Le syndrome de la page blanche (Concours fanfiction) de Chimera314

Lucien finit par sortir de chez lui, accompagné de Chacripan, pour faire ses courses.
Il traversa les rues de Bastiques l'esprit lourd. Sa conversation avec Anatole l'avait perturbé plus qu'il ne voulait l'admettre. Comme tous les auteurs ils avaient rencontré des difficultés en écrivant, des chapitres plus compliqués à mettre en place, un dialogue récalcitrant, une intrigue qui peine à se résoudre. Tout ça il l'avait connu, et il avait trouvé une solution à chaque fois.
Il repensa à son processus créatif. Pour ses histoires précédentes il avait trouvé l'idée en entendant d'autres histoires, réels ou fictives, qui lui avait donné l'idée pour produire un récit sur ce thème. Comme lorsqu'il avait entendu cette histoire sur ce peintre qui continuait à peindre malgré sa vue qui ne cessait de baisser. Cet abnégation de l’artiste l'avait marqué, et il avait voulu écrire quelque chose de similaire sur un artiste obligé de composer avec ses faiblesses, et il avait écrit Le Queulorior qui ne peignait plus qu'en blanc.
La fontaine sans reflet était inspiré de son bref séjour aussi chaotique que décevant à Illumis.
Il avait toujours su trouver dans ce qu'il entourait de quoi écrire une histoire. Mais plus aujourd'hui.
Peu importe les événements qu'il imaginait pour La toile pourpre de Migalos tous lui semblaient fades. Rien ne réussissaient à donner de la saveur à l'histoire. Lucien lui-même s'en désintéressait, alors comment aurait-il pu convaincre un lecteur dans cet état ?

Il fit ses courses comme en mode pilote automatique. Chacripan resta assis sur le caddy du supermarché, et il se contenta de miauler lorsque son maître oubliait tel ou tel produit.
Une fois les courses faites il prit le chemin du retour, ses sacs à la main. Chacripan ouvrait la marche, ou plutôt marchait devant avec suffisamment d'avance pour que l'on l'imagine indépendant. Il avançait sur ses deux pattes avec un air jovial qui contrastait avec l'air effacé de son maître. Quand tout à coup, le pokémon fit un bond en arrière, et grimaça, manifestement contrarié.
Lucien regarda ce qui semblais déranger son pokémon, et une grosse goutte s'écrasa sur son nez. Ce qui commença comme quelques gouttes se transforma , grâce au climat Kalosien , en une véritable averse.
Chacripan, courut à quatre pattes se mettre à l'abri sous la première terrasse inoccupée qu'il trouva. L'eau le dérangeait au plus haut point, ainsi une fois à l'abri, il commença à chasser l'eau de ses poils en s’ébrouant. Lucien le rejoint un peu après encombré qu'il était par les sacs.
«Tu m'aimes vraiment pas l'eau, hein Chacripan ?»
«Chacri !» lui répondit le pokémon qui finissait de chasser l'eau de ses poils au moyen de ses pattes.
La pluie ne donnait pas de signe de faiblesses, et tombait sans discontinuité. Et l'appartement de Lucien était à plusieurs rues, si il s'y rendait maintenant il finirait trempé. Et de toute façon Chacripan ne le suivrait jamais sous cette pluie, et il avait bien évidemment laissé sa pokéball chez lui. Il ne lui restait plus qu'à attendre que la pluie passe.
Par chance l'abri trouvé par son pokémon faisait tout à fait l'affaire. Et Lucien décida de profiter de cette pause imprévue pour réfléchir à son problème de script.

Mais quelqu'un traversa la pluie pour les rejoindre.
Lucien resta un moment abasourdi : c'était Océane.
Manifestement elle aussi était surpris de le retrouver à l’improviste et dans une pareille situation.
Chacripan en revanche semblait ravi de la situation. Il délaissa sa toilette pour s'approcher et se frotter à elle. Il avait toujours eu beaucoup d'affection pour elle, et Lucien s'était d'ailleurs demandé si il ne faisait pas ça volontairement pour le rendre jaloux.
«Salut Chacripan, ça faisait longtemps dit moi.» Elle se baisa pour caresser le pokémon qui ronronna de plaisir.
«Salut Océane.» finit par dire Lucien pour rompre le silence qui venait de s’installer entre eux.
«Salut Lucien. Je ne m'attendait pas à te retrouver dans de tel circonstance.» il pouvais entendre la gentillesse dans sa voix, mêlée à d'autres émotions.
«Ouais, c'est dingue de se retrouver comme ça, pas vrai ?»
Désireux de ne pas voir la situation prendre un tournant gênant, il enchaîna tout de suite.
«J'ai vu que tu avait ouvert ta boutique d'accessoires. Félicitations.» dit-il en essayant d'être le plus détaché possible.
«Oui, la route fut longue mais on y est enfin arrivé. Tu n'es pas venu pour l'inauguration.» dit elle en passant de la fierté à la tristesse.
Mauvaise pioche pour éviter les sujets dérangeants, se maudit intérieurement Lucien.
«Je...J'ai eu peur que ce soit plus gênant qu'autre chose.» dit il en regardant les gouttes de pluie qui semblaient n'avoir aucune envie d'écourter ce moment. «Alors j'ai préféré rester chez moi.»
Elle se releva, et le regarda de ses grands yeux verts.
«Je sais que c'est compliqué entre nous mais ça m'aurait fait plaisir de te voir ce jour là.»
Ils restèrent là un moment, il avait beaucoup de pensée en tête, de choses qu'il voulait lui dire, de questions qu'il voulait lui poser, mais il n'osait pas, il ne savait pas si il devait le faire. Elle finit par briser le silence.
«Et ton roman, ça avance ?»
Il voulut lui mentir comme à Anatole, mais les mots sortirent de sa bouche tout seul sans qu'il ait le temps d'y réfléchir une seconde fois.
«Non. Je n'arrive pas à écrire la suite. Je crois que je suis dans une impasse.»
«Ho c'est triste.» lui répondit elle, avec une considération sincère. «D'habitude tu n'as aucun problème pour écrire. Peut être que l'histoire que tu cherches à raconter en ce moment n'est pas celle que tu doit raconter. C'est peut être ça qui te bloques.»
Chacripan suivait leur conversation en tournant la tête de l'un à l'autre, un peu mécontent de ne plus avoir droit à l'attention.
«Tu penses que je devrais repartir de zéro, et écrire autre chose ?» demanda Lucien.
«Peut être. Si tu es bloqués actuellement tu devrait changer quelque chose, ça te donnerait une autre direction. Ajouter quelque chose de nouveau pour modifier tes perspectives.»
«De nouvelles perspectives pour trouver un dénouement alternatif à ce que j'avais prévu. Oui ça pourrait marcher.» dit Lucien à voix basse, plus pour lui-même qu'autre chose.
«Je connais ce regard, tu viens de trouver une idée, je me trompe ?»
«Ça se pourrait.» dit il avec un petit sourire.
«On dirait que la pluie s’arrête enfin, je vais pouvoir y aller. J’espère que tu vas réussir à surmonter ton problème d'écriture.»
Elle lui fit un signe de la main, et s'éloigna en courant à travers les toutes dernières gouttes de pluie. Lucien ne trouva pas quoi lui dire, alors il se contenta de répondre à son signe de main. Chacripan la regarda s'éloigner avec un air triste. Lucien se baissa pour le consoler en lui caressant la tête.
«Tu sais quoi Chacripan, j'ai eu une idée. Toi et moi on va se changer un peu les idées. Ça te dirait de prendre des vacances ?»