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Volucité : Noyau noir de OswaldB



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Informations

» Auteur : OswaldB - Voir le profil
» Créé le 12/06/2025 à 15:18
» Dernière mise à jour le 12/06/2025 à 15:18

» Mots-clés :   Science fiction   Unys

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Chapitre 2 - Cartographie défaillante.
Le lendemain, le ciel avait la couleur du plomb.

Je n’avais presque pas dormi. L’image de la silhouette dans la ruelle me hantait, avec cette immobilité trop contrôlée, ce geste du doigt sur les lèvres. Un avertissement silencieux, mais glacial. L’ouvrier, retrouvé inconscient, avait été pris en charge par les secours que j’avais prévenus anonymement. Je n’avais pas attendu leur arrivée. Ce genre d’événement, dans Volucité, n’ouvrait aucune enquête.

Je marchais à présent dans le secteur 3, cartographie officielle à la main, mais déjà inutile. Ce quartier devait être semi-piéton selon les plans. En réalité, c’était un enchevêtrement d’échafaudages, de rubans de sécurité oubliés, et de panneaux contradictoires. Une rue barrée d’un côté semblait ouverte de l’autre. Un bâtiment démoli la veille apparaissait toujours sur mon plan téléchargé la semaine passée.

Volucité changeait plus vite que ses propres cartes.


Je m’arrêtais au croisement de deux artères. Sur ma droite, une série de boutiques murées — anciennes agences immobilières, peut-être. Leurs devantures affichaient encore des logements "tout confort, refaits à neuf" à des prix délirants. Sauf que les immeubles derrière ces vitrines étaient visiblement inhabités. Pas de boîtes aux lettres. Pas de rideaux. Pas de bruit.

Casper lévitait doucement à ma gauche, presque invisible en plein jour. Sa présence était devenue un réflexe. Je ne lui parlais pas beaucoup, mais il comprenait. Il savait quand je m’arrêtais trop longtemps, quand je fixais une façade un peu trop vide.

— Tu sens quelque chose ? murmurai-je.

Il tourna légèrement la tête, comme s’il écoutait quelque chose que je ne pouvais pas entendre. Puis il glissa entre deux murs, ne laissant derrière lui qu’un souffle froid.


J’entrais dans une galerie commerçante désaffectée. Pas de lumière, juste des néons mourants et le crissement de mes pas sur le carrelage. Les magasins avaient été abandonnés à la hâte. Certains avaient encore des produits en vitrine : Poké Balls vides, accessoires high-tech obsolètes, dépliants de la Ligue d’Unys datés de cinq ans.

Un couloir latéral menait à une porte métallique entrouverte. Une odeur étrange s’en échappait : métal chauffé, poussière, et une note plus dérangeante, presque organique.

Casper réapparut à mes côtés.

Il me regarda sans un bruit.

J’ouvris la porte.


C’était un ancien centre de commande, sans doute utilisé pour la surveillance des flux urbains. Écrans éteints, câbles arrachés, claviers fondus. Mais sur une table, au centre de la pièce, reposait une carte immense. Un plan de Volucité. Très ancien, jauni par le temps.

Mais ce n’était pas une carte touristique. Elle indiquait des choses que je n’avais jamais vues : des lignes souterraines, des secteurs effacés, des zones interdites entourées de cercles rouges. À la main, dans la marge, quelqu’un avait écrit :
Zones résiduelles – Accès suspendu par décret N°142-G/23

Je ne savais pas ce que ça voulait dire. Mais je notai les noms :
Souterrain Émerillon, Passage Phéromone, Secteur de Réaffectation A2-C.

Je photographiais la carte. Puis je tendis l’oreille.
Un grondement, très léger, mais régulier, montait du sol.


Soudain, une lumière s’alluma sur l’un des écrans.
Un seul.

Il afficha une image : un carrefour. Vide. Mais l’angle de vue... je le reconnus.
C’était l’endroit exact où j’étais passé ce matin.

Et sur l’écran, je vis une silhouette apparaître.
La même que la veille.

Manteau long. Immobile.

Elle regardait la caméra, sans bouger.
Puis elle leva la main, lentement, et traça un symbole dans l’air. Trois cercles entrelacés.

L’écran s’éteignit.


Je sortis en courant. Mon cœur battait à tout rompre, mais ma tête restait froide. Ce que j’avais vu... ce n’était pas un hasard. Cette silhouette savait où j’étais. Et elle m’observait. Peut-être me testait-elle. Peut-être m’invitait-elle à comprendre.

Mais comprendre quoi ?

Casper suivait sans un bruit. Il ne paniquait pas. Et c’était ça le plus troublant. Il avait vu la silhouette lui aussi. Et il ne montrait ni peur, ni agressivité. Juste une curiosité figée, comme s’il cherchait à saisir quelque chose hors de notre portée.

Je pris une grande inspiration.

Le centre de Volucité cachait plus que des ruelles mal cartographiées.


Je pris le métro aérien pour changer de secteur. Assis près de la fenêtre crasseuse, j’observais les toits de la ville défiler à toute vitesse, zébrés de câbles, de conduits d’évacuation, de paraboles rouillées. Un brouillard gris flottait entre les immeubles, comme un filtre permanent entre le monde et la lumière.

Le haut-parleur crachota une annonce incompréhensible, couverte par le grincement des roues sur les rails. Face à moi, un homme dormait, la tête calée contre son sac à dos, un Grahyèna roulé en boule à ses pieds. Deux adolescents jouaient sur leurs téléphones, indifférents à la ville qui se décomposait autour d’eux.

À chaque arrêt, je notais les publicités animées qui changeaient selon le quartier. Dans les beaux secteurs, des promotions pour les lofts connectés, les cabinets de soins luxueux, les restaurants à thème. Ici, dans le secteur 5, les écrans vantaient des assurances contre les accidents domestiques, des réductions sur des alarmes, des crédits urgents.

La ville connaissait ses habitants mieux que personne. Et elle savait à qui vendre quoi.


Le métro s’arrêta brutalement, avant même d’atteindre la station. Les lumières clignotèrent. Un message automatique annonça un retard « pour raisons techniques ». Pendant une minute entière, le silence régna. Puis le métro repartit sans un mot. Personne ne parut surpris.

Je descendis à la station suivante. L’air était plus humide ici, plus dense. Une grille d’égout soufflait une chaleur étrange, presque animale. Casper jeta un regard en coin à la bouche de ventilation.

Je n’avais pas encore atteint le cœur du problème.
Mais je m’en approchais.


Je retrouvai mon hébergement en fin d’après-midi. Une pièce humide à l’étage d’un ancien bar, avec une fenêtre condamnée. Je déposai mon sac, sortis mon carnet, et recopiai ce que j’avais vu sur la carte.

Je repensai à la voix de ce professeur de stratégie, à l’Institut Myrtille :

> « Il n’y a pas de mystère dans les villes, Ludovic. Juste des zones que l’on oublie volontairement. »



Il avait tort.

Il y a des mystères.

Et parfois, ce sont les villes elles-mêmes qui les protègent.