Bienvenue à Lavanville de Xabab

Jack Gordon traîna le chariot au travers du hall d'entrée jusqu'à la porte dissimulée derrière l'une des bibliothèques. Pour la dévoiler il lui suffisait de tirer un livre très ennuyeux dans sa direction, ce qui faisait bouger l'étagère derrière laquelle se trouvait l'entrée du sous-sol de la tour de Lavanville ; un peu le même procédé que dans un vieux film de détective. Malgré son peu d'intelligence et de culture, Jack trouvait cette technique complètement démodée.

En effet ce dernier était loin d'être le plus intelligent des hommes et encore moins le plus beau de tous. Il boitait depuis son accident de voiture vingt ans auparavant et son dos le faisait aussi beaucoup souffrir.
C'était après cela qu'il avait décidé de prendre l'emploi proposé par Peter Hude, homme le plus influent de cette ville mais aussi d'une gentillesse infinie. Après son accident Jack avait pensé ne plus pouvoir faire quoi que ce soit de sa misérable vie mais c'était sans compter sur l'aide de monsieur Hude.

Ce dernier était venu le voir à l'hôpital en lui soumettant une offre. Il venait le voir car il savait pour ces futurs problèmes de dos mais aussi car l'ancien gardien de la tour de Lavanville venait de mourir dans son sommeil.
« La tour ne peut pas rester sans gardien, lui avait-il expliqué. Malgré tout ce qu'elle contient il nous faut quelqu'un de compétent pour la garder. »

Au départ Jack avait refusé, pensant à toutes ces histoires de fantômes et aux morts qui criaient une fois la nuit tombée. Il avait réfléchit et avait demandé à monsieur Hude de trouver une autre personne que lui, ne voulant rien avoir à faire avec les morts qui arpentaient les tombes chaque soir.
Mais il avait fini par revenir sur sa décision, comprenant qu'il était incapable de faire quoi que ce soit après un tel accident. Ce qu'il avait découvert dans la tour dépassait son entendement mais il s'y plaisait. Son nouveau patron n'était pas désagréable tant qu'il suivait ses ordres.

Lorsqu'il eut passé la porte et que l'étagère se fut refermée dans son dos, Jack entendit un bruit de verre brisé. Une fenêtre du hall venait de voler en éclats et cela ne voulait dire qu'une chose : quelqu'un venait de rentrer dans la demeure des morts.
Le gardien fit demi-tour et s'apprêta à tirer le chandelier positionné sur sa droite afin d'aller se débarrasser de ce visiteur quand la voix de son patron résonna dans sa tête.

« Laisse faire. Il aura ce qu'il mérite en venant se mêler de nos affaires et nous avons besoin de lui. Contente-toi d'exécuter mes ordres. »
Jack hocha la tête sans savoir s'il le voyait ou non et procéda comme il le faisait une fois par semaine.

Le concierge prit l'objet enveloppé dans un drap à bras le corps et le hissa avec difficulté sur ses épaules. Cela fait il laissa le chariot en haut des escaliers qu'il se mit à descendre le plus prudemment du monde afin de ne pas se rompre le coup malencontreusement.
Le sous-sol de la tour était plongé dans le noir mais Jack n'eut aucun mal à s'y repérer. Cela faisait vingt ans qu'il n'avait pas quitté la tour et autant de temps qu'il n'avait pas vu la lueur du jour. Quand celui-ci se levait, le concierge allait se coucher dans sa petite chambre dans les étages du bâtiment et n'en sortait qu'une fois la nuit tomber. Garder une armée de morts prenait du temps et il devait parfois se reposer.

Mais ce n'était pas d'un mort dont il allait prendre soin cette nuit comme il le faisait une fois toutes les semaines sous ordre de son maître. Le pokemon qu'il devait servir était bel et bien vivant et malheur à celui qui oserait l'approcher de trop près.
Cela n'était d'ailleurs plus une crainte pour Jack qui le connaissait depuis longtemps. La bête le connaissait bien et il s'était même parois surprit à jouer avec lui. Après tout il était le seul à la nourrir et elle le savait parfaitement.

Lorsqu'il arriva devant la porte qui gardait ce pokemon, Jack marqua une pause. Il sentait dans l'air la présence de son maître et ne doutait pas que celui-ci puisse se montrer dans les secondes à suivre.
Et cela arriva.

Un spectre vêtu d'une robe noire passa au travers de la porte et s'arrêta devant lui, le fixant de son œil rougeoyant.
« C'est tout ce que nous avons pour ce soir ? lui lança-t-il tout en désignant d'un signe le drap qu'il portait sur l'épaule.
– Oui maître. C'est tout ce qu'ils ont pu trouver pendant la sortie de ce soir.
– Nous nous en contenterons. Il mangera beaucoup plus dans quelques jours donc je ne m'en fais pas pour lui. »

Jack s'inclina et poussa la porte. Cela fait il se retrouva face au monstre qu'il devait nourrir et hésita.
« Pourquoi ne pas le faire ? insista son patron dans son dos.
– Je ne sais pas… C'est toujours difficile de lui donner cela, surtout quand ils sont si jeunes… Désolé maître. »

Le spectre s'avança dans sa direction et le fixa d'un air grave.
« Je ne suis que le bras droit de celui auquel tu peux donner le nom de maître. Ne m'appelle plus de cette manière et dépêche-toi de suivre mes ordres. »
Jack s'excusa d'une révérence et procéda. D'un geste incertain il jeta l'objet contenu dans le drap vers le pokemon dont il s'occupait depuis vingt ans et ferma les yeux. La vision était plus qu'insupportable.

Sous les yeux de Darkrai, maître de la peur et bras droit d'un être encore plus puissant, trois énormes têtes de chiens déchiquetèrent le cadavre d'un enfant, Axel. Il n'était pas le premier que les serviteurs du Mal volaient à la morgue afin nourrir la bête.