Les récrés du Ptiravi de dragibus57

Ce matin, j'avais pas envie d'aller à l'école, parce qu'on est jeudi et que le jeudi, on fait géométrie et que j'aime pas la géométrie. C'est pas difficile, je déteste presque autant la géométrie que les dictées !

J'ai d'abord pas voulu sortir du lit quand maman m'a réveillé. J'ai fait semblant de me rendormir. Mais au bout de la troisième fois qu'elle est venue me secouer, j'ai bien été obligé d'ouvrir les yeux.

Après, j'ai fait croire que j'avais mal au ventre. Je me suis tenu le bidon à deux mains en faisant des grimaces et en gémissant toutes les 30 secondes. Maman a dit que ce n'était sans doute que quelques crampes parce que j'avais l'estomac vide. Elle a posé devant moi un verre de jus d'oran, un grand bol de lait meumeu et un poffin au chocco encore tout chaud. Ça sentait trop bon, j'ai pas pu résister et j'ai tout mangé...
«Tu vois mon chéri, qu'elle a dit, rien de tel qu'un bon petit déjeuner équilibré pour démarrer la journée en pleine forme !»

Après, j'ai encore essayé le coup du mal de tête. Ça a failli marcher !
Maman m'a tâté le front et puis elle a froncé les sourcils : «C'est bizarre, tu n'as pourtant pas l'air d'avoir de la fièvre.. Ptiravi, tu m'inquiètes ce matin ! On devrait peut-être aller chez le médecin. En attendant, je vais te préparer une tisane d'herbes amères pour te soulager.»
Alors là, j'ai sauté sur mes pieds et j'ai dit que c'était pas la peine, que c'était en train de passer et que j'avais même pu mal du tout, que j'allais m'habiller, qu'il fallait que je me dépêche, que sinon j'allais être en retard.
Je préfère encore aller à l'école plutôt que de boire ce truc dégueu. C'est un coup à être réellement malade !
Maman m'a regardé d'un drôle d'air et puis elle a eu un petit sourire en coin. Je crois que sur ce coup-là, je suis grillé !

Quand je suis entré dans la cour de l'école, les copains me sont tout de suite tombés dessus.
Y avait le gros Phanpy, les jumeaux Posipi et Négapi, qui sont toujours en train de préparer un coup, Magby et Elekid, qui sont super potes, mais qui arrêtent pas de se taper dessus. Y a même Parecool, celui qui est tout lent, qui est arrivé. Un peu après tout le monde.
«Eh Ptiravi ! Tu sais quel jour on est ?
- On est jeudi aujourd'hui !
- Ton jour préféré !
- Parce que le jeudi, c'est le jour … ? Le jour... ??
- ... de la géométrie ! Nananère !»
Chaque semaine, c'est le même cirque. Ils savent que j'aime pas la géométrie et ils font exprès de me chambrer dès que j'arrive, pour me gâcher encore plus la journée !

Ils ont tous commencé à tourner autour de moi en chantant :
« Géo-poil-au-dos... !
- ...Métrie-poil-au-zizi !
- Géo-poil-au-dos...!»
Mais ça n'a pas duré bien longtemps, vu que le directeur est arrivé à grand pas en agitant son doigt dans notre direction.
«Faites gaffe, les mecs, v'là Aigle Quatre qui se pointe, qu'il a dit Negapi, tirons-nous !»
Et on s'est tous sauvés à l'autre bout de la cour.

J'ai été voir Negapi et je lui ai demandé pourquoi il avait traité monsieur Alakazam d'Aigle Quatre. Il m'a répondu que c'était un nouveau surnom vachement chouette qu'ils avaient trouvé, lui et son frère.
« Moi, je vois pas le rapport...»
J'étais drôlement content que Parecool ait posé la question avant moi, parce que j'avais pas compris non plus, mais je voulais pas le dire tout haut pour pas avoir la honte devant les copains.
« Pfff ! Normal, t'as le cerveau lent !» qu'il lui a répondu Négapi. Et là, j'ai bien cru qu'ils allaient se battre, mais Posipi est intervenu juste à temps :
« J't'explique : Aigle Quatre, en anglais, ça donne quoi ?
- … Euh... Attends, je réfléchis... Eagle Four, c'est ça ?
- Yessss !
- Ben j'vois toujours pas...
- Punaise, Parecool, t'es lourd ! Aigle Quatre... Eagle Four... Y Gueule Fort... !
- Ahhh !... Mort de rire !... C'est vrai qu'y gueule fort quand il est en pétard, monsieur Alakazam ! C'est vachement bien trouvé !»

En temps normal, ça m'aurait bien fait rigoler, mais là, on était jeudi...
Magby, il a bien vu que je faisais une drôle de tête. Alors il a essayé de me consoler :
« Eh, Ptiravi ! On dirait qu'tu vas chialer ! Ne m'dis pas qu'c'est juste à cause de la géométrie ? »
J'ai haussé les épaules et je suis parti en baissant la tête.
Et puis ça a sonné...

J'ose pas leur dire que j'y comprends rien, moi, à la géométrie... C'est comme si c'était une autre langue : c'est plein de mots compliqués et de consignes bizarres qui se mélangent dans mon cerveau. Je DÉTESTE la géométrie !

Je m'souviens de la fois où Madame Gardevoir, notre maîtresse, nous a demandé comment on appelait un triangle dont les trois côtés sont égaux. Ce jour-là, j'étais sûr de moi, j'avais super bien appris ma leçon, alors j'ai levé le doigt :
«Un triangle équatorial !»
Les autres étaient écroulés de rire. Même la maîtresse a pas pu s'empêcher de rigoler. La honte de ma vie !

Et encore le jour où on a dû construire une figure vachement compliquée que tous les élèves sont arrivés à faire et que moi j'ai recommencée chais pas combien de fois et que j'ai jamais réussi à finir.
Il fallait tracer un cercle de centre O et de rayon 5 cm.
Rien qu'en lisant «centre» et «rayon», ça m'a déjà filé des boutons.
J'ai commencé par dessiner le centre, très soigneusement, avec un crayon bien pointu et un beau petit rond au milieu.
Après, j'ai fait un très joli rayon, tout jaune et brillant, en mesurant plusieurs fois pour être bien sûr. Et j'ai fini en traçant le cercle au compas à côté. J'étais très fier de moi.

La maîtresse est passée dans les rangs et j'ai bien vu qu'y avait un truc qui clochait, vu qu'elle a levé les yeux au ciel en regardant mon dessin. Elle m'a expliqué le rayon comme il faut, elle a placé le centre et elle m'a dit : « Voilà, c'est pratiquement terminé. Tu n'as plus qu'à piquer ton compas en O et à tracer le cercle. »
Alors j'ai fait tout bien comme elle m'a dit, la maîtresse. J'ai piqué mon compas en haut.
Et c'était de nouveau tout raté ! Mon cercle, y débordait à moitié sur la table.

C'est pour tout ça qu'aujourd'hui, je voulais pas aller à l'école...

Finalement, on est montés en classe et la maîtresse nous a demandé de sortir nos affaires. Les autres avaient déjà préparé leur compas, leur équerre et leur règle. Moi je faisais exprès de traîner un peu. Et puis Madame Gardevoir a dit : 
« Les enfants, nous ne pourrons malheureusement pas faire géométrie cette semaine, car la photocopieuse étant en panne, je n'ai pas pu faire les tirages des quadrilatères que je comptais vous faire étudier... A la place, nous allons faire une dictée. »