Murs invisibles
«Elle t'as proposé quoi ?» lui demanda Ludo.
Sitôt l'entrevue finie Lucille était rentrée dans la chambre d'hôte pour appeler son supérieur et lui raconter ce qui c'était dit quelques minutes avant.
Lucille se laissa tomber sur le lit maintenant qu'elle n'avait plus à rester debout.
_«Ty ?» murmura le pokémon Oiseaucoton, surpris de l'attitude de sa maîtresse, mais elle lui répondit d'un sourire et il alla se poser sur un meuble satisfait.
_«Elle m'a demandé de refaire la salle de l'épreuve de l'arène. Entièrement. Pas juste redécorer, non, elle veut une toute nouvelle épreuve.» dit Lucille qui finissait
d'ajuster sa position sur le lit.
_« D'accord, d'accord.» lui dit Ludo, manifestement aussi surpris que dérouté. «Tu veux bien tout reprendre depuis le début ?»
Lucille resta interdite de ce qu'elle venait d'entendre. Refaire une arène ?
_«Vous voulez que je refasse votre salle d'épreuve ? Vraiment ?» demanda Lucille qui n'essaya même pas de cacher son étonnement. «Je vous l'ai dit je n'ai
jamais fait ça. J'ai juste réaménagé des bureaux, des magasins et un restaurant. Mais là ça n'a rien à voir. Vous devriez embaucher quelqu'un d'autre, il y a plein
d'agence d'architecte qui savent faire ça.»
_«Je sais qu'il y a d'autres personnes avec de l'expérience dans ce domaine, mais ce n'est pas ce que je veux.» la voix de Jeannine trahissait subtilement quelque
chose de plus profond. «Je ne veux pas que ce soit un simple contrat, je veux un projet qui est une âme, une personnalité. Un vétéran ne pourra pas m'offrir ça,
vous oui. Je peux vous montrer l'arène avant que vous refusiez pour de bon ?»
Il y avait une réel douceur dans les propos de Jeannine. Et sa façon de demander à ce que l'on s’occupe de son arène laissait deviner qu'il y avait quelque chose
d'au delà du bâtiment, quelque chose de personnel, Lucille en était sûre. En tout cas ça suffis pour la convaincre d'aller plus loin. Et puis elle n'avait pas fait le
voyage depuis Illumis juste pour repartir maintenant.
_«Oui, j'imagine que je peux jeter un coup d’œil. Mais je ne vous garantis pas d'accepter au final. Si je sens que c'est trop gros pour moi je vous le dirais.»
répondit la designeuse.
Cela suffit à rassurer Jeannine qui reprit sa visite. Après une montée en pente douce elles arrivèrent à l'un des deux cotés spectateur de la salle d'épreuve.
Les arènes de Kanto sont composées de trois salles : une salle d’accueil, une salle d'épreuve et une salle de combat pour le maître ou la maîtresse des lieux. La
réglementation de la ligue veut que chaque arène est la même apparence extérieur, les mêmes dimensions, les mêmes salles d’accueil et une salle de combat
dans les dimensions officiels (même si le terrain peut être modifié dans un certain cadre). La salle d'épreuve est le seul endroit que les champions et
championnes d'arène peuvent donc totalement adapter à leur envie et style, les seules limites étant la taille de la pièce et de ne pas offrir une expérience trop
dangereuse. Elles sont ainsi le reflet de l'imagination et du style du propriétaire des lieux, et aucunes ne se ressemblent.
La salle d'épreuve de l'arène de Parmanie de son coté était une simple pièce au parquet de bois à l'ancienne. Rien de plus.
_«Mais il n'y a rien.» s'étonna Lucille, qui commençait à comprendre le souci de Jeannine.
_«Regardez mieux.» lui dit Jeannine, en pointant un doigt vers la pièce.
Lucille regarda de nouveau, rien. Elle plissa les yeux, encore et encore, jusqu'à déceler un subtil reflet quelque part au dessus du sol boisé.
_«Qu'es ce que c'est ?» demanda la jeune femme, intriguée.
_«Des murs transparents.» lui répondit la kunoichi, comme si c'était naturel pour tout le monde. «Ils sont sensés tester la perception des challengers. C'est un
entraînement ninja basique.» sa voix avait changé pour une certaine forme de lassitude en disant ses mots. «Ce n'est pas très inspiré, ou moderne, en plus il faut
les nettoyer tous les jours.»
Pendant ce temps Tylton voleta dans la pièce, et se confronta aux murs transparents, il butta sur plusieurs d'entre eux et finit par s'envoler pour retourner aux
cotés de sa dresseuse.
_«Vu comment vous en parlez, j'en déduis que ce n'est pas votre idée, et que vous n'aimez pas ça.» dit Lucille avec une certaine prudence.
Jeannine poussa un petit soupir, et alla s'asseoir sur l'un des bancs de l'estrade, son Migalos grimpa sur le mur, et se posta à proximité.
_«Vous avez raison. J'ai reçu cette arène de mon père, Koga, quand il a été promu au conseil des 4. En fait cette arène tourne dans ma famille depuis des
générations. Ces murs restent mais c'est toujours un membre de ma famille qui se tient dans la dernière salle. Et ça me conviens, vraiment, j'adore mon héritage
ninja. C'est juste que je voudrais du changement. Être plus qu'un chapitre dans l'histoire de cette arène. Vous voyez ce que je veut dire ?»
Au final c'était bien autre chose qu'une histoire de mur en verre transparents que Jeannine voulait changer, c'était bien quelque chose de personnel.
Lucille s’assit à proximité de Jeannine.
_«Je n'ai pas vécu quelque chose de similaire, alors je ne peut pas dire que je comprends. Mais j'imagine.» dit Lucille avec compassion. Après une hésitation elle
posa la question qu'elle avait en tête depuis son arrivée ici. «Mais pourquoi moi ? Je veut dire il y a plein de personnes qui pourrait vous faire une nouvelle
épreuve. Moi je n'y connais rien.»
_«Et bien j'apprécie votre style, c'est décontracté, frais et moderne. Mais il y a une autre raison, suivez-moi.» répondit-elle en se levant et en se dirigeant vers la
salle de la championne.
La dernière pièce était un terrain de combat tout ce qu'il y a de plus ordinaire. Le seul élément de décoration était la collection de panneaux de bois gravés aux
motifs de pokémon poisons dans un style ancien et traditionnels.
_«C'est aussi parce que vous et moi nous sommes passées pro à peu prés en même temps. Je me suis dis que quelqu'un dans une situation un peu comparable
me comprendrait mieux qu'un vétéran. Quelqu'un qui sais que c'est parfois dur de trouver sa place parmi les traditions.»
_«Elle t'as dit tout ça ?» lui demanda Ludo, qui avait écouté le récit de son employée sans l'interrompre une seule fois.
_«Oui, c'est ce qu'elle m'a dit.» affirma Lucille, qui venait de revivre son entrevue quelques minutes seulement après quittée. Elle anticipa la prochaine question,
et prit les devant. «Je lui ai dit que je voulais l'aider mais que je ne pensais pas avoir les compétences pour le faire. Elle m'a dit de prendre le temps d'y réfléchir, et
que j'avais jusqu'à la fin de la semaine pour lui donner une réponse.»
_«D'accord.» dit Ludo sur un ton calme. «Mais, toi, es-ce que tu penses le faire ?»
Ces mots c'est Ludo qui venait de les prononcer à l'instant, mais il tournait sans interruption dans la tête de Lucille depuis qu'elle était sorti de l'arène.
Et elle n'avait pas de réponse.