Chapitre 4
137 ans plus tôt.
Doublonville, une ville en pleine croissance où humains et Pokémon se croisent.
Sophie et Alexander travaillaient nuit et jour pour mettre au point leur dernier projet de recherches. En plus d’une décennie de travail, le duo avait fini par ouvrir son propre laboratoire en s’associant à un technicien du nom d’Éric. Cet homme excentrique travaillait aux côtés d’un Pichu et les assistait dans la plupart de leurs manipulations.
Depuis le début de leur collaboration, Sophie et Alexander avaient réussi à mettre au point les « Rappels ». C’étaient des médicaments à base d’extraits d’Herbe Rappel couplés à un Bourgeon Vivace, ingrédient des prototypes d’Hyper Potions à Sinnoh. Ils permettaient de ranimer les Pokémon inconscients mais ceux-ci nécessitaient encore des soins supplémentaires pour retrouver l’entièreté de leur énergie. Ils étaient diffusés à grande échelle à travers Johto et les régions voisines depuis peu.
Désormais treize ans de travail sans relâche, et les deux collègues allaient peut-être percer les derniers mystères des Herbes Rappels et créer une version supérieure des Rappels qu’ils avaient inventé.
— Préparation de l’expérience n°493 ! annonça Alexander en entrant dans la grande salle d’expérience.
C’était ici, quelques années plus tôt, qu’ils avaient mis au point le premier Rappel. Armé de sa blouse et de son carnet de note, le botaniste retrouva Sophie qui avait délaissé sa traditionnelle tenue d’infirmière pour une blouse blanche de scientifique.
— Cette fois ce sera la bonne, j’en suis sûre.
Alexander se contenta d’un hochement de tête pour réponse. Récemment, le duo était parvenu à identifier l’intégralité des molécules des Herbes Rappels, une réelle prouesse pour un si petit groupe de chercheurs. Avec cela, ils étaient quasiment sûrs d’approcher leur but : permettre de soigner complètement les Pokémon inconscients, tout en n’affectant pas leur relation avec leurs dresseurs – effet secondaire des Herbes Rappels.
Éric et Pichu étaient postés vers le générateur d’électricité. Sophie et Alexander se rejoignirent devant leur paillasse d’expérience. Des échantillons d’Herbes Rappels ainsi que de nombreux tubes composés de différentes molécules étaient face à eux. Un Rappel était aussi ici, symboliquement. Il prenait la forme d’une capsule octaédrique dorée, une apparence dont les deux collègues étaient fiers, même si ce n’était pas celle-ci qui déterminait l’efficacité du médicament.
— Commençons, dit Sophie, calme et confiante.
Étant parvenus à identifier les molécules des Herbes Rappel, ils les avaient peu à peu synthétisées dans leur laboratoire. Aujourd’hui, chacune d’elles était dans un des tubes devant eux. Il leur fallait les tester une à une sur des cobayes pour déterminer lesquelles étaient à l’origine de son goût amer.
— Éric, veuillez faire entrer les cobayes, déclara Alexander.
Dix Pokémon entrèrent chacun leur tour, autant qu’il y avait de molécules à tester. Dans l’ordre : Clamiral, Arcanin, Séléroc, Insécateur, Bouldeneu, Monorpale, Caninos, Roserade, Shaofouine et enfin Galeking. Des Pokémon aux formes et aux types variés, mais les Herbes Rappel étaient des médicaments universels, elles fonctionnaient sur tous les Pokémon. Les deux collègues débutèrent alors les tests. Sophie faisait boire les échantillons et Alexander notait à chaque fois l’association « Pokémon - Molécule »
Clamiral avec monosulfo-1-flivorine.
Arcanin avec monosulfo-2-flivorine.
Séléroc avec monosulfo-3-flivorine.
Insécateur avec disulfo-1,2-flivorine.
Bouldeneu avec disulfo-1,3-flivorine.
Monorpale avec disulfo-2,3-flivorine.
Caninos avec trisulfoflivorine.
Roserade avec acide florilique.
Shaofouine avec acide flaramique.
Galeking avec cycloflivorime.
Désormais il ne restait plus qu’à attendre la fin de cette première étape. En une décennie d’études, ils avaient établi que les effets amer apparaissait au plus tard au bout d’une heure. Sophie et Alexander étudièrent alors minutieusement les dix cobayes. Les minutes passèrent et tous semblaient sains, pas dégoûtés par la molécules qu’ils avaient ingéré.
— Peut-être que le mauvais goût des Herbes est créé avec l’association de plusieurs de ses molécules et non pas lorsqu’elles sont séparées, suggéra Sophie.
Mais à peine eut-elle fini sa phrase que le Monorpale s’agita. Son œil unique chercha du regard les deux scientifiques et dès qu’ils s’approchèrent il se mit en position de combat.
— Je pense que c’est bon.
Alexander relit son carnet avant de conclure :
— C’est le disulfo-2,3-flivorine qui affecte la relation du Pokémon avec son dresseur.
— Alors on peut passer à l’étape suivante, répondit Sophie.
Elle se tourna alors vers le Pokémon qui avait reçu le mauvais échantillon.
— Nous sommes désolés Monorpale. Guérilande, redonne lui un peu de joie, s’il te plaît.
Le fidèle assistant de Sophie utilisa sa capacité Aromathérapie et le Pokémon Glaive sembla s’apaiser petit à petit. Les dix cobayes furent invités à quitter la salle et la seconde étape pouvait débuter. Il fallait recomposer le polymère – l’assemblage de toutes les molécules – de l’Herbe Rappel sans la portion à l’origine du goût amer, autrement dit le disulfo-2,3-flivorine. La partie absente devait être remplacée par une autre.
— Nous avons les extraits d’Herbes Souveraines ? demanda Alexander.
— Oui, ils sont ici, répondit Sophie en saisissant le flacon remplit de liquide jaune.
Le choix des Herbes Souveraines pour remplacer une portion d’Herbe Rappel n’était pas sans raison. Les premières étaient des plantes médicinales rares mais cultivables depuis quelques années. Leur découverte s’était faite à Sinnoh, tout comme les Bourgeons Vivaces qui avait permis de fabriquer les Rappels. On ventait ses capacité d’amplification de l’efficacité des préparations médicinales.
La tâche d’Alexander et Sophie n’était pas des plus simples, ils devaient reformer le polymère, extraire le disulfo-2,3-flivorine, et intégrer la principale molécule de l’Herbe Souveraine. Jamais il n’avait réalisé ce genre d’expérience par le passé.
Ils réunirent les dix tubes contenant les molécules séparément et versèrent le contenu d’un premier échantillon dans un grand bécher. Deux burettes graduées étaient face eux, l’une d’elle sera constamment remplie d’eau étant donné que les Herbes Rappels viennent de milieu humide, et l’autre sera tour à tour rempli des échantillon n°2 à n°10. Pour s’assurer du bon déroulement de la synthèse du polymère ils devaient maintenir leur solution à une coloration verte.
L’opération débuta, le monosulfo-2-flivorine était versé au goutte à goutte, et l’eau elle aussi lorsque la coloration changeait. Ils enchaînèrent avec le monosulfo-3-flivorine et ainsi de suite. Ils obtinrent une solution de 200 mL mais pour assurer la liaison entre tous les composants ils devaient imprégner le tout d’une grande quantité d’énergie. À la manœuvre, Pichu déchargea une part de son électricité sur un électriseur qui la relargua sur le bécher. Désormais, ils avaient synthétisé le polymère d’Herbe Rappel.
— Une nouvelle étape réussie, dit Sophie, soulagée, mais le plus dur restait à venir.
— Oui. Bien joué Pichu. On approche du but.
Alexander et Sophie prélevèrent la moitié de leur solution dans un autre bécher. Ils préservaient donc du polymère de synthèse pour le comparer plus tard avec le nouveau polymère qu’ils allaient créer.
C’est en étudiant séparément les dix molécules actives des Herbes Rappel qu’ils avaient pu établir les propriétés de chacune. Concernant le disulfo-2,3-flivorine, ses atomes se séparaient à partir de 45°C. La subtilité était que la séparation de la plupart des autres molécules était très proche, sans toutefois être égale. Les deux scientifiques devaient donc monter la température à un point très précis et très rapidement pour avoir l’impact souhaité.
— Je plonge le thermomètre, annonça l’ancienne infirmière.
— J’enclenche la plaque de chauffage. Température réglée sur 45,0°C.
Après quelques minutes d’attente, ils posèrent l’un des béchers sur la plaque. Aussitôt, la solution s’agita légèrement et s’éclaircit. C’était le signe que le polymère était incomplet désormais. Il ne restait plus qu’à ajouter la principale molécule de l’Herbe Souveraine qu’ils avaient baptisée la royalane. Celle-ci donnait un liquide jaunâtre une fois extraite en grande quantité.
— Je verse la royalane, annonça une nouvelle fois Sophie.
La quantité injectée dans leur solution d’Herbe Rappel était de 20 mL, de sorte que tous les sites d’accrochage du disulfo-2,3-flivorine soient repris. Une grande quantité d’énergie devait encore être utilisée pour assurer la liaison. Selon le même procédé, Pichu se déchargea de l’électricité qu’il accumulait.
C’était bon ! Un nouveau polymère de synthèse avait été créé. La solution dorée n’avait plus qu’à être transformée en poudre en l’asséchant à 99%. Cette fois, ils la chauffaient à plus de 100°C, jusqu’à qu’il n’en reste que des petits grains.
Alexander et Sophie se prirent dans les bras en contemplant leur œuvre. Plus d’une décennie de travail, un long parcours pour parvenir à produire un médicament capable de soigner complètement les Pokémon inconscients. Du moins, il restait désormais la phase de tests. Alexander et Sophie saisirent le bécher de solution d’Herbe Rappel et celui de poudre avant de quitter le laboratoire. Leur destination n’était d’autre que le Centre Pokémon de Doublonville qui avait accepté de collaborer avec eux pour leurs recherches. La présence de Sophie en tant qu’ancienne infirmière Pokémon n’y était pas pour rien.
La plupart des dresseurs qui venaient ici étaient des participants de la Ligue Pokémon. Doublonville, tout comme Mauville d’où provenait Sophie, abritait une arène Pokémon. Ici, c’était la championne Marion spécialiste du type Fée qui décernait un badge. Sans surprise, c’était donc des patients blessés par ses Pokémon, ses célèbres Mélodelfe et son Charmilly, qui venaient pour être soignés.
— On vient tout juste d’accueillir les trois Pokémon d’un jeune garçon, annonça l’infirmière responsable du centre.
Celle-ci conduisit Alexander et Sophie jusqu’à la salle dans laquelle ils patientaient. C’étaient un Macronium, un Feurisson et un Crocrodile. Voilà donc les trois premiers patients à tester leur nouvelle molécule. Ce n’était que les premiers tests bien évidemment, s’ils étaient concluants, ils devraient les effectuer à plus grande échelle avant de lancer la production de ce médicament.
— Eh bien, qu’attendons-nous ? lança Alexander.
Sophie, bien plus habile avec les Pokémon que son compère, se chargea de faire ingérer leur substance à chaque patient. Aucune réaction immédiate fut observée. Alors, comme à chaque fois, il ne fallait plus qu’attendre.
Ils se rendirent à l’accueil du Centre Pokémon où se trouvait un petit coin détente. La tension montait minute après minute. Bien qu’ils avaient vécu cela de nombreuses fois par le passé, notamment lors de l’élaboration de la molécule du Rappel, cette situation était d’autant plus stressante qu’ils ne voyaient pas d’autres moyens pour parvenir à reproduire les Herbes Rappel sans leur goût amer. Cela faisait treize ans qu’ils s’étaient lancés dans l’aventure et ils touchaient peut-être au but.
Alexander était enfoncé dans son siège, le regard baissé et les jambes tremblantes. Sophie regardait le plafond et tapotait sur l’accoudoir.
— Je suis sûre que cela va marcher.
Le botaniste releva la tête.
— J’en espère autant, mais…
— Nous sommes à l’aube d’un grand changement.
Alexander haussa les sourcils, surpris par cette déclaration.
— Je ne peux que me rappeler de ma grand-mère. Tu te souviens ? Mamie Marie-Pierre, elle est décédée il y a quatre ans, peu de temps avant que nos Rappels soient approuvés par le Comité Médical International.
— Oui. Je m’en souviens parfaitement. On avait même fait une pause quelques temps suite à cela.
Cette fois, Sophie regarda Alexander droit dans les yeux.
— C’est en la voyant travailler que j’ai eu envie de faire ce métier-là, infirmière Pokémon. Pourtant, à cette époque on ne l’appelait pas « infirmière », non. C’était soigneuse Marie-Pierre, je m’en rappelle. Elle se servait de jus de bais pour rétablir les Pokémon blessés. Je me souviens que mon grand-père avait même réalisé une peinture d’elle et de son Caratroc pour l’un de ses anniversaires. Si elle était encore là, je suis sûre et certaine qu’elle serait admirative de tout notre travail.
— Tu veux dire, que l’on permette aux gens de soigner leurs Pokémon bien plus rapidement et efficacement.
— Oui. Nous allons changer le monde, c’est certain. Sinnoh a créé les Potions et toutes leurs versions. Nous, nous avons créé les Rappels, et bientôt… les Rappels Max.
Alexander sourit, et Sophie partagea à son tour la même expression.
— C’est un joli nom, dit-il.
Les mots de Sophie avait apaisé le botaniste. Par la même occasion, ils l’avait aussi apaisée elle-même. Elle repensait à sa grand-mère, à son modèle de lorsqu’elle avait débuté son métier aux côtés de Guérilande. Voilà maintenant des décennies à soigner des Pokémon et en plus à chercher de nouveaux remèdes. Avec Alexander, ils venaient peut-être de mettre au point le meilleur remède qui soit.
L’infirmière du centre apparut accompagnée de son Leveinard. Les deux collègues se relevèrent, une once de stress avec eux.
— Je crois que vos patients ont montré des premiers signes.
— Oh ? Allons-y ! déclara Alexander, pressé.
Ils accoururent vers la chambre de leurs patients. Macronium, Feurisson et Crocrodile étaient toujours allongés sur leurs lits respectifs, mais tous trois ouvraient d’ores et déjà les yeux. Alexander et Sophie les étudièrent minutieusement.
— Des signes de dégoût ?
— À première vue, non, répondit Sophie, tout de même prudente.
Les trois Pokémon étaient surpris par la façon dont les deux scientifiques les scrutaient.
— Vous pouvez faire venir leur dresseur ? demanda Sophie.
— Oui, bien sûr.
L’infirmière s’absenta le temps de revenir avec un jeune garçon. Dès qu’il arriva, les trois Pokémon s’agitèrent. Non pas méchamment, mais plutôt remplis de joie. Le goût amer avait-il donc été ôté pour de bon ? Le dresseur put prendre dans ses bras les trois Pokémon sans que ceux-ci le repoussent.
Cette fois c’était la bonne, Alexander et Sophie avaient réussi. Ils venaient de mettre au point le premier Rappel Max.
FIN
Notes :
• Ça aura été un plaisir d’utiliser la fonction « Page au hasard » de Poképédia tout au long de l’écriture pour déterminer les Pokémon qui visitent le Centre Pokémon ou le laboratoire d’Alexander et Sophie. Je reprécise qui si cela me conduisait à des Légendaires ou des Fabuleux, je ne les comptais pas.
• J’ai choisi que dans le passé les « Centres Pokémon » étaient appelés « Établissement de soin Pokémon » pour donner un côté plus rural, moins évolué. Les techniques pour soigner les Pokémon étaient très locales contrairement au présent où le centre reçoit ses médicaments grâce à des livraisons. (Chapitre 2 & 3)
• Pour ce qui est de la fabrication des objets de soin j’ai tenté de mixer les méthodes de LPA et les proportionnalités des autres jeux.
• Comme vous l’aurez sûrement compris, tout au long de la fic’ j’évite le terme « K.O. » et préfère dire que les Pokémon sont « inconscients » ou « très affaiblis ».
• Les molécules citées dans le laboratoire sont fictives – en principe – mais sont inspirées des flavonoïdes et des tanins, composantes des plantes aux propriétés diverses.
• J’ai essayé de garder une histoire assez simple en raison du temps limité pour l’écrire, ne m’en voulez pas pour la facilité de certains événements.
• Le dernier chapitre a un peu un côté « cours de chimie » mais j’étais obligé de passer par là pour mon intrigue.
• Le bond dans le temps de 13 ans est une allusion à l’intervalle de temps entre la découverte de la pénicilline et la production d’antibiotiques.
• Le prénom Alexander est bien évidemment une référence à Alexander Fleming.
• L’un des objectifs de la fic’ était de justifier pourquoi on ne peut pas acheter de Rappels Max et de Max Élixirs dans les boutiques. Mon explication est, qu’étant des médicaments aux effets maximaux sur les PV et le PP, ils sont réservés aux Centres Pokémon et c’est ainsi que, dans les jeux, tous les Pokémon qui sont soignés là-bas récupèrent tous leurs PV et PP.
• Le sujet de ma fic’ était donc les technologies médicales, avec un angle double : le présent qui se retrouve avec les moyens du passé et le passé qui créé les moyens du présent (du futur pour eux).