Inaccessible de kamui shiro

Année 3042. Quelque part au fin fond d'un grand désert de sable. Quelque part au fin fond d'un désert sur une terre épuisée, une terre délabrée, quelque part au fin fond du désert d'une terre mourante.
Une ombre s'avance. Elle s'avance lentement, elle traîne le pas, elle semble souffrante.
Je n'arrive pas à discerner sa forme. Je ne la perçois que de loin.
Je ne pense pas qu'elle puisse être humaine, son corps est orné de deux oreilles et d'une grande queue. C'est étrange, j'ai le sentiment de déjà la connaître.
L'ombre continue sa marche, et, de ce pas lourd, elle suit une route qui ne mène nulle-part, qui ne la mènera nulle-part, mais elle suit inlassablement cette route.
J'entend, qui résonne interminablement au fond de son être, cette phrase insolite ;
– Je ne dois pas mourir –
– Je ne veux pas mourir –
Mais pourquoi ? Pourquoi cette volonté de ne pas mourir, qu'est ce qui la retient à ce point là ?
Pourquoi ne s'arrête-t-elle pas ? Pourquoi ne s'arrête-t-elle de s'approcher de cet endroit ?
J'ai tant l'envie de l'appeler, je voudrais lui porter secours. Au bout de cette route, il s'y trouve une interminable falaise, un trou noir, une abîme qui ne pardonne pas si l'on s'y engouffre.
Elle s'avance tout de même. Voit-elle cette fin ? Est-elle consciente de ce qui va lui arriver ?
Je voudrais tant... l'aider...
Qu'elle s'arrête ! Si elle fait un pas de plus, elle va tomber. Comment faire pour la retenir ? Il ne faut pas... Il ne faut pas qu'elle meure ainsi !
Je sais que je la connais, je sais que je connais cette ombre. Je sais que je vais être déçue si elle disparaît.
Et moi ? Où suis-je ?
J'ai l'impression d'assister à une scène qui va virer au drame, comme un spectateur devant un film qui se termine mal.
Je veux l'appeler, il faut que je l'appelle. Je fais mine de crier « Arrête-toi ! » Cependant, mon état ne vaut pas mieux que le sien, aucune voix ne ressort de mon effort. Mais je persévère « Arrête-toi, je t'en prie ! »
En vain. Je désespère. On ne change pas la fin d'un film.
Cependant, encore une fois, je perçois cette complainte ténébreuse.
– Je ne veux pas mourir –
Cette plainte provient du fond de son âme, tel une voix hors-champ.
– Ne me laisse pas mourir, tu entends ! –
Je ressens alors une haine s'emparer de mon être, celle de l'incapacité, et cette haine, aussi désagréable qu'elle puisse être, m'envahi soudain d'une incomparable force.
Cette puissance, je vais l'utiliser pour crier de toute mes forces, je ne laisserai pas cette ombre à son triste sort !
Je refuse une telle fin.
Un cri déchire soudainement l'atmosphère blanchâtre, et ce cri « Arrête-toi, tu te trompes, tu te trompes ! » parvient par chance jusqu'au rêve de l'ombre grise.
Alors que mon monde et celui de cette ombre se montraient si éloignés, l'ombre à la longue queue sursaute subitement et se retourne, comme si elle avait cru entendre quelqu'un prononcer son nom.
Elle reste figée, elle observe autour d'elle.
Je pousse un soupir de soulagement, elle s'est arrêtée à temps.
J'attend que son regard se pose sur moi, j'espère seulement qu'elle peut me voir.
Mais avant que cet instant n'arrive, ses yeux sont rapidement attirés par le lieu noir qui est placé devant elle ; elle a tôt fait de s'en éloigner. J'ai l'impression qu'elle a repris conscience.
Ensuite, elle lève la tête –à cet instant je remarque que ses yeux sont d'un bleu profond– puis me fixe, comme si elle avait toujours su que je me plaçais là, comme si elle savait depuis le début que je l'observais. C'est étrange, ce que je ressens, c'est étrange, je suis persuadée, au fond de moi, que je connais cette silhouette. Je suis certaine que ce chat gris me connaît aussi.
Pourquoi ce sentiment ?
Si nous nous connaissons, pourquoi sommes-nous séparés ?
Pourquoi ne pouvons nous pas nous parler ?
Et lui, à quoi pense-t-il ?
Ce pose-t-il toutes ces questions ?
Lui, il ne cesse de m'observer. De ce regard dur, décidé, imposant et impressionnant, de ces yeux que j'aime, il ne me quitte pas. Au fond de moi, j'ai l'impression qu'il me transmet un message, il dit : Qu'est ce qu'il dit ?

Il dit un mot indescriptible, un mot qui ne le sera à jamais.
Jamais je ne connaîtrais son vrai sens, car le grand chat gris, car Mewtwo, après me l'avoir fait parvenir,
Se laisse tomber au fond du grand trou noir.

Il n'en reviendra probablement jamais.

***

« Sereina, dis-moi seulement où je me suis trompé, ou je te tue »

Tu t'es trompé, c'est tout.
Tu as été méchant, tu recherchais la supériorité.
Je te l'ai dit, être supérieur à quelqu'un, ça n'apporte aucune satisfaction, mis à part peut-être la peur de cette personne que tu considères comme inférieure.
Tu es né avec une force plus grande, c'est tout...
Cette force t'a été octroyée pour que tu protèges, et non pour que tu l'utilises.
Certes, tes créateurs n'avaient pas de si belles phrases en tête, et leur orgueil a du déteindre sur toi.
Pourtant, avec ton intelligence, tu aurais du le comprendre.
Tu étais pourtant si intelligent,
Peut-être que cela ne t'a pas apporté tant de choses, finalement.

Par quel moyen ai-je eu encore la force de penser, j'en ai aucune idée. Au moment où l'ombre de Mewtwo a chuté, j'ai rapidement compris que je ne subsisterais pas plus longtemps sans elle.
Pourtant je refuse de m'éteindre.
Ce sentiment et cet au-revoir indescriptibles, je ne disparaîtrais pas tant que je ne les aurais déchiffrés.
Mais comment survivre sans sa présence ?
J'ai bien survécu, avant qu'il n'apparaisse. Pourtant j'oublie un détail. Avant qu'il ne se trouve devant moi, c'était sa voix qui m'accompagnait, toujours cette voix.
Et justement, j'ai l'impression de l'entendre...
La voix du grand chat gris résonne toujours en moi.
Il essaie de me dire quelque chose.
Il s'excuse.
Il s'excuse, pourquoi ?
Il va remonter le temps, il va remonter le temps jusqu'a ce que Dracaufeu le retrouve, jusqu'a ce Dracaufeu le retrouve et qu'il attende que j'arrive,
Qu'il attende, car j'aurais une impression étrange qui ne me quittera pas, et cette impression me fera faire le tour du jardin.

J'ai du mal à comprendre.
J'erre tel une ombre sur un sable blanc et infini, je n'arrive plus à réfléchir, je ne veux plus réfléchir, je voudrais tout oublier.
Pourtant, je sais déjà à l'avance que cela est impossible. Jamais je n'accepterais de perdre son souvenir, même s'il me semble déjà si lointain.
Heureusement que sa voix m'accompagne, encore et toujours.

Mewtwo, j'aurais voulu rester avec toi.
Je ne comprend toujours pas pourquoi tu t'es effondré, à cet instant, Mewtwo, tu voulais me tuer.
Peut-être n'étais-ce pas vraiment ce que tu désirais.
Mènerais-je à jamais une existence pleine d'interrogations ?
Peux-tu me répondre, Mewtwo, toi qui était si intelligent, et dont l'intelligence a mené à sa perte ?
Pourquoi ta voix sonne-t-elle toujours au fond de moi ?
Que me dis-tu, maintenant ?

« Sereina, je remonterai le temps, jusqu'a ce qu'une fin me convienne, je n'admettrais pas d'autre fin que celle que j'ai prévue. Si mon pouvoir peut servir à quelque chose, mis à part me rendre supérieur, je voudrais l'utiliser pour réaliser ce qui m'est le plus cher.
– Qu'est ce qui t'est le plus cher, Mewtwo ? –
Je n'hésiterai pas à modifier le cours du temps autant de fois qu'il le sera nécessaire, j'espère que tu me le pardonneras et que...
Tu finiras par déchiffrer ces mots et ce sentiment, pour moi, ils ont une grande importance. »