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Conte de sorcières de MissDibule



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Informations

» Auteur : MissDibule - Voir le profil
» Créé le 11/12/2025 à 12:10
» Dernière mise à jour le 11/12/2025 à 12:10

» Mots-clés :   Aventure   Conte   Famille   Galar   Médiéval

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Chapitre 11 – Le souci sème le doute
Au début, Lily refusa de croire à la réalité qui s’offrait à elle. Pourtant, plus les fractions de secondes s’enchaînaient, plus la serrure verrouillée devenait une réalité palpable, écrasante. C’était une prison, pas un moulin ! Bien sûr que la porte était fermée à clé. Comment avait-elle pu penser qu’il en serait autrement ? Et surtout, comment s’en sortir maintenant ?

La situation ne lui avait jamais paru plus désespérée. La brume se dissiperait d’un instant à l’autre, et tout le monde se rendrait compte qu’une gamine tentait de pénétrer illégalement dans la cathédrale. Elle serait capturée et traduite en justice. Malgré elle, le cerveau de Lily se mit à imaginer les châtiments que l’Inquisition réservait aux intrus, tous plus cruels les uns que les autres.

Non.

Elle refusait que son histoire finisse comme ça. Ni Morgana ni elle ne méritaient de mourir. Elle songea au sourire de l’alchimiste, sa bonté inébranlable envers des villageois qui la méprisaient. Cette femme-là n’était pas une sorcière. Et même si elle en était une ? Qu’est-ce que cela changerait ? Rien du tout. Elle resterait la femme bienveillante, drôle et sensible que Lily connaissait.

En proie à une colère sourde, la jeune fille apposa ses deux mains sur la poignée de fer.

« Allez, ouvre-toi ! Ouvre-toi, saleté de porte ! » songea-t-elle avec rage.

— Ouvre-toi, j’ai dit ! vociféra-t-elle, à haute voix cette fois.

Un imperceptible cliquetis se fit alors entendre.

Interdite, Lily appuya sur la poignée. Elle ne résista pas. La porte s’ouvrit, et la jeune fille s’engouffra dans l’inconnu. Au moment précis où la porte se refermait, le brouillard s’évanouit, et le groupe de touristes sonnés, mené par Sœur Iris, n’aperçut qu’un couloir désert.

***
Quelques jours après son emménagement à Corrifey, le moral de Rose était au beau fixe. Une jolie maison, une charmante boutique de fleurs, une adorable fille… Que pouvait-elle désirer de plus ? Malheureusement, son humeur était sur le point de se flétrir, comme une fleur restée trop longtemps dans l’eau.

Tandis qu’elle était occupée à arranger un bouquet de fleurs d’automne – chardons, chrysanthèmes et soucis – la clochette de la porte d’entrée retentit. Rose se para d’instinct de son plus beau sourire, celui qu’elle réservait aux clients.

Mais il s’évanouit aussitôt quand ses yeux se posèrent sur l’étrange nouvelle venue. Si son visage était des plus banals, on ne pouvait en dire autant de la chevelure outrageusement colorée qui l’encadrait. Ce camaïeu pastel de rose et de bleu évoquait à Rose un bouquet de fleurs toxiques. Joli peut-être, sous certains aspects, mais surtout, dangereux.

La fleuriste tâcha cependant de rester professionnelle : elle cessa aussitôt de froncer les sourcils et força de nouveau un sourire.

— Bonjour et bienvenue chez Rose Bouton, Mademoiselle. Que puis-je faire pour vous ?

La cliente observa les environs d’un air curieux avant de poser ses yeux d’encre sur elle. Rose vit une étincelle de surprise jaillir de ses prunelles, et le regard se fit plus insistant. Elle grimaça : elle n’aimait pas vraiment être scrutée de la sorte, surtout par une femme à l’allure aussi extravagante.

— Bonjour, Madame, répondit la femme.

Un court silence s’ensuivit, durant lequel la cliente sembla hésiter.

— Auriez-vous de la camomille ? s’enquit-elle finalement.

Rose fut presque étonnée par cette requête, tant elle était normale. Elle s’était déjà imaginé devoir fouiller sa réserve à la recherche de plantes exotiques capables de teindre n’importe quoi. Des cheveux, par exemple.

— Euh… Oui, bien sûr ! confirma-t-elle, décontenancée.

— Oh, merci, vous me sauvez la vie ! Vous voyez, je suis guérisseuse, et vu l’épidémie de maux de ventre que le village a subi il y a quelques semaines, mon stock de camomille s’est vite tari. Quelle chance que vous ayez installé votre boutique ici !

Rose ouvrit des yeux ronds.

— Vous êtes Miss Morgana ? lâcha-t-elle, incrédule.

— Tout à fait ! Vous aurait-on parlé de moi ? demanda Morgana avec un sourire.

Oui. On lui avait parlé de Morgana, en effet. On lui avait raconté à quel point elle prenait soin des villageois. On lui avait expliqué qu’elle était la seule à se soucier de leur sort, car c’était la seule guérisseuse qui avait accepté de s’installer dans ce village isolé, loin de tout. Mais on ne lui avait certainement pas dit qu’elle trempait ses cheveux dans la peinture.

— O-oui, bégaya Rose, mal à l’aise. C’est admirable, ce que vous faites pour la communauté !

Le compliment sonnait faux.

— Merci, répondit Morgana avec sincérité.

Un nouveau silence empli de malaise vicia l’atmosphère. Rose s’empressa de le briser.

— Je vais de ce pas vous chercher un plant de camomille ! s’écria-t-elle, plus fort qu’elle ne l’aurait voulu.

— Oh, merci, mais ne vous donnez pas cette peine.

La fleuriste s’arrêta net dans son élan. Que lui chantait-elle encore ?

— Mais je croyais que… commença Rose, confuse.

— Oui, oui, j’ai besoin de camomille. Mais j’ai encore des visites médicales à effectuer dans le village, et je préférerais ne pas m’encombrer. Est-il possible de faire livrer la plante à mon domicile ?

À ces mots, elle lui tendit un papier sur lequel elle avait écrit son adresse. Rose s’en saisit du bout des doigts. C’était sa fille Lily qui assurait les livraisons de la boutique. Elle allait devoir envoyer la prunelle de ses yeux chez cette… guérisseuse extravagante ? Cette idée ne lui plaisait guère. Mais elle jugea que ce n’était pas une raison suffisante pour perdre une cliente.

Elle répondit donc en souriant :

— Bien entendu, Miss Morgana. Ma fille Lily se chargera de vous l’apporter demain.

— Parfait, dans ce cas. J’ai hâte de faire sa connaissance ! Combien vous dois-je ?

Rose lui énonça le prix et Morgana sortit quelques pièces d’un porte-monnaie rapiécé. Une fois la transaction effectuée, Rose coupa court à la discussion.

— Bon, eh bien, si tout est réglé… Je vous souhaite une bonne soirée, Miss Morgana.

— Bonne soirée à vous aussi, Madame.

Au grand soulagement de Rose, Morgana tourna enfin les talons. Mais, alors que la pauvre fleuriste croyait qu’elle allait enfin pouvoir respirer, la guérisseuse se retourna juste avant d’avoir franchi la porte de la boutique.

— Je suis désolée, mais… Il y a quelque chose qui me tracasse depuis que je suis entrée dans votre boutique.

Rose se fit violence pour ne pas laisser paraître son agacement.

— J’ai cru remarquer, en effet, répliqua-t-elle en se remémorant le regard perçant que Morgana lui avait lancé à son arrivée. Un souci ?

Morgana planta son regard sombre dans les yeux clairs de Rose.

— Vous et moi… On ne se serait pas déjà rencontrées par le passé ?

La fleuriste se figea sur place. Elle s’était attendue à tout, sauf à ça. Elle tenta de toutes ses forces de rester impassible, mais elle n’y parvint pas. Contre toute attente, elle éclata de rire.

— Non, ça m’étonnerait fort ! réussit-elle à articuler après avoir retrouvé son sérieux. Si je vous avais déjà vue, je ne pense pas que je vous aurais oubliée. Sans vouloir vous vexer, vous ne vous fondez pas vraiment dans la masse.

Morgana secoua la tête.

— Mes cheveux étaient bruns, à l’origine. Et… si, je suis sûre de vous avoir déjà croisée.

Elle dévisageait Rose. Son regard intense semblait sonder les tréfonds de son âme. Au moment où les prunelles d’encre de Morgana s’illuminèrent, la vendeuse de fleurs décida que c’en était trop.

— Je vous dis que c’est impossible, rétorqua-t-elle d’un ton dur.

Consciente de la tension qui déchirait l’air, Morgana abandonna la partie.

— Veuillez m’excuser. J’ai dû faire erreur. Bonne soirée.

— Bonne soirée, marmonna Rose.

Entendre sonner la clochette qui annonçait le départ de Morgana ne la soulagea pas autant qu’elle l’aurait souhaité. Car la venue de cette étrange femme avait semé en elle les seules graines qui n’étaient pas les bienvenues dans sa boutique de fleurs.

Les graines du doute.

***
Figée comme une statue dans un couloir de pierre, Lily transpirait à grosses gouttes. Sous ses pieds, un tapis de velours rouge courait sur le sol. Sur le mur d’en face, vitraux et bougeoirs se succédaient, alternant entre la lumière du soleil et le halo de la flamme. Affolée, la jeune fille jeta un coup d’œil à la ronde : le couloir était désert, mais pour combien de temps encore ?

Comme si l’univers s’amusait de son malheur, une serrure cliqueta à sa gauche. Le sang de Lily ne fit qu’un tour. Elle se cacha à la hâte derrière l’un des rideaux de velours rouge qui couvrait les vitraux. Elle tâcha de se faire toute petite, tassant la besace d’alchimiste derrière le tissu.

Elle entendit alors une porte s’ouvrir à la volée. Des bruits de pas, ceux de deux personnes différentes. Les premiers étaient aussi lourds et secs que les seconds étaient doux, presque imperceptibles. Ils résonnèrent dans la pierre, leur écho emplissant l’esprit de l’adolescente. Ils s’arrêtèrent presque aussitôt. Lily retint son souffle. Une autre porte s’ouvrit. Une voix grave et rauque s’éleva dans les airs.

— Je veux d’autres prédictions pour ce soir. Et veille à ce que personne n’entre dans mon bureau. Compris ?

Un cri approbateur se fit entendre. Un cri qui n’avait rien d’humain. Une porte se ferma. Un cliquetis. Puis le silence. Lily n’entendait que son cœur battre dans ses oreilles. Enfin, les pas délicats se remirent en marche.

En un éclair, le rideau se souleva, et une main sombre se plaqua sur les lèvres de la jeune fille.