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Mais quelle différence ? de Ashenere



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Informations

» Auteur : Ashenere - Voir le profil
» Créé le 21/08/2023 à 12:27
» Dernière mise à jour le 21/08/2023 à 12:27

» Mots-clés :   Amitié   Unys

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Givrali
Ori grelottait, tout en ajustant les petits souliers de Nix. Au fil des ans, la shasse les avait menés dans tant de lieux différents, d'environnement extrême en environnement extrême, qu’ils avaient fini par s'adapter.

— Ne bouge pas autant Nix ! Avec ta fourrure, t'a chaud pour l'instant, mais les habitants de la région m'ont confirmé que la température à l'intérieur de la grotte descend bien en dessous de zéro degré.

Ce matin-là, dans un petit canot gonflable, ils s’étaient élancés d’Algatia en direction de la Grotte Tréfonds, où d’après leurs informations, se cachait l’une des deux dernières Évolitions. Ils avaient ramé quelque temps, avaient trouvé l'entrée de la caverne et s'étaient aventurés à l'intérieur. Après plusieurs heures passées à explorer les moindres recoins sombres de ce dédale de roches, du canot à la terre et de la terre au canot, Ori s'était rendu à l'évidence. Ses informations étaient exactes : nul Givrali dans la Grotte Tréfonds.

À marée haute en tout cas.

Ori regarda sa montre. Les Algatiens lui avaient révélé le secret de ce lieu : sa topologie changeait avec la marée. Des salles entières submergées et d'autres qui devenaient soudain accessibles. Et, dans une de ces salles que l'on ne pouvait atteindre que lorsque les flots descendaient, régnait une température glaciale. Un endroit rare et isolé, subissant un climat extrême. Depuis le temps qu'ils shassaient ensemble, Ori et Nix avaient senti que là, se trouvait leur objectif.

Les heures s'écoulèrent dans le canot, tandis qu'Ori se démenait pour enfiler des chaussons à Nix, que des Tentacool barbotaient autour d'eux, que le plafond si proche s'éloignait peu à peu. Enfin, en milieu d'après-midi, l'eau se retira tout à fait, et, tandis que le canot frottait contre le sol, une ouverture se dévoila dans un des murs de la grande salle.

— Nix, il est 15 heures, l'informa Ori, tout en programmant des alarmes sur sa Pokémontre (que Nora lui avait offerte des années plus tôt). On a jusqu'à 21 heures pour revenir au canot.

Le petit Évoli approuva avec tout le sérieux dont il pouvait faire preuve avec un couinement.

— Sinon tu devras te transformer en Aquali même si tu n’aimes pas le violet, plaisanta Ori en franchissant l'ouverture.

Nix trottina à sa suite, tête haute, ignorant la pique de son dresseur. Au milieu des couloirs humides, ils descendirent longtemps et la température avec eux. Plusieurs fois, Ori glissa sur les pierres ruisselantes. Nix mouilla bientôt ses petits chaussons, renonça à patauger plus longtemps et sauta sur les épaules d'Ori. Celui-ci se plaignit du contact froid et humide dans son dos, mais la présence de son partenaire le rassurait. Ils avaient parcouru tant de terres et d’années ainsi, sa fourrure blanche chatouillant son oreille, sa chaleur se répandant sur son épaule. Depuis son éclosion dans la clairière du Bois du Serment, Nix s’était obstiné à passer le moins de temps possible dans sa Luxe Ball. Il préférait s’exposer au blizzard ou aux tempêtes de sable aux côtés d’Ori plutôt que de rester dans sa demeure métallique. Impossible aussi de prendre l’avion, car toutes les compagnies imposaient aux Dresseurs de garder leurs Pokémon dans leurs Balls pendant le vol. Ainsi, pour éviter la moue chagrinée de son petit Évoli, Ori s’était résigné aux longs trajets en bateau.

Le froid le sortit de ses souvenirs du ferry qui les avait emmenés à Hoenn. Un froid intense, un sol de givre, un silence étouffé. Une étrange lumière illuminait la caverne, qui provenait sûrement de quelques crevasses invisibles et se reflétait sur la glace omniprésente. Et là-bas, au centre de la pièce, un rocher d’un blanc immaculé semblait geler le froid lui-même. Ori exulta.

— La Pierre Glacée ! On l’a trouvée Nix, elle existe vraiment. Ce qui signifie que des Givrali sont dans le coin. Notre avant-dernière Évolition, j’ai tellement hâte !

Nix ne répondit rien. Il n’en avait pas besoin, Ori sentait le frémissement de sa fourrure contre son cou et comprenait. C’était son avenir qui était en jeu, un choix irréversible qu’il allait devoir faire.

Bip. Bip. La Pokémontre sonna.

— Il est 17 heures, déjà ? On a mis deux heures pour descendre jusqu’ici ? s’étonna Ori. Donc, il nous reste moins de deux heures pour explorer cette salle, trouver les Givrali et espérer voir un chromatique…

Ori sentit l’angoisse lui serrer la poitrine. Le temps limité, la menace de la noyade, la morsure du froid et, tout au fond, la crainte du shiny invisible. Le souffle court, les yeux fermés, il se concentra sur la seule chose importante. La régularité du petit cœur battant à ses côtés, la chaleur pulsant sur son épaule. Nix était là, avec lui, et tout se passerait bien.




Rien ne s’était bien passé.

L’inlassable marée poursuivait Ori. Pour chaque marche qu’il gravissait avec peine, l’eau en survolait deux. Il avait entamé son ascension trop tard, beaucoup trop tard. Il trébucha et s’étala au sol. Ses vêtements étaient trempés et son pantalon arborait à présent une large déchirure au niveau du genou droit. Mais, il ne l’avait pas lâché : dans sa main crispée, il tenait toujours la Luxe Ball.

Ils avaient trouvé les Givrali. Éparpillés dans les recoins de la grande grotte glacée, d’une beauté glaciale, d’un blanc et bleu éthéré. Ori avait pu prendre des clichés magnifiques de ces Pokémon si rares. Il avait eu une pensée amusée pour Nora en activant le mode “lumière spéciale grotte sous-marine d’Hoenn”. Soudain, alors que la Pokémontre indiquait 18 heures, le Charme Chroma s’était illuminé. Au milieu des reflets de la lumière pâle, il avait été difficile de distinguer la poussière d’étoile. Comme souvent, c’est Nix qui l’avait trouvé. Un grand sourire avait éclairé sa petite tête d’un blanc crème. Il s’était tourné vers Ori avec ce regard qui signifiait “je veux lui ressembler !”. Il avait bien vite déchanté. Son Dresseur était dévasté. Ce froid qu’il endurait depuis des heures, ce long voyage, ces risques qu’ils avaient pris… Tout ça pour un invisible. Le Givrali chromatique avait une fourrure un peu plus blanche que les autres Givrali. C’était tout. Depuis le Pyroli de Cramois’île, des années plus tôt, Ori n’avait trouvé que des chromatiques incroyables et chacun avait arboré des couleurs encore plus improbables et bigarrées que le précédent. Surtout les Évolitions.

Aujourd'hui, la chance l'avait finalement abandonné. Pire encore, Nix, qui avait jusque-là dédaigné chaque Évolition rencontrée ; Nix, dont la fourrure éclatante était sa plus grande fierté ; son Nix, voulait ressembler à la pâle déception qui se tenait devant eux. D'une main tremblante, il avait saisi son Négapic, réglé le contraste et la balance des blancs, et commencé à prendre des photos. Concentré sur son souffle et sur la cible devant ses yeux, il avait espéré que cette activité si importante à ses yeux allait le calmer, adoucir la frustration qu'il ressentait. Après tout, il était photographe Pokémon, spécialisé dans les chromatiques, et un Givrali chromatique se prélassait dans la neige à quelques pas de lui. Il était même un peu chanceux dans son malheur, car le Givrali avait un ami, peut-être un partenaire, qui jouait avec lui. Ainsi côte à côte, on distinguait un peu plus le shiny. Puis, Ori, la mâchoire serrée, s'était interrompu pour effectuer un réglage différent. Là, il avait réalisé que Nix avait disparu.

Un terrible pressentiment s'était emparé de lui. Non, il n'oserait pas… Près de lui, de petites empreintes remontaient le sentier : en direction de la Pierre Glacée. Ori s'était élancé, effrayant les Givrali par ce boucan soudain. De sa main gauche, il tenait son Négapic, tandis que la droite fouillait désespérément dans le sac. Par Arceus, qu'il ne soit pas trop tard…Arrivé sur le promontoire, il avait vu le reflet agrandi de Nix dans la glace de la grande pierre avant même de voir son compagnon. Le petit Pokémon semblait hésiter, mais l'arrivée de son dresseur l'avait décidé. Sous les yeux impuissants d'Ori, Nix avait touché la Pierre Glacée, frissonné au contact gelé, puis avait été enveloppé de la douce lumière de l'évolution. Au même moment, la main d'Ori s'était enfin refermée sur l'objet qu'il cherchait. Sans réfléchir un instant de plus, il avait tendu la petite pierre grise vers Nix. Un moment, il avait cru que cela n'avait pas fonctionné. Puis la lumière de l'évolution s'était dissipée et Nix était apparu, toujours le même Évoli. La Pierre Stase, qu'ils utilisaient depuis des années pour éviter l'évolution en Mentali ou Noctali, avait accompli sa mission, encore une fois. Mais cette expression dépitée de Nix, c'était la première fois qu'il la voyait.


Tandis qu’il trébuchait sur les marches détrempées, chaque coup contre la paroi métallique de la Luxe Ball se répercutait sur le cœur d'Ori. Cela faisait des années qu’il n’avait pas enfermé Nix dans sa Ball. Il aurait dû prendre Nix dans ses bras, lui expliquer, lui demander pardon pour la violence de l'interruption. Au lieu de cela, il n'avait pu empêcher le goût amer de la trahison de nourrir sa colère. Quel droit Nix avait-il d'évoluer dans son dos, sans lui laisser son mot à dire ? C'était grâce à Ori qu'il avait trouvé toutes ces Évolitions ! Quand Nix avait relevé la tête, d'un air de défi, vers la Pierre Glacée, Ori avait senti la Pierre Stase tomber au sol et être remplacée par une sphère noire. La Luxe Ball s’était élancée sous le regard consterné du petit Évoli.

La rage d’Ori l’avait alors brutalement abandonné et il était tombé à genoux, la petite boule noire au creux de ses mains, tandis que le monde s’emplissait de silence. D’un œil absent, il avait observé les Givrali s’échapper de la grotte, par un trou inaccessible pour un humain. Que fuyaient-ils donc ? Un faible son avait fini par percer la carapace assourdie. Une sonnerie lancinante. La Pokémontre indiquait 19 h 12 quand il prit enfin conscience du danger de sa situation : la marée montait.

Depuis, Ori remontait les couloirs de roche, traqué par une mer toujours plus menaçante. La Pokémontre avait sonné les 20 heures il y a un moment déjà et il ne s’était presque pas arrêté, talonné par le monstre liquide, son genou éraflé, léché par les vagues. Lorsqu'enfin, au détour d’un énième couloir, il vit le jaune du canot, Ori poussa un cri de joie.

— On est sauvés Nix, on y est arrivés !

Tandis qu’il tournait la tête pour croiser le regard de son compagnon, juché sur son épaule, une vibration sourde, captive de sa main, le fit tituber. Son épaule était vide, son cou froid et ses yeux noyés.

Le canot. Il devait atteindre le canot. Après ça, il serait en sécurité, après ça, il pourrait le libérer et lui parler, lui expliquer… En avançant vers la tache jaune qui représentait son salut, Ori réalisa qu’elle s'éloignait peu à peu. Tout à son désir d'explorer la grotte cachée au plus vite, il n'avait pas pensé à attacher le canot. Dans la grande salle, au niveau de la mer, les vagues se heurtaient de plus en plus fort contre ses jambes et éloignaient un peu plus son embarcation. Il devait nager. Il ne pourrait pas nager avec la Ball dans sa main. Il devait la ranger dans son sac. Il devait priver Nix de la chaleur de sa main, la seule sensation qui parvenait à traverser la paroi de métal, et le ranger comme un vulgaire objet, au milieu des potions, carnets, objectifs d'appareil photo qui encombraient son sac. Une vague manqua lui faire perdre l'équilibre et Ori sentit l'étreinte de ses doigts se relâcher un instant. Il n'avait plus le temps d'hésiter. Il approcha la Luxe Ball de son visage.

— Je n'ai pas le choix Nix, je te promets que ça ne sera pas long !

Une vibration plus forte encore le fit tressaillir. Ori rangea la Ball dans son sac, le referma avec attention, et se jeta à l'eau. Au milieu du vacarme des vagues, toujours plus éclatant, tout lui sembla soudain plus silencieux. Il réalisa alors que pendant ces deux heures de fuite effrénée, il n'avait pas été seul. Les coups de Nix n'étaient-ils vraiment que des protestations ? Ori reprit son souffle à la surface et se réjouit en voyant le canot si proche. Encore quelques efforts et il l'atteignit enfin, se hissa à bord avec difficulté et s'étala de tout son long, exténué. Un moment, il laissa le canot flotter sans but. Puis, il se souvint du dernier avertissement du vieil Algatien qui lui avait loué l’embarcation : parfois, la marée montait trop et condamnait l'entrée de la grotte. Ori releva la tête avec peine et constata que l'eau était déjà bien plus haute que lorsqu'ils étaient entrés. Il grogna, s'empara des rames, et puisant dans ses dernières forces, propulsa le canot loin de cette maudite grotte. Enfin, quand les courants l'eurent suffisamment éloigné, et que l'entrée disparut sous les flots, il laissa ses bras fourbus retomber. Seul au milieu de la mer, entouré des étoiles perdues dans le ciel, son repos fut pourtant de courte durée. Son téléphone, coupé du réseau pendant de longues heures, se mit à vibrer et sonner en continu. Quatorze appels en absence, quarante-trois messages non lus. Tous provenaient de Nora. Il ouvrit le dernier.

"Ori t’es où ?! Lux a disparu et toi tu me réponds plus ?!"