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Les méandres de la mémoire de MissDibule



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» Auteur : MissDibule - Voir le profil
» Créé le 13/07/2025 à 22:55
» Dernière mise à jour le 19/07/2025 à 16:11

» Mots-clés :   Présence de personnages du jeu vidéo   Slice of life   Unys

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Chapitre 1 – Néons
D’immenses luminaires éblouissaient la tablée de visages flous. Tant de lumière les rendait indiscernables les uns des autres. Le reste du corps n’aidait pas l’œil : costumes gris, tailleurs noirs, on avait posé sur chaque silhouette des uniformes similaires. Inezia n’échappait pas à la règle, mal à l’aise dans sa robe noire trop sage, dont le col Claudine blanc était peut-être encore trop excentrique pour ce monde conformiste et conformé.

Plus étouffant encore que l’éclat livide des plafonniers, le silence pesait sur la salle de réunion. La Championne fixait le marque-place à son nom, le regard perdu dans le vague. Elle détourna les yeux vers la fenêtre, où d’autres lumières, bien plus chatoyantes, dansaient dans l’air du soir. Le jour persistait, mais déjà la ville scintillait de mille couleurs.

Enfin, quelqu’un s’éclaircit la voix pour prendre la parole. Un homme d’un certain âge, qui portait le poids des années avec un certain raffinement. Affublé d’un monocle qui aurait paru désuet sur n’importe qui d’autre, il imposait le respect.

Le maire de Méanville.

– Bonsoir à tous. Je vous suis reconnaissant d’avoir pu vous réunir aussi vite, malgré le caractère impromptu de ma demande. Je déclare donc ouverte cette réunion exceptionnelle du Conseil Municipal de Méanville, qui aura lieu en huis-clos. Nous allons maintenant lire le récapitulatif de la séance précédente.

Inezia se sentait fondre sur son siège. Elle reporta son attention sur la fenêtre. Une ville de lumières, de néons et de flashs étincelait au-dehors. Les éclats vifs pouvaient déstabiliser la rétine, mais les couleurs criardes de ce panorama familier réconfortaient la jeune femme. Le rose, le jaune, le vert, le bleu, le rouge, toutes se mêlaient dans une danse hypnotique. Inezia aurait pu contempler ce spectacle pendant des heures.

– Merci pour ce récapitulatif, Mr Forger.

La voix grave du maire l’arracha à sa rêverie psychédélique. Elle revint de force à la réalité. Une réalité de néons blafards et de visages hagards. Elle réprima un soupir. Cette réunion s’annonçait plus pénible encore que la précédente.

– Bien, Mr Smith, veuillez commencer votre rapport, s’il vous plaît, poursuivit le maire.

L’un de ses subordonnés, au crâne dégarni et aux lunettes immenses, se leva alors de sa chaise, l’air peu assuré.

– T-tout de suite, Monsieur le maire !

Puis il projeta une présentation sur le tableau blanc prévu à cet effet. Malgré un manque d’assurance manifeste, Smith fit défiler ses diapositives avec courage, et Inezia ne put qu’admirer ses talents de baratineur. Il veillait bien à mettre en valeur les points positifs des semaines passées – « Le Grand Stade et le Petit Terrain ne désemplissent pas ! » s’était-il exclamé avec ferveur – et il minimisait les zones d’ombre avec humour – « Tout ne tourne pas rond pour cette chère Grande Roue, haha… ».

Un silence gêné accueillit cette pathétique tentative de détendre l’atmosphère. Une sensation de malaise se répandit dans la salle, presque palpable. Tous les participants redoutaient le moment fatidique. Quels que soient les talents de Mr Smith pour enjoliver la réalité, il ne pouvait pas éviter le fâcheux sujet qui courait dans les couloirs depuis trop longtemps déjà.

– En ce qui concerne le tourisme, eh bien, hum… hésita Smith.

La main de Smith planait au-dessus de son clavier d’ordinateur comme un mauvais présage, bien décidé à garder secrète la diapositive suivante. Le silence reprit, desséchant l’air un peu plus chaque seconde, jusqu’à le rendre irrespirable. Inezia tira sur son col : même son déodorant ultrapuissant ne pouvait résister à une telle pression.

– Oui ? insista le maire avec impatience, imperméable à l’ambiance tendue.

Enfin, au dos du mur, Smith lâcha la bombe, résigné.

– Il a reculé de 26,8% par rapport au mois dernier.

La diapositive était accablante, malgré tous les efforts déployés pour édulcorer le chiffre lourd de sens. Inezia s’était attendue à des murmures, des exclamations, voire des cris. Mais rien ne survint. Rien qu’un silence hébété.

Le maire de Méanville, yeux fermés, coudes posés sur la table en verre, mains croisées sur le menton, semblait en pleine réflexion. Tout le monde autour de la table scrutait son visage impénétrable, redoutant sa réaction.

– Vous croyiez vraiment que je l’ignorais ? déclara-t-il enfin. Voilà deux semaines que je suis au courant, et que je cherche une solution. Je suis vraiment déçu que vous ne me l’annonciez officiellement que maintenant. Tout ce temps perdu à tourner autour du pot… Vous pensiez me ménager ? Au contraire, votre inaction nous a déjà fait perdre des milliers de Pokédollars !

Il rouvrit les yeux, révélant un regard froid et pénétrant qui congela l’assemblée sur place. Les visages se décomposèrent sous l’effet du choc thermique. Smith semblait prêt à imploser, tremblant et dégoulinant de sueur.

L’accalmie, comme l’orage, arriva sans crier gare. Le regard de glace du maire fondit aussitôt.

– Bien entendu, je ne parle pas de vous, ma chère Inezia ! Je sais bien que, jour après jour, vous continuez de faire rayonner Méanville. Je me réjouis de votre présence parmi nous ce soir. Vous illuminez cette tablée ma foi fort terne.

Une vague incandescente de chaleur déferla sur les joues d’Inezia. Le rouge de l’embarras. Mais surtout, le rouge de la colère. Elle croisa les bras sur sa poitrine, comme pour se protéger. Les membres du conseil municipal la foudroyaient désormais du regard. La Championne aurait voulu disparaître sous terre. Non, mieux, elle aurait aimé coller son poing rayonnant dans la délicate figure de ce cher maire.

Ses oreilles se languissaient de son casque, qui aurait diffusé une musique agréable pour couvrir ces paroles mielleuses. Inezia s’efforça cependant de reprendre contenance. « Comme sur scène, songea-t-elle. Souris comme si tu étais en plein shooting photo. »

Et elle sourit, toutes dents dehors. Un sourire éblouissant, charmeur, factice.

– Vous me flattez, Monsieur le maire. Mais ne soyez pas trop dur avec les membres du Conseil. Ce n’est pas leur faute si nous traversons cette crise.

Les sourcils se défroncèrent autour d’Inezia. Cette dernière poussa un imperceptible soupir de soulagement. Elle avait désamorcé la situation, du moins pour le moment.

– Ah, votre bonté vous honore, ma chère ! Elle n’a d’égale que votre beauté ! Il est vrai que vous n’avez pas tort. Le véritable fautif, c’est bien évidemment ce gredin de Chammal ! fulmina le maire. Et son empoté de frère, Chamsin ! Ah, vraiment, les deux font la paire !

Le sang d’Inezia ne fit qu’un tour. Alors qu’elle s’apprêtait à répondre, on lui coupa l’herbe sous le pied. Mr Smith, enhardi par l’intervention de la Championne, répliqua avec courage.

– Sauf votre respect, Monsieur le maire, Chammal est porté disparu. Quelque chose de grave lui est peut-être arrivé… Il n’a sans doute pas déserté son poste de son plein gré, conclut Smith en rajustant ses lunettes, penaud.

– Peut-être, mais le résultat est le même ! Le Métro de Combat, l’une des pierres angulaires du tourisme de Méanville, tourne au ralenti depuis un mois. Et vu l’état pathétique dans lequel se trouve Chamsin, il fonctionnerait peut-être mieux sans aucun des deux frères aux commandes ! assena le maire.

Cette remarque désinvolte électrisa la peau d’Inezia. Elle se rappela à contrecœur ses entraînements pour rester impassible en toutes circonstances. « Un défilé sur scène, c’est pas comme une séance photo : tu dois arborer un air neutre et ne surtout pas sourire. Si tu souris, c’est toi qu’on regardera, et pas les vêtements. Tu mets la tenue en valeur, et non l’inverse. T’as compris ? »

La jeune femme se concentra sur sa respiration, et recouvra son calme en un éclair. Elle avait vécu ce genre de situations des milliers de fois.

– Est-ce la raison pour laquelle Chamsin n’a pas été convié à cette réunion ? s’enquit-elle. C’est très prévenant de votre part d’avoir voulu le ménager.

Inezia rit en son for intérieur tant ses propres paroles sonnaient faux. Personne autour de la tablée n’y croyait. Personne, sauf l’homme à qui elles s’adressaient. Les joues du maire prirent soudain une teinte rosée.

– Hum… Oui, c’est t-tout à fait cela, bafouilla-t-il. Vous m’avez percé à jour, ma chère. Ce pauvre Chamsin est dévasté par la disparition de son jumeau. Il faudrait avoir un cœur de pierre pour l’obliger à prendre part à cette réunion.

Les mines se firent amusées autour de la table. Voir Inezia mener le maire par le bout du nez se révélait très divertissant. La Championne sourit aussi, satisfaite.

– Enfin, hum, passons ! continua le maire, qui rougissait à vue d’œil. Le but de cette réunion est de trouver des solutions pour remédier à cette baisse drastique du tourisme dans notre belle ville. Des idées ?

Nouveau silence penaud. Le visage d’ordinaire si composé du maire écumait de frustration. Si personne ne prenait bientôt la parole, une nouvelle saute d’humeur serait à déplorer. Inezia poussa un soupir discret et leva la main.

– Oui, ma chère Inezia ?

– Je suis volontaire pour ouvrir l’ancienne arène au grand public. Cela permettra d’ouvrir une toute nouvelle attraction en ville sans avoir besoin de construire quoi que ce soit. Il faudra simplement veiller à distinguer les plages horaires réservées aux visites de celles réservées aux challengers de l’arène.

Sa proposition, énoncée d’une voix calme et posée, séduisit l’assistance.

– Merveilleux ! Merci pour ce sacrifice que vous faites pour notre belle Méanville, ma chère. Je vous en suis extrêmement reconnaissant.

– Je vous en prie, répondit la Championne entre ses dents.

– Ce n’est pas ça qui va sauver Méanville, intervint soudain une troisième voix.

L’assemblée se tourna vers celle qui avait parlé : une femme mince, aux cheveux roux et au regard de glace. Irene Handler, adjointe au maire. Assise en bout de table, en face du maire, elle toisait la tablée d’un air supérieur.

Inezia, piquée au vif, répliqua d’un ton cinglant :

– Dans ce cas, je suppose que vous avez mieux à proposer.

Cette dernière rajusta ses lunettes de marque sur son nez de nacre.

– En effet.

– Vraiment ? Formidable ! Dans ce cas, ne nous faites pas languir, la pressa le maire.

Handler se leva de sa chaise comme si elle s’y était préparée toute sa vie. Inezia remarqua alors sa tenue élégante et soignée, plus encore que ne l’exigeait l’étiquette, ainsi que son maquillage impeccable. « Elle s’est bien plus pomponnée que d’habitude. Je suis sûre qu’elle attend ce moment depuis le début de la réunion. » Handler se dirigea vers l’ordinateur de Smith, qui projetait toujours l’accablante statistique qui obsédait les esprits.

– Mr Smith, puis-je utiliser votre ordinateur ? demanda-t-elle, une clé USB blanche à la main.

L’intéressé acquiesça, au bord de la syncope. Sans plus de cérémonie, Handler introduisit sa clé dans l’ordinateur et projeta une présentation.

Sur la première diapositive, on pouvait lire les mots suivants, stylisés sous forme de logos :

« Pokéshow X Méanville »
Inezia fronça aussitôt les sourcils.

– Pour ceux qui l’ignorent, Pokéshow est une filiale des studios Pokéwood, qui produit des émissions télévisées. Afin d’attirer les touristes à Méanville, la ville doit redevenir la destination phare du divertissement dans leur esprit. C’est la raison pour laquelle je suis en pourparlers avec Pokéshow depuis deux semaines, afin de créer une émission basée sur Méanville. Les négociations n’ont pas été aisées, notamment à cause des événements que nous avons mentionnés. Cependant, un accord a finalement été conclu il y a deux jours.

Nouveau silence abasourdi.

– Mais pourquoi n’ai-je pas été mis au courant de tout ça ? Ms Handler, même si j’apprécie l’initiative, j’aurais préféré découvrir tout ceci en amont de cette réunion !

Irene Handler esquissa un sourire gêné.

– Monsieur le maire… J’ai déposé le dossier de l’affaire sur votre bureau dès le début des procédures. J’ai aussi essayé de vous en parler à maintes reprises. Sans succès. Vous m’avez à chaque fois congédiée. Bien sûr, vous aviez vos raisons : vous étiez occupé à chercher des solutions à cette crise qui nous obsède… Eh bien, moi aussi, comme pouvez le constater. Comme je n’arrivais pas à vous voir en personne, je vous ai également envoyé de nombreux mails à ce sujet…

– Quels mails ? Je n’ai jamais rien reçu de tel ! Enfin, c’est ridicule… s’agaça le maire.

À ces mots, il sortit son téléphone de sa poche et le consulta rapidement. Son visage vira progressivement au cramoisi.

– Ah euh, oui, il se peut que j’aie négligé de consulter ma boîte mail, avoua-t-il, piteux.

Conscient des regards critiques qui pesaient sur lui, il se reprit bien vite :

– Oui, enfin, vous l’avez dit vous-même, je suis très occupé, je n’ai malheureusement pas de temps à accorder à tout le monde ! aboya-t-il d’un ton véhément.

– Naturellement, approuva Irene. C’est pourquoi, en l’absence de réponse de votre part, j’ai décidé de mener le projet à bien de mon propre chef. L’enjeu était trop important pour laisser une telle occasion nous filer entre les doigts.

Le maire ressemblait désormais à une baie Tamato trop mûre. Inezia se retint d’éclater de rire. Elle ne portait pas vraiment Irene Handler dans son cœur, mais elle n’avait aucun mal à croire à son histoire. Le maire n’écoutait jamais personne – sauf peut-être les belles jeunes femmes. La simple existence de cette réunion montrait à quel point il devait être désespéré.

– Mais… vous n’avez même pas eu besoin de ma signature ? demanda le maire, dépité.

– La loi stipule qu’en cas d’absence du maire, les adjoints peuvent signer à sa place. Il est vrai que vous n’étiez pas vraiment absent… Disons plutôt, indisponible. Mais il s’agissait d’un cas de force majeure. Monsieur le maire, je suis vraiment désolée d’avoir mené ce projet sans votre consentement. Comme je vous l’ai dit, ce n’était pas mon intention. Si vous souhaitez que j’annule le contrat avec Pokéshow et que je démissionne, vous n’avez qu’à le dire.

Le ton était parfait : à la fois contrit et courtois, avec une pointe de culpabilité. Handler inclina même la tête avec déférence. « Elle ferait une excellente actrice. Maintenant, j’en suis certaine, elle a tout manigancé depuis le début. Et bien sûr, ce gros nigaud va tomber dans le panneau. » songea Inezia.

– Annuler le contrat ? Démissionner ? Allons bon ! Ne nous emportons pas ! Même si j’ai été surpris par votre initiative, elle n’en reste pas moins brillante ! Vous avez fait preuve d’un leadership et d’une indépendance admirables, Irene. Des qualités qui prouvent que vous avez tout à fait votre place à mes côtés !

– Vous m’honorez, Monsieur le maire. Dois-je en conclure que vous souhaitez que je poursuive ma présentation ?

– Absolument !

Un rictus satisfait au coin de lèvres, Handler pressa une touche du clavier, et une diapositive élégante annonça : « Présentation du projet “Rondez-vous Mystère’’ ». Une magnifique photographie de la célèbre attraction de Méanville, la Grande Roue « Rondez-View »¹, accompagnait le titre.

– Bien. Commençons par la vérité qui fâche… Le chaos provoqué par la disparition de Chammal nous démontre un fait que nous avons trop longtemps ignoré : Méanville se repose trop sur les dresseurs de Pokémon, déclara l’adjointe avec force. Le Métro de Combat, le Test de Combat, l’Arène Pokémon… (Elle jeta un regard narquois à Inezia.) Les dresseurs représentent la grande majorité de nos touristes, et c’est devenu un problème. Nous devons rediversifier nos activités, afin de ne plus jamais vivre de crise comme celle-ci. Comme nous l’a si bien expliqué Mr Smith tout à l’heure, la Grande Roue est notre attraction la moins rentable. C’est de ce constat qu’est né le projet « Rondez-vous Mystère », à la croisée des intérêts de Méanville et de Pokéshow. Il s’agit d’une émission de télé-réalité qui aura pour cadre la Grande Roue Rondez-View. Si cette dernière est en perte de vitesse, c’est en partie car elle est réservée aux couples, ce qui limite la clientèle. Avec cette émission, nous souhaitons faire d’une pierre deux coups : ouvrir la Grande Roue à un public plus large, et attirer les touristes à Méanville.

– Par quel miracle ?

– J’y viens, Monsieur le maire. Le concept de l’émission est le suivant : former des duos composés d’un touriste et d’un habitant de Méanville. Chaque duo fait un tour de Grande Roue d’une demi-heure, durant lequel le riverain raconte au touriste une anecdote personnelle sur sa vie à Méanville. Ensuite, les deux peuvent échanger librement, et admirer les paysages de notre belle ville. Les meilleurs duos sont ensuite sélectionnés par l’équipe de production pour passer dans l’émission, et les gagnants obtiennent une récompense. Ainsi, nous attirerons à la fois des touristes en quête de couleur locale et des riverains en quête de célébrité. La récompense à la clé est aussi une perspective motivante pour les participants.

– Quels sont les bénéfices attendus ? s’enquit le maire d’un ton intéressé.

– Pokéshow versera à la ville une coquette somme pour la location de la Grande Roue comme lieu de tournage. À cette rémunération viendra s’ajouter les recettes de ventes de billets, qui, si tout se passe comme prévu, devraient connaître une forte croissance. Et cela sans compter l’énorme publicité que représente la diffusion de l’émission sur une grande chaîne de télévision. D’après mes calculs, à court terme, on peut espérer une hausse du tourisme de 22% envir…

– C’est bien beau tout ça, mais qu’est que Pokéshow gagne dans cette histoire ?

C’était Inezia qui avait posé la question. Bras croisés, elle se méfiait de ce projet qui paraissait trop beau pour être vrai.

– Excellent timing, chère Championne, répondit Irene. Il s’agit justement du sujet de la diapositive suivante. En échange, les équipes sportives des Grand et Petit Terrains ainsi que le Music-Hall de Méanville s’engagent à sponsoriser les futures émissions de Pokéshow pour les cinq années à venir.

Inezia grimaça. Elle n’approuvait pas du tout cette idée. Ces dernières années, Pokéshow avait tenté de l’approcher pour qu’elle apparaisse dans leurs émissions, mais elle avait toujours refusé. Elle n’aimait pas leurs méthodes, notamment celle qui consistait à sous-payer leurs employés pour proposer des rémunérations exorbitantes aux vedettes. Inezia avait la désagréable impression que Méanville vendait son âme au diable.

– Je vois, répondit la Championne d’un ton morne.

Handler continua ensuite son exposé. Tout le monde buvait ses paroles, et lorsqu’elle conclut sa présentation, elle fut applaudie à tout rompre. Le maire ne tarit pas d’éloges sur son « meilleur élément ». Irene joua les modestes, évidemment, mais Inezia savait qu’elle jubilait.

Sans surprise, lorsque vint l’heure de voter en faveur du projet d’Irene Handler, toutes les mains se levèrent. Sauf une.

– Vous ne semblez guère apprécier ma proposition, Ms Inezia, déclara Handler sans se départir de son sourire.

– Non, en effet. Je pense qu’à long terme, votre idée nuira à la ville.

– Mais avons-nous vraiment d’autre choix ?

Inezia soupira longuement.

Puis, sans répondre, elle leva la main d’un geste résigné.


¹« Rondez-View » est le nom donné à la Grande Roue de Méanville dans la version anglophone des jeux, que j'ai décidé de reprendre ici. Il est composé d'un jeu de mots entre les mots français « rendez-vous » et « rond », ainsi que le mot anglais « view », qui signifie « vue ».