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Calendrier de l'Avent 2017 de Corpus09



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Informations

» Auteur : Corpus09 - Voir le profil
» Créé le 21/12/2017 à 20:42
» Dernière mise à jour le 21/12/2017 à 20:42

» Mots-clés :   Fanfic collective   Song-fic

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Jour 21 : Petites boîtes, par Voleon
Couleurs, paillettes, lumières, rires, musique. Le sourire et les yeux pétillants des enfants qui cherchent refuge au chaud, les joues rougies par l'arrivée de l'hiver. Les mères pressées par la liste de cadeaux à acheter, se demandant si tel cadeau est de l'âge de tel neveu. Les pères flânant entre les rayons, ne sachant pas très bien pourquoi ils sont là. Les grand-pères râlant parmi la foule, les grands-mères observant tout ce remue-ménage d'un œil bienveillant. Oups, je crois bien que je suis une mamie avant l'heure.

Tout autour de moi témoigne de l’imminence des fêtes de fin d'année. Il faut bien avouer que je suis aux meilleures loges pour profiter de cette effervescence, au beau milieu des rayons du plus grand magasin de jouets d'Illumis. Sur la pointe des pieds en haut de mon escabeau, le gilet rouge à l'inscription « PokéToys » enfilé, je tend les bras pour placer les petites boîtes grises de figurines Strassie sur la dernière étagère. De toutes façon, elles ne se vendent pas, alors peu importe qu'elles soient inaccessibles. N'importe quelle petite fille préférerait les poupées Dianthéa et Gardevoir, les idoles de la région, qui occupent tout un pan de rayon à elles seules.

Petites boîtes, très étroites,
Petites boîtes faites en ticky-tacky
Petites boîtes, petites boîtes,
Petites boîtes toutes pareilles.


Une élégante trentenaire m'interpelle. Fière et droite, elle porte un long manteau rouge pimpant, provenant sûrement d'une boutique du quartier chic de la ville, ses longs ongles vernis de la même couleur, chaussée d'une paire de bottines fines, un sac-à-main de cuir noir pendant au creux du coude gauche et ses cheveux surnaturellement dorés noués avec complexité.

- Excusez-moi, mademoiselle, savez-vous s'il y a encore des robes Fluvetin en stock ?

Elle a parlé d'un ton sec et pressé, mais je ne m'en formelle pas, c'est habituel. Ce qui retient davantage mon attention est la petite fille blonde tirant sur le bras de sa mère, vêtue d'un manteau rouge pimpant et d'une adorable paire de bottines brillantes. Elle aurait pu être à l'image de sa mère, sans cette mine renfrognée et ce tic d'étirer le col de son manteau pourtant pas si serré, comme étouffée par de trop jolis vêtements.

- Non, pas Fluvetin maman s'il te plaît ! Je t'ai dit que je veux un Tarpaud ! Mande-t-elle d'un regard suppliant.

Sa mère resserre l'étreinte de ses doigts fins, dont la couleur de peau trahit le masque de fond de teint trop pâle qui recouvre son visage.

- Pourquoi donc porter un costume Tarpaud, ils sont au rayon des garçons ! Et puis Tatie aime beaucoup son Fluvetin, elle sera ravie si tu portes ta robe quand nous irons la voir pour le réveillon… Donc, est-ce qu'il y a encore des robes Fluvetin en stock ?

Je reste un moment interdite. Quel intérêt d'offrir à un enfant quelque chose dont il ne veut pas, juste pour faire plaisir à leur tante ? Quelle différence entre un costume pour garçon et pour fille ? Un déguisement reste un déguisement. Et puis, une petite fille qui aime les Tarpaud, ce n'est pas courant, je trouve cela amusant, alors autant l'approuver.

Les yeux perçants de la mère soulignés d'une imposante couche d'eyeliner remarquant mon trouble, elle s'empresse d'ajouter, étirant ses minces lèvres écarlates d'un sourire forcé :

- Ne vous inquiétez pas, elle change d'avis tout le temps… Hier encore, elle me suppliait que je lui achète une paire d'antennes Prismillon ! Du coup, vous en avez en stock ou pas, des robes Fluvetin ?

- Non, une antenne Tarpaud, maman ! s'indigne la petite.

Faisant abstraction de mon étonnement, je me résous à lui indiquer le rayon des robes Pokémon, avant de retourner à mes tâches et d'oublier cette rencontre. Après tout, des clients étranges, on en croise toutes les heures.

Je retourne à mon poste habituel, à l'emballage en papier-cadeau des colis commandés, un service que le magasin dispense tous les ans pour Noël. Une stratégie marketing parmi tant d'autres, en somme. C'est un travail un peu lassant, alors on se distrait comme on peu. Déjà, on a le choix de la couleur du ruban et du papier-cadeau, alors je m'amuse à tester toutes les combinaisons possibles, des motifs Cadoizo avec ruban blanc aux Météno dorés tels des étoiles avec des boucles bleu électrique. Pour l'instant, ma combinaison préférée reste le papier avec les Blizzi et les petits flocons sur fond argenté orné d'un joli ruban vert sapin. Enfin, je m'égare, avec toutes les bêtises que je raconte, j'ai l'impression d'avoir de nouveau dix ans, l'atmosphère de Noël est vraiment contagieuse.

Y a des rouges, des violettes,
Et des vertes très coquettes,
Elles sont toutes faites en ticky-tacky
Elles sont toutes toutes toutes pareilles.


Enfin, d'un autre côté, je comprends que mes collègues ne partagent pas toujours mon euphorie. Travailler en magasin n'est pas toujours agréable avec les heures supplémentaires et les clients grincheux, mais je n'occupe ce poste que quelques jours. Avec Noël, la chaîne de magasin a besoin de plus de personnel, alors cela me sert de petit boulot d'hiver pendant mes vacances pour me faire de l'argent de poche, tandis que je poursuis mes études à l'université, dans le domaine de la technologie à base de capacités Pokémon. Même si je travaille, cela reste mes vacances, alors j'en profite pour revenir en enfance.

Cependant, parmi mes collègues du magasin, peu comptent continuer ce métier toute leur vie. Certains, comme moi, ne sont là que pour Noël, d'autres suivent une formation par correspondance ou à temps partiel et tous espèrent un métier mieux valorisé. En même temps, lorsqu'on entend à longueur de journée les grand-parents demander à leurs petits enfants « Cela dépend si tu le mérites : As-tu bien travaillé à l'école ? As-tu été sage avec ton papa et ta maman ? As-tu remporté le dernier tournoi des apprentis dresseurs ? » alors que l'on a pas vraiment réussi ses études, je comprends que cela puisse en frustrer beaucoup.

Et ces gens-là, dans leurs boîtes,
Vont tous à l'université
On les met tous dans des boîtes
Petites boîtes toutes pareilles.


Pour en revenir à des pensées plus joyeuses, c'est-à-dire mes colis, c'est amusant de découvrir les jouets avec le plus de succès. Parmi les premières positions de mon classement mental approximatif figure le nouveau jeu sorti le mois dernier, le Leuphorie Maboul, qui consiste à jouer les médecins pour retirer des objets plus ou moins insolite du corps d'un Leuphorie sans le blesser, au risque de faire sonner un alarme stridente. Je n'ai jamais eu l'occasion de tester pour l'instant, mais il paraît que c'est assez drôle pour les plus jeunes.

Sinon, parmi les classiques, il y a Lougaroc de Lili'i, un jeu tout droit venu d'Alola, un jeu de rôle où l'on incarne secrètement soit un Lougaroc soit un villageois de Lili'i, dans le but d'éliminer le camp adverse au terme de nuits sanglantes et de votes diurnes, et sa nouvelle extension « Crépuscule ». Il ne faut bien sûr pas non plus oublier l'incontournable Illumipoly, jeu de plateau où il faut acquérir et construire un maximum de rues d'Illumis.

Y a des médecins, des dentistes,
Des hommes d'affaire et des avocats
Ils sont tous fait de ticky-tacky
Ils sont tous tous tous pareils.


Un collègue me tire de mes réflexions, me désignant une pile de figurines de Pokemon.

- Tu pourrais m'aider à aller les déposer sur leurs étagères, s'il te plaît ? Les rayons se vident à une vitesse fulgurante, et j'ai à faire à l'autre bout du magasin…

J'acquiesce d'un mouvement de tête, avant de me rendre compte que la pile en question est un peu grosse pour moi. Tant bien que mal, je réussis à toutes les hisser sur mes bras, même si de façon bancale, afin d'éviter un aller-retour. Malgré mes précautions, l'une d'entre elle finit par glisser, rattrapée de justesse par un homme d'un quarantaine d'années.

- Hop, là ! Vous êtes sûre que ça va aller, mademoiselle ?

- Merci beaucoup, ne vous inquiétez pas, ça ira, le rassuré-je d'un sourire reconnaissant. Auriez-vous besoin de quelque chose ?

- À vrai dire, oui. Il paraît que les rollers reviennent à la mode ces temps-ci, vous pensez que cela ferait plaisir à mon fils de douze ans ? Je veux dire, ils ont vraiment du succès ? Avec les bons résultats de son dernier bulletin, je m'en voudrais de lui offrir quelque chose qu'il n'utilisera pas beaucoup...

Je lui réponds affirmativement, expliquant qu'ils étaient même vendus avec une notice des figures les plus simples, avant de lui indiquer le rayon. Car c'est vrai que ce que les enfants trouvent cool, ce sont les figures, pas les rollers eux-mêmes.

Et ils boivent sec des martinis,
Jouent au golf toute l'après-midi,
Puis ils font de jolis enfants
Qui vont tous tous à l'école.

Ces enfants partent en vacances
Puis s'en vont à l'université,
On les met tous dans des boîtes
Et ils sortent tous tous pareils.


Mes nombreuses boîtes de figurines Pokemon m'encombrant les bras et le champ de vision, je me fais soudainement bousculer par trois garçons aux environs de dix ans qui se courent après bruyamment, sans regarder autour d'eux.

- Gallame, à l'attaque ! s'écrie l'un d'entre eux en lançant une Pokéball fictive vers les deux autres.

- Attention ! leur reproché-je vainement, les garnements ayant déjà tourné dans l'allée suivante.

Je remarque d'un grognement la moitié de mes boîtes tombées par terre. Bah, il fallait bien que cela arrive… Je pose les boîtes restantes au sol pour y empiler les autres. Toutes son intactes, à part une figurine de Tarpaud dont l'antenne en spirale sur sa tête s'est brisée. Je soupire d'agacement. C'est malin, on ne peut plus la vendre maintenant. Cependant, à Noël, je ne peux pas rester longtemps de mauvaise humeur. C'est toujours amusant de voir ces enfants jouer aux dresseurs de talent, pleins de rêves et d'espoirs.

Les garçons font du commerce
Et deviennent père de famille,
Ils bâtissent des nouvelles boîtes,
Petites boîtes toutes pareilles.


Une fois les figurines déposées sur leurs étalages et la boîte blanche du Tarpaud sous le bras, j'interpelle une de mes collègues, qui travaille au magasin à l'année.

- Il y a un petit bout de cassé, qu'est-ce que j'en fais ? m'informé-je en désignant la petite boîte.

Après un coup d'oeil rapide, elle déclare d'un ton pressé :

- Jette-la aux poubelles, on ne peut rien en faire. Elles sont après la porte de derrière du magasin, au fond à droite. Mais dépêche-toi, on a besoin de toi aux emballages !

Puis ils règlent leurs affaires
Et s'en vont dans des cimetières
Dans des boîtes faites en ticky-tacky
Qui sont toutes toutes toutes pareilles.


En sortant, l'air frais me réveille de plein fouet. Même à l'extérieur, en cette fin de journée, l'atmosphère de Noël est omniprésente, et tous ces visages souriants sont là pour en témoigner. Les illuminations brillent de milles couleurs et se reflètent dans la neige, les enfants et les Pokémon fusent dans tous les sens, des boules blanches volant à leurs côtés. Les rires d'adolescents percent le brouhaha de la rue, les dresseurs câlinent leurs Pokemon, les couples marchent heureux côte à côte, les grand-mères s’emmitouflent confortablement dans leurs écharpes colorées.

Au milieu de ce tableau harmonieux, une personne ne profite pourtant pas de l'ambiance générale. Elle a finalement détaché son manteau rouge et ses bottines sont tachées de neige boueuse. Le bas de son pantalon est humide, elle grelote en jetant des regards désespérés autour d'elle. Je ne vois pas sa mère aux alentours, celle qui voulait une robe Fluvetin, pourtant reconnaissable à son long manteau rouge.

Je jette un œil à la figurine Tarpaud cassée que je tiens toujours à la main. Puisqu'elle est destinée à être jetée, je peux bien en faire ce que je veux, non ? Je m'approche doucement de la petite, la boîte blanche cachée derrière le dos.

- Euh… Bonsoir ? Est-ce que tu vas bien, Ta mère n'est pas avec toi ?

Elle hésite quelques secondes avant de me répondre. Je la comprends, on dit toujours aux enfants de ne pas parler aux inconnus.

- Maman m'a dit qu'elle revenait dans cinq minutes… Mais ça fait longtemps qu'elle est partie, déjà ! J'ai faim…

- Elle ne va sûrement pas tarder à revenir, alors, la rassuré-je d'un sourire. Je suis désolée, je n'ai rien à te donner à manger, mais j'ai peut-être quelque chose pour toi si tu aimes les Tarpaud !

Son regard s'illumine soudain à ce nom.

- Tarpaud, c'est mon Pokemon préféré ! C'est quoi, ce que t'as pour moi ?

Je lui tends alors la petite boîte avec un sourire d'excuse.

- Je suis désolée, l'antenne est cassée. Mais comme cela aurait été dommage de le jeter, je préfère te le donner. Tu l'aimes quand même ?

- Oh oui, merci beaucoup ! S'exclame-t-elle en me l'arrachant presque des mains. Il est trop cool !

Je ne sais pas vraiment pourquoi, mais un énorme sourire se colle également sur mon visage, comme si le sien était contagieux. Je reste quelques minutes à parler de Pokemon avec la petite, jusqu'à ce que la mère réapparaisse. J'échange quelques mots formels avec cette dernière, lui expliquant la situation et d'où vient la figurine. Elle n'a pas vraiment l'air ravie, mais peu importe ce qu'elle pense, seul le sourire de la petite compte à mes yeux. Elle n'a peut-être pas les mêmes goûts que les autres petites filles de son âge, mais c'est ce qui fait tout son charme, n'est-ce pas ? Peut-être qu'un jour, elle se détachera de la masse et elle sera connue, qui sait ? Enfin, je divague, à croire que je deviens vraiment une mamie sénile qui radote.

En parlant d'être sénile, je suis restée un peu trop longtemps dehors, non ? J'espère que personne ne l'a remarqué...


D'après Petites Boîtes, Greame Allwrigt