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» Auteur : Astrale - Voir le profil
» Créé le 30/08/2020 à 20:43
» Dernière mise à jour le 31/08/2020 à 18:48

» Mots-clés :   Famille   Kalos   Présence de personnages du jeu vidéo   Slice of life

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Chapitre 5 : Grandir
A mesure que les deux sœurs progressaient dans la forêt, au petit matin sous les premières lueurs du jour, l’ambiance se métamorphosa. La végétation étouffante et le climat humide de la Laie de Romant-sous-bois avait laissé place à un environnement beaucoup plus chaleureux. L’endroit aurait été idéal dans le cadre d’une randonnée calme et relaxante, mais pour le moment, c’était plutôt l’inquiétude et le doute qui menaçait de submerger Violette. Où était Anton ? Et s’il s’était perdu ? Et s’il lui était arrivé quelque chose ? Sonistrelle, malgré son ouïe ultra fine, n’arrivait pas à le localiser. Alexia et Violette déambulaient donc au hasard dans la forêt à l’affut de tout bruit suspect.

- Tu crois qu’on va dans la bonne direction ? Demanda Violette pour la énième fois.

- En sortant de la « maison hantée » j’ai entendu Anton crier au loin dans cette direction. Je suis sûre qu’il est parti par là. La forêt est totalement vierge ici, il n’y a pas de sentier. Si les Pokémon cachent quelque chose, ça ne doit pas être bien loin.

Alexia passa son bras autour des épaules de sa sœur et la serra doucement contre elle, dans une étreinte rassurante que Violette lui rendit. Elles continuèrent de parcourir quelques mètres, bras dessus-dessous lorsque Violette s’écria :

- Alexia !! Alexia regarde comme c’est beau !!!

Et elle s’élança en courant.

Lorsqu’Alexia parvint à rejoindre sa sœur, elle n’eut pas le cœur de la réprimander. La vue qui s’offrait à elles était imprenable. Surplombant le reste de la forêt, le soleil levant peignait chaque nuage d’une teinte orangée qui venait engloutir les restes indigo de la nuit.

Comme pour rajouter à la féérie de la scène, la rumeur d’un léger tintement s’éleva en écho. Bientôt, des milliers d’ombres délicates s’élevèrent dans le ciel ambré et survolèrent la forêt. Le tintement était maintenant parfaitement perceptible. On aurait pu croire que l’entremêlement de toutes ces individualités auraient donné lieu à une cacophonie disgracieuse. Pourtant, il n’en était rien. Le son qui en résultait était semblable à celui d’un carillon. Le spectacle improvisé était enchanteur.

Malgré tout, Violette sentit instantanément sa sœur se raidir à côté d’elle et Alexia eut un violent mouvement de recul quand elle identifia la forme des ombres qui continuaient de s’élever de la forêt en contrebas. Des centaines, des milliers de Prismillon. Leurs écailles bleues se détachaient parfois de la luminosité du ciel orange lorsqu’elles ne se fondaient pas tout à fait dans celle-ci en reflétant sa couleur.

Violette attrapa fermement sa sœur par l’avant-bras pour l’empêcher de refaire un pas en arrière. Sa phobie des insectes volants refaisait surface.

- Il ne t’arrivera rien. Lui dit-elle tout bas.

Alexia, qui s’époumonait à garder son calme, transpirait beaucoup. Violette le perçut en attrapant sa main moite. Doucement, elle la tira vers elle pour qu’elle se remette à sa hauteur.

- Les Dardagnan qui t’ont attaquée… C’était un coup de malchance ! Ici, tu es en sécurité.

Alexia déglutit difficilement. Il était inhabituel de la voir ainsi, apeurée, sans plus aucun contrôle sur la situation. C’était comme si les rôles petite-grande sœur avait été inversés.

- Regarde, le paysage est magnifique. Tu savais que les ailes des Prismillon peuvent arborer une vingtaine de motifs différents ? Et tu sais à quoi c’est dû ?

- Cela est déterminé par leur milieu de vie et le climat de leur habitat… récita Alexia du tac au tac, en bonne première élève de la classe.

- Exactement ! Ceux-là sont bleus, je crois qu’il s’agit du motif Rivage. On les trouve plutôt sur les bords de mer d’habitude… C’est exceptionnel d’en voir ici ! Continua Violette avec enthousiasme.

Alexia se contenta de hocher la tête, le regard concentré sur cette masse bleue, comme pour surveiller leurs moindre faits et gestes. Mine de rien, Violette sentit la pression de ses doigts se desserrer légèrement.

- Regarde, ta chemise est aussi bleue que leurs ailes ! Dit Violette le plus innocemment possible.

Alexia haussa les épaules.

- Tu sais, je n’ai pas l’habitude de prendre de modèles humains en photo, mais je pense que ça ferait un cliché magnifique. Et ça serait la preuve que tu as réussi à surmonter ta peur !

Alexia prit un grande inspiration tout en fermant les yeux. Quand elle les rouvrit, elle regarda droit devant elle d’un air déterminé.

- Ok.

Violette poussa légèrement sa sœur pour qu’elle se tienne devant elle. Elle lui demanda de se mettre de profil et de lever la tête. Elle recula de trois pas, et Alexia lui jeta un regard de panique.

- Tout va bien. Le cadre est super, ajouta Violette tout en tendant les bras.

Avec ses doigts, elle forma un cadre et cligna d’un œil comme pour trouver la composition parfaite. En la regardant faire, Alexia se retint d’exploser de rire. Violette avait maintenant les genoux rentrés vers l’intérieur et les mollets écartés. Elle se tenait dans un équilibre plus que précaire. En plus de tout ça, elle tirait la langue, le visage crispé par la concentration. Ce qu’elle vit entre ses doigts sembla la satisfaire puisqu’elle empoigna son appareil photo.

- Ok Alexia ! Tu es magnifique, ça doit être de famille !!... Regarde droit devant toi… Un peu plus haut le regard… Encore un peu… Voilà comme ça… Fais un beau sourire ! Non un vrai sourire !! Montre-moi tes belles dents ! Allez, un grand sourire !!!

Violette poussa un soupir en se redressant. Alexia, elle, se sentait parfaitement ridicule à regarder et sourire dans le vent.

- Bon, tu ne me laisses pas le choix, je vais devoir employer les grands moyens !

- Mais… essaya Alexia.

- Ne tourne pas la tête ! Reste comme tu es.

Violette prit le temps de réfléchir quelques secondes.

- C’est l’histoire d’un Psykokwak et d’un Galifeu. Le Galifeu dit au Psykokwak : « Il fait un froid de canard ! ». A cela, le Psykokwak lui répond : « Vous avez bien raison, j’en ai la chair de poule ». Ahahaha… ahah… ah…

Dans l’absurdité de la scène, elle qui devait regarder devant elle et se forcer à sourire à moins de dix mètres de sa plus grande phobie, et Violette qui, dans sa position grotesque, sortait des blagues plus que douteuses, Alexia ne put s’empêcher de laisser échapper un éclat de rire spontané.

Clic –

- Yees c’est dans la boite ! s’exclama Violette, ses doigts formant le ‘V’ de la victoire. A partir de ce jour, finie la phobie des insectes qui volent !

- Pfff n’en soit pas si sûre… murmura Alexia.

Derrière son air blasé, Violette pouvait percevoir sans mal un certain amusement et même une pointe de fierté. Elle se retourna et regarda les derniers Prismillon passer avec une expression beaucoup plus paisible sur le visage. En quelques minutes, la teinte orangée du ciel avait laissé place à un ciel bleu légèrement nuageux. Dans cette bulle de complicité, les deux sœurs se sentaient invincibles.

- AAAAAARG !!!

Le cri s’éleva en contrebas et eut pour effet de faire exploser la sérénité temporairement retrouvée de Violette comme on percerait une bulle de savon. Elle aurait pu reconnaître ce cri entre mille.

- C’est Anton !! S’écria Violette. Vite, on descend !!!

La descente fut laborieuse. La falaise était très raide et leurs pas glissaient sur les éboulis. Mais Violette s’efforça d’accélérer encore le rythme lorsque le cri se reproduit en écho, d’abord à l’identique, puis de plus en plus déformé.

- AAAAAAARG !

- AAAAAAAAAAAAARK !

- AAAAAAAAAAAAAAAARK AAAARK !

Une fois enfin parvenue en bas – plutôt sur les fesses que sur les pieds – elle se précipita dans les bois, Alexia sur les talons. Elle prit rapidement de la vitesse jusqu’à percevoir le sifflement du vent dans ses oreilles. Elle zigzaguait entre les arbres et sautait au-dessus des bosquets. Celui qu’elle entreprit de franchir se révélait particulièrement imposant. Elle prit de l’élan, prit appui sur son pied droit, s’éleva dans les airs et… Une étincelle rouge ?

BAAAAM

- Aïïe ! S’exprima une voix étouffée.

Un silence.

- Violette ?

- Violette franchement… Pourquoi il faut toujours que tu te crois héroïne d’un film d’action ?

Violette cligna des yeux trois fois pour y voir plus clair. Sans en comprendre la raison, elle s’était retrouvée propulsée par terre la tête la première.

Elle se retourna et s’assit, les muscles douloureux. En face d’elle, Anton était recroquevillé sur le sol et elle ne put s’empêcher de remarquer que ses sourcils écarlates se confondaient presque avec sa chevelure tant il faisait les yeux ronds.

Mécaniquement, dans un mouvement qui lui était tout à fait inhabituel, Violette porta les mains à ses cheveux et en extirpa plusieurs feuilles et brindilles.

De toute évidence, Anton se trouvait derrière le bosquet qu’elle avait voulu le franchir.

Alexia, elle, se tenait un mètre derrière le plus naturellement du monde, parfaitement droite, à peine essoufflée et croisait les bras. Elle avait un sourire satisfait et parfaitement désagréable accroché sur le visage. Comment était-elle arrivée là ?

Elle avait contourné le bosquet bien sûr.

Pourquoi fallait-il toujours que ce fût elle, Violette, qui se tournait en ridicule ?

- Ahah… Salut Anton, comment ça va ?...

Et pourquoi ne trouvait-elle rien de plus intelligent à dire ?

Comme pour amplifier son malaise, une voix criarde et terriblement aigue s’éleva dans les arbres :

- SALUT ! SALUUUT ! ANTON ! ÇA VA ÇA VAAAAA ?

Bien que ce fut une pâle imitation de sa voix, on pouvait quand même percevoir le malaise dans l’intonation. Violette sentie instantanément le rouge lui monter aux joues.

Heureusement, Alexia vint à son secours.

- Qu’est ce que tu fais par terre ici ? demanda-t-elle à Anton.

- PAR TERRE ICIIIII ???

Celui-ci, qui n’avait pas encore ouvert la bouche, se racla la gorge.

- J-je voulais cueillir une baie Oran.

- JE VOULAIS. VOULAIIIIS !!

Et pour justification, il leva le bras au ciel vers l’arbre qui contenait effectivement de petites baies bleues.

- Et tu cueilles une baie Oran les fesses assises par terre ?

- TU CUEILLES UNE FESSE PAR TERRE ?

- Non, non !! S’écria précipitamment Anton, le visage maintenant aussi écarlate que la couleur de ses sourcils. J’ai voulu monter sur l’arbre. Mais je suis tombé. Dit-il en baissant la voix.

- NOOON !!! J’AI TOMBÉ !! TOMBÉÉÉ !!!!

Alexia leva la tête en direction des arbres, comme si elle cherchait à y trouver quelque chose.

- Je vois que les Pokémon de la « Maison hantée » (elle appuya l’expression en mimant des guillemets avec ses doigts) t’ont suivi.

- Oui… Confirma Anton en se grattant l’arrière de la tête, toujours avachi par terre. Je crois qu’ils nous ont bien eu…

- BIEN EU !! BIEN EU !!!

Maintenant que Violette y réfléchissait, cette voix discordante ressemblait beaucoup à celle de « l’homme » de la « maison hantée ».

Et en effet, dans la seconde après qu’elle se fut fait la remarque, un petit Pokémon oiseau à tête noir, à collerette blanche et aux ailes bleues vint se déposer sur la tête d’Anton qui la secoua légèrement sans pour autant réussir à le déloger.

- Mais Pijako n’est pas un Pokémon qu’on trouve à proximité de la Baie Azur d’habitude ? Questionna soudain Violette tentant de dissimuler son malaise.

- BAIE AZUUUR ?

Face à cette question spontanée, le visage d’Alexia prit une expression concernée. Violette savait ce qu’impliquait ce changement de comportement chez sa sœur. L’heure de la dissertation avait sonné.

- Il me semble que beaucoup de Pokémon non endémiques de Kalos peuvent être trouvés sur la Baie Azur. Notamment les Pokémon migrateurs. Peut-être que ce Pijako s’est juste un peu perdu. Il est quand même étonnant qu’il décide de rester ici... EN REVANCHE, je suis beaucoup plus inquiète par rapport à la présence des Pitrouille et Banshitrouye dans cette forêt qui est ABSOLUMENT inadaptée ! J’ai mené une enquête pour l’Edition d’Illumis il y a quelque mois sur l’impact qu’à le relâchement des Pokémon par leurs dresseurs dans les milieux naturels qui ne sont pas les leurs. Cette pratique devrait être INTERDITE, cela peut nuire à l’individu introduit qui n’est pas forcément adapté à ce milieu, mais également à la Pokédiversité, et aux espèces déjà présentes. On assiste parfois à des cas ABERRANTS où certains dresseurs relâchent leurs Pokémon directement après leurs éclosions car ils ne correspondent pas à LEURS critères ! On se retrouve alors avec des populations de plusieurs centaines de bébés Pokémon relâchés dans un milieu qui n’est pas le leur !!

La déclaration fut suivie d’un silence. Anton regardait maintenant Alexia d’un air hébété, et même le Pijako n’eut pas le cœur à répéter son discours, y compris les mots qu’elle avait accentués. Il était rare d’entendre un tel débit de paroles de la bouche d’Alexia, mais cela pouvait arriver lorsque le sujet était relié à son métier, ou lorsque le sujet lui tenait particulièrement à cœur.

- C’est vraiment irresponsable. Approuva Violette.

Alexia fut sur le point de rajouter quelque chose, mais se ravisa. Au lieu de ça, elle sourit à sa petite sœur avec tendresse. On ne pouvait pas dire que Violette était un modèle en termes de responsabilité. D’ailleurs, si elle l’était, ils ne seraient pas là, en pleine forêt, à la recherche de quelque chose dont ils avaient presque oublié la raison. Pourtant, jamais Violette n’avait été dangereuse pour son environnement. Elle avait toujours respecté les Pokémon et la flore. Violette était peut-être insupportable et inconsciente, mais elle valait infiniment plus que certains dresseurs de Pokémon qui se lançaient dans leurs objectifs sans faire attention aux autres. Alexia se surprit à espérer qu’ils allaient finalement parvenir à les trouver, ces foutues ruches.

- Qu’est-ce que ce Pijako protège selon toi ? demanda-t-elle à Anton.

- Je ne sais pas, mais en tout cas, j’ai l’impression qu’il ne nous considère plus comme une menace. Déclara Anton qui gratouillait le Pijako dans le cou.

Pijako, toujours perché sur la tête de son hôte et ravi de cette caresse, ne prêtait plus du tout attention aux paroles qui étaient prononcées. Il émettait maintenant un « Rouuu-rouuuu » régulier qui s’approchait étrangement du ronronnement d’un Persian.

Violette sentit du mouvement autour d’elle, et elle prit soudain conscience que plusieurs dizaines de Pokémon les observaient derrière les arbres, entre les branches et sous les buissons. Ils avaient dû fuir lorsqu’elle avait déboulé tout à l’heure, et n’osaient plus se montrer. Anton avait dû réussir à gagner leur confiance. Il était vraiment étonnant de constater que quelqu’un d’aussi froussard fût capable de créer du lien aussi vite avec des Pokémon qui furent l’objet de sa peur l’instant précédent. L’image d’Anton disparaissant tout sourire dans l’essaim d’Apitrini lui revint en mémoire.

Se relevant enfin sur ses pieds, Violette s’agrippa à la branche la plus proche et parvint sans mal à cueillir quelques baies. Elle les déposa délicatement par terre, et s’éloigna de quelques pas. Après quelques minutes de battement, un Pokémon plus téméraire que les autres sortit de sa cachette et vint récupérer une première baie. Violette reconnut un Évoli, un Pokémon aux multiples évolutions qu’elle savait très recherché dans sa forme argentée. Une forme extrêmement rare. Ce Pokémon avait certainement été abandonné à la naissance comme de nombreux autres pour son seul défaut d’être de couleur brune.
Clic –
Peu à peu, d’autres Pokémon, dont certains que Violette ne connaissait pas, venaient chercher une baie et la partageaient entre eux. Parmi eux, Violette reconnut également plusieurs pré-évolutions à des Pokémon très utilisés en combat Pokémon de haut niveau. Abra, Azurill, Togepi, Mélo…

Lorsque le tas de baie fut vidé, les Pokémon se dispersèrent et ne se cachèrent plus. La vie reprenait son cours normalement de cette forêt refuge, et Violette, Alexia et Anton n’apparaissaient plus tels des corps étrangers. La forêt les avait adoptés, comme elle avait adopté chacun d’entre eux.

- Bon… reprit Violette, avec une certaine mélancolie dans la voix. Nous ferions peut-être mieux de rentrer et de laisser cet endroit en paix.

C’était tellement décevant de s’être battu pour arriver jusqu’ici et de devoir abandonner. Tous ces efforts pour finalement revenir au point de départ… Elle, Violette, gamine sans avenir et sans rêves…

- Non attends ! Regarde !

Violette se tourna précipitamment dans la direction que lui indiquait Anton. Deux Apitrini volaient paresseusement dans la même direction. Violette les regarda passer avec fascination.

- En voilà d’autres ! S’écria-t-elle.

Un peu plus loin, c’était quatre Apitrini qui batifolaient nonchalamment dans la même direction que les précédents.

- Leur comportement est assez significatif. Violette… Il est fort possible qu’il y ait une ruche à proximité ! dit Anton avec un sourire radieux.

Ils se remirent en route, dans la direction qu’empruntaient les Apitrini. Le cœur de Violette bâtait à la chamade. Toute cette aventure n’allait pas rester vaine. Ils allaient trouver les ruches. Elle allait prendre en photo ce lieu mythique. Elle allait illustrer le « scoop du siècle ». Et elle allait pouvoir conserver son travail.

Alexia allait être fière d’elle.

Plus ils avançaient entre les arbres, et plus ils rencontraient le chemin d’Apitrini qui allaient et venaient sans faire attention à leur présence. Le parterre était maintenant recouvert de fleurs en tout genre.

Bien que leur rythme de marche fût soutenu, rien n’allait assez vite. Chaque mètre parcouru semblait durer un kilomètre dans l’esprit de Violette. Chaque minute écoulée en paraissait trente.

La végétation se faisait moins dense. Le soleil venait guider leurs pas en dessinant un tapis de lumière dans l’herbe fraîche. Sa chaleur venait réchauffer le cœur de Violette.

Lorsque le paysage s’ouvrit enfin sur l’objet tant convoité, Violette ne put détourner le regard malgré l’éblouissement que cela lui procura.

Une cathédrale ? Un temple ? Un sanctuaire ?

Non c’était bien plus que cela. L’architecture si indescriptible des lieux permettait un spectacle de lumière inégalable. Comme s’il s’agissait d’un vitrail monumental à l’échelle de la tour prismatique d’Illumis. La couleur dorée translucide du miel figé par le temps avait formé des arcades et des arches qui s’empilaient les unes dans les autres jusqu’au ciel sans offrir de symétrie particulière. L’éclat du jour qui transperçait cette matière si singulière diffusait toutes les couleurs du spectre. L’irisation de la lumière donnait de la vie à cette structure. On aurait dit qu’elle respirait. Qu’elle respirait la lumière.

Un sanctuaire organique.

Un sanctuaire organique qui abritait la vie. Des milliers d’Apitrini grouillaient dans les cavités. Certaines se tenaient en vol stationnaire, d’autres virevoltaient, toutes bourdonnaient sans règles, sans ordres apparents, donnant un concert incohérant. Pourtant, Violette la vit. La chef d’orchestre qui battait la mesure. L’Apireine. Même si chaque Apitrini semblait se mouvoir de façon individuelle, on constatait aisément qu’aucun ne se touchait, qu’aucun ne gênait jamais. Chacun à sa tâche. Chacun à sa place.

De l’asymétrie, du désordre, de l’irrégulier apparente, naissait l’harmonie.

Plongée dans sa contemplation, Violette sursauta lorsqu’Alexia posa son bras autour de ses épaules. Violette constata avec satisfaction que la petite thérapie photogénique à base de Prismillon avait porté ses fruits. Si Alexia ne paraissait pas encore totalement à son aise, elle n’était pas non plus partie en courant. Ses yeux brillaient de joie et de… fierté ?

- Tu avais raison, petite sœur ! Dit-elle dans un clin d’œil.

- Oui… répondit Violette, émue.

- Alors, qu’est-ce que tu attends pour la faire cette photo ?

- Tu veux bien écrire l’article associé ?

- Evidemment ! Rachel ne va pas en revenir ! Le monde va découvrir cet endroit à travers notre article !!! Tu te rends compte ??

- Dans quelques heures, tout Kalos sera au courant de l’existence de cet endroit !

- Les gens se bousculeront pour le voir, ça c’est sûr !!! exulta Alexia.

Violette prit Alexia dans ses bras et la serra contre elle. Elle allait certainement prendre la plus belle photo de toute sa carrière dans cet endroit. Une carrière qui allait commencer avec ce cliché ! Et c’était aux côtés d’Alexia, sa grande sœur. Journaliste, c’était vraiment le plus beau métier du mon…

- J-JE NE VOUS LAISSERAI PAS FAIRE !

Violette relâcha instantanément l’étreinte pour se tourner vers l’origine de la plainte. Frappée de stupeur, elle constata que c’était Anton qui avait prononcé ces mots.

Les yeux exorbités, le visage cramoisi d’un mélange de colère, d’indignation mais aussi de crainte et de gène, ils se tenait là, les bras tendus autour de lui, grand mais si minuscule en comparaison du monument fait de miel.

Violette fut momentanément incapable de prononcer le moindre mot.

- Qu’est ce que tu fais Anton ? demanda Alexia, désorientée.

- Il est hors… Il est…

Affirmer son point de vue paraissait lui aspirer toute son énergie. Lui couper le souffle. Il suffoquait.

- C-ce lieu… doit rester sec-secret… finit-il par réussir à articuler.

- Pourquoi ça ?

- L-les gens ils… Ils détruiraient cet endroit s’ils en connaissaient l’existence.

Soudain, sa colère disparut et son regard se remplit d’une profonde tristesse. Comme un enfant qui aurait désobéi à un adulte. Comme un gamin qui se serait montré insolent et qui reconnaissait sa faute.

- Anton, nous ne pouvons pas cacher l’existence de ce lieu au monde ! C’est le travail d’un journaliste. C’est même son devoir ! Tu comprends ?

Anton pleurait maintenant. Il s’était carrément effondré sur les genoux. Si Alexia eut l’air de trouver sa réaction complètement excessive, l’estomac de Violette se retourna sur lui-même. Pendant un instant, elle crut qu’elle allait vomir. Pourtant, sa voix parut étrangement calme lorsqu’elle prit la parole, les yeux résolument plantés vers le sol. La vue d’Anton dans cet état lui était insupportable.

- Le devoir d’un journaliste… ça devrait être de savoir reconnaitre lorsqu’il est bon d’informer le monde. Ou non.

- …

Les paroles de Violette parurent mettre quelques secondes avant de percuter dans l’esprit d’Alexia

- Mais enfin Violette ! Si on est venu jusqu’ici, c’est bien pour écrire un article sur cet endroit non ? Et ton scoop ? Et ton travail ?

- Anton a raison… Mon boulot… est bien moins important que la sécurité de ces Pokémon et de cet endroit. Ce refuge… doit être préservé avant tout.

Elle releva la tête et planta ses yeux verts droit dans ceux de sa sœur de sa sœur. Un tourbillon de colère lui serrait maintenant les entrailles dans qu’elle ne sache vraiment l’expliquer. Elle prit sur elle pour ne pas se mettre à hurler.

- Ce n’est pas toi qui étais si fière de ton article qui dénonçait les conditions de vie des Pokémon sur la Route 13 après la construction de la centrale d’Illumis ? Alors pour toi, la question de l’impact de l’Homme sur les Pokémon est importante, mais seulement quand ça t’arrange en fait ?

- B-bien sûr que non… Bafouilla Alexia. C’est toi… Je pensais que tu voulais…

- Et bien je ne veux plus. Répondit sèchement Violette. Allez, viens, on rentre.

Et sans un mot de plus, ils revinrent sur leurs pas. Lorsqu’ils passèrent devant la « maison hantée » Alexia et Violette dirent au revoir à Anton qui avait pris la décision de rester là, au moins pour quelque temps, dans l’idée d’apporter son aide aux Pokémon. Violette promit de revenir le voir.

Alexia et Violette ne se reparlèrent plus sur le trajet du retour. L’une comme l’autre était encore trop ébranlée pour réussir à s’exprimer. Mais elles n’en eurent pas besoin. Elles se dirigèrent d’un accord commun et muet vers l’Edition d’Illumis. Alors que Violette allait pousser la porte, les pensées emmêlées et en proie à un débat intérieur intense, Alexia la retint par le bras.

- Attends, Violette.

Violette se retrouva face à face avec le regard grave de sa sœur.

- Tu sais… Peut importe ce que dira Rachel… Tu es une photographe et surtout une personne formidable.

- … Merci ! Répondit-elle dans un sourire sincère.

Soudain, en une seule phrase, sa sœur venait de tout débloquer en elle. Lorsqu’elle poussa enfin la porte, elle sut exactement ce qu’elle devait faire. C’était comme une évidence.

- Violette !!! Alexia tu es là aussi, quelle bonne nouvelle !!!

Rachel, le visage aussi cerné qu’à son habitude, leur avait fondu dessus dès qu’elles avaient franchi l’encadrement de la porte vitrée. Même l’Excavarenne n’avait pas été de taille à la devancer. Violette le vit retomber mollement sur ses pattes dans un coin de la pièce, contraint à retourner à son état d’ennui.

- J’étais vraiment très très inquiète. Violette. Je te dois des excuses, lui dit-elle vivement en la prenant par les épaules comme le ferait une grande personne s’exprimant à un enfant. Tu es bien trop jeune, c’est tout à fait normal que tu n’ais pas eu les épaules pour exécuter ton travail. Mais tu es aussi une photographe-reporter très très prometteuse, alors voilà ce que je te propose.

- L’interview ? anticipa Violette.

- L’interview ?? Quelle interview ?? Aaaaah tu parles pour la centrale ? C’est bien trop tard maintenant, ça n’intéresse plus personne, l’actualité doit suivre son cours tu sais.

Elle émit un sifflement avec sa bouche, comme on ferait pour appeler son Ponchien.

- KAÏ ! Kaï, tu peux venir s’il te plait ?

Avec un grand sourire, le plus innocemment du monde, Kaï entra dans le champ de vision de Violette. Si Alexia fronça instantanément les sourcils, Violette, elle, n’eut aucune réaction. Quant à Rachel, elle semblait exulter de sa propre proposition.

- J’ai donc embauché Kaï comme photographe-reporter. Mais ça, tu t’en doutais j’imagine. Non, ce que je te propose, c’est de devenir son assistante ! Je suis sûre que tu pourrais apprendre pleins de choses à ses côtés. Ensuite, nous pourrons bien-sûr envisager de t’embaucher aussi en tant que titulaire. Nous n’avons jamais assez de photographes avec tous les articles à faire paraître. N’est-ce-pas Alexia ? Alors, c’est d’accord ?

- Non.

Le regard de Rachel passa de Violette à Alexia puis d’Alexia à Violette sans comprendre. Les deux sœurs avaient prononcé ce mot de concert. Alexia, elle, lança à Violette un sourire un peu penaud. Elle n’avait pas pu s’empêcher d’intervenir, alors qu’elle savait que sa sœur était bien assez grande pour se débrouiller toute seule.

- Non merci. Répéta Violette. Je ne souhaite plus travailler ici. Merci de m’avoir laissé ma chance, J’ai beaucoup grandi à vos côtés. Je souhaite une bonne continuation à toute l’équipe.

***
- Ça va, tu n’es pas trop triste d’abandonner ce poste à l’Edition d’Illumis ? demanda Alexia avec douceur.

- Bien-sûr que non, il était hors de question que je devienne l’assistante de Kaï. Et je dis ça pour lui rendre service. Tu imagines la honte que ça doit être d’avoir une assistante plus douée que soi ?

Alexia et Violette rirent de bon cœur pendant qu’elles parcouraient la Route 4 en sens inverse. Le crépuscule commençait doucement à venir chasser le jour. On apercevait la Fontaine Perle au loin.

- Il y a d’autres journaux à Kalos. Le Kalos News par exemple. Je peux essayer de me renseigner pour toi si tu veux.

- Je ne veux plus être photographe-reporter. Répondit Violette avec fermeté.

Alexia s’arrêta brusquement de marcher.

- P-pardon ?

- Je ne veux plus être photographe-reporter ! Répéta Violette.

N’avait-elle pas une diction assez claire pour qu’on lui fasse toujours répéter ses paroles ?

- Mais que vas-tu faire alors ? interrogea Alexia, presque effrayée.

- Je veux d’abord partir à l’aventure et découvrir le monde ! Alors je vais commencer par faire un voyage initiatique dans la région de Kalos.

- Tu veux devenir dresseuse ?

- Je suis déjà dresseuse.

Violette serrait contre elle la Pokéball d’Arakdo lorsqu’elle se retourna pour contempler le haut de la tour prismatique qui transperçait le soleil couchant telle une lance. Ainsi, elle ne vit pas le regard mi-excédé mi-amusé qu’émit Alexia quand elle proclama haut et fort :

- Je deviendrai championne d’arène !




Flash info:

Toute personne équipée d’une 3DS et d’une cartouche de jeu Pokémon XY pourra vérifier par lui-même :

Que Violette est maintenant championne de l’arène de Neuvartault ; qu’Alexia travaille toujours pour l’Edition d’Illumis et que les deux sœurs sont plus complices que jamais ; qu’Anton habite la « maison hantée » de la Laie de Romant-sous-bois et qu’il raconte des histoires aux passants ; que Rachel, Editeur en cheffe de l’Edition d’Illumis, continue de mener ses recherches sur Volcanion, le Pokémon fabuleux ; que Lem intervient beaucoup plus dans l’entretien de la centrale d’Illumis ; que le majordome du Palais Chaydeuvre doit maintenant être plein aux as à force d’arnaquer les jeunes gens ; qu’Eliza la Pokémon Ranger et les autres dresseurs ont toujours la manie de tenir des discours aussi incohérents les uns que les autres ; que l’Excavarenne de Marcus s’ennuie toujours autant* ;

Que Kaï ne travaille visiblement plus aux bureaux de l’Edition d’Illumis.



*N.D.A. Allez lui rendre une petite visite, il sera content !