Chapitre 4 - La Bataille de Hamegel, partie 1
— Vous me faites rire avec vos bastiodon !
Groslouis se moquait allégrement de la rangée de pokémons préhistoriques qui bloquaient le passage entre la Montée de Beaugant et le plateau, où dame Zesther avait tenté un coup d’état. Pas question qu’il ne déborde sur Hamegel, avait ronchonné la capitaine Gardemeer, mais ce déploiement était excessif. Derrière les bastiodon, une rangée de gardes aux couleurs blanches et bleues de leur ville se tenaient prêts à dégainer les pokéballs, qu’ils gardaient précieusement dans des coffres de combat thématiques ; que ce soit selon un type ou une caractéristique particulière, ou quoi que ce fut d’autre. Un peu plus à l’arrière, là où s’étaient trouvé les navets de Groslouis deux semaines plus tôt, des camions de capsules techniques étaient garés et à disposition pour adapter les pokémons du front aux modalités du combat. De la stratégie militaire, disaient-ils. Ou de la logistique. Mais peu importe, cette approche institutionnalisée des combats pokémons venue tout droit de Galar avait tout d’une grande blague en comparaison à l’art ancestral de la guerre pokémone de Couronneige. Leurs clans guerroyaient depuis des millénaires, bien alignés en bataille rangée et sans artifice. Jamais ils n’avaient eu besoin d’une telle mascarade.
— Vous verrez dans deux ou trois ans, quand mon rhinocorne aura évolué ; il aura un pouvoir de percée bien plus impressionnant que votre rangée de tête plate !
— Pour la dixième fois, nous n’avons ni deux ans devant nous, ni l’intention de percer quoi que ce soit, répondit Gardemeer.
La capitaine faisait les cents pas sous une toile de tente à quelques mètres de là, passant d’un écran à l’autre et questionnant quelques hommes qui gardaient leurs yeux rivés dessus. Drôle de manière de faire la guerre, devant la télé. Ce satané confort avait bel et bien perdu les galariens !
Une voix grésilla dans une radio. Groslouis ne compris pas tout, mais apparemment sir Zeelien—qui était aussitôt retourné dans son fief dès que la nouvelle de la trahison de sa tante lui était parvenue—avait la situation sous contrôle. Le Grand Antre et la Monté de Beaugant semblaient être en sécurité, car les combats avaient débordé de l’autre côté, en direction de la Gare de Couronneige.
— Sir Zeelien lui-même se trouve au Quartier Ferroviaire, capitaine, l’informa une femme au garde-à-vous. Nos analyses des forces en présence indiquent qu’il devrait être capable de protéger la gare tout comme les navettes pour Hamegel.
— Ne criez pas victoire trop tôt, tempéra Gardemeer. On n’est jamais à l’abris d’une surprise avec les chevaliers de l’Ordre.
— C’est vrai que pour une surprise, c’est une surprise ! intervint Groslouis. Qui l’eut cru que l’on fasse équipe un jour ?
— Pour une fois suis d’accord avec vous, sir Grosouis, mais croyez-moi, ce n’est pas de mon fait !
Gardemeer fixa longuement les volutes de fumée qui s’élevaient dans le ciel orangé au loin. C’était là-bas que les combats faisaient rage, bien qu’aucun bruit ne parvenait jusqu’ici. Elle semblait préoccupée.
— Vous devriez manger quelque chose, capitaine, s’inquiéta Groslouis. Vous n’avez rien avalé depuis la collation de onze heures. Et il est déjà midi.
— Merci, mais je n’ai pas faim.
— C’est sûr qu’avec votre tranche de tomate cuite et ses trois haricots d’accompagnement qu’on vous sert dans votre cantine, je n’aurais pas faim moi non plus ! J’ai dans mon rongrigou des fèves avec une sauce à l’arachide, des gâteaux de riz au miel et plein d’autres bonnes choses, proposa-t-il.
Derrière Groslouis, l’obèse rongrigou s’arrêta net de mâcher, les bajoues démesurément grosses. Il recracha une pâtée difforme et collante dans sa main, qu’il tendit à Gardemeer.
— Gou ?
— Capitaine ! interpella un soldat qui accourait. Capitaine, on signale un mouvement de foule au centre-ville de Hamegel !
— Comment ça, un mouvement de foule ? s’enquit-elle.
Une tablette informatique motismatisée se précipita aussitôt devant Gardemeer.
— Un tunnel est apparu dans une cave à vin, duquel sont sortis Goulot et ses terribles grotichon.
— Je vous demande pardon ? s’enquit Gardemeer.
— Vous savez, Goulot, un contrebandier des Galeries que l’on recherche depuis des années, et qui travaille avec des grotichon tunneliers.
— Et qu’est-ce qu’il veut, ce Goulot ?
— Aucune idée, capitaine. C’est-à-dire qu’il était soûl comme un cochon quand il a été interpellé…
— Interpellé ? Mais on n’a personne sur place, s’étonna la capitaine.
— Interpellé par sir Limier, capitaine. Il est maintenant en train de régler leur compte aux grotichon qui sont à la source de ce mouvement de foule. Dois-je le faire arrêter aussi pour entrave à l’exercice de l’ordre ?
— Non laissez-le, Limier est compétent.
Sir Groslouis eut tout à coup la sensation que le sol se dérobait sous ses pieds. Il tenta de déplacer son imposante personne alors que l’équilibre le fuyait : ce ne fut pas une mince affaire ! Il y parvint enfin, et découvrit alors le crâne d’un grotichon qui tentait de sortir de terre. Aussitôt, son rongrigou sauta sur le crâne, et le grotichon dessous accusa le coup. Une autre alerte se mit à sonner sur la tablette.
— D’où ça vient ça ? demanda Gardemeer.
— De… sur nous ? tenta de comprendre le soldat les yeux rivés sur la tablette.
— De sous nous, corrigea Groslouis.
***
Fumier.
Coulzan s’activait dans les écuries du Vieux Donjon, enfilant ses bottes et sa cape à toute vitesse. Il l’avait pourtant suspecté depuis longtemps, mais jamais il n’avait imaginé que Glaucus ne le trahisse réellement. Quelle naïveté ! Un cornèbre messager lui rapportait déjà des infiltrations des hommes des Galeries à plusieurs endroits en ville, passés a priori par des tunnels inconnus qui venaient directement du domaine des Galeries.
— Cor cor cor cor cor cor cor cor cor, cornèbre !
— Vous comprenez ce qu’il dit ? s’inquiéta un soldat de la garde envoyé par Gardemeer.
— Bien sûr, ils ont été élevés par les meilleurs spécialistes de Couronneige, se targua Coulzan. Celui-ci bégaye un peu, mais dans l’ensemble il dit que le Grand Hôtel, l’hôpital et le stade sont visés par l’ennemi.
Le soldat ne sut que répondre. Il resta immobile pendant que Coulzan ouvrait les portes de l’écurie : la plus vieille tour de Hamegel qui servait également de quartier général à l’Ordre de la Couronne. Évidemment, l’usage des cornèbre messagers devait lui sembler très étrange, comme la garde avait préféré les systèmes électroniques à la mode galarienne ou, au meilleur des cas, des abra étrangers capables de télépathie. Coulzan n’avait de toute façon pas le temps de discuter davantage, et encore moins de répondre aux requêtes de Gardemeer.
— Transmettez à votre capitaine que nous intervenons pour stopper Glaucus, indiqua-t-il au soldat en se précipitant à travers le plancher de paille vers son blizzeval. Glaucus agit à l’encontre des objectifs de l’Ordre de la Couronne, en aucun cas nous ne sommes complices de sa folie.
— D’accord, mais la capitaine a dit que—
— Je vais envoyer deux hommes au Grand Hôtel, trancha Coulzan, ils vous feront gagner du temps avant que Gardemeer n’intervienne.
— Bien sir.
C’était le mieux qu’il puisse faire pour montrer sa volonté de coopérer avec la municipalité. Le Grand Hôtel était un établissement galarien, fait par les galariens, pour les galariens, et Gardemeer avait priorisé sa défense. Seulement, elle interviendrait trop tard car ses forces étaient occupées ailleurs. Coulzan y envoyait donc Ramure et Geliverne leur faire gagner du temps.
Mais il ne pouvait pas suivre toutes les instructions de Gardemeer, il n’était pas son sujet ! D’autant plus que Groslouis avait empêché lui-même l’infiltration ennemie à la Monté de Beaugant, disait-on. Un coup de chance certes, mais néanmoins une prouesse rare, d’autant plus qu’il était le seul chevalier de l’Ordre parmi un peloton entier de la garde de Hamegel. Coulzan n’allait certainement pas manquer de capitaliser dessus !
— Allez mon ami, on y va, indiqua-t-il à son fidèle destrier, qui partit aussitôt au galop.
Le cornèbre bègue volait aux côtés de Coulzan, non sans difficulté vu la vitesse de blizzeval.
— Transmet aux seigneurs Ramure et Geliverne de se rendre au Grand Hôtel ! cria Coulzan pour couvrir le sifflement du vent.
Aussitôt, le cornèbre s’écarta, bifurquant vers sa propre destination. Alors qu’il fonçait à travers les petites rues pavées de la vieille ville, Coulzan revisualisait les différents fronts. Limier faisait le ménage pas très loin de là, dans le centre-ville, et Groslouis monitorait la situation à la Montée de Beaugant, alors que la garde nettoyait le tunnel qu’il avait découvert sur leurs arrières. Triston lui, devait protéger l’hôpital, dans lequel il séjournait toujours suite à son empoisonnement au Faubourg Chimère. Vacherin et le scribe Toqué se chargeraient de la défense du Vieux Donjon. Enfin, lui-même se rendait au Pit ; un mot emprunté à leur langue ancestrale qui désignait un puits où les guerriers de Couronneige réglaient leurs comptes dans des combats à mort. Dans sa version modernisée, il s’agissait du premier stade financé par la Ligue Pokémone de Galar à Couronneige.
Un bruit sourd attira soudain l’attention de Coulzan. Il aperçut au loin l’un des grands luminaires du stade s’effondrer. Ainsi que le drattak de Glaucus. Ça ne pouvait être que le destin qui l’avait mené directement sur son ennemi.
***
— Bon, monsieur Triston, sortez de ce placard maintenant.
— Sir Triston ; je suis le seigneur héritier du Géant, ne vous en déplaise !
L’héritier du Géant, comme il aimait à le rappeler sans cesse, était accroupi dans le placard mural de la chambre, nu sous sa chemisette d’hôpital. En temps qu’infirmière, Osha se devait de réunir les patients dans les plus hauts étages, pour les protéger de l’attaque des hommes des Galeries. Mais Triston lui causait bien des ennuis.
— Sir Coulzan m’a confié la protection de l’hôpital, alors je ne bougerais pas de là !
— Allons, vous êtes ridicule, s’impatienta Osha. Qu’est-ce que vous protégez comme ça ?
Triston sembla réfléchir un instant. Des cris et des bruits de casse remontaient déjà des étages inférieurs, l’ennemi se rapprochait, et ils n’avaient plus guère de temps pour partir. Osha était originaire des Galeries, tout comme Glaucus, et elle savait très bien qu’il était assez fou pour attaquer l’hôpital. Celui-ci avait été financé par des investisseurs galariens, une bonne idée de la municipalité pour moderniser le système de soin quelque peu dépassé de Couronneige. Et si Osha éprouvait de la sympathie pour la quête sacrée de l’Ordre de la Couronne, elle comprenait également le besoin de modernité ; il n’y avait qu’à voir à quel point son confort de vie s’était amélioré depuis cinq ans, c’était étourdissant !
Mais voilà, Glaucus était extrême dans ses prises de position, et il avait apparemment décidé que tout ce qui était galarien devait disparaitre.
— Glaucus arrive, ajouta-t-elle d’une voix solennelle. Pensez-vous vraiment pouvoir lui faire face ? Vous ne feriez que condamner votre pauvre Raymond a de terrible souffrance, contre les pokémons affûtés de Glaucus.
Osha cru une seconde qu’elle avait enfin réussit à le convaincre, elle ou les cris de détresses qui se rapprochaient. Mais ce fut sans compter sur l’arrivée fracassante de sa fiancée, Zélie.
— Triston ! lança-t-elle en entrant dans la chambre. Mon brave Triston, où êtes-vous !
— Ici, ma mie ! Rejoignez-moi !
— Mon galant, mais que faites-vous donc là ?
— Je prépare une riposte que l’ennemi ne sera pas près d’oublier ! se pavana-t-il.
— Dans le placard ?
— C’est pour l’effet de surprise, ma douce. Stratégie militaire de premier ordre ! L’ennemi entre, ne voit personne, et repart. Implacable !
— Vous ne rentrerez jamais à deux là-dedans, s’entendit dire Osha, ayant visiblement abandonné elle aussi l’idée de les en sortir.
— Nous aurions plus d’espace sous le lit, non ? proposa Zélie.
— Certainement pas ! précipita Triston. Il y a vémini là-dessous.
Encore cette histoire de vémini ! Triston le mentionnait au moins dix fois par jour, et en une semaine, Osha ne l’avait encore jamais vu. Ni elle, ni les autres personnels soignants d’ailleurs. Le pauvre garçon avait été tellement affecté par sa mésaventure au Faubourg Chimère qu’il le voyait encore partout ; le moindre bruit le faisait paniquer.
— Mais comment allons-nous faire ? s’affola Zélie.
— Vous pouvez toujours rejoindre les autres dans les étages, en attendant que la garde n’intervienne, tenta une nouvelle fois Osha.
— Que nenni ! s’insurgea Triston. Prenez ma place, ma mie. Je combattrai ici pour vous protéger, et vous irez rapporter ma bravoure à sir Coulzan !
Triston mit un temps remarquablement long pour s’extirper de ce placard bien trop petit pour lui. Une fois le jeune homme sortit, Osha compris pourquoi ; son ramoloss galarien était lui aussi à l’intérieur. Mais il était coincé, lui. Dans le couloir, les cris semblaient maintenant tout proche. Tout à coup, une leveinard entra précipitamment dans la chambre, portant précieusement un œuf dans les bras. Elle était suivie de près par un infirmier, un formateur galarien avec lequel Osha avait beaucoup appris. Tous deux semblaient totalement paniqués.
— Quelle chance ! On nous ravitaille ! s’écria Triston.
— Ne touchez pas à cet œuf malheureux ! le stoppa net Osha. Il s’agit de son petit, elle le couve au travail !
— Diantre ! Nous avons frôlé la catastrophe. Quelle idée d’avoir un leveinard dans un hôpital.
— Tous les hôpitaux ont des leveinard, rétorqua l’infirmier galarien.
— Pas chez nous ! dit Triston, qui entreprit de tirer son ramoloss hors du placard.
Le galarien interrogea Osha du regard.
— Nous, on bouffe les œufs, expliqua-t-elle simplement, en haussant les épaules.
— Et on se soigne avec les lucario, ajouta Triston, qui tirait bien mollement.
— Vous quoi ?
— Ici à Couronneige, on utilise l’aura des lucario pour dépister les maladies, expliqua Osha. C’est qu’on n’avait pas de radio.
— Et pour l’anesthésie aussi, ajouta Triston, qui avait enfin libérer son ramoloss.
L’obèse pokémon entreprit de ramper avec une lenteur folle pour se cacher sous le lit, laissant derrière lui une trainée de sueur poisseuse.
— Pour anesthésier ? Vous m’auriez dit papilusion, j’aurai compris, mais lucario ?
— Un bon coup sur le crâne, c’est très efficace, lâcha Triston en reprenant son souffle.
VLAM !
La porte vola en éclat. L’ennemi était déjà ici. Osha cherchait déjà ce qu’elle pourrait dire pour le calmer. Elle venait des Galeries elle aussi, leur agresseur aura peut-être de la sympathie pour elle ?
— Tristifer ! Mon cousin ! Nous sommes sauvés ! cria Triston.
Le Tristifer en question soupira. Il ressemblait effectivement à Triston, mais il avait les cheveux bouclés et l’air bien plus ténébreux.
— Merde, malgré tous les galariens ici il a fallu que je tombe sur toi…
Tristifer appela son lucario hors de sa pokéball.
— Ah, vous êtes médecin vous aussi ? constata l’infirmier galarien, tout à coup soulagé.
Une sphère d’aura vint percuter le galarien en plein dans l’abdomen, le propulsant de l’autre côté de la chambre. Le pauvre homme ne put se relever, se contentant de gémir par terre.
— Navré cousin, mais je vais prendre la place de Tricor sur le trône de pierre, annonça-t-il froidement.
Un silence s’installa dans la chambre, le temps que Triston comprenne la situation.
— Parjure ! lança-t-il enfin.
— C’est mieux ainsi, dit Tristifer. Le domaine du Géant en sortira bien plus grand, tu verras.
— Sir Coulzan sera très déçu de te savoir avec Glaucus, accusa Triston, les larmes aux yeux. En garde ! Je me dois de t’arrêter !
— Voyons Triston, je ne veux pas te faire de mal…
— Tu aurais dû y penser avant de te couvrir de honte, mon cousin. Raymond, plaquage !
Le pokémon tenta un petit saut, mais ne parvint qu’à se retourner sur le dos. Il demeura ainsi, incapable de se remettre sur pieds.
— Léon, balayage, commanda Tristifer, visiblement blasé.
Son lucario s’exécuta avec une vitesse vertigineuse, mais il glissa sur la sueur de ramoloss avant même d’avoir pu porter son attaque, et s’étala par terre, propulsé par son élan jusque sous le lit. Il couina brièvement, puis tenta de ramper pour sortir de là-dessous, faiblement, avant de finalement à convulser. A la surprise générale, sauf de celle de Triston, ce fut un vémini qui sortit au grand jour.
— Il l’a piqué ! commenta Triston.
— Qu’est-ce que… une chimère ? s’enquit Tristifer, sous l’effet de surprise.
Le vémini en question vint flotter dans l’air juste à côté de Triston.
— Oui, il me suit partout. D’habitude il me pique moi, ça l’amuse je crois.
Osha comprit enfin pourquoi l’état de Triston ne s’améliorait pas depuis une semaine qu’il était ici ; il recevait régulièrement d’autres doses de poison. Tout s’expliquait ! à le voir ainsi, le vémini semblait s’être pris d’affection pour Triston, mais son sourire s’effaça rapidement lorsqu’il aperçut Tristifer. Si elle ne comprenait certainement pas tout, la chimère devait percevoir l’animosité de Triston pour son cousin, si bien qu’elle se précipita vers lui.
— Lâche-moi sale bête—
Trop tard. Tristifer eut beau se débattre, il se fit piqué lui aussi par la chimère. Il lança un dernier regard accusateur envers Triston.
— Foutu cupidité… je savais que ça me perdrait… articula-t-il difficilement avant de s’effondrer par terre.
***
Epée en main, Limier terrassa trois ennemis coup sur coup. Deux autres hommes des Galeries hésitèrent avant de l’attaquer ; cette erreur leur fut fatale. Limier était déjà sur eux, et ils furent mis au sol en moins de temps qu’il n’en fallu pour le dire. Il était non seulement le meilleur chevalier de l’Ordre de la Couronne, mais également le meilleur chevalier de tout Couronneige. Malgré tout, ces rats des Galeries avaient continué d’affluer sur lui.
Un dernier homme l’attaqua par derrière, l’épée levée par-dessus sa tête, mais il fut aussitôt projeté au sol par un rayon gemme. Limier leva la tête vers son arcanin hisuien qui trônait sur un rocher un peu plus loin, et le remercia d’un signe de tête.
Limier se trouvait devant la mairie, sur la plateforme qui surplombait Hamegel. Autrefois, la maison du chef du village se trouvait ici, mais il était parti peu après le départ de Gloria, laissant sa place au nouveau maire et à ses hordes d’investisseurs galariens. D’ici, ils avaient une vue imprenable sur l’ensemble de la ville et le Champs-de-Mars plus particulièrement, ainsi que sur la montée qu’il avait empruntée depuis le centre-ville historique jusqu’ici. Il avait terrassé tous les ennemis sur son passage, pour venir au secours de la mairie. Celle-ci en temps normal était toujours gardée, mais pas suffisamment pour faire face à une attaque de cette ampleur, et elle était tombée en dix minutes à peine aux mains de ces barbares des Galeries.
— Il est ici ! cria une voix rauque derrière Limier.
Le chevalier se retourna pour faire face à un nouveau groupe de combattants, des dresseurs pokémons cette fois. Ils lui bloquaient le passage jusqu’à l’entrée de la mairie. La dernière ligne de défense. D’un œil affûté, Limier évalua les forces en présence. Ils étaient une vingtaine, avec au moins le double de pokémons. Tous n’étaient pas devant lui, Limier apercevait certains tenter de le contourner discrètement en passant derrière les arbustes et les parterres de fleurs qui occupaient l’espace extérieur.
Il siffla. Et sans attendre, ses pokémons se réunirent autour de lui. Son arcanin hisuien bien sûr, son palarticho également, ainsi que son luxray et son carmadura. Ses fidèles coéquipiers évaluaient eux aussi la situation.
— Tactique défensive quatre, annonça-t-il simplement. Protection centrale et nettoyage au rayon gemme. On cible à la joute astrale et à l’étincelle.
Carmadura prit immédiatement position devant Limier, et arcanin derrière lui. Palarticho et luxray se positionnèrent sur ses côtés. L’ennemi attaquait déjà, une horde de racaillou avançant derrière le blindage des gravalanch. Leurs attaques furent repoussées par le champ de protection de carmadura. Des rocabot et lougaroc, farfuret et dimoret, terracool et terracruel, et bien d’autres encore, se joignirent à la charge, ainsi que des sabelette, sablaireau, rototaupe et minotaupe qui tentèrent de contourner la protection en passant sous terre. La stratégie de l’ennemi était claire ; déborder la défense de Limier. Il l’avait anticipé.
— A toi arcanin, indiqua-t-il calmement, mais concentré.
Immédiatement, une pluie de rayon gemme s’abattit sur les pokémons assaillants. Dans la foulée, luxray et palarticho stoppaient les sabelette et sablaireau par des casse-brique et crocs givre respectivement. Limier suivait attentivement le déroulement de la bataille, et particulièrement les pokémons les plus solides. Un grolem roulait à toute allure vers eux.
— Grolem à neuf heures. Lance la joute, palarticho.
Aussitôt, palarticho chargea le grolem avec joute astrale pour mettre le grolem hors d’état de nuire d’un seul coup si monumental que les pokémon autours s’arrêtèrent de courir. Ils furent immédiatement nettoyés par les rayons gemme. Luxray poussa ensuite un petit cri d’alerte. Limier compris. Les planqués étaient sur le point de l’encercler complètement.
— Bien vu, luxray, occupe-toi d’eux.
La vision de luxray lui permettait effectivement de voir à travers toute substance. Il pouvait donc situer très distinctement tous les ennemis et pokémons qui avançaient cachés pour les contourner. Il les cibla parfaitement avec sa technique étincelle qu’il maniait comme un tireur d’élite.
Limier s’en sortait, mais tout juste. Et le combat gagnait en intensité. Son palarticho lança une joute astrale dans les airs juste au-dessus de lui ; si Limier fut surpris par la tactique, il comprit rapidement qu’il avait manqué un ptéra qui s’apprêtait à les attaquer par les airs. D’autres arrivaient, et les pokémons assaillants sous terre devenaient dangereusement trop nombreux.
— Carmadura, lâche la protection et flambe-moi ces tunnels !
Le chevalier de feu s’exécuta immédiatement. Les relents de chaleurs des puissants lance-flammes de carmadura fouettaient le visage de Limier, le poussant à fermer les yeux quelques secondes. Sur au moins vingt mètres devant lui, la terre se gonfla, explosant par endroits pour laisser échapper la pression accumulée en sous-terrain. Les ptéra approchaient à vive allure.
— Luxray ! Tombe-moi cette escadrille ! hurla Limier.
Les éclairs de foudre envoyés par luxray stoppèrent les attaques des ptéra au dernier moment, mais ceux-ci se préparaient déjà pour une seconde charge. Limier était en train de se laisser déborder. Arcanin ne parvenait plus à assurer la couverture aux rayons gemme avec la même cadence, et palarticho commençait à fatiguer d’utiliser sa joute astrale. Limier se résolu à tenter une sortie pour aller attaquer directement les dresseurs ennemis. Il monterait arcanin pour cette charge surprise.
— Tactique d’évasion six ! cria-t-il. Arcanin, sur la dr—
— Ne bougez plus !
C’était la voix de la capitaine de la garde, Gardemeer. Limier leva la tête et la vit arriver à dos de corvailus, accompagnée d’une escouade sur airmure. Rapidement, la garde prit le relais de la bataille, en commençant par chasser les ptéra. Les pokémons de Limier le rejoignirent au fur et à mesure que le danger immédiat diminuait. Ils étaient bien heureux d’avoir un peu d’aide. Le corvailus de Gardemeer vint la déposer juste devant Limier.
— Merci, dit-il simplement, sentant la fatigue le gagner.
— Merci à vous, répondit-elle humblement. Rien ne vous obligeait à protéger la mairie.
— C’était le moment idéal pour faire un pas vers vous, au lieu de toujours nous disputer.
— Je ne l’oublierai pas.
Autour d’eux la bataille faisait rage, mais la garde repoussait déjà l’ennemi sur le parvis de la mairie. D’autres membres de l’escouade airmure débarquaient sur les balcons et prenait d’assaut les étages. La victoire n’était plus qu’une question de temps. Limier profita d’un repos largement gagné, quand un cornèbre messager arriva.
— Cor cor cor cor cor cor cor cor cor cor, cornèbre !
— Pas de repos pour les braves, souffla Limier en se tournant vers ses pokémons. Allons-y mes amis, Coulzan a besoin de nous.