaire à des amateurs. Prenez garde.
-S'il a fait autant de choses pour aider Nina que l'ont dit les inspecteurs, je crois qu'on formera un bon duo."

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L'avocat acquiesça, et se dirigea vers sa voiture, de sport bien évidemment, après un dernier au revoir. Jess restait là, perplexe. Ce gamin avait appelé un avocat, le plus cher qui plus est, et il repartait sans rien payer ? C'était déjà assez notable, mais qu'en plus, il veuille lui aussi retrouver la fille que Jess cherchait, c'était une coïncidence proprement impressionnante.

"J'ai cru comprendre que tu n'étais pas très loquace, fit Cyrus. Tu me comprends quand je parles ?"

Jess acquiesça, son visage restant cependant fermé.

"Très bien, j'ai une amie qui a disparu, la fille que tu as tenté de sauver. Je n'exige pas que tu me suives, mais j'aimerai bien que tu m'aides à la retrouver. Tu as fait du très bon boulot, tu as presque réussi à l'aider. Ca ne s'est pas passé comme prévu, mais tu as fait tout ce que tu as pu. Et je pense que tu peux l'aider encore. Enfin, si tu veux le faire, je ne veux pas non plus..."

Avant que Cyrus ait fini, Jess acquiesça à nouveau. Une occasion presque trop belle pour être vraie, autant la saisir maintenant. Et puis, il lui devait une faveur, autant la payer de cette manière.

"Très bien, à moins que tu ais des choses à voir, on y va tout de suite, alors."

En réalité, il y'avait un dernier détail à régler. Retrouver Morph, avant de chercher cette fille. Nina, c'est bien ça ? Cyrus semblait être un jeune homme tout à fait conscient de ce qu'il faisait, et rien ne saurait l'en empêcher. Tant mieux, Jess ne voulait pas être ralenti non plus. Et à deux, ils auraient bien plus de chance.

"Je propose de commencer par le commencement. Direction l'appartement de Nina. Ca te va ?"

Dernier signe de tête affirmatif de la part de Jess. Les réjouissances commençaient enfin.