Destins liés ~Crépuscule~ de fan-à-tics

Episode 13-


Retrouvons notre bande d'amis sur le chemin d'Azuria. Fraîchement vainqueurs du challenge d'Argenta, ils se dirigent avec bonne humeur vers la prochaine ville. Eléanore, plus enthousiaste que jamais, défiant à qui mieux-mieux le moindre dresseur pokémon, Daniel prenant des photos du paysage avec un sourire rêveur, Lucas briefant sur sa nouvelle stratégie ses pokémon tout en marchant, Yuki baillant démesurément, et Samantha, légèrement renfermée depuis quelques jours.

Bref ! L'ambiance est excellente, ils sont même en avance, ils ne se sont pas perdus, c'est pourquoi en cette glorieuse après-midi où tout leur sourit, ils décidèrent de s'arrêter un peu, histoire de s'entraîner et de pêcher.

Enfin, pêcher...

Daniel, la tête dans les nuages, l'appareil photo à la main, la canne à pêche vaguement coincée entre ses deux chevilles dans un équilibre précaire, regardait la douce ambiance qui planait sur le groupe.

Leurs pokémons jouaient dans un coin. Visiblement, ils s'entendaient très bien, Evoli tentait même d'attraper Tarsal avant qu'il ne se téléportât. C'était peine perdue.
Mr. Yuki dormait dans un coin, bien exposé au soleil, un sourire aux lèvres.
Lucas préparait le déjeuner tout en papotant avec Samantha qui, elle, s'occupait de l'œuf de Barpau.

La jeune dresseuse, depuis quelques jours, était d'une humeur de Granbull, c'est-à-dire vraiment froide. Elle semblait découragée, et malheureusement pour eux, cela se traduisait par des remarques sarcastiques toutes les deux minutes.

-Daniel, tu as une touche ! S'écria Lucas.

Le jeune garçon, à moitié assoupi devant sa canne, se leva d'un bond et se mit à tirer sur le manche pour l'empêcher de filer avec le poisson. Lucas se précipita vers lui pour lui donner un coup de main.
La force conjuguée des deux ne laissa aucune chance à la prise, et ils virent avec stupéfaction une masse jaune et verte se faire happer hors de l'eau et se retrouver suspendue au bout du lien.

Le groupe se retint d'exploser de rire face à ce spectacle. Eléanore, piégée à cause de son maillot à volant, se retrouvait attrapée comme un vulgaire poisson, qui se serait retrouvé dans la casserole de Lucas, soit dit en passant. La gamine, le rouge aux joues, gesticula dans tous les sens en criant :
- On peut même plus se baigner tranquille maintenant ?

Malheureusement pour elle, Danny avait déjà sorti l'appareil photo pour immortaliser cet instant, et ne pouvant résister à l'objectif, elle prit la pose. Ce fut à ce moment-là que le fil décida de céder et que tous les amis se retrouvèrent projetés dans l'eau par surprise.

Là, ils n'en purent plus, le fou rire les prit à la gorge et ils rirent aux éclats, sous les regards effarés de leurs pokémons.

Samantha arqua un sourcil, se demandant ce qui leur prenait, à cette bande de fous. Surtout quand ceux-ci s'amusèrent à s'éclabousser comme des gamins. Comme s'ils n'avaient que ça à faire ! Ce n'était pas en jouant ainsi qu'ils allaient avancer et rattraper leur retard, voire même manger !

L'adolescente soupira avec mauvaise humeur. Elle se leva, abandonnant l'œuf pokémon aux bons soins de Farfuret - Galifeu se reposant dans sa pokéball - et partit s'occuper du déjeuner à la place de Lucas. Mr. Yuki dormait à poings fermés, étalé sur une pierre chaude en plein soleil. Le remue-ménage n'avait même pas effacé son sourire.
Décidément, ils se croyaient tous en vacances.

-HEY ! HEY REGARDEZ !

La voix de Eléanore, toujours enthousiaste, lui parvint, et une tête émergea de l'eau. Si elle ne savait pas de quelle couleur était sa chevelure, elle aurait cru qu'elle était passée dans un banc d'algues.

-JE L'AI RETROUVEE ! S'écria-t-elle avec un grand sourire.

Elle brandit une sorte de balle en caoutchouc qu'ils avaient acheté à Argenta. Elle l'utilisait habituellement pour l'entraînement, mais pendant la marche de la matinée, elle l'avait fait tomber dans un cours d'eau par accident.
Elle prit la pause en rigolant, dans son maillot de bain, son trophée à la main et Danny la photographia (la chance voulait que son appareil soit résistant à l'eau) dans un rire tandis que Sam balançait : « Génial, maintenant elle va avoir une autre preuve de sa maladresse ».

Heureusement pour elle, Eléanore était tellement impatiente de reprendre l'entraînement qu'elle n'entendit pas sa phrase. La gamine appela Happy, Pilou et Ash, et elle s'installa près d'un pan d'une falaise. C'était plus une sorte de jeu que de travail : Eléa lançait la balle qui rebondissait sur le mur naturel et ses pokémons devaient la relancer à leur tour sur des cibles qu'elle avait préalablement dessinées.

Après deux trois passes parfaites, la jeune fille décida de laisser son équipe le faire seule, et de les encourager de loin, en aidant à préparer le repas.
Raté. Lucas, remonté et séché, refusait catégoriquement de la laisser toucher aux plats de peur qu'elle ruine le tout. Il exagérait quand même, elle n'était pas si mauvaise cuisinière ! Furieuse, la gamine s'approcha de Sam pour lui proposer de surveiller l'œuf. Cette fois, tout le monde, y compris les pokémons, l'envoyèrent valser.
En désespoir de cause, elle s'assit auprès de Daniel et lui rappela sa promesse de lui apprendre à pêcher, mais elle précisa qu'elle voulait pêcher des poissons et non pas un baigneur innocent.
Seulement voilà, Eléanore n'était pas chanceuse mais surtout pas du tout patiente. Ce n'était pas un sport pour elle, et elle revint s'occuper de ses pokémons après une dizaine de minutes.
Ils se côtoyaient depuis assez longtemps pour savoir qu'elle était également bornée, que la pêche était d'ores et déjà classée comme ennuyeuse et que rien ne la ferait changer d'avis.

Seulement, ils savaient également depuis le temps qu'Eléa aimait de plus en plus attirer l'attention, aussi ils ne furent pas surpris d'entendre à nouveau :

-Hey ! HEY REGARDEZ !

Eléanore brandit la balle en caoutchouc et la lança de toutes ses forces sur Salamèche qui, d'un coup de queue, l'envoya sur Pilou. Celle-ci, d'un Eclair bien placé, la dirigea vers Happy. Le papillon battit des ailes et la sphère vrombit, prise dans un tourbillon. Eléa hurla quelque chose à ses pokémons, qui joignirent leurs attaques à celle du papillon.

Un énorme choc retentit, et la cible céda sous la pression. La dresseuse sauta de joie et se retourna en s'écriant :
- Vous avez vu toute cette puissance et cette précision ?

Seulement, elle n'avait pas prévu que la balle rebondirait contre la paroi défoncée, et droit sur son crâne. Elle n'avait pas non plus prévu que ses pokémons, pour la sauver, lanceraient leurs attaques pour dévier le projectile, et que finalement elle se prendrait en pleine figure le gros micmac de la balle, du Lance-flamme, des Eclairs et de la Tornade.

Aussi s'écrasa-t-elle à terre, sonnée, et la seconde suivante, toute tremblante du choc.
Seulement, si les autres arrivèrent à sa rescousse pour l'aider à se relever et lui faire la morale, Samantha, les sourcils froncés, déclara passivement :

-Pourvu que chaque coup ne lui ait pas coûté mille neurones à chaque fois, déjà qu'elle n'en a pas beaucoup...

Daniel se redressa, l'air assez irrité, à tel point qu'il en oublia de porter Eléa et qu'elle s'écrasa à nouveau au sol, en soufflant un faible « pourquoi ça n'arrive qu'à moi, ça ? »

-Tu as mal dormi, Sam, pour être de si mauvais poil ? Demanda-t-il. Sa voix n'était pas méchante, ni même méprisante, mais elle parut si froide que Lucas eut peine à en croire ses oreilles.

La brune arqua un sourcil.

Oui, elle avait très mal dormi, dans son sac de couchage inconfortable, à penser aux mille et une façons d'améliorer son style de combat, à se demander si elle ne devait pas abandonner finalement.
Mais comment pouvait-il dire qu'elle était de mauvais poil ? Qui était-il pour la juger, alors qu'il ne savait même pas de quoi il retournait ? Il était mal placé pour lui faire la morale, lui qui ne savait même pas répondre à une pique !

-Est-ce que je t'ai sonné, toi ? Franchement, regarde ta tête ! C'est toi, qui a besoin de sommeil, pas moi. Répliqua-t-elle, hargneuse.

Danny fut si surpris par son répondant qu'il ne trouva rien à répliquer. Il sembla songeur un moment, comme s'il se demandait à lui-même s'il avait effectivement sommeil.
-Samantha chérie, qu'est-ce qui te prends, enfin ? S'exclama Lucas, perdu.

L'adolescente fronça les sourcils. Mais enfin, rien ne lui prenait ! Elle était exactement comme d'habitude, sauf que elle avait des préoccupations plus importantes que le repas de ce soir, pas comme eux. Son regard coula sur Mr. Yuki. Celui-ci, un œil entrouvert, observait la scène, peu préoccupé par les évènements. Tout le monde s'en fichait alors, qu'elle soit tourmentée par son devenir de dresseuse ? Comment avait-elle pu les considérer comme ses amis alors qu'ils ne se souciaient pas d'elle, qu'ils ne voyaient même pas qu'elle allait mal et qu'elle avait besoin de soutien ?
Elle était la victime, pas le bourreau, nom d'un Caninos !

-Laissez, elle est trop bien pour commettre des erreurs, c'est tout ! Lança Eléa, qui se relevait, furieuse.

La remarque piqua au vif la brune, qui se leva d'un bond, prête à lancer la dispute dans la seconde. Seulement, elle oublia qu'Eléa, elle, avait un peu plus de répondant.

-Au lieu de donner des leçons à Danny tu ferais mieux d'entraîner tes pokémons, ils en ont vraiment besoin !

La reprise de sa phrase précédente la déstabilisa un peu, mais elle se releva et brandit le poing, plus prête que jamais à lui envoyer une droite meurtrière.

-Et toi, quand commences-tu à apprendre tes leçons sur les pokémons ? Parce que c'est bien beau de les entraîner et de foncer dans le tas, mais tu n'iras pas loin comme ça, tu serais capable d'attaquer un type sol avec un pokémon électrique !
-Et alors, si ça marche ?
-Tes pokémons vont finir par te détester à force d'entraînements intensifs ! Tu veux qu'ils finissent tous comme Ash ? Tu vas les abandonner, eux aussi ?

Les mots avaient légèrement dépassé sa pensée, mais elle en voulait. Une boule de colère lui serrait la gorge et elle désirait cracher ce venin qui lui meurtrissait les veines depuis des jours, faire mal, autant que possible, et en cet instant, à la source originelle de son malheur. Eléanore. Samantha savait pertinemment qu'elle était plus forte qu'elle, mais pire que la concernée n'y était pour rien, mais il fallait bien qu'il y ait une raison, un motif pour la rabaisser, pour la ramener à son niveau. Et il se trouvait là.

Manque de chance, le visage de la gamine vira du tout au tout, son regard devint noir au souvenir de cet épisode et elle gronda de sa voix spectrale :

-Retire immédiatement ce que tu viens de dire.

Seulement, Samantha avait enfin déniché la petite faille dans la cuirasse, une plaie qui ferait mal si on la touchait, aussi douloureusement que la pique des champions sur son style de combat.

-Hors de question ! Tu crois me faire peur peut-être ? Vas-y, colle m'en une ! Ou tu vas utiliser tes pokémons pour ça, c'est vrai que eux, tu les as entraînés spécialement pour la baston !
-Je n'ai pas besoin de mes pokémons pour te foutre une raclée !

A peine cette phrase était-elle parvenue aux oreilles de Sam que l'adolescente se sentit pousser, puis basculer en arrière, une main agrippa une de ses mèches de cheveux violemment et elle tomba au sol, le souffle coupé.
Samantha mit ses bras en avant pour se protéger, et elle attrapa elle-même une des couettes de son agresseur. Cependant, une pression sur son abdomen et une douleur fulgurante à l'estomac la cloua sur place. Dans le flou, elle put voir le genou de la dresseuse s'appuyer totalement sur elle. Elle voulut rouler sur le côté pour faire basculer son opposante, mais son épaule lui cria de ne pas le faire sous peine de démissionner de son poste.
Elle remarqua bien que Daniel et Lucas faisaient tout leur possible pour calmer Eléa, mais rien n'y faisait. Mr. Yuki venait d'accourir auprès d'eux, et il allait sortir une pokéball, quand soudain, une voix mielleuse brisa cette ambiance guerrière.

-Et bien, et bien ! On ne t'a pas appris à l'école qu'on se battait avec des pokémons, Samantha Joëlle ?

Le poing d'Eléanore se stoppa à quelques centimètres du nez de la concernée.
Les deux filles levèrent la tête en dehors du tapis herbeux et virent un jeune garçon, aux cheveux châtains, couvert par un bandana rouge à la façon d'un pirate, aux yeux noirs, couvert de tâches de rousseur, l'air arrogant et supérieur.

-Armand ? Balbutia Samantha, stupéfaite.

Le jeune homme de dix-sept ans fit un mouvement du menton qui devait probablement signifier « bah oui, qu'est-ce que tu crois ? ». Il portait le même uniforme que Samantha, avec le logo de l'école de Jadielle, si ce n'est que lui avait un pantalon et non une jupe. Aussi, les autres devinèrent aisément qu'ils s'étaient connus là-bas.

Eléanore se releva, confuse et honteuse par sa réaction, laissant le champ libre à Sam, mais celle-ci préféra rester à terre.

-Tu as oublié que tu n'étais pas douée pour la bagarre ? Dois-je te rappeler ce qui s'est passé quand tu t'es battue avec moi ? Je crois me souvenir que je t'ai cassé le bras, non ?

A ce souvenir-là, Samantha eut le réflexe de se redresser et de planquer ses membres derrière son dos, avant de reprendre son air méfiant et froid :

-Qu'est ce que tu veux, Armand ? Lança-t-elle, les sourcils froncés.
-C'était pourquoi déjà la dispute ? J'ai du mal à m'en rappeler, je me souviens en revanche que comme c'était toi qui t'étais jetée sur moi, on ne m'a rien dit... Ah ça y est, ça me revient ! Je t'avais pris ton carnet de notes pour le voir, et comme je voulais le garder pour la nuit, tu as viré au rouge ! Franchement, tu as la peau trop claire pour qu'elle prenne une teinte pareille, c'est vraiment trop moche !

Samantha eut un mouvement de recul et joua avec un de ses boutons de manchette, avalant sa salive difficilement. Elle souffla avec la plus grande fermeté dont elle était capable :

-Non, je voulais dire qu'est-ce que tu fais ici ?

Ses camarades étaient abasourdis par le changement d'attitude : la Samantha agressive venait de s'envoler pour laisser place à une gamine terrifiée qui tentait de garder un tant soit peu de dignité face à sa peur.

-Ah ça ? Fallait le dire plus tôt, mais c'est vrai que tu as toujours eu quelques ennuis pour parler... Enfin, c'est dur d'apprendre le langage terrien, je l'avoue !
Cette remarque, non seulement blessa Samantha, mais toute la rancune de ses coéquipiers et de son professeur trouva une nouvelle cible.
Ils savaient très bien qu'avec Samantha, ce n'était qu'une dispute à peine plus violente que les autres, qu'une fois la crise passée on l'oublierait et tout reprendrait son cours sans rien ajouter. En revanche, insulter l'un des leurs revenait à déclarer une guerre ouverte et sans merci, du moins c'est comme ça qu'ils le vivaient. Lucas, encore plus que les autres, le prit de cette façon.

-Dis, t'es qui toi ? S'exclama-t-il en s'interposant entre les anciens élèves.
-Armand Meus, élève en voyage initiatique encadré, on était camarade de classe.
-Je trouve que ta façon de traiter tes amis laisse à désirer. Enchaîna le brun.
-Pas plus que l'autre qui se jette sur elle. Commenta simplement le garçon –Maintenant, écarte-toi. Franchement, il faut au moins avoir fait quatre ans d'études pour oser me parler, sauf si tu veux avoir la raclée du siècle à l'oral.

Les deux adolescents se fusillèrent du regard. Heureusement pour eux, Yuki intervint, et son air las et je m'en foutisme contrasta avec sa question :
-Si tu es en voyage initiatique encadré, où se trouve ton encadrant ?

Armand leva les yeux. Il fut d'abord impressionné par la présence d'un professeur, puis un sourire prétentieux se dessina au coin de ses lèvres gercées. Il pointa du doigt un chemin à travers la falaise et lança :

-C'est Mlle Lily Brosh, elle discute avec un rouquin que j'ai affronté tout-à-l'heure.

Bien sûr, il omit de préciser que ce combat, il l'avait royalement perdu. Cependant, le nom suffit à détourner l'attention d'Akira. Celui-ci blêmit et balbutia : « Lily est ton professeur encadrant ? »

Le gamin, fier, hocha de la tête, mais la réaction de l'adulte en face de lui fut tout autre que celle escomptée.

-Oh non, je rêve ! Je lui avais pourtant bien dit de faire attention lors de son choix, mais comme d'habitude elle a tiré à pile ou face ! Tu m'étonnes qu'elle soit tombée sur le mauvais numéro !

Le ricanement de Samantha, soulagée qu'on prenne sa défense et de ne pas avoir à affronter Armand, acheva le gamin, touché en plein orgueil.

-Toi ! – Il se retourna si vivement que Samantha, par réflexe, se cacha derrière Lucas- Tu m'as battu à l'examen, mais voyons si tu es meilleure en combat pokémon ! J'ai entendu dire que tu étais la dernière à être passée par Argenta ?
Eléanore, qui jusque-là avait fait profil bas, osa enfin mettre son grain de sel dans la joute.
Elle était certes encore blessée par la remarque de Sam, mais cet intrus l'insupportait d'ores et déjà, aussi elle décida de laisser son amie de côté pour se concentrer sur l'adversaire du moment.

-Dis donc toi, si tu te trouves encore ici, c'est que tu dois avoir pas mal de retard toi aussi, non ?
-Ne parle pas de ce que tu ignores la naine –répliqua Armand. Je suis revenu sur mes pas pour observer le concours pokémon, et je m'entraînais à côté. Ce n'est pas à toi que je cause de toute façon !

Il s'avança et s'approcha de Sam pour lui saisir le poignet, et l'adolescente soutint son regard avec plus ou moins de confiance. Lucas et Yuki avaient déjà posé une de leurs mains sur l'épaule du garçon et une sur leurs pokéballs, prêts au moindre mouvement suspect.

-Alors un petit combat contre moi, ça te dit ? Demanda Armand, ignorant superbement les autres pour plonger droit dans les yeux bleu argenté de l'adolescente pétrifiée.
La frimousse incertaine de Samantha se décomposa, elle baissa la tête et fixa ses pieds.

Elle n'était pas capable de le battre. Elle le sentait, elle allait perdre, elle n'avait pas encore trouvé de solution à son problème... Elle savait aussi qu'elle ne supporterait pas une défaite contre lui, pas contre son persécuteur de l'enfance, cela l'achèverait.
Cependant, si elle avouait sa peur, elle était sûre d'en entendre parler jusqu'à sa mort.

Une sensation âcre lui brûla la gorge, lui piqua les yeux, elle parvint à saisir sa propre phrase et pourtant elle se haït pour l'avoir prononcée :

-Non, je ne veux pas me battre contre toi.

Et comme elle s'y attendait, un rictus supérieur vint se nicher sur le visage d'Armand.

-Ah bon ? Tu admets enfin que je suis meilleur que toi ? Lança-t-il sournoisement.

A nouveau ce sentiment amer lui monta le long de la poitrine, comme si un Abo tentait de remonter le long de sa trachée. En temps normal, elle lui aurait broyé la main, mais là, toute ses forces l'abandonnaient.

-Bien sûr que non, enfin !

Samantha sursauta. La voix de Eléanore venait de couvrir sa propre réponse. Elle fixa sa coéquipière avec une grande surprise.
Pourquoi prenait-elle sa défense alors que plus tôt, elle n'avait pas hésité à lui faire mal ?
Eléa aurait dû la laisser se faire humilier, c'était là l'ordre naturel des choses, le karma.
Mais elle devait se rendre à une évidence : la gamine aux couettes n'était pas comme ça. Peut être parce qu'elle aussi possédait un orgueil aussi gros que le sien, et qu'elle comprenait Samantha.

-C'est juste qu'elle est bien trop forte pour affronter un prétentieux comme toi ! S'écria la dresseuse au Salamèche. –Par contre moi je me ferai un plaisir de te rabattre ton caquet.

Rectification, Eléanore voulait juste un combat de plus à son actif. Quelle idiote ! Dire qu'elle avait cru qu'elle prenait sa défense... En vérité, elle avait su saisir cette occasion.

-Non, affronte moi plutôt ! Enchaîna Lucas. –Je suis bien plus fort qu'Eléa, et je vais t'apprendre à insulter Samantha chérie.

S'en suivit une bataille sourde entre les deux protagonistes pour savoir qui des deux allait défendre l'honneur de Samantha. (Ou plutôt une bataille verbale selon laquelle Eléa revendiquait un papier signé par la commission confirmant que Lucas était meilleur qu'elle...) Finalement, Eléa remporta la partie de pierre papier ciseaux, au grand désarroi du brun.
Enfin, Samantha alla quand même le remercier pour avoir essayé, mais aussi lui avouer qu'il n'avait aucune chance de battre Eléa quand un combat était en jeu. La gamine aux couettes s'avança vers le prétentieux en faisant signe à Ash de s'avancer. Cependant...

-Non merci, un combat contre toi ne me dit rien. Apparemment tu préfères les poings plutôt que les pokémon. Non vraiment, ce serait une perte de temps...

Il se tourna vers sa rivale d'enfance et lui lança une pokéball avec dédain.

-Tiens ! C'est pour toi ! Le seul pokémon que tu mérites, c'est un Magicarpe, aussi faible que toi ! Allez salut, on se revoit quand tu auras assez de tripes pour me battre, Sam !

Dans un rire, il s'en alla.

Une fois éloigné, hors de vue du groupe de nos héroïnes, il se rétama à terre.
Le rouquin tout de noir vêtu qui l'avait massacré un peu plus tôt en combat pokémon lui avait fait un croche patte. Les deux adultes derrière lui semblaient horrifiés par son comportement puéril.

L'adolescent de son âge l'observa de haut, avec ses prunelles bleu argenté aussi froides que l'acier.

-Dois-je te rappeler qu'un Magicarpe devient un puissant Léviator, et que le mien a écrasé toute ton équipe ?
Ce fut tout ce qu'il lança avant de s'en aller, mais Armand en eut des frissons pendant plusieurs minutes. En vérité, il n'osa plus bouger jusqu'à ce que son professeur encadrant le retrouve enfin et lui passe un savon pour s'être enfui seulement parce qu'il était vexé de s'être fait arnaqué et d'avoir acheté un Magicarpe si cher.

Mais revenons à nos héros...

-RAAAAH !! IL M'ENERVE !

Le cri de Eléa leur perça les tympans, au grand désarroi de Mr. Yuki. Furieuse, elle donna un grand coup à la balle en caoutchouc qui percuta la couveuse de l'œuf pokémon.
Heureusement, Daniel parvint de justesse à le sauver de la chute.

-J'étais prête, là, je lui aurais foutue la honte avec Ash !
-Moi aussi, il m'énerve, mais fais gaffe à l'oeuf, Eléa ! Il a frôlé l'omette, là ! La calma Lucas, tout aussi vexé qu'elle pourtant.
-Pauvre Lily, elle doit en voir des vertes et des pas mûres avec un zigoto pareil, commenta platoniquement Akira sans se soucier du contexte haineux.

Daniel s'approcha de Samantha. Elle tenait toujours la pokéball dans ses mains. Le garçon passa son pokédex au dessus de l'objet et constata que la créature ne dépassait même pas la barre des 10.

-Allez, c'est pas si grave... tenta-t-il pour la rassurer en voyant qu'elle se taisait.

-Eléa... Lucas... Danny... Balbutia-t-elle au bout d'un moment.

Les concernés tournèrent la tête évasivement, encore trop occupés à cracher sur l'image d'Armand.

-Excusez-moi... Merci d'avoir pris ma défense. Acheva-t-elle en un murmure presque inaudible tant il lui en coûtait de reconnaître ses torts.
-C'est normal, on a tous des mauvaises passes. Répondit Daniel, compréhensif.
-Ne t'en fais pas pour ça, Samantha chérie, je te pardonnerai tout, tu le sais bien ! S'exclama Lucas, avec un sourire enjôleur. -Sauf l'infidélité !- Murmura-t-il moins fort.
-Si tu n'avais pas de caractère, tu ne serais pas intéressante. Analysa Yuki.
- Non ! Excuses refusées !

Samantha sursauta, les yeux ronds, et elle fixa Eléanore qui elle, sérieuse, croisait les bras.

-Ce n'est pas comme ça qu'on se comporte avec ses amis ! Lança-t-elle.
Aussitôt le sang de sa camarade bouillit dans ses veines.
-Et quand ai-je dit que nous étions amies ? Tu t'es fait des illusions !

Non, mais c'était vrai quoi, pour qui se prenait-elle ? Elle s'autoproclamait son amie sans avoir son avis auparavant ? Il en était hors de question, elle prenait ses désirs pour des réalités.

La gamine au Salamèche décroisa les bras. Cependant, si tout-à-l'heure elle avait l'air en colère, là, elle semblait plutôt vexée et déçue.

-C'est vrai, j'oubliais : tu n'as pas besoin d'amis ! Tu peux très bien te débrouiller toute seule face à cet Armand ! Quitte à te casser un bras ! Maintenant, excuse-moi d'avoir pris ta défense : je te promets, je ne le referai plus !
Elle se leva et prit son sac, avant de lancer une dernière fois :
-Et sors ton Galifeu de sa pokéball : ça fait depuis dix minutes qu'il beugle pour venir à ton secours et ça me donne mal à la tête !

D'un geste sec, elle installa ses affaires aux creux de ses reins et partit auprès de ses pokémons, elle leur donna à manger et prit une assiette du déjeuner.
Effectivement, quand Sam libéra son starter, celui-ci révéla être prêt au combat, probablement avait-il entendu la querelle. Mais cela, Samantha était bien trop têtue pour avouer qu'Eléa avait raison.

Une heure de pause s'écoula ainsi sans un mot, dans une ambiance tendue voire même électrique.
Daniel s'était assis près de la gamine aux couettes, Lucas avec Sam, Yuki entre les deux, et à part les bruits de mastications du professeur, rien ne venait briser le silence.

Akira ne voulait pas se mêler de ce genre de bataille sourde, car il savait pertinemment qu'il ne s'en sortirait pas indemne, et que c'était aux filles de régler le conflit.

Bien entendu, il y eut quelques tentatives pleines d'espoir de la part des autres coéquipiers, mais ce fut en pure perte.Finalement, on repartit sur les chemins de l'aventure, même si la joie n'était plus vraiment au rendez-vous.Le groupe, scindé en deux, voire trois si on comptait Yuki qui faisait bande à part, ne parvenait pas à retrouver cette gaieté de la matinée.

-Eléa... Accepte ses excuses, cela ne coûte rien, on va arriver dans une dizaine de minutes au lieu du concours : tu tiens vraiment à passer les deux jours de fête fâchée avec elle ? Demanda Danny en désespoir de cause au bout d'une heure écoulée ainsi.
-Et pourquoi ce serait à moi de céder ? C'est elle qui est exécrable ! J'en ai marre ! Pourquoi je ferais des efforts pour elle alors qu'elle n'en a rien à faire ?
-Mais enfin... Tu n'en fais pas des efforts, justement...
-Oui mais je pourrais en faire ! Si elle était prête à les accepter et non à me les cracher à la figure !
Le garçon soupira : c'était peine perdue face à tant de mauvaise foi.
-Et puis... J'ai du me tromper effectivement, ce n'est pas mon amie, une amie n'aurait jamais dit ce qu'elle a dit.

Elle tourna la tête et ne prononça plus un mot, serrant Ash dans ses bras en tremblant.
De son côté, Lucas n'en menait pas plus large.

-Allez Sam, avoue quand même que tu l'as cherchée...
-Non ! Je me suis déjà excusée pour ça et elle a refusé ! Tant pis pour elle !
-Enfin, ce n'était pas une raison de dire vous n'étiez pas amies !
-Mais nous ne sommes pas amies ! Elle n'a pas à s'autoproclamer comme ça ! J'ai mon mot à dire là-dedans !
-Et tu veux quoi, un contrat signé entre vous deux et approuvé par le ministère ? Descend sur terre, Samantha ! L'amitié ça marche pas comme ça.
-Tu es de quel côté toi, dis donc ? S'emporta la brune, excédée par son interlocuteur.
-Moi, je ne suis avec personne, je dis juste que tu es une belle handicapée sociale et Eléa une tête de Léviator.

Samantha roula des yeux. Génial. Maintenant, elle était, en plus d'être nulle en combat, une asociale. Décidément, c'était son jour.
Elle regarda la pokéball contenant le Magicarpe. Un pokémon qui lui convenait parfaitement, un pokémon qui dès qu'il se trouvait en dehors de son milieu avec un dresseur sur le dos devenait totalement handicapant.
En un sens, Armand avait peut être raison.

Le paysage montagneux changea radicalement. De parts et d'autres, des édifices provisoires s'étalaient, caravanes, chantiers, divers câblages longeaient les herbes folles à la manière d'un cours d'eau. Cela donnait un côté pittoresque et rustique à la place.
Les toiles de tentes beiges se dissolvaient presque à la couleur du flanc de la falaise, en revanche les toitures rouges, les fumées s'élevant des cheminées des maisonnettes sur roulettes contrastaient avec l'ensemble. Les enfants suivaient les volutes nuageuses qui s'élevaient une à une et ressemblaient à d'immenses colonnes soutenant le ciel bleu.

Au milieu de tout cet attroupement désordonné, un édifice se détachait, fièrement, trônant comme une pièce rare dans un musée. Le chapiteau du concours pokémon avait été construit en quelques jours à peine et serait démonté en aussi peu de temps dans la semaine suivante. Parfois, Eléa se demandait où le comité pokémon pouvait trouver la somme pour permettre à de telles organisations d'avoir lieu si souvent.

La gamine siffla Happy pour qu'elle redescende et ne se fasse pas enfumer. Le papillon vint se poser sur son crâne, tandis que Pilou prenait place sur le sac à dos.

Yuki, visiblement, ne se sentait pas de faire un cours sur l'histoire des concours, aussi déclara-t-il simplement :

-Observez bien et retenez ce qui vous intéresse. Dans deux jours se déroule le concours pokémon, nous resterons jusqu'à la fin de la représentation, vous pouvez vous inscrire si vous le voulez.
-Pff, comme si on avait envie de faire les guignols en robes de soirée, commenta Eléa.

Samantha s'étant ordonné de ne plus lui parler, ne releva pas la remarque et ne défendit pas l'institution. De toute façon, le style de combat était totalement différent dans les concours. Comment Eléanore pouvait-elle saisir toute sa subtilité ?

Elles partirent monter les tentes chacune de leur côté.
Un peu plus tard, en revanche, les garçons les obligèrent à venir visiter la salle de l'épreuve du concours.
Eléa rechigna qu'on l'enlève à son entraînement quotidien mais elle n'eut pas vraiment le choix.

L'unique pièce était vraiment belle, son architecture ressemblait à celle d'une tente géante, si ce n'est que là, cela semblait bien plus complexe à monter. Des tribunes s'attardaient autour d'une estrade immense, luisante comme un lustre. Les fils, les lumières et les caméras pointaient son centre tels des Rapasdepic épiant leurs proies.

Samantha promena son regard dans la pièce. Elle aperçut Armand avec son professeur, une grande femme fine aux cheveux bruns, aux yeux noirs envoûtants et à l'air sérieux.
Maintenant qu'elle la voyait, Samantha se souvenait l'avoir vue très souvent avec Monsieur Yuki, au détour d'un couloir. Ils étaient assez proches tous les deux - normal : ils venaient de la même promotion, travaillaient dans le même établissement, dans la même structure stagiaire, pour le même but, devenir professeur agrégé.
Armand se tourna vers elle. Sûrement avait-il senti le regard de Sam sur son encadrant, et il lui fit un sourire moqueur.

Eléanore, quant à elle, maugréait dans sa barbe, flânant çà et là dans la salle pour voir les dessous d'un concours. Elle était curieuse de voir comment un Tadmorv pouvait presque sembler mignon sur scène. Daniel, à ses côtés, prenait toutes sortes de photos, et alors que la gamine aux couettes se tournait vers lui, surprise par un des flashes derrière son dos, elle trébucha.

Son pied venait de heurter quelque chose à terre, et cette chose précise émit un « AIE ! » d'une voix aiguë. Heureusement pour Eléa, Danny et Happy avait su la retenir avant qu'elle ne tombe les fesses sur le béton, mais le mal était fait.

Dessous une table de réglage gigantesque, émergea l'origine du cri. Une gamine ayant leur âge, une salopette rose couverte de cambouis, apparut, se tenant fermement la jambe sur laquelle avait marché Eléa par accident.
Allongée sur une sorte de planche à roulettes, une lampe torche encore à la main, des gants en caoutchouc noir, le visage sale, elle ne paraissait pas vraiment convenir au cadre luxueux des concours.Son visage plutôt carré semblait encadré par des cheveux roux flamboyants coupés au niveau de ses épaules ; ils étaient collés à cause de la sueur et du goudron sur son front, donnant un aspect décontracté à sa frange, des petites taches de rousseur coloraient ses joues blanches, ses lèvres fines et pincées se tordaient actuellement en une grimace. Elle ouvrit les yeux pour voir qui avait si méchamment piétiné sa jambe, de longs cils encerclaient des pupilles couleur chocolat. Elle n'était pas vraiment jolie mais possédait néanmoins un certain on-ne-savait-quoi qui lui conférait un peu de charme.

Daniel s'accroupit à son niveau et vérifia l'état de sa jambe, elle allait juste avoir un bleu apparemment, et il s'excusa auprès d'elle pour la maladresse d'Eléa. Mais la gamine ne l'écoutait déjà plus, elle fixait Eléanore, les yeux écarquillés. Elle se leva d'un bond, les yeux brillants et prit les mains de son ancienne agresseur, avant de souffler, admirative :

-Quel magnifique Papilusion tu as !

Happy, sur la tête de sa dresseuse se fit attraper et serrer fortement par cette inconnue.
Peu gênée par ce câlin forcé, elle sembla aussi dépassée par les événements qu'Eléanore.

-C'est une fille ou un garçon ? Demanda-t-elle soudain en se tournant vers la fille aux couettes.
-U...une fille, balbutia-t-elle, perdue.
Un nouveau cri strident de fan-girl retentit, et une nouvelle étreinte pour le papillon, une ! C'est alors que Daniel remarqua une barrette en forme de papilusion au dessus de l'oreille de cette étrangère : elle devait beaucoup apprécier ce genre de pokémon... Peut être n'avait-elle jamais vu de vrai Papilusion avant, cela devait expliquer sa réaction excessive.

-C'est le plus beau que j'ai vu jusqu'à maintenant ! S'exclama la gamine.

Raté.

-Quelles belles ailes, il semble fort en plus, et ce regard brillant ! Elle est vraiment magnifique ! Continua l'adolescente rousse. Puis elle se rendit soudain compte de son impolitesse et se rattrapa en lançant : -Oh excusez-moi, je ne me suis pas présentée, je m'appelle Christelle, mais appelez-moi Chris.

Un peu plus loin, un homme aux cheveux blancs attachés en une queue de cheval basse se retourna, certain d'avoir entendu quelqu'un l'appeler.

-Enchantée, je suis Eléa, et voici Daniel. A ce que je vois, tu ne m'en veux pas pour ta jambe ! Commenta Eléanore, un sourire soulagé au coin des lèvres.
-Oh, pas le moins du monde, ça m'arrive souvent pendant que je répare ces grosses machines.

Son visage se figea comme si elle venait de recevoir une illumination divine. Elle lâcha Happy, se pencha pour rattraper sa lampe et lança :

-Ditto ! Ditto, tu as trouvé le problème ?

Une masse gélatineuse émit un ploc en retombant sur le béton, couverte de graisse noire. Eléa crut voir là un énorme chewing-gum tomber, un truc immonde qui était resté collé trop longtemps sous cette table séquentielle. Mais Chris la ramassa sans dégoût, la caressa, et un visage se dessina sur la mixture violacée. Danny lui souffla à l'oreille qu'il s'agissait là d'un Métamorph.

Eléanore perçut un éclat de satisfaction émaner du pokémon. Apparemment, il devait avoir accompli à merveille la tâche que lui avait demandé sa dresseuse. Christelle dut le comprendre également et sourit, avant de se tourner vers la régie et de crier :

-C'est bon, grand frère : le court circuit est réglé !

Elle se tourna ensuite vers eux et expliqua calmement : « Le corps de mon Métamorph est très modulable et résiste bien à l'électricité, il est très utile pour ce genre de problème ! Pas vrai, Ditto ? » Elle l'étreignit avec un sourire. Eléanore voulut caresser la créature pour savoir quel genre de texture cela avait, mais Danny l'en empêcha en lui murmurant qu'elle risquait de se prendre un coup de jus si le pokémon avait effectivement traficoté dans un engin électrique, vu qu'elle ne portait ni salopette, ni gants en caoutchouc.

Un homme mince et élancé, comptant la vingtaine, roux aux yeux noirs, s'approcha du groupe. Il devait être pressé, car il fit à peine un signe de main en guise de salut aux deux autres enfants, il se pencha vers Chris et lança, essouflé :

-Chris, merci d'avoir arrangé cela, mais on a encore besoin de toi : il faut à nouveau régler tout l'éclairage. Peux-tu nous faire office de coordinateur exemple sur la scène, pour qu'on puisse adapter le tout ?

Le visage de la gamine s'illumina, et elle s'exclama :

-D'accord grand frère, je vais vous faire en avant-première mon show pour ce concours !

Elle enleva sa combinaison, révélant un ensemble coquet en dentelle rose et mauve en dessous, s'essuya le visage avec le bout de tissu et le jeta à terre tel un vulgaire chiffon. Elle se plaça au centre de la scène, attirant les regards des divers mécaniciens présents et du peu de spectateurs.
Ditto le Métamorph rentra dans sa pokéball, elle lui mit une coque bleutée, et s'arrêta, prenant la pose.

Le grand frère s'approcha de la table séquentielle, et régla deux trois leviers, avant de faire le signe de commencer à sa soeur.

Samantha leva la tête, étonnée de voir l'éclairage se braquer sur une rouquine qui venait de monter sur scène. Elle remarqua que deux personnes avaient eu la même réaction qu'elle, un grand gars fin aux cheveux verts et une jeune fille aux cheveux cacao.

Christelle ouvrit les yeux, fit une pirouette et jeta la pokéball dans les airs, droit sur le projecteur. Un flash lumineux éblouit les spectateurs, une pluie de bulles roses s'abattit sur la scène, les pétales de même couleur tombaient gracieusement, et les cœurs flottaient librement, allant rencontrer le public.
Eléa vit le frère de Chris s'affairer sur son panneau de contrôle pendant la prestation, alors que le pokémon n'était même pas apparu !
D'ailleurs, elle trouvait cela étrange : un concours devait pourtant présenter un pokémon, non ?

Lucas se faisait la même remarque qu'Eléanore, aussi il cherchait une créature des yeux, Samantha à ses côtés se demandait à quoi tout cela rimait.

Gracieusement, Christelle sortit un paquet de carte et le pointa au dessus de sa tête en ordonnant :

-Ditto, maintenant !

Des ornements roses qui s'amusaient à tournoyer dans les airs se regroupèrent en une même masse, et dans un nouvel éclat lumineux projetant des étincelles dans la salle, une forme dotée d'ailes magnifiques s'envola.
Le pokémon indiscernable à cause de son auréole éclatante fit le tour de la salle, semant derrière lui une poudre douce qui chatouillait le nez. La jeune fille brandit à nouveau une carte, et le pokémon muta, toujours indiscernable autrement que par sa forme. Il ressemblait à présent à une boule cotonneuse qui se laissait porter par un vent invisible.

Le manège dura plusieurs secondes, tandis que son frère s'affairait à bien faire ressortir la démonstration. Les spectateurs étaient subjugués. Plus que ça, ils étaient hypnotisés par ce pokémon mystérieux.
Samantha reconnut, grâce à leurs silhouettes, successivement : Papilusion, Cotovol, Charmillon, Maskadra, et Papilord. Mais le plus impressionnant, c'était qu'à chacune des transformations, le pokémon utilisait une des attaques spécifiques de la forme qu'il prenait ! Poudre dodo, Spore Coton, Vent Argenté, Doux Parfum, Puissance Cachée... Et tout se mélangeait harmonieusement dans un feu d'artifice pailleté.

Christelle tendit la main, et la forme lumineuse vint se poser sur son poignet. L'assemblée, le souffle coupé, voulut savoir quel pokémon les maintenait ainsi en haleine, mais alors même que son voile de lumière se dissipait, la forme fondit sur place, elle glissa le long du bras de sa dresseuse tel un serpent.

Le public eut alors la peur de sa vie, alors qu'il voyait très bien la dresseur vêtue de son ensemble mignon, l'instant d'après celle-ci se retrouva habillée d'une somptueuse robe à dentelle, et l'instant suivant celle-ci changea encore, et encore ! Elle fit quelques pas de danse, tendit le bras comme pour recevoir le bras d'un cavalier imaginaire, et là, là les spectateurs émirent un cri de surprise.

Le double parfait de la gamine apparut, et telles deux jumelles, elles tourbillonnèrent, avant de saluer avec synchronisme. L'une des deux sembla se faire happer en arrière, elle rétrécit, elle rétrécit, jusqu'à tenir dans les mains tendues de l'autre, pour enfin montrer son vrai jour.

Le Métamorph Ditto fit la révérence tandis que sa dresseuse le montrait fièrement, baignée dans la lumière en déclarant d'une voix faible dûe à l'effort : « Mesdames et messieurs, applaudissez Ditto le Métamorph ! »

Et ce fut un concert qui lui répondit en cœur.

Christelle, le rouge colorant ses joues pâles, serra son pokémon contre elle, fière de sa prestation. Elle descendit en courant pour rejoindre son grand frère, celui-ci la félicita chaleureusement.

-Bravo, Chris ! A ce que je vois, ton entraînement porte ses fruits !
La rouquine fit un grand sourire.
-Oui, nous avons beaucoup travaillé, surtout pour que Métamorph parvienne à se transformer sans modèle, ou en un double de moi-même, mais le résultat en valait la peine, je trouve.
Le Métamorph émit un cri en confirmation.
-Ce ruban est à nous ! Ce sera notre deuxième ! S'exclama Christelle en faisant le V de la victoire imitée par son pokémon.

La foule applaudit son enthousiasme, sauf Eléanore qui se contenta de regarder. Happy, les yeux brillants, était subjuguée par ce spectacle qui, pour sa dresseuse n'était ni plus ni moins qu'une arnaque. Eléanore pouvait comprendre que certaines personnes aiment ce genre de mise en scène aveuglante, mais elle, cela ne la tentait vraiment pas du tout, et elle avait du mal à concevoir que son propre pokémon apprécie. Car c'était le cas, elle le sentait bien.

-Chris ! Chris ! On a encore besoin de toi, s'il-te-plait ! S'écria un des mécaniciens.
La rousse leva la tête, étonnée.
-Un des projecteurs n'a pas bien suivi le rythme, c'est celui que l'on utilise sur les pokémon feu ; peux-tu refaire une prestation avec un pokémon de ce type, histoire que je puisse régler le problème ?
Le visage de la gamine se contracta en une grimace d'inquiétude, elle balbutia un début de phrase, mais son frère lui coupa la parole :

-Oui ! Comme ça, tu pourras tester ton entraînement avec le Héricendre et le Ouisticram que t'a envoyé notre oncle !

Devant tant de volonté, l'adolescente ne put refuser.

Lucas, Sam et Daniel rejoignirent Eléa, ils lui jetèrent un regard en guise de retrouvailles, mais la gamine ne pouvait s'empêcher de se dire que quelque chose clochait.

Christelle s'avança sur la scène, beaucoup moins sûre d'elle tout d'un coup. Elle sortit deux pokéballs bleutées, fit une pirouette et les lança en l'air.

Dans un déluge de flammes, les deux formes se mêlèrent l'une à l'autre et deux pokémons apparurent dans un saut périlleux synchrone. Eléanore, pour la première fois, sût immédiatement quels pokémons elle avait sous les yeux, car après tout ils étaient sur sa liste de capture : Héricendre et Ousiticram.
Mais, alors que tout à l'heure il émanait de la scène une confiance totale, un abandon sûr et sans la moindre méfiance, là la tension qui en découlait était tout le contraire. Cependant, en regardant autour d'elle, elle se rendit bien compte qu'elle était la seule à le percevoir, comme d'habitude.

Elle ne savait pas pourquoi d'ailleurs. Par prudence, elle fit comprendre à Happy de se tenir prête.

Christelle recula d'un pas, elle ferma les yeux et s'exclama d'une voix tremblante, malgré elle :

-Maintenant ! Héricendre, Brouillard ! Ouisticram, attaque Feu Follet !

Alors qu'une masse noirâtre encombrait à présent la scène, deux lueurs outre mer brillèrent dans cette nuit artificielle, tel deux yeux de monstre. D'ailleurs, l'épais nuage prenait lui même une forme étonnamment effrayante. Christelle s'extirpa de la masse, elle tenait les deux pokémons dans ses bras, et le Brasier sur leur dos lui donnait à elle-même un air sinistre. Elle lança d'une voix forte :

-Et maintenant, c'est le moment de cracher vos flammes : Roue de feu tous les deux !

Seulement, c'était là que le problème survint. Pour avoir trop souvent utilisé cette technique en combat, elle connaissait le résultat quand on mélangeait un brouillard avec la moindre étincelle.Malheureusement, Eléanore sembla être la seule à l'avoir compris avec les pokémons terrifiés.

-Happy, attaque Tornade !! S'écria-t-elle.
Elle fut surprise d'entendre un autre ordre provenir de derrière elle.
-Libegon, Tourbi-Sable !

La force conjuguée des deux puissants souffles chassa le brouillard juste avant que les deux pokémons n'entament leurs roues de feu et ne le touche. Les deux masses flamboyantes sans plus aucun but tombèrent droit sur leur dresseuse qui poussa un hurlement strident.

Eléanore se précipita, Happy donna un coup d'ailes pour dévier la course des boules de flammes, et un éclair rouge vint saisir la coordinatrice et l'emporter à l'abri.

Les deux pokémons feu cessèrent leurs attaques et s'étalèrent à terre avec fracas. Eléa se précipita vers eux. Ils tremblaient comme des feuilles, terrifiés à l'idée de ce qui aurait pu se produire à l'instant.

Ils semblaient sur le point de fondre en larmes, la gamine aux couettes les prit dans ses bras et tenta de les rassurer, mais elle sentait bien qu'en plus de la frayeur qu'ils avaient eu, ils se sentaient coupables. Aussi, elle ne lança rien et se contenta de les serrer contre elle pour leur apporter un tout petit peu de soutien.
Ses amis arrivèrent auprès d'elle, inquiets, mais surtout étonnés de sa réaction. Cependant, une autre surprise les attendaient.

-Chris !

La voix du jeune homme leur parvint.
-Tom, grand frère ! Celle tremblante de sa soeur lui répondit.

Le groupe tourna la tête et vit avec stupéfaction Christelle, portée par un Brasegali, tendre les bras vers son frère et se jeter dans les siens en pleurant. Un homme avec un Libegon et à la chevelure verte se pencha vers les frère et soeur, avec une jeune femme brune.

Eléa les reconnut immédiatement : c'était Flora et Drew.

Tom, le frère de Christelle, leva les yeux vers eux, et les remercia une bonne dizaine de fois pour le sauvetage. Ils semblaient bien se connaître.

-Ce n'est rien, et puis quelqu'un d'autre a réagi également à temps. S'expliqua Drew.

Le jeune mécanicien fit volte face vers le groupe de Sam et Eléa, et leur lança avec une sincérité étonnante : « Oui, merci à vous également ! Vous avez sauvé ma sœur. »
Puis il posa son attention sur la concernée qui semblait s'être calmée au contact de son aîné.

-Christelle, enfin, qu'est ce qui s'est passé ?
-Elle a tenté un enchaînement qu'elle ne maîtrisait pas. Lança Drew avec froideur.
-Pardon.. .balbutia la rousse, en baissant la tête.
-C'est surtout dangereux pour toi et pour les pokémons, tu le sais ça ? Non ? Expliqua doucement Flora, compatissante.
-Je sais... Mais on avait besoin d'une démonstration avec un pokémon feu... Balbutia la gamine.
-Quoi ?! Mais il suffisait de me dire que tu ne pouvais pas et on aurait demandé à quelqu'un d'autre ! S'exclama son frère.
-Oui, mais tu voulais voir les pokémons de notre oncle en action !
-Pas au risque de ta vie, enfin !

Samantha, peu soucieuse par la dispute qui prenait place, s'approcha d'Eléanore. Daniel lui tenait déjà les épaules et lui demandait si elle avait besoin d'aide. Elle tenait les petits pokémons dans ses bras impassiblement, les berçant légèrement pour les rassurer.
Samantha soupira de soulagement en voyant que ni elle, ni les pokémons ne semblaient blessés.

Elle avait eu si peur, elle avait bien cru que la boule de feu allait tomber sur la gamine avant qu'elle n'ait eu le temps d'accepter ses excuses pour ce matin. Samantha faillit se donner un coup de poing pour se punir de cette pensée : comme si c'était à elle de s'excuser !

-En tout cas, tu as réagi très vite, petite ! Comment as-tu su que l'enchaînement était aussi dangereux ? Demanda soudain Flora, avec un sourire tendre pour Eléanore.

La fillette grimaça, et elle répondit avec mauvaise grâce, jugeant sûrement que ce n'était pas leurs affaires.

-J'ai déjà effectué ce genre de combinaison, alors forcément je sais à quoi ressemble un résultat non travaillé, surtout quand les pokémons ont si peu confiance en eux.

Christelle, remise de ses émotions, se leva d'un bond et s'approcha d'Eléa, furieuse.

-Eh ! Adresse-toi avec respect envers Flora et Drew ! Ce sont d'excellents coordinateurs ! D'ailleurs, ils vont tellement bien ensemble que chacun de leurs mouvements sont synchrones, ainsi que ceux de leurs pokémons, comme quand ils m'ont sauvée ! C'est le couple de coordinateurs le plus grand qui soit ! D'ailleurs, leur mariage sera l'apothéose de leur carrière !

Les deux idoles prirent une teinte carmin et balbutièrent brutalement : « Mais de quoi tu parles, Christelle, enfin ?! Il n' a jamais été question de mariage ! Ni même de couple ! »
Ce à quoi répondit la gamine, les yeux brillants d'imagination :
« Mais vous allez siiiiiiii bien ensemble, il faut que vous vous mettiez en couple ! »
Vrai, apparemment Chris avait repris du poil de la bête, ou plutôt de la fan-girl.

Samantha n'arrivait vraiment pas comprendre ce genre de comportement. En revanche, elle anticipa facilement la réaction d'Eléa, tellement prévisible dès qu'un pokémon entrait en jeu.

-Je leur parle comme je veux, ce n'est pas à des coordinateurs que je dois le respect ! Et au lieu de défendre leur honneur, viens plutôt t'occuper de tes pokémons ! Ce n'est pas à moi de le faire, mais à toi, c'est pour toi qu'ils ont eu si peur !
Elle lui montra le Héricendre et Ousiticram qui tendaient les bras vers leur dresseuse. Cependant, celle-ci recula et cacha ses mains derrière son dos.

-Qu'est ce qui te prends ? S'exclama Sam en intervenant dans la dispute. -Tu as peur ou quoi ?
-Non ! Mais je ne veux pas de ses pokémons, ils ne sont pas à moi et je n'en ai jamais voulu ! Ils sont à mon oncle.

Un sursaut secoua Eléanore. Son visage se transforma en une grimace de colère et elle ramena les deux créatures auprès d'elle en leur cachant les oreilles.

-Ça ne va pas de dire ce genre de choses devant eux ?! Rugit-elle.
-Comme s'ils pouvaient me comprendre ! Ce sont des pokémons, rien d'autre. Expliqua Christelle.
-Chris, enfin qu'est-ce qui te prends de dire ça ! S'inquiéta son frère, alors que Drew et Flora l'observaient, incrédules.
-Si tu ne considères pas les pokémon plus que ça, tu ne risques pas de faire carrière avec eux. Constata calmement Daniel.
-Je n'en ai pas envie. Je veux juste faire comme tout le monde, et que cela m'intéresse, je veux être styliste, et pour ça il faut percer dans le métier des coordinateurs d'abord, mais je n'ai aucune envie de passer ma vie avec les pokémons. Surtout comme eux.

Elle posa son regard sur Happy la Papilusion.

-Dis ! J'ai une idée ! Dit-elle dans un sourire. -Si on faisait un échange ? Je te donne ces deux pokémons pour qui tu t'inquiètes tant, et tu me passes ton Papilusion, d'accord ?
-Tu es culottée, quand même, de proposer ça à Eléa ! S'exclama Lucas, les yeux écarquillés.

La tension montait petit à petit dans la salle.

-Qu'est-ce qui se passe ici ? La voix de Monsieur Yuki arriva.
Le professeur, inquiet de voir ses élèves absents si longtemps, était venu voir ce qui se passait. Constatant l'ambiance électrique, encore une fois, il poussa un soupir d'exaspération. Décidément, aujourd'hui, il ne pouvait pas les laisser sans que cela tourne à la bataille.

Tom, le frère de Chris, dû remarquer cela également, et il lança précipitamment :

-Allons régler tout ça dans notre roulotte, d'accord ? Venez les enfants ! Drew, Flora, s'il vous plait, venez m'aider à les calmer... Les Supplia-t-il.

Et ainsi, le prof à peine arrivé se retrouva entraîné par Samantha derrière elle. Il eut beau crier au teachernapping, personne ne vint le sauver, et il croisa même le regard consterné de Lily. Quand il lui rendit son bonjour, celle-ci partit même en faisant semblant de ne pas le connaître.

Quelle mauvaise journée quand même, dire qu'elle avait si bien commencé pourtant...
*

Silver soupira. Après l'incident de ce matin, il avait perdu de vue la gamine. Oh, il savait où elle se trouvait, rien de plus facile pour lui, il avait pris l'habitude depuis tout petit à savoir se mouvoir et repérer quoi que ce soit dans le noir.
Non, il avait très bien remarqué le petit groupe s'éloigner et partir dans une des roulottes. Le problème, c'est qu'il ne pouvait pas s'infiltrer dans un lieu si petit, surtout avec autant de personnes à l'intérieur.

Il n'aimait pas vraiment cette idée, elle pouvait très bien sortir par une porte de derrière et après il serait plus difficile de la repérer, surtout avec le début du concours qui approchait.
Le rouquin s'assit. Sa tente se trouvait non loin de là, Chris et Angèle traficotaient encore sur sa montre. Décidément, il avait été pris d'un éclair de génie en la leur donnant, au moins comme ça ils se sentaient utiles, ils ne réfléchissaient pas à une combine pour piéger réellement le fils du boss, et en plus le concerné avait la paix.

Le seul véritable inconvénient, c'était qu'il n'avait toujours pas appelé Gold pour le rassurer, mais bon, ce n'en était pas vraiment un.

Il s'allongea sur l'herbe et scruta le ciel. Même si celui qu'il avait devant les yeux n'était pas magnifique, avec les longues colonnes noires et polluées qu'il s'élevaient jusqu'à lui et chassaient les nuages blancs, pour Silver, il était le symbole de sa nouvelle liberté. Une liberté qu'il avait attendu patiemment de retrouver depuis quatre ans. Depuis que son père l'avait retrouvé alors qu'il parcourait Johto. Ce souvenir lui arracha un frisson, le visage de son père quand il lui avait remis la main dessus lui donna un haut le coeur.
Plus que jamais, il se jura de ne plus le revoir, de ne pas se refaire prendre et d'envoyer son géniteur en prison.

Soudain, un cri victorieux vint le surprendre dans ses idées noires. Chris et Angie se ruèrent sur lui en brandissant la montre qu'il leur avait donné.

-Monsieur ! Ça y est, nous avons réussi !

L'homme lui tendit l'objet en question, et déballa une série de détails techniques qui n'intéressaient nullement l'adolescent. L'important était que, bien qu'il n'en croyait pas ses yeux, ils étaient parvenu à modifier sa pokémontre pour qu'il puisse appeler Gold ou autres coéquipiers.

Il n'en revenait pas.

-Monsieur Silver, nous avons même trouver le moyen pour que personne ne puisse suivre vos appels, ou les intercepter ! Compléta Angie avec un sourire.

Devant l'air ébahi de leur supérieur, elle en déduit que oui, et même qu'il ne s'attendait pas à une telle chose de leur part. Aussi ils lancèrent pour s'expliquer rapidement :

-N'oubliez pas que nous sommes des hommes de labo à la base, l'électronique c'est notre rayon. -Allez-y ! Utilisez-la, monsieur ! Vous verrez !

Le rouquin, le visage méfiant, ou plutôt se demandant ce qu'il allait pouvoir inventer pour retrouver la paix, activa la pokétechnique en suivant les instructions relativement simples de ses subordonnés. Même s'il savait pertinemment qu'il ne comprenait rien à l'électronique quand il fallait réparer un ordinateur et non le détruire, il s'avoua vaincu, son orgueil blessé se promit tout de même d'apprendre les bases pour ne plus avoir l'air aussi ridicule.

Il composa la numéro de son équipier à la casquette. Après quelques sonneries dans le vide, celui-ci décrocha. Il avait de longues cernes sous les yeux, et l'air éreinté, nota Silver.
Le brun écarquilla les mirettes en voyant qui lui parlait, ouvrit la bouche en un « o » parfait, et resta pétrifié une bonne seconde, comme s'il avait un mort-vivant à l'écran de son pokématos oméga.

Gold en faisait toujours des tonnes pour pas grand-chose. Silver fit le décompte.
3.
La bouche du dresseur se tordit.
2.
Des larmes de rage vinrent perler à ses yeux.
1.
Il brandit le poing et explosa.
0.
Silver coupa le son.

C'est vrai quoi, pas fou, il ne voulait pas avoir mal au crâne.

Gold se tortilla derrière l'écran de sa pokémontre, il le voyait nettement rouge de colère rugir, il prit une mine faussement désolée, puis remarquant que le brun ne se calmait toujours pas au bout de dix minutes, il lui fit nettement comprendre qu'il se fichait totalement de sa colère et bailla bruyamment.

C'est à cet instant que son interlocuteur du comprendre que le rouquin n'avait pas perçu un mot de sa tirade, pensèrent Angie et Chris à la vue du gamin qui jeta un regard noir à leur boss.

Ils sentirent immédiatement un élan de compassion monter pour ce pauvre gamin qui devait supporter Silver à longueur de temps. Comme ils comprenaient ses souffrances !

Au bout d'une autre dizaine de minutes, quand Gold fut calmé, et qu'il respirait difficilement tant il s'était époumoné, Silver accepta enfin de remettre le son.

-Uf... uf... Soupira Gold, à bout de souffle. -Non mais... tu aurais pu me prévenir, j'ai failli faire une crise cardiaque ! J'ai cru que tu t'étais fait prendre, tu te rends compte ?! Presque une semaine sans nouvelle, j'ai hésité à prévenir Peter et la clique !
-Idiot, tais-toi ! S'écria Silver en se souvenant de la présence d'Angie et Christopher.

Heureusement pour lui, ceux-ci ne semblèrent pas saisir l'importance de l'information.

-Non ! Toi, tais-toi et écoute ! J'en ai ras le bol que tu fasses bande à part ! Je suis là, moi, merde : on est coéquipiers, tu es censé compter sur mon soutien !
-Pour que la mission échoue ? A ce moment-là, ça oui je suis sur d'avoir ton soutien.
Les joues du brun prirent à nouveau une couleur rouge, ses mâchoires se crispèrent mais il parvint à contenir -très difficilement- sa colère.
-Bref ! On te refera pas je suppose, va falloir que je rapplique pour te forcer à me compter dans tes calculs... Constata le garçon à la casquette.

Le rouquin ne parvint pas à savoir s'il en était heureux ou mécontent.

-Enfin bref ! Je peux savoir pourquoi tu n'as pas pris le chemin convenu ? Demanda le brun après un silence.
-J'ai eu un imprévu.
-L'effondrement du tunnel ? Proposa son coéquipier.
-Quoi ? S'étonna le roux.
-Je croyais que c'était ça qui t'avais retenu, j'ai même cru que tu t'étais retrouvé piégé dedans !
Il comprenait à présent pourquoi il avait été si furieux contre lui. Il avait vraiment du se faire du mouron, mais hors de question pour Silver de s'excuser ou de reconnaître ses torts.
-Il y a de plus en plus de cas similaires, constata le fils du boss après réflexion.
-C'est pour ça qu'il faut qu'on se dépêche de finir la mission ! Mais toi tu n'en fais qu'à ta tête ! Pourquoi n'as-tu pas pris le tunnel ? Gronda Gold.
-J'ai vu une fille.

La simple phrase fit blêmir son interlocuteur, et aussitôt un rose fushia lui colora les joues. Le crétin, il se faisait des idées...

-Toi... Et une fille ? Balbutia son compagnon, ébahi.
-Minable, ce n'est pas ce que tu penses !
-Je peux comprendre que tu veuilles te trouver une petite amie ! Mais quand même, on est en mission là, c'est pas le moment de draguer ! Bafouilla-t-il à nouveau sans l'écouter.
-Je te signale que toi tu ne te gênes pas pour flirter. Analysa froidement Silver.
-Ce n'est pas pareil... Moi je... moi je ne fais que les peloter ! Ça ne va jamais plus loin ! Je sais apprécier les belles choses, c'est tout !

Aie. Compte à rebours de nouveau lancé.

3.
-D'ailleurs... Continua le brun.
2.
-Moi je croyais que tu t'intéressais pas aux filles...
1.
-Laisse-moi te donner quelques conseils quand même !
0.
TSCHLAK.

Silver recoupa le son. Gold devenu muet sur l'écran prenait un air sûr de lui et prétentieux tandis qu'il semblait expliquer quelque chose très sérieusement.
Chris et Angie se demandèrent longuement si cela allait durer, et il durent bien constater que oui. Car leur supérieur se leva, sans interrompre la conversation, et partit les bras croisés derrière sa tête, flâner quelque part ou espionner.
La montre à son poignet laissait entrevoir son coéquipier, très concerné, dessiner un schéma et le montrer au vide, alors qu'il parlait tout seul sans le savoir.

Quel manque de considération, quand même...


*


La roulotte était grande, plus qu'on pouvait le penser en la voyant de l'extérieur, rectangulaire, avec un toit rouge, guidée par des Tauros et des Ecrémeuh. Mais en vérité, à l'intérieur, elle était accueillante. Une salle commune dans un style rustique faisait office de cuisine, vu le réfrigirateur près du comptoir en bois, de salon, comme le prouvait le canapé dans lequel ils étaient assis et la cheminée, et de bureau. Christelle, d'ailleurs assise sur une chaise, près de l'ordinateur portable et de divers gadgets i-tech, boudait.
La seule fenêtre de la pièce donnait sur la place de cocher, sûrement pour que les habitant à l'intérieur puissent communiquer avec le conducteur.

Trois autres portes donnaient place à la salle de bain en bois, avec un bain traditionnel japonais, et à deux chambres, une avec un lit double, sûrement celle de son frère, et une autre avec des lits superposés et des fils de câblages qui traînaient partout, celle de Chris, sans aucun doute.

Même si depuis quelque jours, c'étaient Drew et Flora qui occupaient ladite pièce et que Christelle dormait avec son frère.

Les deux coordinateurs leur avaient rapidement expliqué qu'après une stupide erreur devant un journaliste -regard lourd vers Flora- ils avaient des dizaines de paparazzi à leurs trousses. Ils avaient malheureusement rendez-vous chez Ondine d'Azuria dans une semaine, et ils ne pouvaient se permettre d'être en retard, donc ils avaient décidé de voyager avec la convention des concours, pour être sûrs d'être à l'heure, et en plus personne ne penserait à les chercher là au lieu de les traquer sur les routes. Cela avait un autre avantage, ils n'étaient jamais en retard pour un concours et pouvaient aider un peu, tout en s'entraînant. La seule condition qui venait noircir le tableau, c'était que le président du comité leur avait fait promettre de ne participer qu'à un concours sur trois pendant ce temps pour laisser une chance aux nouveaux.

D'ailleurs, ils ne pourraient pas participer à celui-là, selon le deal.

Enfin, là n'était pas la question.

-Non, je t'échangerai pas Happy ! S'écria Eléanore en serrant sa pokéball et en la mettant hors de la portée de Christelle.
-Mais enfin, si je te donne deux pokémons en échange, c'est valable ! Allez, s'il te plait !
-Occupe-toi d'abord de tes pokémons correctement ! Tu as vu comment tu traites les tiens ? Je ne te confierai jamais Happy !
-Écoute petite, Christelle t'a peut être paru dure, mais elle s'occupe bien de ses pokémon malgré tout ! Lança calmement Tom.
-Vous êtes tous contre elle, si Eléa ne veut pas donner son pokémon c'est compréhensible ! S'exclama Lucas.
-En plus, excusez-nous, mais après la réaction de cette fille, on peut douter ! Compléta Sam, insolente. Mais à sa plus grande rage, la concernée se moquait ouvertement d'eux en mimant le mouvement d'une bouche parlante avec sa main.

Ce geste eut le don de mettre Samantha définitivement du côté de sa camarade.

-Mais enfin ! Qu'est-ce que vous avez tous avec les pokémons ?! Je ne vois pas le mal à vouloir échanger mes pokémons contre le tien ! Allez, si tu veux, j'ajoute des capsules techniques en plus !
-NOON ! S'écria Eléa, même si elle ignorait parfaitement ce que cette fille lui proposait.
-Des super bonbons alors ? J'en ai trois en réserve ! Allez !
-J'ai dit non !
-Attends, je crois que j'ai aussi plusieurs gadgets utiles en double, j'ai une boite à CT, j'irais même jusqu'à te donner le kit du dresseur que j'ai en double : là-dedans il y a un mini PC qui est relié à la GTS !
-Mais puisqu'elle te dit non ! Explosèrent les enfants.

Mr. Yuki, écrasé dans un coin, se cura une oreille en se demandant si ce conflit verrai un jour une fin. Drew et Flora se demandaient aussi la même chose, légèrement agacés par la situation.

-Voyons Chris, qu'est-ce qui te prends ? Puisqu'ils te disent qu'elle ne veut pas ! Enfin, entraîne tes pokémons au lieu d'en chercher d'autres, comme tu as fait avec Ditto.
-Non ! Je n'en veux pas, je ne les ai jamais demandé à Oncle Orme.

Après une dispute sourde, qui exaspéra plus qu'elle ne fit avancer la situation, Samantha perçut un mouvement du côté de Eléanore.

Celle-ci se leva et se dirigea droit vers la rousse. Elle tenait toujours les pokémons feu dans ses bras.

-Ça suffit ! Hurla-t-elle. -Si tu veux un autre pokémon, libre à toi ! Mais ne le dis pas devant eux ! Ils souffrent déjà assez, ils ont eu peur de te blesser tout à l'heure, et toi, la seule chose à laquelle tu penses, c'est toi !
-Et qui es-tu pour te proclamer leur porte-parole ? Les pokémon ne parlent pas, que je sache ! Enchaîna Christelle.

Samantha tendit l'oreille, elle aussi se demandait comment faisait Eléanore pour être si sûre d'elle en affirmant cela.

Eléanore sembla déstabilisée, elle ferma les yeux, mais elle ne trouva aucune réponse à lui fournir. Depuis toujours il lui semblait, du moins, depuis qu'elle avait des souvenirs à peu près clairs, donc à ses quatre ans, elle avait toujours su ce que ressentaient les pokémons. Il suffisait qu'elle les voit, qu'elle se concentre, et il lui semblait pouvoir lire en eux comme dans un livre ouvert, elle ressentait ce qu'ils ressentaient, comme si elle était eux, et que eux étaient elle. Mais comment expliquer cela, ce lien qu'elle partageait malgré elle, à tel point que souvent elle se demandait si ses sentiments étaient les siens ou ceux de ses petites créatures.

Elle fronça les sourcils.

-Ça ne te regarde pas !

Samantha sursauta : mais c'est qu'elle lui avait piqué sa réplique !

-Mais jusqu'à maintenant, je détestais les concours, trouvant que tout ce manège était futile et stupide. Maintenant, je me rends compte d'une chose.

Les autres arquèrent un sourcil.

-C'est que ce n'est pas cette institution qui est stupide, ce sont les coordinateurs comme toi qui se fichent pas mal des pokémons !

Christelle se leva face à l'insulte, rouge de colère. Drew et Flora semblaient eux aussi outré par la phrase de la gamine. D'ailleurs, ils n'étaient pas les seuls.

-Tu ne tiendrais même pas une minute dans un concours ! Gronda Christelle.
-S'il suffit d'être détestable, je pense avoir mes chances ! Répliqua Eléa.
-Vous tous ici présents seriez incapables de vous entraîner, de supporter la pression ! Continua la rousse.
-Je suis d'accord ! Chuchota Danny en pensant avec angoisse à la foule et aux caméras qui assistaient aux prestations.

Malheureusement, sa réflexion fut couverte par la réponse de Eléanore. Si familière.

-ON PARIE ?

Samantha ne put s'empêcher de se frapper le crâne, tandis que Yuki se demandait s'il n'avait pas déjà vécu pareille situation.

-Je parie, que toi et tes amis vous serez incapables de vous débrouillez dans un concours.
-Ça me va, pari tenu ! On va te montrer un peu ce qu'on sait faire !
-Attendez ! Attendez ! Un concours, ça se prépare ! Balbutia Samantha.

Elle ne voulait pas : à l'arène, ses échecs ne seraient pas retransmis, mais devant une salle bondée, tout le monde allait la voir se ridiculiser ! Y compris Armand.

-Je croyais qu'il s'agissait d'un concours en équipe ? Demanda Lucas.

-Oui, un concours en équipe se déroule sous plusieurs formes. D'abord une épreuve individuelle est organisée, avec des prestations avec deux pokémons. Ensuite, les sélectionnés se retrouvent en équipe. Soit ils avaient déjà prévu cela et sont chacun des membres du groupe à réussir la première épreuve, alors tout va bien, soit ce n'est pas le cas et a lieu un tirage au sort avec une pause d'une heure pour qu'ils aient une préparation nécessaire à la deuxième prestation en duo. Enfin, l'habituel tournoi à point départage les candidats restants. Expliqua Yuki.

-Justement j'avais besoin d'un coéquipier pour le concours. Eléa, tu seras ma partenaire, et durant toute la durée du concours tu me prêteras Papilusion et moi Ouisticram et Héricendre. On verra bien laquelle des deux ils préfèrent à la fin !

-D'accord ! On sera de la partie.

Elles se serrèrent la main pour sceller le pari.

Les autres membres du groupe ne savaient pas si c'était le « on » qui les mettaient obligatoirement en compétition eux aussi, ou ce pari qui les inquiéta, mais une chose était sûre...

Cela ne s'annonçait pas de tout repos.