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Disparition de Suroh



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Informations

» Auteur : Suroh - Voir le profil
» Créé le 25/10/2019 à 23:30
» Dernière mise à jour le 25/10/2019 à 23:30

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Le réveil du Professeur
Bourdonnement dans les oreilles. Chape de fatigue qui rend toute pensée pesante, lourde, et toute réflexion semblable à l’activité la plus ardue qui soit. Mal de crâne qui vous donne l’impression que votre tête va se déchirer. Impossible de penser à autre chose que cette douleur insupportable et désagréable qui vous accable.

Et puis le temps. Est-ce que ça faisait quelques secondes, quelques minutes, quelques jours ou quelques mois qu’il était là ? Ça faisait longtemps, mais pas si longtemps que cela. Le temps se dilatait dès que son esprit embrumé et embrouillé combattait pour faire naître des idées, le temps perdait tout sens pour le Professeur Chen.

Son esprit était perdu entre le monde conscient et celui de l’inconscient. Et il ne sentait son corps que d’une seule façon : un ancrage pesant au monde l’empêchait de s’évader par l’esprit comme il le voudrait. Car sans ce corps il serait déjà loin… Il serait près de sa belle, de celle qu’il doit retrouver… Il espérait ardemment qu’elle allait bien.

Tout n’étant que diffus, que sentiment toujours mêlé de peur, de brume et d’inconstance. Ses pensées naissaient dans sa tête, mais aussi dans ses pieds, dans ses paumes et dans ses poumons. Elles nageaient en lui avant de s’évanouir, ce qui contribuait à rendre le corps du pauvre Professeur toujours plus lourd, et sa pensée toujours plus massive et dense.

Puis une parole, une vibration dans l’air troubla le déroulement de ces idées. Ces mots claquèrent dans l’air, comme le fouet qui enflamme la peau d’un prisonnier.

« Tu vas te réveiller, bon sang ?! »

La personnalité du Professeur émergea du magma difforme et pesant d’impressions et de sentiments qui régnait auparavant dans sa tête.

Il s’éveillait, tout pataud. Ses mains prenaient appui sur le lit de ferraille sur lequel il dormait. Une impression vive de déjà-vu le frappa.

« On va pas attendre mille ans, magne-toi, sale traître ! » cria une ombre derrière les barreaux de ce qui était la geôle du Professeur Chen.

Le gardien ouvrit la porte de la cellule dans un grincement strident. Le Professeur mit ses mains sur ses oreilles vrillées par ce gémissement.

« Magne-toi, je t’ai dit ! »

Le gardien empoigna le coude du Professeur pour le relever de force. Ce contact répugnant acheva de réveiller le pauvre hère, qui en ressentit une douleur vive.

Le Professeur marmonna une plainte, qui passa bien inaperçue. Il fut tiré hors de sa prison de fer par une main qui semblait être elle-même de fer. Les chaînes qui liaient entre elles ses chevilles raclaient le sol. Celles qui enfermaient ses poignets, lourdes, blessaient notre homme.

Il fut ainsi mené à travers des couloirs sombres et des escaliers froids. Une lumière tremblotante et artificielle éclairait mal ce dédale repoussant à travers lequel, comme deux ombres, se déplaçaient dans un bruit de chaîne les deux hommes.

Comme s’ils revenaient des entrailles de la terre, ces deux âmes arrivèrent dans une pièce extrêmement moderne, avec d’immenses baies vitrées donnant sur une mer calme.

« Est-ce là une façon d’aider un homme à se tenir debout ? »

Cette voix douce, calme et posée résonna dans la salle avec prestance et charisme. Chaque mot, prononcé avec un détachement appuyé mais naturel, vibrait agréablement dans l’air.

« O-oui mon… Monsieur Giovanni ! » s’écria le cerbère, qui baissa la croupe avant d’aider avec beaucoup plus de délicatesse le Professeur Chen. Il détacha aussi les chaînes du Professeur et s’en alla avec sans demander son reste.

Le dénommé Giovanni était assis sur un fauteuil de velours vert, son Persian allongé sur ses genoux. Il caressait doucement et machinalement de sa main droite la matière de l’un des accoudoirs. Son dos, droit et digne, donnait à l’homme l’allure et la prestance d’une statue antique.

« Samuel Chen… De quoi vous souvenez-vous, bel ami ? Les récents évènements nous ont montré que vous étiez capable d’une redoutable inventivité, mais j’ai cru comprendre qu’ils avaient provoqué des… Effets indésirables. Et ce, à bien des niveaux. »

Le Professeur ne répondit pas immédiatement. Il gardait des séquelles de cet engourdissement qui l’avait affecté quelques heures auparavant.

« Oh, je vois. Je leur avais pourtant dit de ne pas abuser de cette drogue qu’ils ont utilisée pour que vous ne fassiez pas de vagues pendant ces quelques jours que vous avez passés sur mon île ici. Je m’occuperai de leur cas plus tard, cher Chen, vous le méritez bien, étant donné tout ce que vous avez fait pour nous.

— Tout… Tout ce que j’ai fait pour vous ? répéta sans comprendre le Professeur.

— Comprenez bien une chose, c’est qu’ici rien n’est dû au hasard. Ce qui vous arrive depuis que l’on vous a retrouvé évanoui à Shrimp peut vous sembler décousu, mais croyez-moi, il n’en est rien. Tout est lié, mon ami, tout. Vous nous avez causé plus de soucis que je ne l’aurais cru, mais vous voilà enfin de retour parmi nous ! » s’écria Giovanni, triomphant.

Naturellement, le Professeur ne comprenait pas. La mémoire lui faisait défaut.

« Vous, là ! ordonna Giovanni d’un claquement de langue impérieux. Amenez une chaise pour notre invité, nous allons discuter quelque temps tous les deux. Aussi, je vous demanderai de par la suite quitter les lieux, cette conversation restera privée, ou bien vos têtes tomberont. Ai-je été clair ? »

Tous les sbires de la pièce, que le Professeur n’avait pas remarqués, exécutèrent en un rien de temps les ordres de Giovanni. Puis ils partirent.

Le Professeur Chen, n’ayant rien d’autre à faire, obtempéra et s’assit sans bruit. Il jeta un œil à travers les baies vitrées et ne put s’empêcher de penser au soleil qui irradiait, à la beauté de cette mer calme, qu’il appréciait d’autant plus qu’il avait eu bien peur de la tempête dont il avait fait les frais auparavant. Et, tout en détaillant pour lui-même tout ce que l’extérieur avait de naturel, il était conscient qu’il ne faisait cela que pour ignorer cette maxime qui revenait inlassablement : « Je te retrouverai. »

Giovanni quant à lui se leva, alla près des baies vitrées, et prit la parole.