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Hamegel de Almartin



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» Auteur : Almartin - Voir le profil
» Créé le 24/08/2025 à 15:11
» Dernière mise à jour le 10/09/2025 à 21:50

» Mots-clés :   Galar   Humour

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Chapitre 5 - La Bataille de Hamegel, partie 2
— C’EST MERVEILLEUX ! pleurait le scribe Toqué en brassant ses parchemins dans tous les sens.

Il poussait des petits cris à mi-chemin entre sanglots et rires. Il prenait et déposait des carnets et des feuilles de papier de manière anarchique sur la table poussiéreuse qui était devant lui.

— Limier, Triston, Groslouis… tous ! Ils remportent tous leur bataille ! Regardez-moi, j’en tremble d’excitation !
— Oui, c’est fantastique, acquiesça Keldorset avec un sourire forcé. Mais il serait peut-être temps de barricader la porte maintenant.

Keldorset était l’unique écuyer de l’Ordre de la Couronne. Récemment, il avait surtout travaillé à la restauration du Temple Couronne sous les ordres de sir Limier, mais il était revenu brièvement au Vieux Donjon pour adopter un jeune lestombaile. Maintenant, il était en train de pousser de vieilles étagères à moitié pourries contre la porte de la volière du Vieux Donjon ; un grenier dans un état déplorable, avec des toiles d’araignées et des fientes de pokémons oiseaux de partout. Il tentait de se barricader dans ce dépotoir pour se protéger des guerriers des Galeries qui tentaient de prendre la tour. C’était bien sa veine, d’être rentré juste le jour où Glaucus avait décidé d’attaquer.

— Sir Groslouis, le sauveur de Hamegel ! s’extasiait Toqué en griffonnant ses délires sur un parchemin. A lui seul, il stoppa l’invasion de la ville par le nord, là où un bataillon complet de la garde municipale avait été totalement défait ! Avec sagesse et souplesse, il—
— Vous venez m’aider oui ou non ! s’impatienta Keldorset.

Le scribe déposa enfin sa plume sur la table pour rejoindre l’écuyer.

— Vous ne vous rendez pas compte ! insistait Toqué en saisissant une vieille chaise percée. Même sir Triston, le défenseur des démunis ! Qui encore alité sauva la veuve et l’orphelin, inspiré par la pureté de l’amour de dame Zélie… Oh quelle bonne idée je viens d’avoir ; il y avait une romance à développer là-dessous ! ajouta-t-il en déposant la chaise pour caller la poignée de la porte.

Keldorset chassa un vieux békipan qui venait traîner dans ses pattes. Le vieux pokémon grogna sans conviction puis avança lourdement pour se percher sur l’armure de Keldorset, qu’il avait déposé dans un coin du grenier afin de se mouvoir plus facilement.

— Eh ! vas-t’en de là, sale bête ! cria l’écuyer.
— Arrêtez malheureux ! intervint Toqué. Il s’agit de l’un des plus anciens pokémons de sir Vacherin ! Une légende vivante !
— Ancien ou pas, il va fienter sur mon armure !
— Soyez indulgent, c’est tout ce qu’il peut encore faire, vu son grand âge.
— Quel est cet étrange festival dehors ? questionna une voix chevrotante. Ils essaient de faire entrer un arbre dans le donjon.

C’était le vieux sir Vacherin, qui était penché par la fenêtre de la volière. Il avait e rares cheveux blancs sur le crâne et le dos courbé sous le poids des années. Il portait une longue cape de bure brune par-dessus une tunique grisonnante.

— Un bélier, sir, corrigea Keldorset. Ils tentent d’enfoncer la herse.
— Ah bon ? répondit Vacherin sans vraiment comprendre. Quelles drôles d’idées ont les jeunes, de nos jours…
— AAAHHHH !

Toqué avait hurlé : un nigosier était monté sur la table. Le scribe se précipita vers l’oiseau béat pour le chasser des parchemins qu’il piétinait.

— Saboteur ! cria-t-il en le menaçant d’un vieux bâton.
— Ce n’est pas une légende vivante lui ? demanda Keldorset.
— Non, lui on l’a retrouvé dans l’un des fours de la cuisine. Cette andouille de pokémon y avait fait son nid.

Le nigosier cancana avant de s’envoler pour se percher ailleurs.

— Il a dégueulassé la geste de sir Limier ! se plaignit Toqué. J’avais commencé les enluminures en plus, pour illustrer comment il avait héroïquement terrassé mille soldats et leurs pokémons à mains nues.
— Ils amènent un chartor, commenta platement Vacherin, toujours devant la fenêtre.
— C’est celui de sir Glenn ! ajouta Toqué qui était venu voir à la fenêtre. Nous allons avoir un duel entre le plus vénérable des chevaliers et un renégat de l’Ordre ! jubila-t-il.

Keldorset était fatigué des réjouissances débordantes de Toqué. Ça ne lui venait même pas à l’esprit qu’ils pouvaient se faire zigouiller apparemment, et pourtant il n’y avait guère de doutes là-dessus. Autour d’eux, les pokémons oiseaux s’excitaient, ressentant eux aussi le danger approcher. Ils étaient encore nombreux dans cette volière, la plupart ayant d’ailleurs appartenu à Vacherin. Il avait été un grand spécialiste des pokémons oiseaux en son temps. Du moins, c’était ce que tout le monde disait.

— Tiens, ils sont entrés, annonça platement Vacherin.
— Parfais ! s’extasia Toqué. Il s’agit maintenant d’ajouter votre chapitre à cette merveilleuse saga de la Bataille de Hamegel, sir Vacherin !
— Mais faites quelque chose au lieu de de vous extasier ! s’énerva Keldorset qui continuait de bloquer la porte de la volière.
— Le békipan ! cria Toqué. Attaquez l’ennemi avec votre békipan ! Ça fera un merveilleux écho à vos faits d’armes du passé ! La dernière danse de sir Vacherin, l’éternel ! quel merveilleux titre pour votre chapitre !

Toujours aussi volontaire, Toqué se saisit du vieux békipan qui ne broncha même pas. Il le déposa sur le rebord de la fenêtre, devant Vacherin.

— Que voulez-vous que je fasse avec ça, jeune homme ? demanda le vieillard.
— Ce que vous faites ? Mais attaquez, sir, il s’agit de votre partenaire historique ! Le pokémon idéal pour battre ce chartor !
— Ah bon ? s’étonna mollement Vacherin dans une moue dubitative.

Après quelques secondes d’hésitation, le vieillard poussa doucement le békipan vers l’extérieur. Le pokémon tentait de résister, tâchant de garder les deux pattes sur le rebord de la fenêtre.

— Allez, va, va, lui dit-il.
— Il va prendre son envol, ça y est ! jubila Toqué.

Ça y était, le békipan fut totalement hors du rebord. Mais contre toute attente, il tomba comme une pierre en poussant un gémissement de panique. Si Vacherin regardait la scène avec étonnement, Toqué lui, blêmit.

— Il ne s’est pas envolé ? s’étonna Keldorset depuis l’autre côté de la volière.

Toqué ne sut que répondre.

— Ah, le pélican a brisé la carapace du chartor, commenta le vieillard, toujours aussi détaché.
— AAARRRGGGHHH ! BASTAAAAARTE ! hurla Glenn depuis dehors.

Les cris ennemis résonnaient également dans la montée d’escalier. Keldorset s’appuyait contre la porte pour éviter que les guerriers des Galeries ne l’enfoncent trop vite.

— Un farfuret escalade la paroi ! Quelle ambiance terrifiante ! jubilait Toqué. Sir Vacherin, n’auriez-vous pas un autre oiseau à lui jeter dessus ?
— Mais ne jetez pas les oiseaux ! s’énerva Keldorset. Prenez n’importe lequel d’entre eux et donnez-lui l’ordre d’attaquer bon sang !

Toqué était bien trop excité, il se perdait dans sa précipitation, tournant en rond à la recherche d’un pokémon qui lui semblait apte à combattre. Vacherin lui, saisit doucement un balai pour le laisser tomber par la fenêtre. Après avoir observé la chute, il recommença avec un vieux casque. Puis avec un moule à gaufres. Puis avec une boîte à clous. Au-delà du fait qu’il faisait malgré tout quelque chose d’utile, cette volière était un véritable dépotoir. Nigosier se mit ensuite à l’imiter, lançant lui aussi des vieux chiffons et d’autres brins de pailles. Toqué trouva enfin une minisange qui battait vivement des ailes.

— Allez, fais-moi chuter cette créature démoniaque ! dit-il en lançant la minisange par la fenêtre.

Le pokémon réussit à planer quelques secondes, avant de chuter lui aussi. Toqué en resta bouche bée.

— Ça alors, il n’y a pas un oiseau qui vole dans cette volière, s’étonna Vacherin après avoir observé la chute une nouvelle fois.
— Et pourtant ce sont vos pokémons, sir ! lui rappela Keldorset qui retenait la porte comme il le pouvait.
— BASTAAAARTE !

La voix de Glenn résonnait alors qu’il tambourina de toutes ses forces sur la porte de la volière. Il avait lui aussi monté les escaliers et tenait visiblement à entrer le premier, très probablement furieux pour son chartor.

Keldorset ne savait pas encore combien de temps il pouvait tenir à ce rythme. De l’autre côté, Vacherin continuait à lâcher des objets invraisemblables par la fenêtre.

— Vous en êtes où avec le farfuret ? questionna-t-il entre deux coups sur la porte. Parce que j’ai besoin d’aide, ici !

Toqué jeta un coup d’œil par la fenêtre.

— Il n’est plus là, commenta-t-il non sans surprise. Il n’y a plus personne d’ailleurs.
— Mais pourquoi vous continuez de balancer des trucs par la fenêtre alors ?

Ce fut alors que le nigosier régurgita une vieille pokéball qui roula par terre jusqu’aux pies de l’écuyer. Un trépassable en surgit tout à coup.

Keldorset se jeta plus loin par réflexe, permettant à Glenn d’enfoncer la porte et d’enfin entrer dans la volière, accompagné de son rototaupe. Ils étaient face à face avec le terrible pokémon spectre, qui semblait fou de rage, sans doute d’avoir été enfermé ici pendant de si longues années. Soudain, une terrible tempête de sable se forma.

C’était un tourbi-sable.

La tempête repoussa Glenn et les autres guerriers des Galeries hors de la volière, où ils disparurent sous des tonnes de sable qui dévalaient les escaliers. Keldorset ne put qu’assister, impuissant, à ce déferlement de haine et de puissance. Quand le calme revint enfin, le trépassable avait disparu.

— Quelles drôles d’attaques ont les nigosier, de nos jours…

***

— Si si, c’est bien ici, sir Coulzan nous a dit l’Hôtel du Gland.
— A moins que ce ne soit une noisette, précisa Ramure.

Cela faisait dix bonnes minutes que les seigneurs Geliverne et Ramure tentaient de pénétrer un établissement de mauvaise réputation, dont l’entrée se trouvait sous une arche sombre, au bout d’une petite ruelle pavée sans issue. Mais une jeune femme dans l’entrebâillement de la porte ne les laissait pas entrer.

— Mais puisque je vous répète que ce n’est pas un hôtel ici ! s’impatientait-elle.

Depuis sa chapelle à quelques mètres de là, Marbaude avait assisté à toute la scène, ne sachant pas pour qui être désolée ; pour cette pauvre femme, qui tentait d’empêcher deux preux chevaliers de pénétrer dans un lieu de débauche, ou bien pour ces chevaliers qui cherchaient le Grand Hôtel là où il s n’était pas. A côté d’elle, sidérella murmurait quelque chose.

— D’accord, répondit Marbaude tout bas. Quand faut y aller, faut y aller.

Marbaude cacha son arbalète sous sa robe de bonne sœur—elle portait une longue robe noire et blanche qui lui couvrait également la tête, ainsi qu’un rosaire autour du cou—puis elle traversa la ruelle en direction des chevaliers. Elle était concentrée sur sa tâche en ce jour terrible ; tout s’était déroulé selon les prémonitions de sidérella pour le moment, et le temps était venu pour elle de jouer sa partition.

En la voyant arrivée, la jeune femme semblait tout à coup soulagée.

— Sœur Marbaude ! Vous tombez bien, ces types nous font ch—
— Chaque fois les mêmes histoires, oui je sais, la coupa Marbaude avant que les noms d’oiseaux ne volent. Ne vous inquiétez pas ma fille, ces gentilshommes ne sont pas comme les autres.

Et c’était vrai, les seigneurs Geliverne et Ramure possédaient une certaine pureté d’esprit que Marbaude n’avait jamais vu chez aucun autre homme. A plus forte raison si on les comparait aux clients ordinaires de cette maison, où la vulgarité et l’abandon de soi prédominaient. C’était ici que venaient se recueillir les plus démunis et les plus esseulés de tout Hamegel, voir même de Galar, où ce genre d’établissement était interdit. Ici que la violence s’exprimait sous toutes ses formes, et ces braves filles—qui n’étaient pas là par choix—avaient désespérément besoin de son aide, à elle.

— J’ai un message pour vous, commença-t-elle sans préambule. Le seigneur Coulzan court un grave danger, et il a besoin de vous.
— Sir Coulzan en danger ? s’enquit Geliverne, visiblement touché.
— Vous voyez bien qu’elle essaie de nous tromper, se méfia Ramure. Regardez comme elle est habillée, c’est une vilaine des bas-fonds de Hamegel.
— C’est une nonne, rectifia, stupéfaite, la jeune femme qui gardait toujours la porte.

Marbaude fut surprise par un tel manque de discernement. Mais après tout, on parlait là des chevaliers de l’Ordre de la Couronne. Leur réputation les précédait… Au-delà de leur déficience intellectuelle, sous prétexte qu’ils représentaient l’élite—qui au passage n’en était plus une depuis bien longtemps—ces chevaliers s’étaient approprié le droit de remodeler la ville selon leur bon vouloir. Alors oui, ils aspiraient à une noble cause, le retour du souverain disparu de Couronneige, Silveroy. D’accord, ils tentaient de sauver ce qu’ils pouvaient de la modernisation dévorante de Hamegel conduite par la nouvelle municipalité. Mais que ce furent les projets de la mairie ou ceux de l’Ordre, c’était de toute façon les petites gens qui en payaient toujours le prix fort. La population n’était jamais consultée, et on la déplaçait au gré de l’urbanisme galopant ; un coup elle était expulsée pour l’implantation d’une usine galarienne, un autre pour l’installation d’un jardin publique à l’effigie de Silveroy.

Si Marbause partageait les principes et les croyances de l’Ordre, elle priait avant tout pour la basse populace ; ou les vilains, comme les gens de la haute les appelaient. Elle, elle s’occupait des âmes de la ville, pas de ses murs. C’était pour cela qu’elle passait tout son temps dans des quartiers comme celui-ci plutôt que sur les belles places publiques du centre-ville.

Et elle était ici précisément pour récupérer ces deux nigauds que Coulzan avait pourtant envoyé au Grand Hôtel de l’autre côté de la ville. De toute façon, cet hôtel galarien était déjà perdu, et leur erreur leur avait certainement sauvé la vie.

— Coulzan est au stade, dit-t-elle. Au Pit, comme vous dites encore. Engagé dans un combat à mort contre Glaucus en personne, et sans garantie de victoire.
— Mais qu’est-ce que nous pouvons faire de plus que Coulzan, nous ? se demanda Ramure, d’une certaine manière conscient de son faible niveau en combat pokémon.
— Mes pauvres agneaux, plaignit Marbaude, vous avez bien plus de qualités que vous ne le pensez.

***

Gallame mit un genou au sol. Il était dans un état déplorable. A côté de lui, Coulzan faisait lui aussi peine à voir. Il se relevait difficilement, le souffle court.

— Allez, encore un effort, articula-t-il en grimaçant. Il faut qu’on se mette à l’abri.

Mais gallame ne se relevait pas. Ils étaient tous deux sur l’herbe du Pit, aveuglés par le nuage de poussière qui envahissait les lieux. Le steelix de Glaucus rugissait quelque part ; tout proche, mais néanmoins insaisissable derrière cet écran de fumée.

— Les vestiaires, pointa Coulzan du menton tout en aidant gallame à se relever. On y sera en séc—

Un luminocanon foudroya gallame de plein fouet, l’arrachant des bras de Coulzan pour le clouer au sol dix mètres plus loin. Coulzan lui-même perdit l’équilibre sous la puissance de l’attaque.

— Gallame ! hurla-t-il en terminant par une douloureuse quinte de toux.

Son pokémon lui revint à travers la poussière sous forme d’une boule d’énergie, directement dans sa pokéball. Au moins, il serait à l’abris maintenant. Ce qui n’était pas le cas de Coulzan ; lui fit un nouvel effort surhumain pour se redresser sur ses deux jambes, et tâcha de boîter le plus vite possible en direction des vestiaires.

Il avait déjà perdu absol et gallame, et son exagide avait été bien amoché lors de son duel contre métalosse. Mais ses pokémons s’étaient battus honorablement, car steelix était le dernier pokémon de Glaucus encore en état de se battre ; il avait réglé leurs comptes à drattak, crocorible et métalosse. Blizzeval lui, affrontait une armée pokémone à lui seul, quelque part dans les gradins du Pit, et à ce stade Coulzan ne pouvait qu’espérer qu’il s’en sorte mieux que lui. Parce que oui, bien sûr que Glaucus n’était pas venu seul. Ce pleutre avait tendu un piège à Coulzan pour être certain de l’abattre. Il avait usé de son armée pour l’affaiblir le plus possible, lui et ses pokémons, avant d’engager le duel. En d’autres circonstances, Coulzan aurait été fier de sa prestation, mais il s’agissait là d’un combat à mort : peu importait la prestation, seule la victoire comptait. Et elle était en train de lui échapper. Du moins, pour leur duel.

Le rugissement de steelix résonna juste au-dessus de Coulzan, alors qu’il atteignait presque l’entrée des vestiaires. Il s’engouffra dans ce couloir sombre, où il fut rejoint par un cornèbre.

— Cor cor cor cor cor, cornèbre!
— Eh ben ce n’est pas trop tôt !

C’était le message qu’attendait désespérément Coulzan. Limier avait enfin repéré Glaucus, qui bien sûr menait son combat depuis une cachette pour se prémunir de tout risque de défaite. Si Coulzan perdait son duel, tout se passait néanmoins comme prévu. Il avait distrait Glaucus suffisamment longtemps—au-delà de ses espérances à dire vrai—pour que Limier ne retrouve. Maintenant, ils allaient l’arrêter une bonne fois pour toute.

Il fit appel à son exagide.

— Trouve-moi un moyen de rejoindre les loges, souffla-t-il. En vitesse. On va enfin cueillir ce fumier de Glaucus.

L’exagide disparu aussitôt à travers une paroi. Il allait chercher le moyen le plus rapide pour monter vers les loges, où Glaucus s’était réfugié. Coulzan aurait dû y penser, c’était le lieu idéal pour garder une vue d’ensemble sur la bataille.

Les murs et le plafond se mirent à trembler tout à coup ; et bientôt ce fût toute la structure qui menaçait de s’effondrer sur Coulzan. Éboulement. Il tenta de se précipiter vers l’extérieur pour ne pas mourir ensevelis, mais il se retrouva face à face avec l’œil gigantesque de steelix qui lui barrait le passage. Son regard noir le transperça d’effroi, si bien que Coulzan ne réagit pas quand un luminocanon se préparait dans la bouche de l’immense pokémon d’acier. Soudain, un coup de sabot puissant propulsa l’énorme tête de steelix deus mètres plus loin. C’était la cavalerie lourde de blizzeval ! Exagide arrivait lui aussi, invitant Coulzan à lui monter dessus. Il s’exécuta.

— Merci, mes amis, souffla-t-il au bord de l’épuisement.

Blizzeval opina du chef, puis se retourna pour faire face à steelix, qui se relevait déjà. Exagide s’éleva quant à lui dans les airs, passant bientôt par-delà de l’épais nuage de poussière. Les loges étaient là, devant lui, où il aperçut enfin Glaucus qui se tenait fièrement debout devant des vitres éclatées.

— Tu as mis le temps pour comprendre ! cria Glaucus pour que Coulzan l’entende au loin. Mais trop tard, tout comme tu as compris trop tard que j’attaquerais Hamegel !
— C’est terminé, Glaucus, rétorqua Coulzan.
— Ça, je ne te le fais pas dire !

Un trioxhydre se jeta sans crier gare sur l’exagide et lui infligea une terrible morsure. Coulzan sentit son pokémon vaciller dans les airs. Il était trop faible pour parvenir à se dégager de la puissante mâchoire ennemie. D’où venait cette créature ? Coulzan n’avait pas connaissance d’un tel pokémon dans l’arsenal de Glaucus. Depuis les loges, ce dernier ricanait. Il avait bien caché son jeu.

Coulzan était à deux doigt de faire une chute mortelle, suspendu à son exagide et balancé de droite à gauche par les puissants mouvements de mâchoires de trioxhydre. Ce fut alors qu’il aperçut Limier se positionner derrière Glaucus. Vite ! voulu-t-il crier, mais il n’en avait plus la force. Le palarticho de Limier était avec lui, il allait mettre ce trioxydre hors d’état de nuire d’une seule joute astrale, sa technique maîtresse surpuissante, et super efficace contre les ténèbres de trioxhydre. Limier lui-même était un épéiste hors pair, il ne ferait qu’une bouchée de Glaucus !

Maintenant, Limier ! Dépêche-toi vieux frère !

… mais Limier ne bougeait pas. Il demeurait immobile. Incompréhensiblement immobile. Était-il lui aussi tombé dans un piège de Glaucus ?

Coulzan frôla la chute d’une extrême justesse. Il ne sentait plus les phalanges avec lesquelles il se cramponnait de toute ses forces depuis quelques minutes déjà. Ce fut alors qu’il croisa le regard de Limier.

Et il fut transpercé en plein cœur. La douleur fut vive, nette et précise. Il sentit le vide gagner tout son corps, et le brouhaha de la guerre laissait peu à peu place au silence. Le temps s’arrêta autour de lui. Tout lui semblait immobile en cet instant, comme s’il était tout à coup devenu omniscient. Tout était limpide. Il était toujours accroché à son fidèle exagide, qui résistait au-delà du possible aux morsures du trioxhydre dans l’unique espoir d’éviter une chute mortelle à son maître. Le regard de Limier était sans équivoque. Il n’était sous l’emprise d’aucun maléfice, victime d’aucun piège. Il avait gagné.

Limier avait gagné.

Coulzan relâcha alors sa prise, s’abandonnant à une chute mortelle.

***

— Là !

Marbaude aperçut Coulzan tomber dans le vide juste à temps pour que sidérella puisse le réceptionner par télékinésie et le déposer au sol. Elle s’élança vers lui, traversant le terrain défoncé du stade et son atmosphère chargée de poussière. De nombreux combattants des Galeries, ainsi que quelques pokémons—fermite, taupiqueur et mascaïman pour la plupart, quelque scorplane également—gisaient inconscients sur le sol. Tout autour, les gradins avaient également subi d’importants dégâts. Et dire que le stade devait accueillir le tout premier combat d’arène de Couronneige dans une semaine à peine, avec à l’affiche Nabil venu défier la jeune championne Sophora, rien que ça ! Mais sa destruction n’était peut-être pas une si mauvaise chose après tout, car la municipalité avait expulsé sans ménagement tous les habitants du quartier sud de Hamegel pour l’implanter ici, sur un antre dynamax, pour permettre aux pokémons de dynamaxer.

Marbaude s’agenouilla auprès de Coulzan. Elle vérifia son pouls, il était bon. Il respirait, mais faiblement. Le pauvre homme avait fini par s’offrir à l’abandon. Ç’avait été inévitable, car sa foi s’était chaque jour effritée un peu plus, et ce depuis bien longtemps déjà. Néanmoins Coulzan ne semblait pas avoir subi de blessures trop graves, donc elle allait pouvoir l’évacuer immédiatement.

— Ça y est ! J’ai trouvé une monture ! criait Ramure en s’approchant.

Il était accompagné d’un chamallot, qu’il poussait du bout d’un bâton. Le pokémon avançait avec une lenteur étourdissante.

— J’en ai vu un battre sir Triston à la course, une fois. Ils sont remarquables ! ajouta Ramure.
— Quand j’ai dit la monture de sir Coulzan, je pensais plutôt à son blizzeval, réprima doucement Marbaude malgré la contrariété.
— J’en ai un moi aussi !

Geliverne la rejoignit à son tour. Il avait avec lui un tiboudet, ce qui était en soi une meilleure trouvaille que celle de son comparse, mais toujours aussi inutile. Le baudet mâchouillait la cape que Geliverne portait par-dessus sa brigandine en cuir.

— Oh non ! s’affola tout à coup Geliverne en apercevant Coulzan. Sir ! Vous êtes mort sir ?
— Il ne répond pas, commenta Ramure, c’est plutôt bon signe.
— Messeigneurs auraient-ils l’obligeance de se taire, s’impatienta Marbaude en tâchant de chasser les mauvaises pensées de son esprit. Je vous demande de me ramener blizzeval pour transporter sir Coulzan, et vous revenez avec… ou vous avez trouvé ces pokémons d’abord ?
— Ce sont les pokémons d’un type qui dort, là-bas, pointait du doigt Ramure.

Marbaude aperçut le corps inerte d’un guerrier des Galeries, trois pokéballs ouvertes autour de lui. Un osselait était encore à ses côtés, les larmes aux yeux. Marbaude sentit alors sa gorge se serrer.

— Paix à son âme, murmura-t-elle en se signant.

Ennemi ou pas, un drame demeurait un drame. Et ces trois pauvres pokémons se retrouvaient maintenant sans maître pour prendre soin d’eux.

— Vous avez bien fait, finit-elle par dire aux chevaliers.

Marbaude fit appel à son cerbyllin, qui se matérialisa à côté de sidérella.

— Installez sir Coulzan sur cerbyllin, demanda-t-elle aux seigneurs Ramure et Geliverne. Sidérella, localise blizzeval. Je veux que l’on soit parti dans moins d’une minute.
— Ce n’est pas possible, argua Ramure, tropius n’est pas encore revenu des cuisines.
— Mais qu’est-ce qu’il fait aux cuisines, s'irrita Marbaude.
— Ben il est aller chercher à manger, répondit Ramure.
— Ça nous creuse, nous, de partir en mission, justifia Geliverne.

Marbaude prit le temps de respirer profondément, ne serait-ce que pour se retenir de leur tirer elle-même un coup d'arbalète dans l'arrière-train. Tropius ou pas tropius, ils devaient partir au plus vite.

— Deux minutes, concéda-t-elle avant de se retourner.

Elle s’approcha ensuite du petit osselait et s’accroupit à côté de lui, sans dire un mot. Une fois qu’elle eut son attention, elle tourna la tête vers chamallot et tiboudet, comme pour l’inciter à en faire autant.

— Rien ne sera jamais plus comme avant, dit-elle simplement. Mais tu n’es pas obligé de rester seul pour autant. Nous, nous quittons cet endroit de malheur. Je ne te demande pas de devenir mon partenaire, je t’invite simplement à nous accompagner. Tu auras tout le temps nécessaire par la suite pour faire ton deuil et décider de ton avenir.

Le petit osselait fixait longuement Marbaude. Il sécha enfin une larme naissante. La sœur vivait pour ces moments-là. Humains ou pokémons, elle avait dévoué sa vie à la protection des plus démunis. Elle fut heureuse de voir qu’elle avait convaincu osselait.

— Bien, allons-y, dit-elle en se relevant.

Il était effectivement plus que temps de partir. Des voix s’élevaient derrière le brouillard de guerre, et elle n’avait aucune envie de se retrouver face à qui que ce soit. Ni aux fidèles de Glaucus, ni à Limier, ce traître opportun qui avait attendu la défaite de Coulzan pour ensuite arrêter Glaucus. Sidérella avait vu venir l’avènement de Limier comme le nouveau leader de l’Ordre de la Couronne, et quand bien même les visions de son pokémon n’étaient jamais définitives, elles avaient été suffisamment intenses pour pousser Marbaude à intervenir ici. Et à juste titre.

Elle rejoignit ses compagnons à grands pas, osselait sur ses talons. Ramure et Geliverne étaient en train d’attacher les chevilles de Coulzan avec une ceinture.

— Mais qu’est-ce que vous faites encore ? s’enquit-elle.
— C’est pour mieux le porter, commença Ramure.
— Ouais, parce qu’il a les jambes qui tombe, ce n’est pas pratique.
— Ou alors, on lui baisse son pantalon sur les chevilles, et—
— Les voilà !

Les soldats de la garde, reconnaissables à leurs uniformes blancs et bleus, apparaissaient à travers les volutes de poussière, épée en main. La capitaine Gardemeer elle-même était là, accompagnée de son roucarnage et de son exagide chromatique.

— Sœur Marbaude, quelle surprise de vous voir ici, commença Gardemeer.
— Croyez-moi, pas aussi surprenant que votre présence à vous.

Par réflexe, Marbaude resserra sa main sur son arbalète par-dessous sa robe de none. Elle savait exactement pourquoi Gardemeer était là. Elle avait aidé Limier à prendre le pouvoir en arrêtant les derniers combattants des Galeries, le temps que lui en terminait avec Glaucus et Coulzan. Il était impossible donc qu’elle ne la laissa partir avec ce dernier.

Et Gardemeer savait qu’elle savait. Ses pokémons se mirent en position de combat. Marbaude elle, baissa sa garde. Elle devait croire en son destin. Elle n’avait de toute façon pas le choix, ses pokémons n’étant pas dressés pour le combat.

Tout à coup, des mouvements d’ailes se firent entendre de plus en plus fort, et une grande masse ombrée perça l’écran de poussière pour venir s’écraser pile sur l’ennemi… c’était un tropius !

— Tropius ? s’enquit Ramure. Mais qu’est-ce qu’il s’est passé, t'as mangé trop de flageolets ?

Marbaude réagit immédiatement ; deux carreaux de son arbalète vinrent se planter dans l'armure d'un membre de la garde, le projetant au sol. Elle entreprit ensuite de porter Coulzan elle-même, mais le roucarnage et l’exagide de Gardemeer l’attaquèrent aussitôt. Elle fut sauvée in extremis par le retour de sidérella et de blizzeval, ce dernier stoppant net les pokémons ennemis avec son blizzard.

— Dites-moi que je rêve ! pesta Gardemeer en tâchant d’escalader le tropius qui gisait par terre, visiblement désorientée par le choc.

Un carreau vint se ficher dans son épaule, lui arrachant un cri de douleur. Elle se remit aussitôt à l'abri derrière l'imposant pokémon brachiosaure. Sidérella déposait déjà Coulzan sur le dos de blizzeval grâce à sa force psychique, tandis que Marbaude sauta sur le dos de cerbyllin, tenant osselait dans ses bras. Geliverne voulut monter tiboudet, mais hésita, se retournant vers Ramure qui s’était précipité vers tropius

— Geliverne ! cria-t-elle. Ne gaspillez pas le sacrifice de Ramure. Nous devons encore mener Coulzan à l’abri !

Gevliverne semblait lutter intérieurement, mais il décida finalement de laisser Ramure seul face à Gardemeer, qui elle était en train de lutter contre le kraknoix de Ramure. Il monta enfin le tiboudet.

— Allez !

Marbaude donna des coups de talon à cerbyllin, qui partit au galop, suivi de près par blizzeval et tiboudet. Le destin leur avait souris, contrairement à Coulzan. Lui, n’avait rien vu venir. Ni la trahison de Glaucus, ni celle de Limier. Mais malgré le drame de la situation, c’était probablement pour le mieux. Car sa foi s'effritait petit à petit, depuis bien trop longtemps déjà ; et cette claque du destin était peut-être l'électrochoc qui allait le sauver.