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Cause & Conséquences [OS] de Clafoutis



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Informations

» Auteur : Clafoutis - Voir le profil
» Créé le 28/11/2016 à 17:06
» Dernière mise à jour le 30/11/2016 à 14:51

» Mots-clés :   Drame

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Cause & Conséquences
Cosette

 Geh. Je m’ennuie. Vie morne, classique, pas intéressante. Oh, je n’ai pas une existence particulièrement malheureuse, j’ai un toit sous ma tête, je mange à ma faim, je bois à ma soif, etc, etc. Mais sinon, rien de spécial. Une passion ? Pas vraiment. Des amis ? Plus des camarades qu’autre chose. J’ai l’impression d’être ce genre de fille super banale qu’on trouve à n’importe quel coin de rue ou au début d’un roman pourri, et cette simple idée m’est insupportable !

Quel est l’intérêt de vivre si c’est pour vivre comme les autres ? Être une copie conforme de n’importe quelles autres gamines ? Pff. Mais qu’est-ce je pouvais y faire ? Je ne suis douée à rien, tout juste dans la norme. Je n’ai même pas d’argent !

Raaah ! J’en ai marre ! Je ne veux pas être banal ! Je veux être importante ! Je veux être comme ces types hyper célèbres qu’on voit à la télé ! Je veux qu’on parle de moi, tout le temps ! Appelez-moi égoïste, narcissique, ou ce que vous voulez, j’m’en fiche mais alors total !

Hé, vous voulez me dire que personne ne souhaite être reconnu ? Que chacun vie dans l’abnégation absolue ? Nope. On a tous ce désir de briller en société sans l’avouer aux autres. La base de l’hypocrisie quoi.

C’est décidé. Je dois être connue. Je dois être importante. Je dois être célèbre.

Demain, je commence le lycée. J’ai fait exprès de m’inscrire dans un établissement très éloigné de mon ancien collège, de façon à ce que personne là-bas ne me connaisse. L’endroit idéal pour commencer une nouvelle vie. Ma véritable vie.


____________________

Constant


— Et c’est alors que, tout d’un coup, les yeux de la princesse s’illumi… oh.

Un sourire attendri aux lèvres, je ferme délicatement le conte préféré de ma fille. Elle dort paisiblement dans son petit lit ; je réajuste doucement sa couverture. Je me lève sans faire de bruit, et, sur la pointe des pieds, je sors de sa chambre, non sans lui avoir murmuré un dernier ‘‘bonne nuit’’ avant de refermer la porte.

— Tu es vraiment un père formidable.

Ma précieuse femme m’attendait dans le couloir. Je lui souris, un peu embarrassé.

— Tu exagères…, marmonnai-je.

Sans un mot, mon épouse s’approche lentement, et soudain, m’enlace tendrement.

— Tu sais, me chuchote-t-elle, tes excès de modestie vont vraiment finir par m’énerver…
— Tu as une drôle de manière de t’énerver, ripostai-je.
— Et tu n’as encore rien vu.

Petit à petit, elle desserre en étreinte. Elle me prend malicieusement par la main et me mena de force vers notre chambre.

— Tu vas voir, à quel point je peux m’énerver…

Je laisse mon corps se faire entraîner, sans opposer la moindre résistance. Ma poitrine est chaleureuse. Je nage dans le bonheur, il n’y a pas d’autres mots. Une femme aimante, une petite-fille adorable, une situation stable, je ne pouvais rêver mieux. Je n’ai pas besoin de mieux. Je ne rêve que d’une chose, que cette vie dure pour l’éternité…


____________________

Cosette

 Yosh. Coiffure, impeccable. Vêtement, the best de ma garde-robe. Maquillage… j’ai fait de mon mieux. Je suis fin prête à casser la baraque !

Conquérante, je m’avance dans mon nouveau lycée. Comme prévu, je ne reconnais aucune tête. Parfait. L’opération ‘‘Célébrité’’ peut commencer dans des conditions optimales ! Enfin, pour l’instant, je dois régler les premières formalités. Déjà, dans quelle classe je suis…

Après quelques minutes de repérage, mes sens aguerris débusquent enfin le gros panneau informatif plantée au beau milieu de la cour. Il y est marqué le nom de tous les élèves du lycée ainsi que leur classe. Pratique. Pour ma part, je vois que je suis en 2nd-E. Cool. Et je dois aller en salle 2-16. Génial. Reste plus qu’à savoir où ça se trouve ! J’ai intérêt à me dépêcher, il ne reste plus que vingt minutes avant la première sonnerie…


***

 Tss ! Ma nouvelle vie commence super bien, ah ça oui ! Je suis déjà paumée ! J’ai l’air super intelligente là, à courir n’importe où pour trouver ma salle ! J’ai bien vu des plans de l’établissement, mais impossible de comprendre ces conneries !

— … tu es perdue ?

Une petite voix féminine attire brusquement mon attention. Je tache bien d’essuyer mes larmes de panique avant de me tourner vers elle.

— … un peu, ravalai-je ma fierté.
— Haha, le lycée est un peu grand, c’est vrai. Mais désormais, tu n’as plus rien à craindre ! J’ai eu l’honneur de visiter les lieux de fond en comble pendant la journée porte ouverte ! Dis-moi la salle que tu recherches, et je te la dévoilerai !

Un peu excentrique cette fille. Bah, si elle peut m’empêcher de louper mon premier cours, je n’ai rien à perdre.

— 2-16, lâchai-je.
— 2-16 ? Tiens, quelle coïncidence c’est aussi là que je vais !
— Drôle de coïncidence ouais, on dirait presque une facilité scénaristique…
— Taratata ! C’est le destin, moi je dis ! Suis-moi camarade, je ne te décevrai pas !

Je la suis, en gardant toutefois une distance de sécurité avec ce personnage beaucoup trop exubérant à mon goût.

— Dis, engage-t-elle la conversation. Tu viens d’où ? T’as pas l’air de Volucité !

Ça se voit autant que ça ?

— Arabelle, maugréai-je.

Moi qui voulais limiter tout lien avec elle, il fallait qu’elle me parle !

— Wouah ! C’est loin ! Hé mais attends, y a pas un lycée à Ogoesse ? Pourquoi tu n’y vas pas ?

Et en plus elle est curieuse ! Qu’est-ce que je peux répondre à ça ? Que je veux aller dans un endroit où personne me connaît pour commencer une nouvelle vie ? Autant porter une pancarte ‘‘Je suis pathétique, moquez-vous !’’ dans mon dos. Je voulais qu’on me regarde, qu’on m’admire !

Ma récente camarade me regarde de ses grands yeux innocents. Geh. Je dois répondre un truc, n’importe quoi !

— … c’est… ahem… c’est… non… ah ! C’était le lycée de ma mère !

Je n’ai jamais eu une grande imagination. Mais bon, comme je suis déjà lancée, autant continuer à patauger dans ma merde…

— C’est… une tradition chez nous ! Ce lycée a une énorme valeur sentimentale dans notre famille. Alors, même si j’habite loin, je me suis fait une obligation d’intégrer ce lycée si cher à … nos traditions, quitte à faire de long trajet chaque matin et chaque soir !
— Ooh ! Je vois, je vois ! C’est génial, c’est rare d’entendre des discours aussi passionnés de nos jours !

Hé. Elle a tout gobé ? Faut croire que je suis pas si naze que ça en fait ! Et même plus que ça, elle me regarde désormais avec une certaine admiration.

…ha.. haha…HAHAHA ! Alors c’est aussi simple ? Il suffit de raconter n’importe quoi pour être apprécié ?
Mais c’est magnifique ! C’est parfait ! Le monde a intérêt à se préparer, car la nouvelle Cosette est arrivée !


____________________

Constant

 La vie à Volucité est cher, ce n’est un secret pour personne. Mon travail et celui de ma femme suffisant à nous payer une vie convenable, mais rien de plus. Sauf que je veux le meilleur pour ma famille, pouvoir leur offrir des petits cadeaux, pouvoir garnir le frigo de mets les plus délicats…, en bref, pouvoir améliorer notre cadre de vie.

Pour cela, malheureusement, il faut de l’argent. Mais je ne veux pas non plus me perdre dans le travail, cela serait contre-productif. Je veux être présent pour les miens. Après réflexion, j’ai enfin trouvé la solution à ce problème, une solution qui n’aura aucun impact négatif sur nos vies : la vente de babioles.

J’ai hérité de pas mal d’objets de valeur au décès de mes parents. De grandes valeurs, à la fois pécuniaire et sentimentale. Le fameux service à thé de ma mère qu’elle ne sortait que dans les grandes occasions, la collection de timbres que mon père a mit des années à réunir, les vieux bijoux de familles qu’on se passait de génération en génération…

Uuh… rien que d’y penser, ma volonté vacillait. Non. Je dois être ferme. Dans chacun de ses objets, je peux revoir mille et un souvenir, mais justement, ce sont des souvenirs, du passé. Désormais, je dois construire un avenir, mon avenir, avec ma nouvelle famille. Pour cela, je suis prêt à tous les sacrifices.


***

 Et me voici, sortant de chez mon dernier acheteur, des liasses de billets entre les mains. Je ne peux m’empêcher de ressentir une certaine culpabilité. Si mes parents me voyaient, ils auraient honte. Tant pis. J’ai décidé de repartir à zéro depuis leur mort. Je n’ai plus de passé, mais j’ai un avenir.

— … n’est-ce pas, Tarsal ?

Je caresse doucement la tête de mon Pokémon de compagnie, toujours assis sur mon épaule. Sa présence me rassure, j’ai l’impression qu’il me comprend sans me juger. C’est bête dit comme ça, mais j’y tenais.

— … allez, ce n’est pas tout ça, il est temps de retourner bosser…

Le cœur lourd, je me dirigeai vers le métro, bondé, comme à son habitude. Volucité ne se repose jamais. Je prends grand soin de protéger mon argent. Ici, les petits criminels fourmillent. Je ne suis pas spécialement paranoïaque, mais de tristes cas sont répertoriés chaque jour dans les journaux. Prudence est mère de sûreté.

D’ailleurs, il y a autre chose qui m’inquiète. Ça ne me concerne pas directement, mais il paraît qu’un pervers traîne dans le coin, un sale type qui profite que le métro soit bondé pour… faire ses affaires. L’ignoble individu ! J’avais peur, surtout quand je pense que ma femme prend aussi le métro pour se rendre à son travail. Pour l’instant, elle ne s’est plainte de rien, alors peut-être que je m’inquiète également pour rien mais…

— … gnn !

Alors que je m’apprêtai à rentrer dans un wagon, un petit choc me repousse brusquement ; mon Pokémon sur mon épaule vacille dangereusement.

— Excusez-moi, je suis pressée ! Oh, mignon votre Tarsal ! Au revoiiiir !

Une jeune lycéenne, l’origine du choc, baragouine quelques phrases avant de partir en courant. Ah la jeunesse, toujours sur le qui-vive ! Soudain, l’alarme signalant la fermeture des portes me ramène à la réalité. Pfiou, quelques secondes de plus et je le ratais ! Mon patron est assez rigoureux concernant les horaires, un retard ne serait pas pardonnable…


____________________

Cosette

 Hahaha ! C’est juste trop facile ! Les gens sont si stupides ! Je peux dire n’importe quoi, plus c’est gros, plus ça passe ! Rien que pour mon Pokémon, ça m’a toujours fait un peu chier de n’avoir qu’un Ratentif – faut dire que ce n’est pas un Pokémon très reluisant. Ce n’est pas non plus de ma faute si je suis si naze en capture ! J’ai beau multiplier mes efforts, y a que les rongeurs qui acceptent de rentrer dans mes Pokéball et encore, après un âpre combat.

Bref, mon Ratentif dont j’avais honte est devenu l’une de mes armes principales. J’avais brodé une petite histoire de comme quoi je l’avais trouvé abandonné et affaibli sous un pont, et que je n’eus pas le cœur à le laisser mourir, alors je l’avais accueilli et soigné comme si ma vie en dépendait…, un truc du genre !

Le meilleur dans tout ça, c’est que certains crétins me laissent gagner pendant les cours de combat, pour récompenser ma gentillesse et ne pas accabler mon ‘‘pauvre’’ Pokémon ! C’est juste le paradis.

Le mensonge embelli tout. Pourquoi suis-je en retard ce matin ? C’est simple monsieur, c’est parce que sur le chemin, j’ai croisé une petite fillette qui avait perdu son Chacripan. Alors vous comprenez, je ne pouvais pas la laisser en pleur ! Je l’ai donc aidée à le retrouver, en sachant que je risquais de me faire punir au lycée.
Et là BAM ! Instant Respect ! Regards larmoyant de mes camarades, et le prof qui passe l’éponge. J’ai déjà dit que c’était trop facile ?

Dans les couloirs, je peux constater les fruits de mon œuvre. Je suis connue. Ma réputation de bonne samaritaine a fait le tour du lycée. Tout le monde me regarde, moi, moi et personne d’autre ! Aaah… c’est si bon !

Mais il y a une ombre au tableau. Un truc vraiment pas cool que je peux difficilement ignorer, surtout si on me le rappelle sans arrêt. Ce qui m’amène à la situation où je me trouve actuellement, avec mon prof principal.

— Cosette, hésite-t-il, j’ai bien conscience de votre situation familiale, votre père qui a perdu son travail et votre mère dépressive…

Ah oui, j’ai dit ça aussi. C’est évidement faux, mais j’ai remarqué qu’avoir un background triste attire vachement la sympathie. En plus, aucun risque d’être découvert vu que mes parents habitent à Arabelle et que c’est moi qui m’occupe des machins administratifs pour le lycée.

— Toutefois, reprend-il, notre établissement possède certaine exigence, et malheureusement, vos résultats sont loin de s’y plier.

Geh. Voilà. Mon big problème. Je suis naze niveau étude. J’ai beau m’inventer des circonstances atténuantes, un bon gros zéro restera un bon gros zéro.

— Je comprends…, marmonnai-je d’un ton faible. Je vais essayer de remonter la pente… je vous jure que d’habitude, je suis bien meilleure ! Mais avec les circonstances actuelles…

Y a pas à dire, je suis devenue une pro à ce petit jeu. Je peux presque voir le prof fondre intérieurement devant moi !

— Cosette…, geint-il. Je ne peux que compatir aux épreuves que vous subissez, cependant, la direction est loin de partager des idéaux humanistes…

Mmh, c’est un cas difficile. Je peux faire pleuvoir des torrents de larmes, ça ne me sert strictement à rien contre ce fichu système de note ! Sauf si… sauf si je trouve quelque chose de suffisamment grave pour tout excuser. Un truc vraiment énorme qui fait tout passer comme une lettre à la poste !

Tiens, maintenant que j’y pense, il y a cette histoire qui fait grand bruit à la télé, peut-être que je peux l’utiliser à mon avantage… Yosh ! C’est décidé. Allez, vas-y ma Cosette, c’est le moment de montrer ce que t’as sous le capot !

— … monsieur, fis-je de ma voix la plus fébrile. J-Je ne vous ai pas tout dis, en vérité. V-Vous voyez, il… il y a une autre raison à mes problèmes… j-je sais que j’aurais dû vous en parler avant mais… j-j’ai honte…

Le professeur se crispe instantanément. Yay ! Ça c’est de l’effet réussi ! Alors ? C’est qui la plus forte ? Hein ? Hein ?

— J-Je suis là pour vous aider, bégaie-t-il. Le corps enseignant n’est pas là pour vous juger, nous n’avez pas à avoir honte.

Mon instinct de garce me dit de tourner encore un peu autour du pot. Il faut vraiment qu’il boive mes paroles, pour cela, je dois le préparer au maximum !

— C’est difficile…, traînai-je. C’est… oh… snif…
— C-Calmez vous, je vous prie…

Capacité spéciale enclenchée : les larmes de Crocorible ! J’ai développé cette technique fort pratique au terme d’un entraînement rigoureux devant mon miroir. Et franchement, apprendre à pleurer sur commande m’a déjà ouvert bien plus de portes que toutes mes années d’études !

C’est mon coup de grâce. Ce pauvre prof ne sait déjà plus où se mettre ; il est paniqué et transpirant. En bref, mûr à souhait.

— O-Oui, vous avez raison, continuai-je. V-Vous me promettez de ne pas vous moquer ?
— Vous avez ma parole.
— … t-tous les matins je prends le métro pour venir jusqu’ici. J-Je n’ai pas le choix, j’habite loin… v-vous avez entendu parler de cet incident aux infos ?
— … l’incident ?
— Oui, je veux parler de… de l’agresseur du métro.

Je prends une petite pause, le temps de conclure mon effet.

— C-Ce… ce pervers, assénai-je, il… il m’a pris pour cible. T-Tous les jours… il… il…
— … !!

Et je fonds en larme. Hé. Une fille en pleure qui se plaint d’un agresseur. Il y a-t-il une chose plus apitoyant que ça ? En face, je crois que mon pauvre interlocuteur est sur le point de faire une crise cardiaque. C’est sans doute la première fois qu’il se retrouve confronté à ce genre de cas.

— Cosette…, j-je… je suis désolé…
— Chaque jour… j’ai peur… il… me touche… je ne peux rien faire… je… je… j’ai honte… je me sens sale…

É-NOR-ME silence gêné. Bah, je ne lui en veux pas, faut dire que j’ai fait fort. Mais on dirait bien que j’ai réussi mon coup. Le sujet des résultats scolaires a été mais alors totalement occulté ! Aux chiottes les notes ! Héhéhé, c’est trop facile…

— Il faut aller voir la police.

Le prof s’est levé brusquement, le regard ferme. Mh. Je crois qu’il vient de dire un truc assez dangereux là, mais c’est sans doute mon imagination…

— Le cas est bien trop grave pour être ignoré, les autorités sauront quoi faire.

… ah non, ce n’était pas mon imagination. Zut de zut ! Je fais quoi maintenant ?! La police ? Je n’avais pas prévu ça !

— J-Je ne sais pas… c-c’est difficile…
— Je suis désolé d’insister autant, mais c’est un cas de force majeure. Pensez à toutes ces femmes qui sont dans votre cas, qui subissent les humiliations de ce malfaiteur. Vous possédez peut-être un indice qui pourra aider la police à l’arrêter et ainsi, sortir toutes ces femmes de leur souffrance.

Oh shit. Il est sérieux en plus. Que répondre à ça ? Si je refuse, je passerais pour une petite fragile – chose impensable pour ma réputation ! Du coup, je n’ai plus qu’un seul choix possible…

— D-D’accord…, cédai-je.


____________________

Constant


— Oh mon chéri, c’est trop !
— Haha, rien n’est trop beau pour toi voyons.

Comme je l’ai prévu, mon cadeau eut l’effet escompté. Des semaines que je voyais ma femme s’extasier devant cette robe, et maintenant, j’ai enfin eu la possibilité de l’acquérir. Je n’ai plus aucune culpabilité à présent, tous les trésors de ma famille valent bien le sourire embellissant ma sublime épouse.

— Et ce n’est pas tout…, m’amusai-je.

Je me tourne vers ma fille, et lui présente un joli petit paquet bien emballé.

— C’est pour toi ma petite.
— Vraiment ?! bondit-elle. T’es vraiment génial Papa !
— Haha, mais non, c’est tout naturel.

L’argent contribue au bonheur, c’est certain. Évidemment, il ne fait pas tout, mais avec son aide, les sourires ne sont que plus beaux. L’argent n’est qu’un outil après tout, et j’ai confiance en mes capacités à bien pouvoir le gérer.

Mais assez de réflexion pseudo-philosophique ; je ne vais pas me laisser polluer l’esprit par des inquiétudes infondées ! Je préfère me laisser envahir par le nuage de bonheur. Une famille heureuse, comblée, qui ne manque de rien. De quoi pouvais-je rêver de plus ?

Subitement, quelqu’un sonne à la porte. Le bruit soudain brise l’harmonie ambiante.

— Tu attends quelqu’un ? s’étonne ma femme.
— Non, personne. Je vais aller voir.

C’est étrange. Il doit être 19 heures et nous n’avons pas de connaissance dans le coin. Qui cela peut-il bien être ? Mh, je serais rapidement fixé de toute façon. Inquiet, je tournai la poignée et ouvrit la porte. Je me retrouve nez à nez avec deux grands hommes en uniforme à l’air sévère. Des policiers ? Il y a un problème ?

— Vous êtes bien Arnor Constant ?

Ils sont intimidants. Je déglutis malgré moi.

— Oui, c’est bien moi…
— Monsieur Arnor Constant, vous êtes en état d’arrestation.
— … pardon ?
— Veillez nous suivre, tout ce que vous pourrez dire pourra et serra retenu contre vous.
— Qu…

Sans plus de procès, un policier me force une paire de menottes et me pousse à les suivre. L’envie de protester est intense, mais l’incompréhension est si écrasante que je reste pétrifié.

— Chéri ?!

Soudain, le cri affolé de ma femme me procure comme un électrochoc. Je tente de me retourner vers elle, mais les policiers renforcent leur violente poigne.

— T-Tout va bien ! hurlai-je néanmoins. J-Je serais bientôt de retour !

J’essaie de la rassurer, mais moi même je ne le suis pas. J’ai l’impression de vivre un cauchemar éveillé, je sens mon corps se faire emporter loin de ma famille…, je ne veux plus qu’une chose, me réveiller…


***

 Ils m’ont amené dans une salle d’interrogatoire. J’ai froid. Je ne comprends rien. Je suis dans le brouillard total. Ils m’ont laissé là, dans cette pièce, seul. J’attends, sur cette chaise inconfortable, les mains attachées. Ma vision est obscurcie, mon corps semble chuter perpétuellement. Je dégouline de sueur, c’est insupportable ; ma transpiration coule sur mes yeux et les brûle. Mes mains sont poisseuses, le contact de l’acier m’irrite la peau.

Qu’est-ce que je fais ici ? Je ne sais pas. Je tente de trouver une réponse, mais rien. Les policiers ont débarqué chez-moi en début de soirée, et m’ont embarqué sans aucune explication. Pour supporter cette épreuve, je pense à ma femme et à ma fille. Oui, bientôt, les policiers remarqueront leur erreur et me libéreront, et je pourrais enfin retrouver ma chère famille, qui m’attend certainement avec le sourire.

La lourde porte grince atrocement ; deux policiers entrent vivement. L’un s’assied sur une chaise en face de moi et l’autre s’installe contre le mur.

— Monsieur Arnor, crache presque l’homme en face, vous savez pourquoi vous êtes là, n’est-ce pas ?

Je n’ai plus beaucoup de force, mais je sais que c’est le moment ou jamais de clamer mon innocence.

— … non, répondis-je. J-Je ne sais pas, vous faites certainement une erreur…

Le policier appuyé sur le mur éclate brusquement de rire et se rapproche de moi.

— Vous manquez pas de culot vous ! pouffe-t-il. Après tout ce que vous avez fait !
— J-Je ne sais pas de quoi vous parlez ! m’énervai-je. J-Je suis innocent !
— Mais oui, mais oui, soupire le policier assit. Et les agressions dans le métro, ça ne vous dit rien, aussi ?
— … les agressions ?

Comme amusé, le policier debout frappe plusieurs fois dans ses mains, sarcastique.

— Oh ! Mais c’est qu’il joue bien la comédie le salaud ! On dirait presque qu’il est vraiment surpris !
— Treize, asséna l’autre homme. C’est le nombre de femmes que vous avez agressé.
— Vous êtes doué, mon vieux ! Les douze premières ont été incapables de vous voir, mais vous avez merdé pour la treizième ! Elle vous a formellement identifié, hé oui ! Vos vêtements, votre visage, et même le Tarsal qui est d’habitude sur votre épaule !
— La partie est finie, il est temps de payer.

J-Je suis accusé d’être l’agresseur du métro ? R-Ridicule ! J-Je ne sais quoi répondre. Un cauchemar, je suis dans un cauchemar ! E-Et ces policiers, ils me croient coupable, sans aucun doute. Je ne peux strictement rien dire, plus je clame mon innocence et plus ma culpabilité semble avérée…

— On est sur l’affaire depuis longtemps vous savez, reprend le policier assis. Le coupable utilise un Pokémon possédant trois capacités stratégiques. Entrave pour paralyser la victime, Hypnose pour supprimer une partie de leur souvenir, et Teleport pour fuir en cas d’urgence.
— Entrave, Hypnose et Teleport ? s’exclame l’autre policier d’un ton faussement étonné. Quelle coïncidence ! Ce sont des capacités que peuvent apprendre les Tarsal ! Étrange, n’est-ce pas ?
— N-Non…, tentai-je de riposter. C-Ce…
— Arrêtez, soupira le policer assis. Toutes les preuves sont contre vous, nous n’avons même pas besoin de vos aveux.

Comme pour prouver ces dires, le policer se leva et sortit de la salle, me laissant seul avec l’autre.

— Allez, maintenant, on peut tout ce dire, hein ? s’avança le policier restant. Comment c’est, de toucher le cul des petites minettes qui ne peuvent pas se défendre ? Jouissif, je me trompe ? Pouvoir passer vos sales mains sur leur courbe juvénile, pouvoir sentir leur tremblement, leur peur, se sentir puissant… ça doit vachement flatter l’égo, hein ?
— N-Non… vous vous trompez, ce n’est pas moi…
— Toujours dans votre rôle d’innocent ? Vous ferez un excellent acteur ! Vous devriez y penser à votre sortie de prison, enfin, si vous y survivez. Les mecs là-dedans sont pas très sympa avec les violeurs, parce que oui, même si vous n’avez fait ‘‘que’’ des attouchements, vous serez traité comme un connard de violeur en taule.

L-La prison ?! Je risque la prison ? I-Impossible ! P-Pourquoi ? Pourquoi ne veulent-ils pas comprendre ? Pourquoi ces horreurs me tombent dessus ?! Alors que je pensais enfin pouvoir reprendre ma vie en main !


____________________

Cosette

 Zut. Zut ? J’en dirais même plus : shit. Je crois que j’ai fait une petite boulette. Ce prof un peu trop zélé m’avait directement amenée chez les flics et sous la pression, j’ai sorti un truc au hasard, enfin presque. Je me souvenais vaguement de ce type, contre qui je m’étais cogné en sortant du métro hier matin. Il était assez marquant avec son Tarsal sur son épaule ! Du coup je l’ai décrit en long et en large…

Je viens de voir aux infos que la police l’avait appréhendé. Eh bah, on a beau dire, ils sont rapides les flics ! Je suis quand même un peu mal pour lui. Je veux dire, et s’il est innocent ? Mais s’il est innocent, les flics le remarqueront et le libéreront, non ?

D’un autre côté, paraît que ce mec correspond pas mal au profil du pervers, alors peut-être que c’est lui en fin de compte. Dans ce cas, j’ai fait une super bonne action ! Yay !

Et puis, en y réfléchissant, qu’est-ce que j’en ai à faire ? Il y a des milliards de types sur cette terre, ‘doit en avoir des tas qui souffrent à l’heure actuelle, des tas qui sont accusés plus ou moins injustement. Ça m’empêche pas de dormir ! Ça empêche personne de dormir ! J’uis pas une sainte moi, je vais pas m’apitoyer pour les malheurs des autres !

Bon, après, dans mon cas, je suis peut-être à l’origine de ce dit malheur.

Raaah ! Pourquoi je suis allé raconter tout ça aussi moi ?! Prétendre être victime d’attouchement dans le métro ? Ouais, super Cosette, la meilleure idée de l’univers ! T’en as d’autres des comme ça ? Pff, qu’est-ce que tu peux être idiote des fois !

Le pire, c’est que tous les projecteurs sont braqués sur moi à présent. La police me demande chaque jour, y a des journalistes aussi qui campent devant chez moi. Diantre ! J’ai dit que je voulais être regardé, mais pas comme ça ! On risque de découvrir tous les mensonges que j’ai déblatérés, faut que je prépare des ‘‘contre-mensonges’’ pour m’en sortir au cas où… galère !

Allez, ma philosophie est de voir les bons côtés des choses. Au moins, au lycée, je suis devenue la star des stars, la femme qui a – ou va – mettre le pervers du métro sous les verrous ! J’ai même reçu une lettre immense signée de TOUTES les filles du lycée qui me remercie de mon témoignage !

Finalement, je m’en sors bien pour l’instant. Pourvu que ça dure !


____________________

Constant

 Plus le temps passe, et plus mes espoirs disparaissent. Ils viennent encore d’appuyer ma culpabilité. Ils ont fait venir mes prétendues victimes qui ont toutes affirmées que j’étais leur agresseur. Stupide. Il y a peu, elles étaient incapables de se souvenir du moindre détail du criminel, et maintenant, elles peuvent l’identifier avec précision. Cette affaire est une blague. Ils veulent m’envoyer en prison le plus rapidement possible, quitte à griller toutes les procédures.

Deux jours qu’ils me gardent ici, dans le mépris le plus total, en attente de mon procès. Je vis désormais dans une cellule en sous-sol. Haha. ‘’Vis’’ est un bien grand mot. J’existe simplement, sombrement. Les sensations ont quitté mon corps. Le froid. La peur. La douleur. Le désespoir. Rien de tout cela. Je n’ai désormais plus qu’un vide extrême et infini.

Quelquefois, un garde me rend visite. Il paraît que sa fille a été l’une des victimes du criminel. Il a reçu la permission des autres policiers de me passer à tabac quand il le veut, il ne doit juste pas viser mon visage ou d’autres parties de mon corps qui ne sont pas dissimulés par mes vêtements. Il ne s’en prive pas. Il est venu tout à l’heure, lui et son Machopeur. Ils ont dû me ranimer après son passage. Je le comprends. Moi aussi je réagirais de la même façon si on touchait à ma fille.

Soudain, j’entends des bruits de pas qui se rapprochent. Encore lui ? Non, d’habitude il vient seul. Deux policiers s’arrêtent devant ma cellule.

— Vous avez de la visite, lâche froidement l’un d’entre eux.


***

 Mon cœur s’affole brusquement. Je ne l’attendais plus. Ma femme. Enfin je peux la revoir. On est séparé par une vitre, mais rien que le fait de la savoir près de moi me redonne des couleurs ; et peut-être même le sourire.

— …
— …

On reste un long moment à s’observer mutuellement, sans savoir quoi dire. Cela me va. Je m’abreuve de sa présence, j’y puise toutes les forces qui m’ont été injustement dérobées.

— … est-ce vrai ?

Et le coup de tonnerre. Sa voix si douce, si tendre, si passionnée, elle sonne maintenant aussi froide que celle des policiers. Le choc me fit frissonner et grincer des dents.

— Tu es l’agresseur du métro ?
— Non ! m’écriai-je. Bien sûr que non !

Nouveau silence. Écrasant.

— Comment veux-tu que je te crois ? Les victimes t-ont reconnu. Ton Tarsal possède les capacités qui correspondent. Tu prends le métro tous les jours.
— C-Ce ne sont que des coïncidences ! Je t’en supplie… j-je t’aime ! Tu es tout ce qu’il me reste, avec notre fille…
— … je suis désolée.

Le sol s’ouvre à nouveau sous mes pieds. Je peux supporter que le monde entier se retourne contre moi, mais elle… elle… ma femme…mon amour… celle avec qui j’espérai finir ma vie…

— Je ne te fais plus confiance, m’assomme-t-elle. Notre fille… j’ai peur que tu puisses lui faire du mal. Je tiens à elle plus que tout au monde. Et toi… tu… tu es un criminel. Pendant que je me tuais au travail pour nous ramener un salaire, toi… toi ! Tu étais dans ce fichu métro, à violer ces filles ! Et tu veux que je te fasse encore confiance après ça ?!
— T-Tu te trompes…
— Épargne-moi tes mensonges. Tout prend sens maintenant. Quand tu disais vouloir une fille, c’était pour pouvoir abuser d’elle plus tard, n’est-ce pas ?!
— … !! C-Comment…
— Et tous ces cadeaux récents, c’est pour atténuer ta culpabilité, n’est-ce pas ? Aucun homme ne fait autant de cadeaux s’il n’a rien à se faire pardonner.
— Non ! Je voulais juste vous faire plaisir…
— Hé bien c’est réussi ! … je crois qu’on a plus rien à nous dire. Tu me dégouttes. Incapable d’avouer tes crimes. Je n’ai qu’une joie, que la vérité ait éclaté avant que tu ne puisses toucher à ma fille. Adieu.

Elle se lève. Elle fait signe aux gardes. Elle s’en va. Un policier me soulève. Il me force à le suivre. Je reviens dans ma cellule.

… ha...hahaha… c’est… c’est trop. Beaucoup trop. Ma femme, avec laquelle j’ai passé les plus merveilleuses années de ma vie, qui m’a offert une adorable petite fille, elle… m’abandonne. Elle me laisse seul. Sans elle, plus rien n’a de sens. Elle m’a dit adieu. Je ne la reverrais plus jamais. Ni elle, ni ma fille.

– AAAAAAAAH !!

Je laisse toute ma rage s’échapper, mes larmes coulent à flot, je fracasse mes poings contre le mur. Le bruit attire des gardes qui me tabassent pour me calmer. Je n’ai pas la force de riposter. Le désespoir a pris le dessus, je ne contrôle plus mon corps.

Mon cœur est en train d’exploser.


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Cosette

« Ce matin, le corps d’Arnor Constant a été retrouvé sans vie dans sa cellule. Selon nos rapports, il se serait asphyxié en avalant sa langue. Arnor Constant qui était, rappelons-le, le principal suspect concernant l’affaire de l’agresseur de métro. Déjà, les familles des victimes crient leur colère face à la négligence des forces de l’ordre ; beaucoup s’insurgent que le crime ne pourra jamais être puni et… »

Je me détourne de la télé. Autour de moi, mon père et ma mère, inquiets.

— Cosette, s’enquit ma mère. Tu vas bien ? Toi aussi… enfin…
— Ne la brusque pas, intervient mon père. Elle vit un moment difficile. Nous devons être patients.

Eux aussi, ils ont cru à mon mensonge et me pensent victime de cet homme. Ça me rend un peu mal à l’aise mais bon, je m’adapte et j’évite le sujet. C’est assez facile, en jouant la fille torturée, je décourage pas mal de gens de venir me parler d’agression.

Alors comme ça, ce type s’est suicidé, hein. Shit. C’est de ma faute. Si je ne l’avais pas dénoncé, il serait encore pépère en ce moment même. Mais s’il s’est suicidé, c’est qu’il avait quelque chose à se reprocher, non ? Avec un peu de chance, c’était vraiment le coupable et la région est débarrassée pour d’un pervers pour de bon !

C’est assez drôle quand j’y pense. Je suis la cause de tout ce qui est arrivé à ce type, et lui, n’en saura jamais rien. C’en est presque effrayant. Tu vis une vie tranquille, et d’un coup, un inconnu arrive et la détruit sans que tu ne puisses rien y faire.

Hahaha… au moins, comme il est mort, les journalistes et la police arrêteront de me harceler. Je resterais l’héroïne admirée de tous au lycée sans avoir à me mouiller d’avantage. Une bonne chose.

… mais si ce type était vraiment innocent ? En le dénonçant à la police, c’est comme si je l’avais tué, non ? C’est…

Tss. Voilà que je me mets à jouer les sentimentales. Non Cosette, il faut passer à autre chose ! Tu l’as dis toi-même, il y a des milliards de gens dans ce monde, et tout plein qui meurt chaque jour ! Il ne faut pas se laisser atteindre, il faut avancer.

Je n’ai pas tué ce Constant. C’est lui qui a sauté le pas. Il a été trop lâche pour combattre et a préféré se suicider. Il était faible, c’est tout. Peut-être que j’étais la cause, mais il n’avait qu’à supporter les conséquences. S’il était innocent, il aurait dû le faire savoir, point. Je n’ai rien à me reprocher.

Bon c’est pas tout ça, mais faut que je bosse sur mon devoir de math. Si j’ai une encore un bulletin merdique, l’excuse de l’agresseur du métro ne marchera plus, haha ! Et si j’arrive à me taper la super note alors que je suis censée être dévastée par ma supposée agression, je serais encore plus admirée ! Yay ! Ça y est ma motivation revient !

Avec un petit sourire à mes parents, je me lève du canapé et me dirige vers ma chambre. J’ouvre ma porte, j’entre, et je referme. J’allume la lumière, m’installe sur mon bureau et sors mes affaires. Geh. Les exercices à faire sont sacrément chelous, j’y pige que dalle… et…

… tiens ? Pourquoi mon cahier est mouillé ? … et pourquoi des gouttes continuent de tomber dessus ? Hé mais… je… je pleure ? Pourquoi… ? C’est incompréhensible… et cette boule au ventre… Mais qu’est-ce qui m’arrive bordel, ça ne me ressemble pas…

Soudain, je me sens faible. Je me lève de ma chaise, et comme instinctivement, je me dirige vers ma fenêtre. Je contemple le ciel nocturne. Pff, on dirait une petite gamine en détresse.

… Arnor Constant. Ce nom ne cesse de raisonner dans mon crâne.




Non. Cosette, soit forte. Ne laisse pas ce type te gâcher ta vie. Oublie-le. Tu es encore jeune. Personne ne sait ce que tu as fait. Personne ne le saura jamais.


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~ Cosette – Vingt ans plus tard ~


 Il fait sacrément chaud ici, je devrais penser à installer la clim. Geh. Si seulement j’en avais les moyens. Quand j’ai débuté ma carrière d’avocat, j’étais à mille lieux de m’imaginer tous les tracas qui me tomberaient dessus.

Je n’ai pas vraiment à me plaindre du métier, je l’adore. Mentir à plein poumon pour arriver à ses fins, tordre les faits dans tous les sens pour en retirer sa vérité, c’est tellement bon !

Non, ce qui m’embête, c’est que je suis seule. Je ne voulais pas travailler dans un autre cabinet. Attendez, moi ? Être sous les ordres d’un autre ? Jamais ! Je préférais me la jouer patronne. Toutefois, ce faisant, je limitais ma marche de manœuvre. Je suis obligée de refuser de gros dossiers pour problème technique. Et ça, c’est pas bon pour la réputation et les finances.

Bref, c’est pour ça que je recrute désormais. D’ailleurs, j’ai aujourd’hui un rendez-vous avec ma potentielle future assistante. Je me suis coiffée spécialement pour l’occasion ! J’ai aussi placé mon Miradar bien en évidence sur mon bureau. Ses yeux rouges imposants ont de quoi intimider, et je veux que mon assistante soit capable de supporter la pression. C’est une nécessité pour ce job.

15h00. L’heure prévue et… ah, j’entends quelqu’un qui frappe à la porte. C’est sûrement elle. Ponctuelle à ce que je vois, j’aime ça.

— Entrez !

La porte s’ouvre timidement. Une jeune femme pénètre mon antre et me salue. Selon son dossier, elle vient à peine de terminer ses études de droits. Un bout de viande lâché dans ce monde impitoyable. Mais j’ai appris à ne pas sous-estimer les jeunes, ils peuvent faire preuve d’une fougue déstabilisante et rafler pas mal d’affaires importantes. Moi-même j’étais comme ça au début.

Je la prie de s’asseoir en face de moi et elle s’exécute. Mon Miradar la fixe intensément. Elle semble se crisper mais ne baisse pas la tête. Bien ça.

— Mademoiselle Arnor Emily, c’est bien cela ?
— Oui.

Mmh… encore ce sentiment. Arnor…, je suis persuadée d’avoir déjà entendu ce nom quelque part… tant pis, ça me reviendra en temps et en heure.

— Parlons peu, parlons bien, repris-je fermement. Pourquoi devrais-je vous engager dans mon cabinet ?
— … eh bien, je suis motivée, compétente, disponible et… et j’ai terminé major de ma promo !

Geh. Je suis sûre que si on tape ‘‘Que dire à un entretien d’embauche’’ sur Google, on retrouve à peu près tout ce qu’elle vient de me sortir, mis à part la fin. D’ailleurs, je sais très bien qu’elle est major, j’ai quand même lu son CV ! soit elle fait la prétentieuse, soit elle est si stressée qu’elle en oublie les bases.

— Que de qualités, ne pus-je m’empêcher de sourire. Mais comprenez, il y a énormément de jeunes incroyablement motivés, compétents et disponibles sur le marché. Qu’est-ce qui vous distingue ? Mis à part le fait que vous soyez major d’une petite université qui ne fait qu’inculquer des connaissances bien loin de la réalité du terrain, évidemment.

Oulah, j’y suis peut-être allée un peu fort. Elle transpire tellement que ça ne m’étonnerait pas que mon local se transforme en piscine tout d’un coup !

… ah, non, elle se calme. Elle reprend sa respiration. Bon, elle se laisse parfois aller, mais elle peut se ressaisir visiblement.

— Oui, il y a une chose qui me distingue, répond-elle vivement. Mon désir de justice.
— Voyez-vous ça, m’intéressai-je. Dites-m’en plus.
— J’ai encore honte de l’avouer, mais cela fait partie de mon histoire. Je suis la fille d’un criminel. Arnor Constant, il était connu comme était ‘‘l’agresseur du métro’’ il y a vingt ans. Il profitait de l’afflux constant pour commettre ses méfaits sur de jeunes femmes et lorsqu’il a enfin été attrapé, il s’est suicidé, sans doute rongé par la culpabilité.

… Arnor Constant ? … l’agresseur du métro ? … non, ce n’est pas possible… soudain, des vagues de souvenirs me reviennent. Mon lycée, mon professeur principal, la police, mes mensonges…

— Mon enfance a été loin d’être un long fleuve tranquille, continue Emily. Ma mère est tombée en dépression, et les autres nous haïssaient. Je ne compte même plus les menaces de morts que nous avions reçues, les appels anonymes, les tags haineux sur notre porte. Tout cela à cause des fautes de mon père. J’ai vécu dans cet enfer. Je n’en plains pas, car c’est certainement à cause de cela que je suis devenue la femme que je suis aujourd’hui.

Intérieurement, je lutte vaillamment pour ne pas éclater de rire. Il n’y a plus aucun doute. Arnor Emily, fille de Arnor Constant ! Le hasard est décidément bien cruel…

— Plus je subissais la rage d’autrui, et plus ma volonté s’aiguisait. Je devais combattre pour la justice. Voyez ça comme une forme d’expiation des fautes de mon père. En agressant ces femmes innocentes, il les avait salies à vie. C’est un monstre. Et moi, je veux la justice. Je veux combattre, toute ma vie, pour que la justice triomphe. Pour que plus jamais, des victimes ne voient leur bourreau échapper à leur châtiment. Je veux redonner l’espoir, autant que mon père semait le désespoir. Vous voyez le bracelet que je porte ? C’est mon père qui me l’avait offert avant son arrestation. C’est mon fardeau, le poids que je porterai toute ma vie et qui me rappelle sans cesse mon devoir.

Hahaha ! C-C’était trop ! Des larmes joyeuses coulent sur mes joues, je m’empresse de les essuyer avant qu’elle ne le remarque. C’était dingue. La voir traiter son père comme un criminel de la pire espèce, alors qu’en fait, c’était moi qui l’avais accusé et sûrement à tort !

Je m’en souviens à présent. J’ai suivi l’affaire après la mort de Constant. Trop de trucs ne collaient pas. Déjà, toutes les victimes qui s’accordent tout d’un coup sur un coupable alors qu’auparavant elles disaient se souvenir de rien. La partialité évidente des policiers. L’acharnement de la presse. Pour moi c’était évident : il fallait un coupable et Arnor Constant était le type idéal. Et comme preuve finale, d’autres affaires d’attouchement ont été recensées après sa mort ! Sauf que le véritable coupable n’était pas fou, au lieu de continuer ses crimes dans le métro, il a changé de lieu de ‘‘travail’’. Et puisque les agressions n’avaient plus lieu dans le métro et que le coupable officiel était décédé, personne n’a eu l’idée de faire le lien. Voilà toute l’histoire.

Emily me regarde droit dans les yeux, sans doute en attente de ma réponse. Elle est marrante cette gamine. Si elle savait que son père est innocent et que je suis celle qui est à l’origine de tous ses malheurs…

— Vous m’avez convaincue, posai-je en réprimant un rire furieux. Arnor Emily, bienvenue dans mon cabinet !
— V-Vraiment ? s’étonne mon interlocutrice. J-J’ai eu peur un instant, j’ai cru que j’en faisais trop avec mon histoire…
—Au contraire, votre histoire fut très intéressante. Et j’ai hâte de travailler avec vous, mademoiselle Arnor.
— Moi de même !

Cette naïveté typique des jeunes, je sens que je vais beaucoup m’amuser avec elle !

— Ah, lui souris-je. Et ne craignez rien quant à vos idéaux, j’ai moi aussi une conscience professionnelle très marquée. Vous allez voir, avec moi, la vérité et la justice triomphent toujours.



FIN