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Jusqu'à ce que les vagues cessent de nous bercer de Ramius



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Informations

» Auteur : Ramius - Voir le profil
» Créé le 04/08/2022 à 17:22
» Dernière mise à jour le 04/08/2022 à 17:42

» Mots-clés :   Absence de poké balls   Aventure   Conte

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Prologue
Elle est seule.

Elle n’arrive pas à croire qu’ils aient pu la laisser. Seule, isolée, à la merci du premier Collier d’Os venu, sans aucun garde auprès d’elle, sans aucun Grandes-Oreilles pour la porter. Abandonnée.

Enfin, c’est aussi sa faute… Si elle n’avait pas perdu du temps à plier cette tente qui lui broyait le dos, si elle avait pris le temps de nouer son turban correctement en remarquant qu’elle était la dernière à partir, elle aurait évité cette insolation. Elle ne se serait pas abattue tête la première dans le sable, elle n’aurait pas perdu la colonne.

Et dire qu’ils ne l’ont pas remarquée ! Bien sûr, elle était en queue et le village s’efforçait de ne pas perdre trop de distance avec les Cactus-Rythme au cas où ils continueraient leur périple pendant la nuit, ou franchiraient un reg. Mais elle ne peut pas s’empêcher d’être choquée. Elle aurait dû se réveiller dans un harnais, transportée par un Grandes-Oreilles par-dessus sa cargaison de Balles de Sable. Les nomades prennent soin les uns des autres. Personne ne reste derrière.

N’empêche qu’elle est seule. À la merci du premier venu.

La piste des monstres végétaux autour desquels s’établit le village reste au creux des dunes, suivant leurs tracés paisibles chaque fois que possible et ne remontant sur les crêtes que s’il n’y a pas d’autre choix. Ils cherchent à empêcher l’odeur enivrante de leurs fleurs de les signaler au reste du désert. Elle n’est pas tranquille en la suivant : elle aurait préféré être au sommet des dunes et voir alentour… Mais les Cactus-Rythme sont pratiquement aveugles. Alors en suivant leurs pas hésitants, elle jette de fréquents coups d’œil autour d’elle.

Le Scorpion de la Terre la scrute avec convoitise depuis la crête de la dune, un peu sur sa gauche.

Elle se fige. Cela ne servirait à rien de fuir. Les pattes insectoïdes de ce monstre peuvent courir à une vitesse impossible, il la rattraperait, et elle n’ose pas détourner son regard de sa tête inhumaine pendant qu’il descend souplement la pente. Elle va mourir. Par négligence. Violemment.

Soudain le monstre ralentit, s’immobilise prudemment à quelques pas devant elle dans le vallon de sable, sans qu’elle ne voie pourquoi. Elle est si terrifiée par la vision de ces dards couverts d’une croûte de sang séché qu’elle ne remarque le bourdonnement qu’au dernier moment.

Un Esprit du Désert glisse souplement entre elle et le Scorpion, stridulant de façon menaçante pour intimider le monstre. En vain : le Scorpion montre les dents.

Un second Esprit apparaît souplement derrière lui, et parvient à obtenir un mouvement de côté plus prudent. D’autres crachotements font bouillir l’air. Ces deux Esprits doivent être un couple — hors de question de blesser l’un sans provoquer la fureur de l’autre. Chacun d’eux est déjà placé plus haut que le Scorpion dans la chaîne alimentaire : en couple, ils peuvent même menacer leur propre prédateur. Le roi du désert, le Démon des Sables. Face à ce danger, le Scorpion renâcle, et admet qu’il n’a aucune chance ; ses courtes pattes s’agitent pour le porter loin de là, abandonnant sa proie.

Cette dernière déglutit difficilement en voyant le regard à facette des Esprits se reporter sur elle, leurs mandibules se délectant d’avance à l’idée du repas qu’ils viennent de gagner, leurs antennes frémissant de contentement. Même à deux, rien ne garantit qu’ils seront aussi rapides que le Scorpion l’aurait été…

« Vous allez bien ? »

Elle se retourne, surprise — un homme vient de descendre la pente de la dune, par le même chemin que les Esprits, son habit blanc maculé de sable comme s’il était tombé. Un homme de la côte au visage pâle comme le sable. Elle veut répondre, mais sa voix se brise.

« Je…

— Ça doit vouloir dire non. Mais ne vous inquiétez pas, personne ne vous mangera aujourd’hui ! »

Ça part d’une bonne intention, et elle voudrait sourire pour masquer le frisson d’horreur que lui ont inspiré ces mots et l’apparence profondément autre de l’étranger. Mais elle ne parvient à afficher qu’un rictus.

« Les Esprits, ils…

— Oui, ils ont senti que quelqu’un mourrait de terreur et nous nous sommes approchés.

— Alors vous… Vous m’avez sauvé la vie.

— Qu’est-ce qui vous est arrivé ? Pour être seule, je veux dire.

— Oh, je— trois fois rien, je me… J’ai attrapé une insolation… »

L’homme en blanc n’a pas l’air de comprendre ce que cela signifie pour une nomade, de lire sur son visage les marques de la honte. En fait, lui-même semble avoir une dent contre le soleil, vu l’éclat singulier de son habit.

« Ça nous arrive à tous, assure-t-il. Mais votre village ne doit pas être très loin ! Nous pouvons vous y ramener, si vous voulez. »

Avec les deux Esprits qui ouvrent des yeux attentifs, comme s’ils comprenaient les mots humains ? Mais dans l’état où elle est, cela ne la choque même pas outre mesure. Elle s’étonnera plus tard de ces prédateurs n’attaquant pas ; sur le coup, l’idée de voler, dangereuse et tentatrice, est la seule qui parle à son esprit encore secoué. Dérober le privilège des grands prédateurs…

« Si ça ne vous dérange pas…

— Mais non, je m’en voudrais de laisser quelqu’un seule au milieu des sables. »

Il lui tend la main, et l’un des deux Esprits vient se poser au sol à côté d’eux.

« Je ne connais même pas votre nom, demande-t-elle.

— Tograz.

— Et moi, Sahirinn…

— Enchanté ! »